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Cour fédérale

Federal Court

 

 


Date : 20110224

Dossier : IMM-4945-10

Référence : 2011 CF 228

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Vancouver (Colombie-Britannique), le 24 février 2011

En présence de monsieur le juge Shore

 

ENTRE :

 

VICENTE ZARATE ARIAS

 

 

 

demandeur

 

et

 

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

 

 

défendeur

 

 

 

 

 

 

           MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

I. Introduction

[1]               Il est bien établi en droit qu’il existe une présomption selon laquelle un État est capable de protéger ses citoyens, et qu’il incombe aux demandeurs de fournir une preuve claire et convaincante que la protection de l’État ne peut être assurée. La protection de l’État n’a pas à être parfaite, tant que celui-ci fait de sérieux efforts pour protéger ses citoyens : (Canada (Procureur général) c. Ward, [1993] 2 R.C.S. 689, 103 D.L.R. (4th) 1; Zalzali c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1991] 3 C.F. 605, 27 A.C.W.S. (3d) 90 (C.A.F.); Villafranca c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration) (1992), 150 N.R. 232, 37 A.C.W.S. (3d) 1259 (C.A.F.); Smirnov c. Canada (Secrétaire d’État), [1995] 1 C.F. 780, 52 A.C.W.S. (3d) 398 (C.F. 1re inst.)).

 

II. Le contexte

[2]               Le demandeur, un citoyen mexicain nommé Vicente Zarate Arias, a allégué qu’on l’avait déclaré coupable à tort, au Mexique, d’avoir aidé un criminel à prendre la fuite, parce que les policiers croyaient qu’il avait filmé, avec un téléphone cellulaire, des agents en train de battre un suspect. Lorsque M. Zarate Arias avait interjeté appel de sa déclaration de culpabilité, le tribunal d’appel mexicain, reconnaissant que chaque cas doit être examiné selon ses propres mérites, avait annulé la déclaration de culpabilité.

 

[3]               La Section de la protection des réfugiés (la SPR) a conclu que M. Zarate Arias pouvait se réclamer de la protection de l’État. La SPR a aussi conclu que l’orientation sexuelle de M. Zarate Arias n’était pas le motif pour lequel les policiers avaient tenté de mettre la main sur la scène qu’il avait filmée avec son téléphone cellulaire.

 

[4]               Le ministre défendeur demande le rejet de la demande de contrôle judiciaire présentée par M. Zarate Arias.

 

 

 

III. La question en litige

[5]               Le demandeur a-t-il soulevé un argument raisonnablement défendable voulant que la SPR ait commis une erreur?

 

IV. Analyse

A. La norme de contrôle

[6]               La norme de contrôle en ce qui concerne les conclusions de la SPR relatives à la protection de l’État est la raisonnabilité. La Cour suprême du Canada a statué que les décisions de la SPR continuent de justifier une retenue considérable (Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 R.C.S. 190; Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c. Khosa, 2009 CSC 12, [2009] 1 R.C.S. 339).

 

B. La protection de l’État – les principes généraux

[7]               La Cour d’appel fédérale a statué que la présomption de disponibilité de la protection de l’État « […] s’applique autant dans les cas où une personne prétend craindre d’être persécutée par des entités non étatiques que dans les cas où l’État serait le persécuteur » (Hinzman c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2007 CAF 171, 157 A.C.W.S. (3d) 153, au paragraphe 54; autorisation de pourvoi devant la Cour suprême du Canada refusée).

 

C. La protection de l’État par l’intermédiaire des tribunaux

[8]               En ce qui concerne l’incident ayant engendré toutes les répercussions et la situation que vivait M. Zarate Arias, son argument portant que la SPR avait commis une erreur en concluant qu’il pouvait se réclamer de la protection de l’État au Mexique ne fait aucune distinction entre l’appareil judiciaire mexicain, qui l’a innocenté, et les gestes posés par des autorités policières corrompues.

