Cour fédérale
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Federal Court
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Date : 20110316
Ottawa (Ontario), le 16 mars 2011
En présence de madame la juge Heneghan
ENTRE :
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LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION
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MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE
[1] Par un avis de requête daté du 21 janvier 2011, le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration (le « défendeur ») demande le réexamen de l’ordonnance rendue par notre Cour le 11 janvier 2011. Par cette ordonnance, la Cour a accueilli la demande de contrôle judiciaire présentée par M. Vinod Kumar Raina (le « demandeur ») de la décision datée du 4 novembre 2009, rendue par la Commission de l’immigration et du statut de réfugié, Section de la protection des réfugiés. Le défendeur demande le réexamen de l’ordonnance en vertu de l’alinéa 35(2)a) et des articles 397 et 399 des Règles des Cours fédérales, DORS/98-106 (les « Règles »).
[2] Par un mémoire déposé le 26 janvier 2011, le demandeur s’oppose à la requête et aux arguments du défendeur. Le défendeur a déposé ses observations en réponse le 31 janvier 2011.
[3] Le paragraphe 397(1) autorise une partie à demander le réexamen d’une ordonnance lorsqu’une cour, et non l’une des parties, a oublié une question qui aurait dû être traitée. L’alinéa 397(1)a) énonce :
397. (1) Dans les 10 jours après qu’une ordonnance a été rendue ou dans tout autre délai accordé par la Cour, une partie peut signifier et déposer un avis de requête demandant à la Cour qui a rendu l’ordonnance, telle qu’elle était constituée à ce moment, d’en examiner de nouveau les termes, mais seulement pour l’une ou l’autre des raisons suivantes :
a) l’ordonnance ne concorde pas avec les motifs qui, le cas échéant, ont été donnés pour la justifier;
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397. (1) Within 10 days after the making of an order, or within such other time as the Court may allow, a party may serve and file a notice of motion to request that the Court, as constituted at the time the order was made, reconsider its terms on the ground that
(a) the order does not accord with any reasons given for it; or |
[4] Le défendeur s’appuie également sur l’article 399 pour demander le réexamen de l’ordonnance délivrée le 11 janvier 2011. L’article 399 est libellé comme suit :
399. (1) La Cour peut, sur requête, annuler ou modifier l’une des ordonnances suivantes, si la partie contre laquelle elle a été rendue présente une preuve prima facie démontrant pourquoi elle n’aurait pas dû être rendue :
a) toute ordonnance rendue sur requête ex parte;
b) toute ordonnance rendue en l’absence d’une partie qui n’a pas comparu par suite d’un événement fortuit ou d’une erreur ou à cause d’un avis insuffisant de l’instance.
Annulation
(2) La Cour peut, sur requête, annuler ou modifier une ordonnance dans l’un ou l’autre des cas suivants :
a) des faits nouveaux sont survenus ou ont été découverts après que l’ordonnance a été rendue;
b) l’ordonnance a été obtenue par fraude.
Effet de l’ordonnance
(3) Sauf ordonnance contraire de la Cour, l’annulation ou la modification d’une ordonnance en vertu des paragraphes (1) ou (2) ne porte pas atteinte à la validité ou à la nature des actes ou omissions antérieurs à cette annulation ou modification.
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399. (1) On motion, the Court may set aside or vary an order that was made
(a) ex parte; or
(b) in the absence of a party who failed to appear by accident or mistake or by reason of insufficient notice of the proceeding,
if the party against whom the order is made discloses a prima facie case why the order should not have been made.
Setting aside or variance
(2) On motion, the Court may set aside or vary an order
(a) by reason of a matter that arose or was discovered subsequent to the making of the order; or
(b) where the order was obtained by fraud.
Effect of order
(3) Unless the Court orders otherwise, the setting aside or variance of an order under subsection (1) or (2) does not affect the validity or character of anything done or not done before the order was set aside or varied. |
[5] Le défendeur prétend essentiellement dans ses arguments qu’en accueillant la demande de contrôle judiciaire, la Cour a omis d’aborder la question de la certification d’une question relative aux questions découlant de l’application de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la « Loi »), tel qu’énoncé à l’alinéa 74d) de la Loi, comme suit :
74. Les règles suivantes s’appliquent à la demande de contrôle judiciaire :
d) le jugement consécutif au contrôle judiciaire n’est susceptible d’appel en Cour d’appel fédérale que si le juge certifie que l’affaire soulève une question grave de portée générale et énonce celle-ci.
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74. Judicial review is subject to the following provisions:
…
(d) an appeal to the Federal Court of Appeal may be made only if, in rendering judgment, the judge certifies that a serious question of general importance is involved and states the question.
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[6] L’article 397 confère un pouvoir de réexamen restreint. Il ne s’agit pas d’une occasion donnée à la Cour d’entendre un appel de l’une de ses propres ordonnances. À cet égard, je vous renvoie à la décision rendue dans Man c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 332.
[7] Dans Tran c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et Immigration), 2007 CF 1249, la Cour a déterminé que l’article 397 ne vise pas à permettre au ministre de présenter une requête dans le but d’ajouter une question aux fins de certification. Au paragraphe 8 de ce jugement, le juge De Montigny a déclaré ce qui suit :
À mon avis, le paragraphe 397(1) des Règles des Cours fédérales ne permet pas au ministre de demander qu’une question qu’il voudrait faire certifier soit ajoutée à un jugement.
