Montréal (Québec), le 31 janvier 2009
En présence de monsieur le juge Shore
ENTRE :
et
LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE
ET DE LA PROTECTION CIVILE
MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT
Introduction
[1] Lorsqu’elle examine une demande de sursis à l’exécution d’une mesure de renvoi, la Cour n’est pas tenue de décider si la position du demandeur concernant la question sérieuse, le préjudice irréparable et la prépondérance des inconvénients est claire, douteuse ou inexistante.
[2] Comme l’octroi d’un sursis constitue une mesure exceptionnelle, le poids accordé aux éléments de preuve soumis par les deux parties doit être examiné attentivement. C’est cet examen qui permet à la Cour de formuler un exposé des faits, autant que cela est possible, permettant de répondre au critère à trois volets énoncé dans l’arrêt Toth (Toth c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration) (1988), 86 N.R. 302 (C.A.F.).
La procédure judiciaire
[3] Il s’agit d’une requête en sursis à l’exécution de la mesure de renvoi prise contre le demandeur. Le renvoi est prévu pour le dimanche 1er février 2009.
L’historique
[4] Le 4 décembre 1998, le demandeur s’est vu octroyer un visa de visiteur par le bureau des visas canadiens à Kiev (Ukraine). Ce visa était valide jusqu’au 9 juin 1999.
[5] Le demandeur est entré au Canada le 10 décembre 1998. Le 13 octobre 1999, le demandeur a présenté une demande d’asile. Sa demande d’asile a été rejetée et la décision lui a été envoyée par courrier le 26 janvier 2001.
[6] Le 21 février 2001, le demandeur a déposé une demande d’autorisation et de contrôle judiciaire à l’encontre de la décision défavorable rendue par la Section de la protection des réfugiés. La demande d’autorisation a été rejetée le 6 juin 2001.
[7] Le demandeur ne s’est pas présenté à une entrevue préalable au renvoi le 19 août 2002 et un mandat d’arrestation a été délivré contre lui le 20 août 2002.
[8] Le demandeur a été arrêté le 27 août 2004 et il a été gardé en détention. Par la suite, il a été libéré moyennant un cautionnement en espèces de 3 000 $ et d’autres modalités.
[9] Le 1er novembre 2004, le demandeur a présenté, sans répondant, une demande fondée sur des considérations humanitaires (demande CH).
[10] Le 15 novembre 2004, le demandeur a été déclaré admissible à présenter une demande d’examen des risques avant renvoi (ERAR). La demande d’ERAR a été reçue le 30 novembre 2004. Elle a été rejetée le 11 mai 2005 et la décision défavorable rendue à l’issue de l’ERAR a été signifiée en main propre au demandeur le 11 juillet 2005.
[11] Le 21 juillet 2005, le demandeur a déposé une demande d’autorisation et de contrôle judiciaire de la décision défavorable rendue à l’issue de l’ERAR ainsi qu’une requête en sursis à l’exécution de la mesure de renvoi prise contre lui. La requête en sursis à l’exécution de la mesure de renvoi a été entendue et rejetée par la juge Snider le 3 août 2005. Une recherche sur le site Web de la Cour fédérale indique que, le 4 août 2005, le demandeur a déposé un avis de désistement à l’égard de sa demande contestant la décision défavorable rendue à l’issue de l’ERAR.
[12] Par la suite, le demandeur ne s’est pas présenté à son deuxième renvoi le 4 août 2005. Le 10 août 2005, un mandat d’arrestation a été délivré contre lui.
[13] Le 12 juillet 2007, la demande CH du demandeur a été examinée et transmise à la section ERAR pour une évaluation des risques car le demandeur avait soulevé les mêmes risques qu’il avait allégués dans sa demande d’ERAR. La demande CH est toujours en instance à la section ERAR.
[14] Le demandeur a été arrêté le 24 janvier 2009 et a été gardé en détention. La détention a été recommandée jusqu’à ce que son renvoi du Canada soit confirmé. Des dispositions en vue de son renvoi ont été prises et une convocation à se présenter en vue de son renvoi lui été signifiée en main propre le 24 janvier 2009. Un départ en avion a été prévu pour le 1er février 2009.
