Cour fédérale |
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Federal Court |
[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]
Ottawa (Ontario), le 3 décembre 2010
En présence de monsieur le juge Mosley
ENTRE :
et
ET DE L’IMMIGRATION
MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT
[1] Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire présentée en vertu de l’article 72 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la LIPR) et visant la décision rendue le 12 mai 2008 par un agent des visas de l’ambassade du Canada à Moscou, en Russie. L’agent des visas a rejeté la demande de la demanderesse visant à obtenir un visa de résident temporaire au Canada pour le motif que la demanderesse n’avait pas fourni des renseignements véridiques durant son entrevue.
LE CONTEXTE
[2] La demanderesse, Mme Grapendaal, est née le 6 mars 1969 en Russie. Elle travaille actuellement pour un fonds de placement dans le secteur privé, le Groupe Onexim (Onexim) en Russie. Le propriétaire et président d’Onexim est M. Mikhail Prokhorov. La demanderesse est conseillère auprès de la vice-présidente, Mme Elena Anikina, ainsi que responsable de la gestion des biens mobiliers de M. Prokhorov. Dans le passé, elle a travaillé pour Interros, l’une des sociétés de portefeuille les plus importantes de Russie.
[3] Onexim a été créée en juin 2007 et elle tire son nom de la [traduction] « Banque Onexim », fondée au début des années 90 par M. Prokhorov et son associé de longue date, M. Vladimir Potanin. Onexim contrôle des actifs de plus de 25 milliards de dollars américains composés d’un portefeuille d’investissements diversifié dans les secteurs suivants : les métaux, les mines, l’énergie, les services financiers, l’assurance, les médias et l’immobilier. Comme associés d’affaires, M. Prokhorov et M. Potanin détenaient des actions leur donnant le contrôle de Norilsk Nickel, de Polyus Gold, d’Interros et de la Banque Onexim jusqu’à ce qu’ils aient un différend au début de 2008.
[4] Selon les renseignements publics qui se trouvent dans le dossier, M. Potanin est décrit comme ayant été l’un des sept « oligarques » qui ont donné des sommes d’argent considérables à la campagne de réélection de Boris Elstine en 1996. Ce groupe de sept aurait été impliqué dans la fuite de capitaux, le blanchiment d’argent et le crime organisé. M. Potanin a occupé le poste de premier vice‑premier ministre responsable de la section économique et financière du gouvernement d’août 1996 jusqu’au printemps 1997.
[5] Le 3 avril 2008, Mme Grapendaal a demandé un visa de résident temporaire (VRT) pour venir au Canada. Sa demande précisait que le but de sa visite était [traduction] « de rendre visite à des amis » et [traduction] « d’assister au championnat de hockey sur glace de 2008 ». Dans son entrevue avec l’agent des visas, la demanderesse a ajouté qu’elle voulait aussi visiter le Canada.
[6] Le 12 mai 2008, la demanderesse a reçu une lettre d’un agent de l’ambassade du Canada à Moscou l’informant du refus de sa demande de VRT. À la suite de la réception de cette lettre, l’avocat de la demanderesse a soumis, le 30 mai 2008, une demande d’accès à l’information à Citoyenneté et Immigration Canada (CIC). Le 28 août 2008, CIC a transmis à Mme Grapendaal les notes du Système de traitement informatisé des dossiers d’immigration (le STIDI). Ces notes consistent en une transcription de l’entrevue de la demanderesse ainsi que d’autres renseignements à son sujet tels que sa date de naissance, sa situation matrimoniale et un historique partiel de ses emplois.
[7] En septembre 2009, le défendeur, en vertu de l’article 87 de la LIPR, a déposé une demande de non‑divulgation de certaines pages du dossier certifié du tribunal (le DCT). Le défendeur soutenait que certains renseignements dans le DCT contenaient des renseignements classifiés dont la divulgation porterait atteinte à la sécurité nationale ou à la sécurité d’autrui au Canada.
[8]
Le
9 octobre 2009, l’avocate du défendeur a télécopié à la demanderesse des copies
des pages caviardées du DCT qui étaient estimées ne plus être classifiées. Ces
pages contiennent des renseignements ayant trait à la relation entre M. Prokhorov
et M. Potanin ainsi qu’aux activités censément illicites auxquelles se seraient
livrées les sociétés dont ils étaient propriétaires et qu’ils contrôlaient,
comme je l’ai noté ci-dessus. En janvier 2010, j’ai ordonné que certains
renseignements caviardés contenus dans le DCT ne soient pas divulgués dans le
cadre de la demande de contrôle judiciaire en cause.
