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Federal Court

 

Cour fédérale

 


Date : 20110211

Dossier : IMM-2517-10

Référence : 2011 CF 167

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 11 février 2011

En présence de monsieur le juge Simon Noël

 

 

ENTRE :

 

MANDEEP KAUR GREWAL

 

 

 

demanderesse

 

et

 

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

 

 

 

défendeur

 

 

 

 

           MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Mandeep Kaur Grewal demande le contrôle judiciaire de la décision en date du 3 février 2010 par laquelle un agent d’immigration du Haut‑commissariat du Canada à New Dehli, en Inde, a refusé sa demande de résidence permanente au Canada. Le juge Mosley a autorisé le recours le 5 novembre 2010.

 

[2]               La demanderesse a présenté une demande de résidence permanente dans la catégorie des travailleurs qualifiés, visée au paragraphe 12(2) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (LIPR). Les exigences minimales d’évaluation sont énoncées aux articles 75 et 76 du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS 2002/227 (RIPR). Les critères appliqués sont généralement l’âge, les études, l’expérience, l’exercice d’un emploi réservé, la capacité d’adaptation et la compétence dans les langues officielles du Canada.

 

[3]               La demanderesse conteste l’évaluation du critère de la compétence linguistique. L’agent d’immigration a attribué à la demande la note totale de 63. Il a accordé deux points pour la compétence dans les langues officielles, mais n’en a donné aucun pour le critère de l’emploi réservé. Un emploi réservé de directrice – commerce de détail attendait la demanderesse au Canada, mais l’agent d’immigration a estimé qu’elle ne pourrait en exécuter les tâches en raison de la faiblesse de ses connaissances linguistiques. En fait, l’agent d’immigration s’est fondé sur les résultats du test IETLS pour tirer une conclusion tant sur le critère de la compétence linguistique que sur celui de l’emploi réservé.

 

[4]               L’argumentation de la demanderesse met en cause l’équité procédurale du traitement de sa demande par l’agent d’immigration. Elle allègue également qu’il n’a pas suffisamment motivé sa décision et qu’il n’a pas exercé le pouvoir discrétionnaire prévu au paragraphe 76(3) du RIPR. La Cour n’examinera que le premier point, à savoir l’équité procédurale du processus suivi par l’agent d’immigration.

 

[5]               Il est établi que les questions d’équité procédurale s’examinent suivant la norme de la décision correcte, et cela reste vrai lorsque des décision d’agents d’immigration sont en cause (Dunsmuir c. Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9; Khan c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2009 CF 1312; Alam c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2008 CF 419). En l’espèce, des éléments de preuve étayent l’affirmation de la demanderesse qu’il y a eu manquement à l’équité procédurale.

 

[6]               Il est vrai que la note de la demanderesse au test IETLS n’était pas suffisante pour que l’agent d’immigration lui attribue plus de points, mais celui‑ci disposait d’éléments de preuve indiquant que la demanderesse allait passer un nouveau test pour améliorer ses résultats. Celle‑ci invoquait la maladie pour expliquer sa faible performance. Il en était clairement fait état dans les renseignements transmis par son consultant en immigration, lequel signalait en outre qu’un deuxième examen serait effectué et que les résultats seraient transmis dès leur réception.

 

[7]               Il semble que l’agent a rendu sa décision avant que les résultats du second examen ne soient envoyés. D’autres éléments de preuve ajoutaient pourtant du poids à l’explication que la maladie était la cause des résultats médiocres. La demanderesse avait en effet étudié pendant de nombreuses années, et elle affirme qu’elle utilisait l’anglais dans son emploi et ses travaux scolaires. L’agent savait que d’autres résultats étaient attendus ou devaient être soumis.

