Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Date : 20110304

Dossier : IMM‑3583‑10

Référence : 2011 CF 262

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 4 mars 2011

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE RENNIE

 

 

ENTRE :

 

XING LIU

 

 

 

demandeur

 

et

 

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

 

 

 

défendeur

 

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Le demandeur sollicite une ordonnance infirmant la décision du 27 mai 2010 par laquelle la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (la Commission) a conclu que le demandeur n’était ni un réfugié au sens de la Convention ni une personne à protéger en application des articles 96 et 97 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (LIPR). Pour les motifs ci‑dessous, la demande de contrôle judiciaire est rejetée.

 

[2]               Le demandeur, M. Liu, est de citoyenneté chinoise. Avec l’aide d’un passeur et muni d’un passeport qu’il reconnaît être faux, il est arrivé à l’aéroport international de Pearson à Toronto (Canada), le 3 février 2008. Le 8 février 2008, il a présenté une demande d’asile. Le 29 mars 2010, la Commission a rejeté sa demande d’asile, estimant qu’il n’était ni un réfugié au sens de la Convention ni une personne à protéger au sens des articles 96 et 97 de la LIPR. La Commission a en outre conclu au caractère frauduleux de sa demande d’asile.

 

[3]               Devant la Commission, le demandeur a affirmé qu’en Chine la sécurité publique (PSB) cherchait à l’arrêter, car il aurait frappé un agent du PSB alors que celui‑ci tentait d’arrêter le père et la mère du demandeur en raison de leurs activités au sein d’une église clandestine. Le demandeur aurait, semble‑t‑il, tenté d’empêcher le policier d’arrêter ses parents et, ce faisant, aurait fait trébucher un deuxième policier qui se serait cogné la tête sur une table. C’est alors que le père du demandeur s’est opposé à un troisième policier qui tentait d’arrêter le demandeur afin de permettre à celui‑ci, M. Liu, de s’échapper. M. Liu est alors allé se cacher chez un ami. Selon le demandeur, le même soir, des agents du PSB, qui le cherchaient, se sont à nouveau rendus chez ses parents. Il affirme que ce n’est que le 16 juin 2008, c’est‑à‑dire presque un an plus tard, que le PSB a remis à ses parents un mandat de comparution décerné à son encontre en raison de l’incident évoqué ci‑dessus. Le PSB s’est également rendu à l’hôpital le jour où est née la fille du demandeur, sans doute dans l’intention d’arrêter celui‑ci. Selon le demandeur, le PSB est toujours à sa recherche, ce qui laisse entendre qu’il est recherché pour voies de fait sur la personne d’un agent de police. Voilà en quoi consistent les persécutions dont fait état le demandeur.

 

[4]               Selon la Commission, l’authenticité des documents corroborants produits par le demandeur a influé de manière déterminante sur sa décision en cette affaire.

 

[5]               La Commission a conclu que le mandat de comparution et les avis de détention produits par le demandeur sont faux. Elle a relevé deux divergences entre les prétendus documents corroborants fournis par le demandeur et les spécimens de documents qui lui ont été transmis dans le cadre d’une Réponse à une demande d’information. Il manquait, sur le mandat de comparution remis aux parents du demandeur, un numéro de série ainsi que l’adresse du demandeur. En outre, ce document portait une date qui était d’un an postérieur aux événements allégués. Les avis de détention ne portaient pas, eux non plus, de numéro de série.

 

[6]               Selon le demandeur, la décision prise au vu de ces divergences n’est pas raisonnable. Il présente, à l’appui de sa thèse, essentiellement trois arguments. D’abord, la preuve démontre, selon lui, l’existence de disparités régionales au niveau de la procédure pénale en Chine. Deuxièmement, la preuve démontrerait qu’il n’est pas rare que le PSB remette, comme cela a été le cas en l’occurrence, un mandat de comparution aux proches de l’intéressé. Et, enfin, il fait valoir que les documents retenus par la Commission à titre de comparaison remontent à 2004, soit trois ans avant les événements en cause.

 

[7]               L’avocat du défendeur soutient pour sa part que c’est à bon droit que la Commission a conclu comme elle l’a fait sur la question de la crédibilité, et qu’il n’appartient pas à la Cour de soupeser à nouveau les éléments de preuve au vu desquels la Commission s’est prononcée. De plus, la Cour sait bien que le fait que la preuve soit susceptible d’une interprétation autre que celle retenue par le décideur ne permet pas en soi de conclure à une erreur appelant l’intervention de la Cour. Selon le défendeur, il était loisible à la Commission d’analyser les documents et d’en tirer des conclusions raisonnables. L’argument est convaincant.