[9] Le 2 mars 2010, le défendeur a déposé une requête en radiation de la demande de contrôle judiciaire en invoquant son caractère théorique. Le défendeur soutenait que l’objectif principal du séjour projeté de Mme Grapendaal au Canada était d’assister au championnat international de hockey sur glace (le Championnat) dans la ville de Québec en mai 2008 et que cet événement avait déjà eu lieu. À ce titre, était-il soutenu, il n’y avait plus de question en litige à trancher par la Cour et la cause n’avait aucune chance d’être accueillie. La juge Dolores Hansen a rejeté la requête en concluant que l’exercice du pouvoir discrétionnaire de la Cour d’entendre la demande était une question que le juge saisi de la demande devait trancher en se fondant sur un dossier complet lors de l’audience. La question du caractère théorique fait par conséquent partie intégrante du présent contrôle judiciaire.
LA DÉCISION CONTRÔLÉE
[10] L’agent des visas a utilisé un document renfermant des décisions types pour rendre sa décision du 12 mai 2008. En rejetant la demande, l’agent des visas a coché la case en regard de laquelle il était écrit : « Je ne suis pas convaincu que vous avez répondu véridiquement à toutes les questions qui vous ont été posées. »
[11] Les notes du STIDI, qui consistent en une transcription de l’entrevue et incluent tout commentaire fait par l’agent des visas, font également partie de la décision si elles expliquent de façon suffisamment détaillée pourquoi la demande a été refusée : Ogunfowora c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2007 CF 471, 63 Imm. L.R. (3d) 157, au paragraphe 60. En l’espèce, les notes du STIDI révèlent que des renseignements publics donnaient à penser que les sociétés qui employaient Mme Grapendaal ainsi que certains individus qui en étaient propriétaires ou qui travaillaient pour elles sont ou étaient impliqués dans des activités commerciales douteuses. À la question qui lui a été à maintes reprises posée durant l’entrevue, à savoir ce qu’elle avait entendu à propos de ces « activités douteuses », Mme Grapendaal a prétendu qu’elle n’était pas au courant de telles activités.
[12] À la fin des notes du STIDI, l’agent des visas a déclaré ce qui suit :
[traduction]
APRÈS AVOIR EXAMINÉ TOUS LES RENSEIGNEMENTS DONT JE DISPOSAIS, JE NE SUIS PAS CONVAINCU QUE LA DEMANDERESSE A DIT LA VÉRITÉ EN FOURNISSANT DES RENSEIGNEMENTS ET EN RÉPONDANT AUX QUESTIONS LORS DE L’ENTREVUE. CELA A DIMINUÉ LA CRÉDIBILITÉ GÉNÉRALE DE SES PRÉTENTIONS, ET ELLE NE S’EST PAS ACQUITTÉE DE SON OBLIGATION DE DÉMONTRER QUE SON ADMISSION AU CANADA NE SERAIT PAS CONTRAIRE À LA LIPR. LA DEMANDE EST REJETÉE. LA LETTRE DE REFUS EST SIGNÉE.
LES QUESTIONS EN LITIGE
[13] La demande soulève les questions litigieuses suivantes :
1. La demande est-elle théorique?
2. L’agent des visas a-t-il fourni des motifs suffisants?
3. La décision de l’agent des visas était-elle raisonnable?
ANALYSE
La demande est-elle théorique?
[14] La Cour suprême du Canada a déclaré que la question du caractère théorique requérait une analyse en deux étapes. Premièrement, il convient de déterminer si le différend est encore « tangible » et « concret ». S’il ne l’est plus, la Cour doit alors décider si elle doit exercer son pouvoir discrétionnaire et entendre l’affaire : Borowski c. Canada (Procureur général), [1989] 1 R.C.S. 342, au paragraphe16.
[15] À la seconde étape, les tribunaux doivent considérer : 1) la question de savoir si le différend a sa source dans le système contradictoire; 2) la question de savoir si trancher l’affaire au fond serait économique du point de vue des ressources judiciaires et 3) la nécessité pour les tribunaux d’être sensibles à leur fonction juridictionnelle et à l’efficacité de l’intervention judiciaire : Borowski, précité, paragraphes 31 à 40.