 

[8]               Fait plus important, les piètres résultats ont servi à fonder non seulement la conclusion de l’agent à l’égard de la compétence linguistique mais également sa décision de n’accorder aucun point pour le critère de l’emploi réservé, en dépit de la preuve que l’emploi était confirmé, ce qui a influé sur l’évaluation du critère de la capacité d’adaptation. L’évaluation de la compétence linguistique a donc donné lieu a une conclusion qui a eu d’importantes répercussions sur la demande, en particulier sur le critère de l’emploi réservé.

 

[9]               Le Guide OP6 – Travailleurs qualifiés (fédéral) est pertinent à cet égard. Bien qu’il n’ait pas force obligatoire, il éclaire et encadre le processus décisionnel. Il comporte notamment la directive suivante à l’égard de l’emploi réservé :

L’agent peut prendre en considération les études, la formation, les antécédents et les expériences de travail antérieures pour déterminer si le demandeur répond à ces exigences. Si l’agent a des doutes quant aux aptitudes du demandeur ou à sa volonté d’accepter et d’occuper l’emploi, il communique ces doutes au demandeur et lui donne la possibilité de les dissiper. (Non souligné dans l’original)

 

[10]           Il appert des motifs de l’agent d’immigration qu’il avait clairement de tels doutes puisque le seul fondement de sa conclusion relativement à l’emploi réservé ainsi qu’à la compétence linguistique a été la note obtenue par la demanderesse au test IETLS. Certes, le Guide OP6 n’est pas obligatoire, mais le commentaire suivant de la juge Heneghan dans Hernandez c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CF 1398, est néanmoins pertinent, bien qu’il se rapporte à un autre aspect du Guide :

Le Guide vise à aider un agent des visas à apprécier une demande et bien qu’il n'ait pas force de loi, il mérite que l’on y prête attention. À cet égard, la disposition susmentionnée de ce Guide exige qu’un agent des visas accorde à un demandeur la possibilité de fournir les documents manquants concernant les fonds pour l’établissement s’il ne répond pas à priori à cette condition. (Non souligné dans l’original)

 

 

[11]           La conclusion concernant la compétence linguistique a scellé l’issue de la demande. Elle a eu un effet direct sur ce facteur, mais aussi sur celui de l’emploi réservé et, par conséquent, sur celui de la capacité d’adaptation. Ses conséquences se situent entre 20 et 30 points. Malgré cela, il ne manquait que quatre points à la demanderesse car elle était très instruite (diplôme de maîtrise), avait un âge acceptable et était expérimentée, ce qu’indiquent clairement les 63 points obtenus.

 

[12]           Évidemment, le facteur de la compétence linguistique est fondamental pour l’atteinte des objectifs en matière de langue énoncés à la LIPR (voir les alinéas 3b) et 3b.1)). Il ne faut pas conclure que le présent jugement réduit la portée des facteurs linguistiques dans l’appréciation des exigences applicables en matière de résidence permanente, bien au contraire. À cet égard, la Cour rejette l’argument de la demanderesse selon lequel il fallait prendre en considération que l’emploi réservé exigeait la connaissance d’autres langues qu’elle parlait, à savoir le hindi et le pendjabi. Le critère de la compétence linguistique se rapporte aux langues officielles du Canada (voir le sous‑al. 76(1)a)(ii) du RIPR). La connaissance d’autres langues, bien qu’elle soit appréciable, n’est tout simplement pas un facteur pertinent pour ce qui est des exigences de résidence permanente applicables à la catégorie des travailleurs qualifiés.

 

[13]           Les déclarations de la demanderesse et son parcours scolaire permettaient raisonnablement de présumer d’une certaine connaissance de l’anglais. Si l’on ajoute à cela l’explication de la demanderesse qu’elle était malade lorsqu’elle a passé le test IETLS, il semble que la décision de l’agent d’immigration de statuer sur la demande sans avoir envoyé de lettre d’équité ou tenu d’entrevue est déraisonnable, en particulier s’il savait qu’un deuxième test IETLS devait avoir lieu. L’équité procédurale exigeait à n’en pas douter en l’espèce que l’agent approfondisse son examen au moyen d’une lettre d’équité ou d’une entrevue.