 

[9]               M. Zarate Arias prétend, à tort, que la SPR ne pouvait conclure que l’appareil judiciaire, lequel avait annulé sa déclaration de culpabilité, est équitable et impartial, en raison de la corruption et des abus de pouvoir des policiers ainsi que des faux éléments de preuve ayant été produits devant le tribunal d’instance inférieure. La conclusion de la SPR que l’appareil judiciaire avait fait des efforts pour aider M. Zarate Arias, puisqu’il avait annulé sa déclaration de culpabilité pour cause de manque de preuve, est raisonnable.

 

D. La corruption policière

[10]           La SPR n’a pas minimisé ni fait fi des incidents dont M. Zarate Arias a été victime. La SPR a relaté en détail ce que le demandeur a vécu et a conclu que, dans son cas, la protection de l’État était disponible par l’intermédiaire de l’appareil judiciaire. M. Zarate Arias était représenté par un avocat, qui lui a dit de contester les infractions devant les tribunaux, et, au bout du compte, il a eu gain de cause. La SPR a conclu que la crainte de M. Zarate Arias que les accusations soient ravivées n’était que pure conjecture [je souligne].

 

[11]           De plus, la SPR a expressément tenu compte des allégations d’abus et de corruption des forces policières. La SPR a examiné les processus mexicains qui permettent à un citoyen de se plaindre du comportement des policiers. La SPR s’est aussi penchée sur les efforts du gouvernement du Mexique pour enrayer la corruption. La SPR a mentionné que M. Zarate Arias n’avait pas déposé de plainte, même après son acquittement [je souligne].

 

[12]           Dans le cas de M. Zarate Arias, l’accueil de l’appel qu’il avait interjeté auprès d’un tribunal d’appel mexicain démontrait que la SPR avait raisonnablement conclu qu’il n’avait pas réussi à réfuter la présomption de protection de l’État (Villafranca, précité).

 

E. L’orientation sexuelle

[13]           M. Zarate Arias soutient que la SPR n’a pas tenu compte, comme elle l’aurait dû, de son orientation sexuelle lorsqu’elle a apprécié l’efficacité de la protection de l’État au Mexique, et que l’analyse de la SPR avait été conduite strictement que pour la forme, de manière stéréotypée. Contrairement à ce qu’affirme le demandeur, la SPR a spécifiquement tenu compte de sa situation, y compris son orientation sexuelle, lorsqu’elle a apprécié la question de savoir s’il pouvait se réclamer de la protection de l’État.

 

[14]           La SPR a conclu que M. Zarate Arias a bénéficié de la protection de l’État, par l’intermédiaire d’un tribunal d’appel au Mexique. La SPR a conclu que toute discrimination dont il avait été victime était accessoire à l’objectif du policier d’obtenir la vidéo.

 

[15]           Il est bien établi que la SPR n’a pas à mentionner chaque élément de preuve qui lui est soumis dans ses motifs de décision (Singh c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CF 333, 129 A.C.W.S. (3d) 576).

 

[16]           La décision de la SPR est raisonnable et ne justifie pas que la Cour intervienne.

 

[17]           Pour tous les motifs qui précèdent, la demande de contrôle judiciaire du demandeur sera rejetée.


JUGEMENT

LA COUR ORDONNE que la présente demande de contrôle judiciaire soit rejetée. Aucune question de portée générale n’est certifiée.

 

 

« Michel M.J. Shore »

Juge

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Maxime Deslippes, LL.B., B.A. Trad.


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        IMM-4945-10

 

INTITULÉ :                                       VICENTE ZARATE ARIAS c.

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Vancouver (Colombie-Britannique)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 23 février 2011

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              LE JUGE SHORE

 

DATE DES MOTIFS :                      Le 24 février 2011

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Shane Molyneaux

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Cheryl D. Mitchell

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

ELGIN, CANNON & ASSOCIATES

Vancouver (C.-B.)

 

POUR LE DEMANDEUR

MYLES J. KIRVAN

Sous-procureur général du Canada

Vancouver (C.-B.)

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

 

 

 

 

 

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