Cour fédérale |
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Federal Court |
[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]
Toronto (Ontario), le 3 mai 2011
En présence de madame la juge Snider
ENTRE :
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et
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MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT
[1] Le défendeur, M. Ming You Chen, souhaite parrainer sa femme, Mme Mei Ling Lin, pour permettre son entrée au Canada. Dans une décision rendue le 23 février 2009, la demande de résidence permanente de sa femme dans la catégorie du regroupement familial a été rejetée par un agent des visas (l’agent), principalement parce que ni elle ni le défendeur n’avaient les moyens de soutenir la femme du défendeur au Canada. Le défendeur a porté la décision en appel devant la Section d’appel de l’immigration (la SAI) de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié. Dans une décision rendue le 16 novembre 2010, un tribunal de la SAI a accueilli l’appel. Le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration sollicite un contrôle judiciaire de la décision de la SAI.
[2] Le défendeur a avisé la Cour qu’il [traduction] « ne souhaite plus prendre part à la présente instance de la Cour fédérale » et qu’il devait être considéré comme étant un [traduction] « défendeur qui ne s’oppose pas ». Le défendeur n’a pas comparu à l’audition du contrôle judiciaire.
[3] Je suis convaincue que la présente demande de contrôle judiciaire de la décision de la SAI doit être accueillie parce qu’une grave violation des règles de l’équité procédurale a eu lieu.
[4] Le 20 mars 2009, le défendeur a déposé un avis d’appel devant la SAI. Il n’en a rien résulté jusqu’au 29 juillet 2010, lorsque la SAI a envoyé une lettre au défendeur lui demandant :
[traduction]
[…] des observations écrites et tout document qui peuvent aider à régler l’appel sans le recours à une audience, et déterminer si l’appel peut être réglé plus rapidement lors d’une audience ou s’il est préférable d’examiner les preuves « en chambre ».
[5] Dans une réponse datée du 30 août 2010, l’avocat du défendeur a présenté des observations écrites à la SAI sur le fondement de l’appel. Le ministre n’a présenté aucune observation.
[6] Le 4 novembre 2010, la SAI, en chambre, et apparemment en se basant sur les observations écrites du défendeur, a accueilli l’appel. Les motifs de la SAI sont courts :
Il est fait droit à l’appel. Le dossier sera renvoyé au bureau des visas pour qu’il soit établi si les documents maintenant reçus dissipent les préoccupations des agents au sujet de la question relative à l’article 39, et pour la poursuite du traitement de la demande s’il y a lieu.
[7] Le ministre était conscient qu’un appel avait été entamé. Il appert que le ministre a reçu un avis de l’existence d’un appel parce qu’une copie de la lettre envoyée au défendeur lui demandant de présenter des observations écrites avait été envoyée à l’avocat du ministre et que l’avocat du défendeur avait également envoyé à l’avocat du ministre une copie de ses observations écrites.
[8] Toutefois, le ministre n’a jamais reçu d’avis de la part de la SAI l’informant qu’elle rendrait sa décision en se fondant sur les réponses à la lettre du 29 juillet 2010 et sans donner la possibilité de lui fournir d’autres arguments ou observations. La SAI a expressément demandé des observations écrites uniquement du défendeur dans le but de déterminer s’il était nécessaire de tenir une audience ou s’il était possible de régler l’appel sur la base des observations écrites. L’unique date dans la lettre était celle à laquelle le défendeur devait présenter au plus tard ses observations écrites et il n’y avait aucune mention d’une date à laquelle le ministre devait présenter au plus tard ses observations écrites. En procédant comme elle l’a fait, la SAI a brimé le droit du ministre à être entendu, commettant ainsi une grave violation d’un des droits les plus fondamentaux d’une partie à une instance.
[9] Il faut conclure de ces faits qu’il était manifestement inéquitable de la part de la SAI de rendre une décision sans aviser les deux parties qu’elle était prête à rendre sa décision sans donner la chance de participer à l’une des deux parties. Le demandeur n’a pas eu la chance de participer et de se faire entendre de manière significative lors de l’appel. Par conséquent, la SAI a enfreint les règles de la justice naturelle, violant ainsi l’une des règles fondamentales du processus accusatoire (Globe and Mail c. Canada (Procureur général), 2010 CSC 41, au paragraphe 74). Une telle violation équivaut à une erreur de droit et à un manquement à la justice naturelle (Goyal c. Canada (Minister of Employment and Immigration) (1992), 142 N.R. 176 (C.A.F..); Ke c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (1995), 31 Imm. L.R. (2d) 309, au paragraphe 16 (C.F. 1re inst.); Oriji c. Canada (Procureur général) (2002), 228 F.T.R. 73, au paragraphe 16).
[10] La demande sera accueillie. Aucune question de portée générale n’a été proposée pour certification.
JUGEMENT
1. La demande de contrôle judiciaire est accueillie et l’affaire renvoyée pour réexamen à un tribunal de la SAI différemment constitué;
2. Aucune question de portée générale n’est certifiée.
« Judith A. Snider »
Traduction certifiée conforme
Jacques Deschênes, LL.B.
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : IMM-6946-10
INTITULÉ : MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION c. MING YOU CHEN
LIEU DE L’AUDIENCE : TORONTO (ONTARIO)
DATE DE L’AUDIENCE : LE 2 MAI 2011
DATE DES MOTIFS : LE 3 MAI 2011
COMPARUTIONS :
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Vladimir Semyonov
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POUR LE DÉFENDEUR |
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Sous-procureur général du Canada
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Vladimir Semyonov Avocat Toronto (Ontario) |
POUR LE DÉFENDEUR
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