[15] Le 29 janvier 2009, une traductrice employée par la nouvelle avocate du demandeur s’est rendue au Centre d’exécution de la Loi du Toronto métropolitain (CELTM) et a parlé à l’agente d’exécution qui s’occupait du dossier du demandeur. Elle a demandé à l’agente d’exécution de surseoir au renvoi du demandeur jusqu’à ce qu’une décision soit rendue quant à la demande CH en instance. Rien ne prouve que cette traductrice a été autorisée à représenter le demandeur et il semble qu’aucune autorisation n’a été présentée à l’agente d’exécution. Rien ne prouve également que le traducteur a fourni à l’agente une preuve étayant la demande du demandeur. L’agente a mentionné que le demandeur pouvait présenter une demande écrite qui serait examinée en temps opportun avant son renvoi.
[16] Le 30 janvier 2009, le demandeur a déposé une demande d’autorisation et de contrôle judiciaire à l’encontre du refus de surseoir à l’exécution de la mesure de renvoi ainsi qu’une requête en sursis à l’exécution de la mesure de renvoi prise contre lui.
La question en litige
[17] Le demandeur a‑t‑il satisfait aux trois volets du critère conjonctif applicable au sursis?
L’analyse
[18] Le critère applicable à l’octroi d’une ordonnance sursoyant à l’exécution d’une mesure de renvoi est le suivant :
a. Existe‑t‑il une question sérieuse à trancher?
b. Le refus d’accorder le sursis cause‑t‑il un préjudice irréparable à la partie qui demande ce sursis?
c. Le refus d’accorder le sursis cause‑t‑il, selon la prépondérance des inconvénients, le préjudice le plus grave à la partie qui demande ce sursis.
(Voir : Toth, précité; R.J.R.-MacDonald Inc. c. Canada (Procureur général), [1994] 1 R.C.S. 311)
[19] Le critère applicable à l’octroi d’un sursis est conjonctif et le demandeur doit par conséquent satisfaire à chacun des trois volets de ce critère.
La question sérieuse à trancher
[20] Ce n’est pas la première fois que le demandeur dépose une requête en sursis à l’exécution d’une mesure de renvoi. Selon le système de dossier électronique de la Cour fédérale, le 21 juillet 2005, le demandeur a déposé à la Cour deux requêtes en sursis à l’exécution d’une mesure de renvoi prise contre lui en attendant que les demandes de contrôle judiciaire de la décision défavorable rendue à l’issue de l’ERAR et du refus de surseoir au renvoi soient tranchées. Ces requêtes ont été entendues et rejetées par la juge Snider le 3 août 2005. Les numéros de dossier relatifs à ces demandes étaient IMM-4414-05 et IMM-4413-05.
[21] Dans son ordonnance, la juge Snider a déclaré que la décision de l’agente d’exécution de ne pas surseoir à l’exécution de la mesure de renvoi ne soulevait aucune question sérieuse à trancher parce que la demande CH du demandeur n’avait pas été déposée en temps opportun. La juge Snider a également conclu que les arguments de préjudice formulés par le demandeur n’étaient étayés par aucun élément de preuve et que le comportement du demandeur était tel que la prépondérance des inconvénients penchait en faveur du défendeur.
[22] En rendant l’ordonnance, la Cour a déclaré ce qui suit :
[traduction]
La prépondérance des inconvénients ne penche pas en faveur du demandeur. Il ne s’est pas présenté à l’entrevue préalable à son renvoi en août 2002. Il n’a pas tenu CIC informé quant à ses allées et venues. Un mandat d’arrestation a été délivré contre lui et il est demeuré non exécuté pendant deux ans avant qu’il soit finalement arrêté relativement à une autre affaire. Dans ces circonstances, l’intérêt public à ce que les lois canadiennes en matière d’immigration soient respectées et à ce que les mesures de renvoi soient exécutées le plus tôt possible l’emporte sur l’intérêt du demandeur. (Petrovych c. Le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration, (3 août 2005) Ottawa IMM-4413-05, IMM‑4414‑05).
Le demandeur ne s’est pas présenté à son renvoi
[23] Le 10 août 2005, un mandat d’arrestation a été délivré contre le demandeur; ce n’est que le 24 janvier 2009 qu’il a été exécuté, et ce, après enquête. Le demandeur est gardé en détention depuis ce temps dans l’attente de son renvoi car il risque de s’enfuir.
[24] La mauvaise conduite du demandeur en l’espèce est grave et elle est aggravée par le fait qu’il n’en a fait aucune mention dans son dossier de requête en sursis.
