Cour fédérale |
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Federal Court |
Ottawa (Ontario), le 11 février 2011
En présence de monsieur le juge Beaudry
ENTRE :
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LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION
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MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT
[1] Il s’agit d’un appel de la part du demandeur en vertu du paragraphe 14(5) de la Loi sur la citoyenneté L.R., 1985, ch. C-29 (« la loi ») à l’encontre de la décision rendue le 25 juin 2010 par un juge de la citoyenneté (« le juge »), refusant sa demande de citoyenneté, car il n'aurait pas rencontré les exigences de l’alinéa 5(1)c) de la loi.
[2] L'appel sera rejeté pour les motifs qui suivent.
[3] Dans sa demande initiale de citoyenneté, le demandeur déclare qu'il a vécu à Montréal entre septembre 2001 et mars 2005 et à Mississauga, Ontario, à compter d’avril 2006.
[4] Il allègue, avoir fait confiance à un consultant qui lui aurait fait miroiter, que sa demande pouvait être examinée plus rapidement. À deux reprises, la Gendarmerie Royale du Canada lui aurait demandé qu'il témoigne contre ce consultant.
[5] Un premier juge a rejeté sa demande. Après une entente avec le défendeur son dossier a été réévalué par un autre juge, celui qui a rendu la décision dont appel.
[6] Une audience a été tenue le 21 décembre 2009.
[7] Le juge en est arrivé à la conclusion que le demandeur n'avait pas accumulé trois années de résidence au Canada pendant les quatre années précédant sa demande. Pour conclure ainsi, le juge a fait référence au manque de crédibilité de ce dernier ainsi qu'à plusieurs contradictions dans la documentation soumise et le témoignage fournis par le demandeur.
[8] Confronté à de semblables circonstances, le juge s'est dit incapable de recommander une exemption en vertu de l’article 15(1) de la loi.
[9] La question qui se pose donc ici est celle de savoir si le juge a rendu une décision déraisonnable dans son application de l'article 5(1)c) aux faits qu'il avait à analyser.
[10] Quoique le demandeur n’a pas fait d'argumentation quant à la norme de contrôle, je suis d'avis que la norme de la raisonnabilité s'applique (Paez c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 204, para. 12, Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 R.C.S. 190, para. 47). La cour n’interviendra que si la décision ne fait pas partie des issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit (Dunsmuir, para. 47).
[11] Je remarque tout d'abord que le juge a choisi d'adopter l'interprétation restrictive de l’article 5(1)c) de la loi c'est-à-dire que le demandeur doit démontrer qu’il a effectivement résidé au moins 1095 jours en sol canadien pendant les quatre années précédant sa demande.
[12] Je suis conscient qu'il n'y a pas unanimité à notre Cour au sujet de l'approche que les juges de la citoyenneté devraient adopter pour accepter ou refuser la citoyenneté.
[13] Dans une décision très récente « Tingmei Hao v. The Minister of Citizenship and Immigration 2011 FC 46 » le juge Mosley a étudié attentivement cette question et il en est venu à la conclusion que c'est au législateur de modifier la loi afin d'éviter des interprétations différentes de l’article 5(1)c). En d'autres mots, il reconnaît aux juges de la citoyenneté la discrétion de choisir une interprétation restrictive ou qualitative des critères de résidence. Je suis d'accord avec son raisonnement.
[14] Dans la cause qui nous occupe, le juge s'est dit préoccupé par le fait que le demandeur a admis qu'il avait indiqué une fausse adresse dans sa demande initiale pour faire avancer son dossier de façon plus rapide (dossier du défendeur volume 1 page 19). Il a noté que le demandeur avait reconnu cette fausse représentation, mais il en imputait la faute à son consultant.
[15] Le juge a considéré l'ensemble de la preuve et a noté plusieurs éléments douteux soit le fait que le demandeur ne pouvait pas se rappeler le nom de la pharmacie où il avait travaillé, le nom de ses professeurs à l’Université du Québec à Montréal (« UQAM »). Il ne pouvait indiquer l'endroit où se situait la pâtisserie où il a avait travaillé. Ses comptes bancaires étaient incomplets.
[16] Le défendeur dans son dossier complémentaire reconnaît que le juge avait en sa possession un bail qu'il n'a pas mentionné dans sa décision et qu'il se serait peut-être trompé en analysant une entrée dans le passeport du demandeur.
[17] Ces deux erreurs ne sont pas déterminantes lorsque l'analyse de la décision est faite dans son entier.
[18] Le juge s'est déclaré insatisfait de la preuve soumise afin de confirmer que le demandeur est demeuré au Canada pour une période minimale de 1095 jours malgré que plusieurs documents démontrent qu'il a été présent durant la période de référence.
[19] Malgré l'aveu du demandeur concernant sa fausse représentation dans sa demande initiale, la Cour considère que le juge pouvait soulever des questions de crédibilité soit dans le témoignage du demandeur ou dans les documents déposés au soutien de sa demande.
[20] Il m'est impossible de déclarer aujourd'hui que la décision est entachée d'une erreur révisable. L'intervention de cette Cour n'est pas souhaitable.
JUGEMENT
LA COUR ORDONNE que l’appel du demandeur soit rejeté. Le tout sans frais.
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : T-1250-10
INTITULÉ : IBRAHIM DEBAI c.
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION
LIEU DE L’AUDIENCE : Montréal (Québec)
DATE DE L’AUDIENCE : le 8 février 2011
MOTIFS DU JUGEMENT : LE JUGE BEAUDRY
DATE DES MOTIFS : le 11 février 2011
COMPARUTIONS :
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Me Lynne Lazaroff
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POUR LE DÉFENDEUR |
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Étude Kenane Montréal (Québec) |
POUR LE DEMANDEUR |
Sous-procureur général du Canada Montréal (Québec) |