[16] En l’espèce, la demanderesse soutient qu’aucun changement dans les circonstances ne s’est produit entre la date où la demande d’autorisation a été présentée et le présent contrôle judiciaire. La demanderesse souhaite encore visiter le Canada et rendre visite à ses amis ici. Le défendeur soutient que l’objectif principal du voyage de la demanderesse au Canada était d’assister au Championnat, lequel a eu lieu il y a plus de deux ans. Comme cet événement a déjà eu lieu, il n’y a plus de raison pour qu’elle vienne et il n’y a donc plus de question en litige à trancher par la Cour dans le contexte d’un contrôle judiciaire.
[17] Je suis convaincu qu’il existe toujours une question en litige entre les parties puisque la demanderesse souhaite encore visiter le Canada. Le début de la présente instance remontera bientôt à deux ans. Durant ce temps, les étapes procédurales dans la présente affaire ont compris une demande d’autorisation, l’opposition du défendeur à la demande d’autorisation, une requête en radiation, une demande de non-divulgation et le contrôle judiciaire. La demanderesse de même que le défendeur ont démontré la nature contradictoire du présent litige par leurs plaidoiries écrites ainsi que par l’importance qu’ils ont accordée aux questions litigieuses.
[18] Comme la demanderesse le fait remarquer, si la cause est rejetée en raison de son caractère théorique sans qu’une décision ait été rendue sur le fond, il en résultera probablement que la demanderesse fera une nouvelle demande de visa de visiteur. Si, à ce moment-là, la demande est rejetée, la demanderesse pourra de nouveau demander le contrôle judiciaire de la décision. Ajouter une autre étape dans la démarche de la demanderesse entraînerait le gaspillage de ressources judiciaires. Par conséquent, il est plus économique de trancher l’affaire au fond immédiatement.
[19] En entendant la présente affaire, la Cour n’outrepasse pas sa compétence normale. Au contraire, la plus grande partie du travail de la Cour fédérale vise précisément le contrôle de décisions de ce type. De plus, comme l’autorisation a été accordée, il convient de statuer sur le fond du contrôle judiciaire : Skobrev c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CF 485, paragraphe 6. En conséquence, j’exercerai mon pouvoir discrétionnaire et j’entendrai l’affaire.
La décision de l’agent des visas était-elle raisonnable?
[20] Quoique la demanderesse ait formulé l’affaire dans ces termes, la présente affaire ne concerne pas le fait que l’agent des visas se soit appuyé sur des éléments de preuve extrinsèques pour conclure à l’interdiction de territoire fondée sur l’implication potentielle de la demanderesse dans des activités criminelles. La question à laquelle il faut répondre est de savoir si la décision de l’agent des visas de conclure à l’interdiction de territoire de la demanderesse en se fondant sur le manquement de la demanderesse à l’obligation de véracité imposée par le paragraphe 16(1) de la LIPR était raisonnable du fait qu’elle appartenait aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit : Dunsmuir c. Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 R.C.S. 190, au paragraphe 47. Pour les motifs exposés ci-dessous, je conclus qu’elle l’était.
[21] Les notes du STIDI, qui contiennent une transcription de l’entrevue et font partie de la décision, font clairement état d’une série particulière de questions sur l’emploi de la demanderesse et sur certaines [traduction] « activités douteuses » associées aux sociétés et aux individus avec lesquels elle travaille ou a travaillé.
[22] Lors de l’entrevue, l’agent des visas a dit à la demanderesse que ses questions sur les [traduction] « activités douteuses » se fondaient sur certains documents publics. À la question de savoir ce qu’elle savait des activités alléguées, la demanderesse a répondu qu’elle n’avait jamais entendu quoi que ce soit de négatif sur les sociétés. Elle a demandé si l’agent des visas faisait référence à un incident impliquant M. Prokhorov en France et qui était sans rapport avec les allégations de blanchiment d’argent et d’activités criminelles. L’agent des visas a répondu : [traduction] « Pas à cet incident précis, mais davantage aux diverses sociétés et à leurs activités. » De nouveau, la demanderesse lui a dit qu’elle n’en savait rien. Elle a ensuite parlé des individus pour lesquels elle travaillait et de leurs échanges habituels. L’agent des visas lui a alors demandé : [traduction] « [E]t pendant tout ce temps où vous avez travaillé avec eux (depuis 2001), vous n’avez jamais rien entendu ni été témoin de quoi que ce soit de l’intérieur de la société, de partenaires d’entreprises rivales ou dans les journaux qui pourrait donner à penser que les sociétés se livraient à des activités douteuses. » La demanderesse a répondu « Non. » et a ensuite mentionné le fait qu’il y avait eu une division des actifs entre les sociétés que les journaux avaient notée. Cela ne répondait pas à la question relative à ses connaissances d’activités douteuses.