[25] La Cour a conclu la même chose dans une série de décisions, notamment dans Kathirvelu c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2003 CF 1404; Antonucci c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1996] A.C.F. no 1320 (1re inst.) et Araujo c. M.C.I. (27 août 1997), Dossier no IMM-3660-97 (CFPI), décision dans laquelle la juge McGillis a refusé d’exercer sa compétence qu’elle possède en equity de surseoir à l’exécution de la mesure de renvoi à laquelle le demandeur a décidé de ne pas se conformer en ne se présentant pas à son renvoi. La juge McGillis a déclaré ce qui suit :
La Cour entend régulièrement des demandes visant à faire surseoir à l’exécution de mesures d’expulsion. Toutefois, en l’espèce, le demandeur n’a pas engagé l’instance en temps opportun, et il a décidé de ne pas se conformer à une mesure d’expulsion valide. Il est donc au Canada illégalement et il fait l’objet d’un mandat d’arrestation non encore exécuté. Eu égard aux circonstances, le demandeur ne peut pas demander à la Cour d’exercer la compétence qu’elle possède en equity pour surseoir à l’exécution de la mesure à laquelle il a décidé de ne pas se conformer. La demande de tenue d’une audience en priorité est rejetée.
[26] Dans Duboulay c. M.S.P.P.C. (7 janvier 2007), Dossier no IMM-216-07 (C.F.), la Cour a également insisté sur l’importance que les demandeurs mentionnent tous les faits pertinents dans leurs documents lorsqu’ils demandent l’octroi rapide d’un sursis à l’exécution d’une mesure de renvoi. La Cour a souligné que les faits relatifs à un demandeur qui n’a pas respecté la loi et qui ne s’est pas présenté à son renvoi étaient [traduction] « très pertinents » à cet égard. La Cour a décidé de ne pas entendre la requête de la demanderesse [traduction] « car cela aurait pour effet de récompenser la demanderesse pour avoir décidé de ne pas respecter les lois canadiennes ».
[27] Il convient par ailleurs de souligner que les dispositions actuelles prises en vue du renvoi du demandeur ont découlé de son arrestation et de sa détention survenues le 24 janvier 2009. Ces mesures d’exécution étaient directement attribuables au fait que le demandeur ne s’était pas présenté à son renvoi en août 2005 après que la Cour eut rejeté sa requête en sursis.
La preuve insuffisante présentée à l’agente d’exécution pour étayer la demande de report
[28] La Cour a conclu que c’est clairement au demandeur qu’il revient, en toute circonstance particulière, de prouver que le report de l’exécution d’une mesure de renvoi est justifié. Dans John c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2003 CFPI 420, la juge Snider a conclu ce qui suit aux paragraphes 22 à 24 :
En outre, il m’apparaît que le fardeau de présenter des éléments de preuve convaincants au soutien du report, y compris, le cas échéant, des éléments de preuve touchant l’intérêt supérieur de l’enfant, appartient carrément à la personne qui tente d’obtenir un report. De vagues mentions de préoccupations financières ou des prétentions non corroborées à l’égard du fait qu’il n’y a pas d’autres personnes susceptibles de s’occuper des enfants ne devraient pas être suffisantes et de façon certaine, à mon avis, n’ont pas pour effet de transférer à l’agent le fardeau de faire des enquêtes et d’autrement dénicher de meilleurs renseignements.
[29] En l’espèce, le demandeur n’a pas présenté suffisamment d’éléments de preuve à l’agente d’exécution pour prouver qu’un renvoi est justifié dans les circonstances. Selon l’affidavit de la traductrice, celle‑ci a demandé à l’agente de reporter le renvoi parce que la demande CH du demandeur n’a pas encore été tranchée et parce que le demandeur prétend qu’il sera exposé à des risques s’il retourne en Ukraine. L’agente a invité le demandeur à demander par écrit le report de son renvoi et l’a avisé que sa demande serait examinée en temps opportun. Le demandeur ne l’a pas fait et il prétend maintenant que l’agente s’est conduite de façon déraisonnable. Rien ne prouve que la traductrice a remis à l’agente une copie des observations relatives aux considérations CH ou remis quelque autre élément de preuve que l’agente pourrait examiner afin de déterminer si le report est opportun. Une simple demande de report qui n’est étayée par aucune preuve ne transfère pas à l’agent le fardeau de produire et d’examiner les éléments de preuve qui peuvent étayer la demande du demandeur.
