Cour fédérale |
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Federal Court |
[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]
Toronto (Ontario), le 14 mars 2011
En présence de monsieur le juge Harrington
ENTRE :
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LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION
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MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE
[1] NÉS TROP TÔT – Nés trop tôt pour être admissibles au statut de résidents permanents au Canada à titre de membres de la catégorie du regroupement familial. L’agente des visas a conclu que le demandeur avait produit une fausse déclaration quant à l’âge de deux de ses enfants. La demande a été rejetée en application du paragraphe 40(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la Loi), qui prévoit qu’emporte interdiction de territoire le fait, directement ou directement, de faire une présentation erronée sur un fait important quant à un objet pertinent qui risque d’entraîner une erreur dans l’application de la Loi. Il s’agit du contrôle judiciaire de cette décision.
[2] Une autre enfant, la fille ainée, Sophary, une citoyenne du Cambodge, a obtenu la résidence permanente au Canada en juillet 2001, avec le parrainage de son époux. Elle a d’abord tenté de parrainer ses parents et ses quatre frères et sœurs en 2004, mais a échoué dans sa tentative parce qu’il lui manquait l’argent nécessaire. Elle a présenté une nouvelle demande de parrainage en 2007. Le présent contrôle judiciaire vise cette demande.
[3] La date déterminante en ce qui concerne l’âge des enfants mineurs est le 9 février 2007. À ce moment-là, pour être considéré comme tel, un enfant à charge qui a quitté l’école doit être âgé de moins de 22 ans, aux termes de l’article 2 du Règlement sur l’immigration et la protection du statut de réfugié, DORS/2002-227.
[4] Bien que les actes de naissance aient indiqué que les quatre frères et sœurs étaient alors âgés de moins de 22 ans, l’agente des visas avait des doutes au sujet des deux enfants les plus âgées, Sophara, qui serait né le 10 septembre 1985, et Sopharith, qui serait né le 9 juillet 1988. Ces doutes ont conduit à des mesures de la densité osseuse. Les résultats donnaient à penser qu’au moment de la date déterminante, Sophara était âgé d’au moins 24 ans et demi, alors que Sopharith était âgé d’au moins 22 ans et demi.
[5] L’agente des visas avait certainement des raisons d’avoir des doutes. Selon les documents qu’elle avait examinés, le certificat de vaccination de Sophara, tant la version originale que la traduction anglaise, indiquait qu’il avait été vacciné avant sa naissance. Les actes de naissance sont récents. Plusieurs documents gouvernementaux, y compris des actes de naissance originaux, ont été détruits en raison d’une importante inondation ayant eu lieu au Cambodge en 2000. Les documents reconstitués ont naturellement été examinés avec méfiance. Sophara et Sopharith semblaient tous les deux plus âgés que ce que leur acte de naissance donnait à penser. M. Kim a reconnu cet état de fait, mais a attribué leur apparence à l’acné et à la vie en plein air.
[6] L’avocat de M. Kim a présenté un argument bien étoffé fondé sur le manque de fiabilité des mesures de la densité osseuse en tant qu’indicatrices de l’âge. Il a aussi prétendu, avec justesse, que les documents émanant du gouvernement sont présumés être valides. Il n’est pas nécessaire que je me penche sur ces questions, bien que je doive souligner que ce n’est pas l’authenticité des certificats qui soit remise en cause, mais plutôt leur contenu, puisqu’ils ont dû être reconstitués par ceux qui pouvaient être intéressés.
[7] Je dis cela parce que, dans le dossier certifié du tribunal, les notes au STIDI (Système de traitement informatisé des dossiers d’immigration), une partie du traitement informatique des données employées par les agents d’immigration canadiens, contient une entrée datée du 7 juillet 2000 portant que les documents qui avaient alors été examinés indiquaient que la sœur ainée, Sophary, avait quatre frères et sœurs pouvant faire l’objet d’un parrainage, les deux plus âgés parmi ceux-ci étant nés en 1985 et en 1988. La décision ne contient aucune mention de cette entrée.
[8] Dans la décision Cepeda-Gutierrez c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (1988), 157 F.T.R. 35; [1998] A.C.F. no 1425 (QL), fréquemment citée, le juge Evans a reconnu la présomption selon laquelle le décideur avait examiné le dossier en entier. Il a énoncé que la Cour pouvait inférer qu’une conclusion de fait erronée avait été tirée sans égard à la preuve, du fait que le tribunal ne mentionnait pas, dans ses motifs, les éléments de preuve pertinents qui étayaient une conclusion différente de celle à laquelle il était parvenu. Il énonçait ce qui suit, au paragraphe 17 :
Toutefois, plus la preuve qui n’a pas été mentionnée expressément ni analysée dans les motifs de l’organisme est importante, et plus une cour de justice sera disposée à inférer de ce silence que l’organisme a tiré une conclusion de fait erronée " sans tenir compte des éléments dont il [disposait] " : Bains c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration) (1993), 63 F.T.R. 312 (C.F. 1re inst.). Autrement dit, l’obligation de fournir une explication augmente en fonction de la pertinence de la preuve en question au regard des faits contestés. Ainsi, une déclaration générale affirmant que l’organisme a examiné l’ensemble de la preuve ne suffit pas lorsque les éléments de preuve dont elle n’a pas discuté dans ses motifs semblent carrément contredire sa conclusion. Qui plus est, quand l’organisme fait référence de façon assez détaillée à des éléments de preuve appuyant sa conclusion, mais qu’elle passe sous silence des éléments de preuve qui tendent à prouver le contraire, il peut être plus facile d’inférer que l’organisme n’a pas examiné la preuve contradictoire pour en arriver à sa conclusion de fait.
[9] Compte tenu de l’entrée faite en 2000 dans les notes au STIDI et du fait que la première demande de parrainage avait été présentée en 2004, alors que Sophara, le plus âgé des enfants à charge, n’aurait été âgé que de 19 ans, les motifs de rejet de la demande de parrainage devaient mentionner pourquoi les notes consignées au STIDI n’étaient pas fiables. Je peux seulement conclure que l’agente a tiré une conclusion de fait sans tenir compte des éléments dont elle disposait.
[10] La demande de contrôle judiciaire sera accueillie. Il n’y a pas de question grave de portée générale à certifier.
ORDONNANCE
POUR LES MOTIFS EXPOSÉS ci-dessus;
LA COUR ORDONNE :
1. La demande de contrôle judiciaire est accueillie;
2. La décision rendue par l’agente des visas est annulée, et l’affaire est renvoyée à un autre agent des visas pour nouvelle décision;
3. Il n’y a pas de question de portée générale à certifier.
Juge
Traduction certifiée conforme
Maxime Deslippes, LL.B., B.A. Trad.
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : IMM-4212-10
INTITULÉ : KIM LUNN c.
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ
ET DE L’IMMIGRATION
LIEU DE L’AUDIENCE : TORONTO (ONTARIO)
DATE DE L’AUDIENCE : LE 9 MARS 2011
ET ORDONNANCE : LE JUGE HARRINGTON
DATE DES MOTIFS : LE 14 MARS 2011
COMPARUTIONS :
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Catherine Vasilaros |
POUR LE DÉFENDEUR
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AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Avocat Toronto (Ontario)
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Myles J. Kirvan Sous-procureur général du Canada Toronto (Ontario) |
POUR LE DÉFENDEUR |