 

[14]           La présente espèce se distingue de l’affaire Al Turk c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2008 CF 1396, où l’agent ignorait qu’un deuxième test allait être administré. Ici, l’agent en a été avisé. La Cour n’adhère pas non plus à l’interprétation que fait le défendeur de la décision El Habet c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2009 CF 776, car cet affaire diffère totalement de celle qui nous occupe, la demande de M. El Habet reposant sur des motifs ne faisant pas du tout intervenir les résultats de son test IETLS.

 

[15]           Les commentaires formulés par le juge Beaudry au paragraphe 35 de Li c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2008 CF 1284, sont pertinents à cet égard, même s’il était question de permis de travail dans cette affaire :

La Loi ne prévoit pas de droit à l’entrevue (Ali c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 1998 CanLII 7681 (C.F.), (1998) 151 F.T.R. 1, 79 A.C.W.S. (3d) 140, au paragraphe 28). Cependant, l’équité procédurale exige qu’un demandeur se voie donner l’occasion de dissiper les doutes d’un agent en certaines circonstances. Lorsque l’agent ne s’appuie sur aucune preuve extrinsèque, il n’apparaît pas clairement quand il est nécessaire de faire une entrevue avec le demandeur ou de lui accorder un droit de répondre. Pourtant, la jurisprudence donne à penser qu’il existe un droit de réponse en certaines circonstances.

 

 

[16]           Il est incontestable que l’étendue de l’obligation d’équité procédurale dans un cas donné est fonction du contexte (Baker c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] 2 R.C.S. 817). Dans le cas qui nous occupe, où un guide indiquait clairement qu’il y avait lieu de chercher à en savoir davantage, où l’échec de la demande de résidence permanente résultait de la seule conclusion sur la compétence linguistique et où la preuve qu’un autre test aurait lieu était au dossier, il semble que l’équité procédurale exigeait l’envoi d’une lettre d’équité ou la tenue d’une entrevue. Le dossier n’indique pas clairement pourquoi les résultats du deuxième test IETLS n’ont pas été transmis, et ces résultats ne figurent pas dans le dossier du tribunal. Il existe clairement une obligation réciproque de la demanderesse et de l’agent de faire en sorte que tous les renseignements soient pris en compte et soumis avec diligence, obligation à laquelle il est possible que les deux parties aient manqué en l’espèce.

 

[17]           Dans un cas comme celui‑ci, la Cour est d’avis qu’il y a lieu de dûment prendre en considération la politique en matière d’immigration. Il s’ensuit que l’affaire sera renvoyée pour réexamen car il est possible que la demanderesse puisse obtenir une note de beaucoup supérieure à la note de passage de 67 exigée pour la résidence permanente. En conséquence, la demande de contrôle judiciaire est accueillie. Aucune question à certifier ne se pose.

 

JUGEMENT

 

LA COUR STATUE que la demande de contrôle judiciaire est accueillie et l’affaire est renvoyée devant un autre agent des visas pour qu’il procède à un nouvel examen complet. Aucune question n’est certifiée

 

« Simon Noël »

Juge

 

 

Traduction certifiée conforme

Ghislaine Poitras, LL.L., Trad. a.


Cour fédérale

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

Dossier :                                          IMM-2517-10

 

INTITULÉ :                                         MANDEEP KAUR GREWAL

                                                            c.        

                                                            LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                    Vancouver (Colombie-Britannique)

 

DATE DE L'AUDIENCE :                   LE 3 FÉVRIER 2011

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                LE JUGE NOËL

 

DATE DES MOTIFS :                         LE 11 FÉVRIER 2011

 

 

 

Comparutions ;

 

Puneet Khaira

 

POUR LA DEMANDERESSE

 

Sandra Weafer

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Lindsay Kenney LLP

Langley (Colombie-Britannique)

 

POUR LA DEMANDERESSE

Myles J. Kirvan

Sous-procureur général du Canada

Vancouver (Colombie-Britannique)

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

 

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