[30] Il est bien établi en droit qu’une demande CH en instance, en soi, ne suffit pas à justifier le report du renvoi d’une personne du Canada. La jurisprudence a conclu qu’il doit y avoir des circonstances personnelles impérieuses pour justifier une demande de report. La Cour a également conclu que, parfois, une demande CH qui a été déposée en temps opportun et qui n’a pas encore été tranchée en raison d’arriérés dans le système peut constituer une raison valable de reporter un renvoi; toutefois, en l’espèce, la demande CH du demandeur n’a pas été déposée en temps opportun car elle n’a été déposée que deux ans après que le demandeur ne se fut pas présenté à son renvoi. De plus, tout degré d’établissement qui, selon le demandeur, sera perdu en raison de son renvoi, a été acquis en contravention directe des lois canadiennes en matière d’immigration pendant qu’il tentait de se soustraire à son arrestation et à son renvoi et pendant qu’il faisait fi des ordonnances délivrées par la Cour.
[31] Comme le demandeur n’a pas réussi à établir qu’il y avait une question sérieuse à trancher, la présente requête peut être rejetée pour ce seul motif.
Le préjudice irréparable
[32] C’est au demandeur qu’il incombe de démontrer, par une preuve claire et convaincante qu’un préjudice irréparable sera commis, que le recours extraordinaire constitué par un sursis à la mesure de renvoi est justifié. La preuve relative au préjudice irréparable doit comporter plus qu’une simple suite de possibilités et elle ne peut pas reposer simplement sur des allégations et des hypothèses (Atwal c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CAF 427).
[33] La jurisprudence de la Cour fédérale établit également que le préjudice irréparable doit correspondre à un préjudice au-delà de ce qui est inhérent aux conséquences d’une expulsion. Le juge Pelletier a déclaré ce qui suit dans Melo c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2000] A.C.F. no 403 :
[…] Mais pour que l’expression « préjudice irréparable » conserve un peu de sens, elle doit correspondre à un préjudice au-delà de ce qui est inhérent à la notion même d’expulsion. Être expulsé veut dire perdre son emploi, être séparé des gens et des endroits connus. L’expulsion s’accompagne de séparations forcées et de cœurs brisés.
Les allégations de risque déjà rejetées par un agent d’ERAR essentiellement répétées dans la présente requête, sans aucune preuve à l’appui, ne constituent pas un préjudice irréparable
[34] Les allégations de risque formulées par le demandeur, lesquelles, selon lui constituent un préjudice irréparable ont déjà été examinées et rejetées par la section ERAR. Les allégations de risque formulées dans la demande CH sont presque identiques à celles décrites dans l’ERAR. Le demandeur ne peut pas invoquer les mêmes allégations de risque que celles qui ont été jugées non fondées dans l’ERAR et qui ont déjà été rejetées par la Cour dans une requête en sursis sans soumettre aucun nouvel élément de preuve ou sans tout simplement soumettre aucun élément de preuve pour les étayer.
Les conséquences inhérentes à une expulsion ne constituent pas un préjudice irréparable
[35] Le demandeur prétend que, s’il est renvoyé, il ne pourra pas retourner au Canada en raison de l’application générale des lois canadiennes en matière d’immigration en vertu desquelles il devra obtenir l’autorisation de revenir au Canada (l’ARC). Le demandeur qualifie cette conséquence de préjudice irréparable.
[36] L’obligation de présenter une ARC est la conséquence directe du choix du demandeur de demeurer au Canada illégalement après que la période de séjour au Canada dont il bénéficiait pour présenter une demande d’asile a pris fin. Cette obligation est imposée à toutes les personnes qui sont renvoyées du Canada à chaque année et ne constitue pas autre chose que les effets intrinsèques du renvoi. À ce titre, elle ne satisfait pas au critère du préjudice irréparable (Melo, précité).
Les considérations CH demeurent en vigueur même si le demandeur est renvoyé du Canada
[37] L’existence d’une demande CH en instance ne constitue pas un préjudice irréparable. Rien ne permet de croire que la demande CH cessera d’être traitée ou que la décision sera inévitablement défavorable après que le demandeur aura été renvoyé du Canada.
[38] La Cour a conclu qu’« [i]l n’y a rien dans cette disposition ou dans l’ensemble de la LIPR qui empêche l’octroi du statut de résident permanent ou l’octroi d’une dispense de l’application des exigences de la Loi lorsque le demandeur est à l’étranger. Il est clair, selon moi, que le guide de politique envisage, comme c’était ici le cas, que les demandes fondées sur des motifs d’ordre humanitaire continuent à être traitées après le renvoi » (Uberoi c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 1232.)