[8] Je suis d’accord avec les observations de la Cour dans Tran. Dans Varela c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2010] 1 R.C.F. 129, la Cour d’appel a déclaré ce qui suit, au paragraphe 29 :
Qui plus est, une question grave de portée générale découle des questions en litige dans l’affaire et non des motifs du juge. Le juge, qui a instruit la cause et qui a eu l’avantage d’entendre les meilleurs arguments présentés par les avocats des deux parties, devrait être en mesure de dire si les faits de l’affaire soulèvent ou non une telle question, sans avoir à soumettre une ébauche de ses motifs aux avocats. Une telle façon de procéder ouvre la porte, comme c’est le cas en l’espèce, à une longue liste de questions qui peuvent ou non satisfaire au critère prévu par la loi. Dans le cas qui nous occupe, aucune des questions proposées ne répond à ce critère.
[9] À mon avis, la décision Varela renforce la règle selon laquelle les questions présentées aux fins de certification doivent être proposées avant que le juge rende ses motifs, ce qui signifie que l’article 397 ne permet pas à une partie de présenter une requête de réexamen en vue de proposer une question aux fins de certification.
[10] Le champ d’application de l’article 399 et également restreint. Je fais référence à l’arrêt de la Cour d’appel fédérale dans TMR Energy Ltd. c. Ukraine (State Property Fund), [2005] 3 R.C.F. 111 et Entreprises Roxford c. Cuba, [2003] 4 C.F. 1182. Dans TMR Energy, la Cour d’appel fédérale, au paragraphe 31, a statué comme suit :
La règle 399 autorise la Cour à annuler ou à modifier une ordonnance qui a été rendue ex parte si la partie contre laquelle elle a été rendue présente une preuve prima facie démontrant pourquoi elle n’aurait pas dû être rendue.
[11] L’ordonnance qui fait l’objet de la requête du ministre n’a pas été présentée ex parte. Il n’y a aucune allégation ou question de fraude relative à l’ordonnance du 11 janvier 2011.
[12] Le seul fondement qui aurait pu étayer les arguments du défendeur dans sa requête aux termes de l’article 399 aurait été de démontrer que, conformément à l’alinéa 399(2)a), des « faits nouveaux » ont été soulevés ou ont été découverts à la suite de la prise de la décision.
[13] Le sens du terme « faits nouveaux » au sens de l’article 399 a été examiné par la Cour dans AB Hassle c. Apotex Inc. (2008), 65 C.P.R. (4th) 332, confirmé (2008), 73 C.P.R. (4th) 428, au paragraphe36, comme suit :
Lorsque des faits nouveaux semblables à ceux mentionnés à l’alinéa 399(2)a) existaient déjà, mais n’ont été découverts qu’après le prononcé du jugement, la Cour a établi un test à trois volets rigoureux auquel doit satisfaire une partie avant que puisse être examinée la question de l’annulation du jugement. La Cour d’appel fédérale a formulé ce test dans Ayangma c. Canada, 2003 CAF 382 (CAF), au paragraphe 3 :
Selon la jurisprudence, trois conditions doivent être réunies pour que la Cour puisse faire droit à une telle requête :
1- les éléments découverts depuis peu doivent constituer des « faits nouveaux » au sens de l’alinéa 399(2)a);
2- les « faits nouveaux » ne doivent pas être des faits nouveaux que l’intéressé aurait pu découvrir avant que l’ordonnance ne soit rendue en faisant preuve de diligence raisonnable;
3- les « faits nouveaux » doivent être de nature à exercer une influence déterminante sur la décision en question.
[14] Dans AB Hassle, la Cour fédérale a conclu que la jurisprudence établie après la décision de la Cour ne peut pas être considérée comme des « faits nouveaux » dans l’application de l’alinéa 399(2)a). Étant donné la conclusion de la Cour dans AB Hassle, et la conclusion de la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Varela, je suis d’avis que les motifs évoqués par la Cour dans un cas particulier ne peuvent pas constituer « des faits nouveaux » dans le but d’annuler ou modifier une ordonnance afin de permettre la proposition d’une question aux fins de certification, conformément à l’alinéa 399(2)a) des Règles des Cours fédérales
[15] La tentative du défendeur de caractériser l’occasion de préparer une question aux fins de certification en tant que « faits nouveaux » ne peut pas réussir.
[16] À la fin de l’audition de la demande de contrôle judiciaire, les avocats des deux parties ont eu l’occasion de proposer une question aux fins de certification. Ce fait est consigné dans les procès-verbaux à l’index des inscriptions enregistrées du dossier.
[17] Cela constitue une réponse complète à la requête déposée en vertu des articles 397 et 399. Le ministre a eu l’occasion de proposer une question aux fins de certification et a choisi de ne pas le faire.
[18] La requête est rejetée avec dépens attribués au demandeur. J’invite les parties à s’entendre sur la question des dépens. Si elles n’y parviennent pas, elles pourront me soumettre de brèves observations concernant l’instruction à publier.
ORDONNANCE
La Cour ordonne que la requête soit rejetée avec dépens en faveur du demandeur. J’invite les parties à s’entendre sur la question des dépens. Si elles n’y parviennent pas, elles pourront me soumettre de brèves observations concernant l’instruction à publier.
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : IMM-5979-09
INTITULÉ : VINOD KUMAR RAINA c.
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION
LIEU DE L’AUDIENCE : REQUÊTE JUGÉE SUR DOSSIER SANS COMPARUTION
DES PARTIES
DATE DE L’AUDIENCE : Requêtes présentées par écrit
ET ORDONNANCE : LA JUGE MACTAVISH
DATE DES MOTIFS : Le 16 mars 2011
COMPARUTIONS :
Krassina Kostadinov
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Manuel Mendelzon
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AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Waldman & Associates
Avocats
Toronto (Ontario)
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Myles J. Kirvan
Sous-procureur général du Canada
Toronto (Ontario)
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