 

[8]               Les pièces jointes à la Réponse à une demande d’information comprennent trois types de sommation à comparaître, les trois comprenant une case destinée à l’adresse du destinataire. La Commission pouvait raisonnablement s’attendre à ce que la sommation visant le demandeur ressemble à l’un des trois spécimens fournis. Autrement dit, le fait que la sommation délivrée par le PSB au demandeur ne comprenait pas l’adresse du destinataire offre un fondement raisonnable aux interrogations que la demande d’asile déposée par le demandeur inspirait à la Commission, d’autant plus que le PSB connaissait l’adresse du demandeur.

 

[9]               Le demandeur n’a pas pu expliquer cette différence entre les documents qu’il avait lui‑même produits et ceux qui se trouvaient dans le dossier d’information. Pour ce qui est des questions auxquelles le demandeur a répondu, la Commission a jugé les réponses hésitantes et évasives. Dans certains cas, le demandeur n’a tout simplement pas répondu aux questions qui lui étaient posées. Selon son avocat, il était déraisonnable de s’attendre à ce que le demandeur puisse expliquer les divergences et écarts de pratique, d’autant plus que, selon les preuves non contredites, ces écarts et divergences existent effectivement en Chine au niveau de l’administration de la justice pénale. L’avocat du demandeur affirme que la Commission n’a fait qu’avances des hypothèses sur les motifs et le comportement de la police chinoise dans cette affaire, et qu’il était, par conséquent, déraisonnable de tirer des conclusions défavorables du fait que le demandeur ne parvenait pas à expliquer les divergences en question, et d’en induire un manque de crédibilité.

 

[10]           Il est vrai que constitue une erreur, dans certains cas, le fait d’exiger d’un demandeur qu’il réponde à des questions sur lesquelles il ne peut que conjecturer, puis de conclure à son manque de crédibilité s’il se révèle incapable d’apporter des réponses qui seraient, elles aussi, nécessairement conjecturales. Cela dit, en ce qui concerne la comparaison de la preuve documentaire produite par un demandeur et de celle transmise dans le cadre d’une Réponse à une demande d’information, la Cour a eu l’occasion de dire que :

Pour conclure que l’assignation n’était pas un document digne de foi, la Commission a invoqué les contradictions entre ce document et des échantillons d’assignations joints à une Réponse à une demande d’information. La preuve des échantillons a fourni un fondement probatoire approprié à la conclusion de la SPR et on ne peut la qualifier de manifestement déraisonnable. (Li c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2007 CF 1030, au par. 20)

 

Cela vaut pour la décision soumise en l’espèce au contrôle de la Cour.

 

 

[11]           En somme, les conclusions auxquelles la Commission est parvenue sur la question de la crédibilité reposent sur des éléments de preuve figurant au dossier. Sur la question de la crédibilité du demandeur, elle pouvait raisonnablement, au vu de cette preuve documentaire, parvenir aux conclusions négatives auxquelles elle est effectivement parvenue. Dans la mesure où la décision en cause fait partie des issues acceptables au regard des faits et du droit, le simple fait qu’un autre décideur puisse envisager les mêmes faits sous un autre angle, ou en donner une interprétation différente, ne suffit pas pour justifier que la Cour intervienne et remette en question une décision de la Commission. Le demandeur propose à la Cour une autre explication au sujet de ce que l’on doit conclure de la preuve produite, mais on ne saurait en déduire que la manière dont la Commission a évalué la preuve dont elle était saisie est déraisonnable.

 

[12]           En conséquence, la demande de contrôle judiciaire est rejetée.

 

[13]           Aucune question à certifier n’a été proposée et le dossier n’en soulève aucune.


JUGEMENT

LA COUR ORDONNE que la demande de contrôle judiciaire soit rejetée. Aucune question à certifier n’a été proposée et le dossier n’en soulève aucune.

 

 

« Donald J. Rennie »

Juge

 

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Édith Malo, LL.B.

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                                    IMM‑3583‑10

 

INTITULÉ :                                                   XING LIU c.
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                             Toronto

 

DATE DE L’AUDIENCE :                           Le 15 février 2011

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                        LE JUGE RENNIE

 

DATE DES MOTIFS :                                  Le 4 mars 2011

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Elyse Korman

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Jane Stewart

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Otis & Korman
Toronto (Ontario)

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Myles J. Kirvan,

Sous‑procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.