[39] Le juge Evans, s’exprimant au nom de la Cour d’appel fédérale, a déclaré ce qui suit dans Palka c. Canada (Ministre de la Protection civile et de la Sécurité publique), 2008 CAF 165 :
14 L’existence d’une demande fondée sur des raisons d’ordre humanitaire en instance a souvent été considérée comme ne constituant pas un préjudice irréparable, surtout lorsque, comme c’est le cas en l’espèce, la demande n’a pas été présentée en temps opportun après le rejet de la demande d’asile et l’examen des risques avant le renvoi. L’avocat affirme que ses clientes étaient justifiées d’attendre cinq ans avant de présenter leur demande fondée sur des raisons d’ordre humanitaire pour pouvoir démontrer leur établissement au Canada. Il s’agit d’une décision de stratégie dont les appelantes doivent assumer les conséquences.
15 Les appelantes n’ont par ailleurs pas présenté d’éléments de preuve tendant à démontrer que leur renvoi rendra illusoire leur demande fondée sur des raisons d’ordre humanitaire. Le fait de leur refuser un sursis ne détruira pas leur demande fondée sur des raisons d’ordre humanitaire dans la mesure où celle-ci est fondée sur les liens que les appelantes ont créés avec le Canada depuis qu’elles s’y trouvent, ainsi que sur d’autres facteurs tels que leur famille, leur travail, leurs amis et l’établissement scolaire que Paula fréquente, surtout si, comme leur avocat l’affirme, leur demande est [traduction] « exceptionnellement solide sur le fond ».
[40] La Cour a récemment conclu que même si la demande CH d’un demandeur est rejetée en raison d’un renvoi avant qu’une décision ne soit rendue, il reste néanmoins un recours. Dans Stewart c. MSPPC, (29 août 2008) Toronto, IMM-3570-08, le juge Zinn a conclu que le recours approprié dans le cas d’une demande CH rejetée pour le seul motif qu’un demandeur n’est plus présent au Canada est l’introduction d’une instance devant la Cour :
[traduction]
Selon moi, s’il est établi que le défendeur n’a pas convenablement traité la demande fondée sur des motifs d’ordre humanitaire du demandeur uniquement parce que le demandeur n’était plus au Canada, alors il y a eu atteinte au droit à l’équité procédurale du demandeur. Celui‑ci peut demander un contrôle de ce refus dans une instance contre le défendeur devant la Cour. Rien ne prouve que ce processus, même s’il comporte un certain délai, n’apportera aucun redressement au demandeur.
[41] L’argument du demandeur sur ce point est fondé sur des hypothèses et consiste en une série de possibilités et, à ce titre, il ne constitue pas une preuve claire et convaincante de l’existence d’un préjudice irréparable.
[42] Comme le demandeur n’a pas satisfait au critère du préjudice irréparable, la présente requête peut être rejetée pour ce seul motif.
La prépondérance des inconvénients
[43] L’article 48 de la LIPR prévoit qu’une mesure de renvoi exécutoire doit être appliquée dès que les circonstances le permettent.
[44] Le demandeur sollicite un recours extraordinaire en equity. Il est bien établi en droit que l’intérêt public doit être pris en compte lorsque l’on évalue ce dernier critère. Pour que la prépondérance des inconvénients favorise le demandeur, celui-ci doit prouver qu’il existe un intérêt public à ce qu’il ne soit pas renvoyé comme prévu (voir Dugonitsch c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration.), [1992] A.C.F. no 320; RJR-MacDonald Inc. c. Canada, précité; Blum c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (1994) 90 F.T.R. 54).
[45] Les inconvénients que l’appelant pourrait subir s’il devait être renvoyé du Canada ne l’emportent pas sur ceux de l’intérêt public que le défendeur cherche à protéger conformément à la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, plus précisément, son intérêt à exécuter la mesure d’expulsion dès que les circonstances le permettent (Atwal c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration.) 2004 CAF 427).
JUGEMENT
Pour l’ensemble des motifs susmentionnés, LA COUR ORDONNE que la requête en sursis à l’exécution de la mesure de renvoi du Canada soit rejetée.
« Michel M.J. Shore »
Juge
Traduction certifiée conforme
Claude Leclerc, LL.B.
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : IMM-400-09
INTITULÉ : PETRO PETROVYCH c. LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE
LIEU DE L’AUDIENCE : Montréal (Québec)
DATE DE L’AUDIENCE : Le 31 janvier 2009
DATE DES MOTIFS
ET DU JUGEMENT : Le 31 janvier 2009
COMPARUTIONS :
Robin Morch
|
POUR LE DEMANDEUR |
Manuel Mendelzon
|
POUR LE DÉFENDEUR |
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Robin Morch Toronto (Ontario)
|
POUR LE DEMANDEUR |
John H. Sims. c.r. Sous‑procureur général du Canada Toronto (Ontario) |
POUR LE DÉFENDEUR |