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Cour fédérale

 

Federal Court

 


Date : 20110228

Dossier : IMM-1839-10

Référence : 2011 CF 235

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Toronto (Ontario), le 28 février 2011

En présence de monsieur le juge Zinn

 

 

ENTRE :

 

 

NYIMA LHAKYI

 

 

 

demanderesse

 

et

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

 ET DE L’IMMIGRATION

 

 

 

défendeur

 

 

 

 

           MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Mlle Lhakyi est arrivée au Canada à l’aéroport international Pearson le 11 décembre 2006, à l’aide d’un passeport indien. Puisqu’elle disait venir en visite chez son frère à Toronto, on lui accorda un statut de visiteur valide pendant six mois.

 

[2]               La demanderesse a par la suite présenté une demande d’asile. Elle déposa un formulaire de renseignements personnels (le FRP) et passa un examen d’accueil le 12 janvier 2007. Elle a affirmé dans les deux documents que le passeport indien qui avait facilité son entrée au Canada était frauduleux, que son lieu de naissance était Dalhousie, en Inde, et qu’elle était de nationalité chinoise puisqu’elle était Tibétaine. Elle affirme dans le FRP qu’elle craignait être persécutée en Chine et qu’elle ne pouvait retourner en Inde parce qu’elle n’y avait aucun statut.

 

[3]               Le passeport de la demanderesse a subi une expertise et fut déclaré authentique. La Section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada a tenu une audience le 17 mars 2010 au sujet de sa demande d’asile. La Commission a conclu, « selon la prépondérance des probabilités, que la demanderesse d’asile est une citoyenne de l’Inde et qu’elle peut retourner dans ce pays en utilisant son passeport indien ». La demanderesse ne conteste pas cette conclusion de fait. La préoccupation de la demanderesse vient de ce que la Commission a fait, ou a négligé de faire, à la suite de cette conclusion.

 

[4]               À la suite de sa conclusion que la demanderesse était une citoyenne de l’Inde, la Commission a invoqué la disposition d’exclusion 1E de la Convention relative au statut des réfugiés, 28 juillet 1951, [1969] R.T. Can. no. 6 (la Convention) :

Cette Convention ne sera pas applicable à une personne considérée par les autorités compétentes du pays dans lequel cette personne a établi sa résidence comme ayant les droits et les obligations attachés à la possession de la nationalité de ce pays.

 

[5]               La disposition 1E est intégrée à la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés du Canada, L.C. 2001, ch. 27, selon laquelle, à l’article 98, « La personne visée aux sections E ou F de l’article premier de la Convention sur les réfugiés ne peut avoir la qualité de réfugié ni de personne à protéger. »

 

[6]               La Commission a conclu que, puisque la demanderesse était une citoyenne de l’Inde, elle était dans ses droits de retourner y vivre. En d’autres termes, elle n’éprouvait pas le besoin de protection de substitution.

 

[7]               La demanderesse affirme que la Commission a fait une erreur. L’avocate de la demanderesse, s’appuyant sur Canada (Procureur général) c. Ward, [1993] 2 R.C.S. 689, a estimé que l’erreur était la suivante:

[traduction]

 

La Commission a confondu la notion d’exclusion exprimée par la disposition 1E avec la notion de citoyenneté double ou multiple et cela l’a menée à procéder d’une manière erronée et injuste parce que la Commission s’est basée sur cette exclusion en vertu de la disposition 1E pour conclure qu’une audience d’inclusion est écartée. Dans les cas de double citoyenneté, une audience d’inclusion doit être tenue et la revendication du statut de réfugié doit être évaluée en fonction de chaque pays de citoyenneté.

 

Enfin la demanderesse soutient que la Commission était obligée de réaliser une évaluation quant à sa crainte de persécution en Inde, mais que, ayant conclu qu’elle ne pouvait bénéficier de la protection de la Chine et ayant rejeté sa demande d’asile, une telle évaluation n’a pas été effectuée.

 

[8]               Je ne suis pas persuadé que Ward soit utile à la demanderesse. M. Ward était né en Irlande du Nord, où il s’était engagé dans l’Armée irlandaise de libération nationale (l’INLA). Il s’attira l’hostilité de l’INLA, laquelle l’enferma et le tortura parce qu’elle le suspectait de travailler en collaboration avec la police. Il fut alors jugé par ses pairs et l’on prononça la peine de mort. Par la suite, il s’enfuit de l’Irlande et présenta une demande d’asile au Canada, demande basée sur sa crainte de persécution du fait de sa participation à un certain groupe social, l’INLA. Il fut reconnu devant la Cour suprême que M. Ward avait une double citoyenneté : il était citoyen de la République d’Irlande et de la Grande-Bretagne. Il est vrai, comme la demanderesse l’affirme, que la Cour suprême a déclaré que la Convention sur les réfugiés « exige l'examen de la possibilité pour le demandeur d'obtenir une protection dans tous les pays dont il a la citoyenneté ». Toutefois, la Cour suprême a également fait remarquer qu’il revient au demandeur d’établir le bien-fondé de sa crainte de persécution dans tous les pays dont il est citoyen et que « [p]ersonne ne conteste que la vie de Ward sera en danger s'il retourne en Irlande ou en Grande‑Bretagne […] » En résumé, dans Ward, la Commission était obligée d’examiner la demande d’asile du demandeur tant pour l’Irlande que pour la Grande-Bretagne à cause de ses allégations de crainte de persécution et d’incapacité à recevoir de la protection de la part des deux autorités nationales concernées.

 

[9]               Mlle Lhakyi a fait part de sa crainte de persécution concernant seulement son retour en Chine, et aucune quant à un éventuel retour en Inde. De plus, il ne transparait rien des faits de la présente affaire qui puisse donner à penser qu’il y a lieu de craindre la persécution en Inde, étant donné que la demanderesse y a vécu et travaillé et qu’elle a participé à des manifestations pro-Tibet sans qu’il y ait d’incident. La charge de présenter une preuve concernant le bien-fondé d’une crainte de persécution revient à la demanderesse et non au ministre ou à la Commission. Puisque aucune demande n’a été présentée en ce sens, la Commission n’était pas tenue de procéder à une évaluation quant à la protection de la demanderesse en Inde.

 

[10]           La demande de contrôle judiciaire sera rejetée. Aucune partie n’a soulevé de question pour une certification.


JUGEMENT

LA COUR statue comme suit : la demande est rejetée et aucune question n’est certifiée.

 

 

« Russel W. Zinn »

Juge

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Jacques Deschênes, LL. B.


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        IMM-1839-10

 

INTITULÉ :                                       NYIMA LHAKYI c. MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 16 février 2011

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              LE JUGE ZINN

 

DATE DES MOTIFS :                      Le 28 février 2011

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

D. Clifford Luyt

 

POUR LA DEMANDERESSE

Amy King

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

CONSTANCE NAKATSU

Avocate

Toronto (Ontario)

 

POUR LA DEMANDERESSE

MYLES J. KIRVAN

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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