[23] Quoique l’agent des visas n’ait pas renvoyé à des documents publics particuliers, à la lumière de la série de questions posées, il est difficile de croire qu’un individu instruit ayant depuis longtemps des liens étroits avec des sociétés qui seraient impliquées dans ce type d’activités criminelles n’ait absolument aucune connaissance des questions dont il était ouvertement traité dans les médias. Compte tenu du fait que les renseignements étaient accessibles au public, y compris dans les journaux, il est difficile de croire que la demanderesse ne savait pas à tout le moins que les sociétés ou les individus faisaient l’objet de soupçons. Rien dans le dossier ne révèle que la demanderesse est une personne naïve ou mal informée qui aurait pu ne pas avoir connaissance de tels enjeux. Au contraire, elle est une femme d’affaires ayant une expérience de travail et des responsabilités considérables.
[24] Comme cela n’a pas été soulevé dans l’argumentation, je relève incidemment que les notes du STIDI montrent que la demanderesse devait apporter un [traduction] « CV détaillé » à l’entrevue. Elle ne l’a pas fait, et lorsqu’on lui a demandé pourquoi, elle a répondu : [traduction] « L’avis concernant la présente entrevue m’est parvenu tardivement et, comme notre bureau était fermé, il ne s’y trouvait personne pour imprimer mon CV. » Lorsque l’agent des visas lui a fait remarquer qu’on lui avait donné le choix de se présenter à une date différente, la demanderesse a répondu qu’elle est [traduction] « occupée ». L’agent des visas s’est alors enquis de la raison pour laquelle elle n’avait pas pu préparer chez elle son propre CV et la demanderesse lui a répondu : [traduction] « Je n’ai pas d’ordinateur à la maison. » L’agent des visas lui a dit qu’un CV écrit à la main aurait été acceptable. La demanderesse lui a dit qu’elle ne pensait pas que c’était professionnel. Le paragraphe 16(1) de la LIPR prévoit l’obligation pour les demandeurs de VRT de donner « les renseignements et tous éléments de preuve pertinents et [de] présenter les visa et documents requis ». Le défaut de la demanderesse de produire son CV alors qu’il lui était expressément demandé de le faire n’était guère favorable à sa demande compte tenu des réserves exprimées par l’agent.
[25] L’agent des visas a eu l’avantage d’interroger la demanderesse en personne. En observant comment elle a répondu aux questions – en notant ses expressions faciales, ses inflexions vocales, les pauses dans ses réponses, etc. – l’agent des visas était dans une meilleure position que la Cour pour évaluer la crédibilité de la demanderesse et la véracité de ses réponses : Aguebor c. (Canada) Ministre de l’Emploi et de l’Immigration (C.A.F.) (1993), 160 N.R. 315, au paragraphe 4. L’observation du comportement de la demanderesse par l’agent des visas a sans aucun doute contribué à la conclusion selon laquelle la demanderesse n’a pas dit la vérité dans ses réponses durant l’entrevue, ce qui jetait une ombre sur la crédibilité de ses prétentions, et selon laquelle la demanderesse ne s’était pas acquittée de son obligation de démontrer que son admission au Canada ne serait pas contraire à la LIPR. Sur le fondement du dossier dont je disposais, je ne peux affirmer que les conclusions de l’agent n’appartiennent pas aux issues acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit.
[26] Le défendeur souligne à bon droit que ce n’est pas à la Cour de remettre en question les conclusions d’un agent des visas ou de substituer sa propre conclusion à celle de l’agent des visas : Obeng c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 754, 330 F.T.R. 196, paragraphe 40. Compte tenu de l’expertise des agents des visas, leurs décisions en matière de VRT appellent une retenue considérable : Obeng, précitée, paragraphe 21; Ngalamulume c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2009 CF 1268, 362 F.T.R. 42, paragraphe 15; Wang c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2010 CF 201, paragraphe 10.
L’agent des visas a-t-il donné des motifs suffisants?
[27] Les motifs sont suffisants lorsqu’ils remplissent les fonctions pour lesquelles l’obligation de motiver a été imposée : Via Rail Canada Inc. c. Canada (Office national des transports), [2001] 2 C.F. 25 (C.A.F.), 193 D.L.R. (4th) 357, au paragraphe 21. La demanderesse invoque Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c. Charles, 2007 CF 1146, 69 Imm. L.R. (3d) 153, au paragraphe 32, qui cite Baker c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] 2 R.C.S. 817, 174 D.L.R. (4th) 193 pour affirmer que les motifs de l’agent des visas remplissent un certain nombre de fonctions : « [I]ls favorisent la bonne formulation des questions et du raisonnement; ils permettent aussi aux parties de voir que les considérations applicables ont été soigneusement étudiées et ils sont de valeur inestimable si la décision est portée en appel, contestée ou soumise au contrôle judiciaire. »
[28] La demanderesse soutient qu’on ne lui a pas donné de motifs suffisants pour lui permettre de savoir ce qu’on lui reprochait. Elle fait valoir que le formulaire de décisions [traduction] « types » par lequel elle a été informée du rejet de la demande de VRT ne faisait nullement référence aux renseignements qu’elle avait communiqués dans la demande ou dans l’entrevue. La demanderesse soutient en outre que les notes du STIDI ne donnaient pas de façon suffisamment détaillée les raisons du rejet de sa demande. Elle prétend donc qu’elle a été privée de son droit à l’équité procédurale.
[29] L’obligation d’équité procédurale impose aux agents des visas de donner des motifs qui sont « suffisamment clairs, précis et intelligibles pour que le demandeur puisse savoir pourquoi sa demande a été rejetée » : Mendoza c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CF 687, au paragraphe 4; Alem c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2010 CF 148, au paragraphe 13. Cependant, le principe de l’équité procédurale ne va pas jusqu’à exiger de l’agent des visas qu’il fournisse au demandeur un « résultat intermédiaire » des lacunes que comporte sa demande : Rukmangathan c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CF 284, 247 F.T.R. 147, au paragraphe 23; Paramasivam c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2010 CF 811, au paragraphe 29. Lors du rejet d’une demande de VRT, l’obligation de l’agent des visas de donner des motifs est minime : Ngalamulume, précitée, au paragraphe 20.
[30] Je suis d’accord avec le défendeur que les motifs de l’agent des visas satisfont à la norme minimale requise. Il ressort clairement des notes du STIDI que le point principal dont a tenu compte l’agent des visas était les réponses de la demanderesse aux questions posées à propos des [traduction] « activités douteuses » des sociétés pour lesquelles elle avait travaillé. La demanderesse a eu au cours de l’entrevue maintes occasions de traiter de ces questions et de dissiper toute réserve de l’agent des visas. Elle n’a pas tenté de le faire. En fait, lorsque l’agent a voulu qu’elle donne des précisions sur ce sujet, elle a mentionné un autre sujet sans aucun rapport, soit un voyage de M. Prokhorov en France. Je pense qu’il lui a été expliqué clairement quelles étaient les réserves de l’agent au cours de l’entrevue, et les notes du STIDI le reflètent. Je conclus par conséquent que l’agent des visas a donné des motifs suffisants et qu’il n’a pas violé le droit de la demanderesse à l’équité procédurale.
[31] Aucune question grave de portée générale n’a été proposée et aucune ne sera certifiée.
LES DÉPENS
[32] La demanderesse demande les dépens pour l’instance et en particulier pour la requête en radiation. L’avocat soutient que la demande ne pouvait pas être complètement sans fondement puisqu’il avait été conclu qu’elle respectait le seuil applicable pour que l’autorisation soit accordée, à savoir l’existence d’une [traduction] « cause défendable ».
[33] Le défendeur fait valoir que les dépens relatifs à la requête en radiation doivent être accordés à la partie qui l’emporte relativement à la demande de contrôle judiciaire en cause.
[34] Comme le prévoit l’article 22 des Règles des cours fédérales en matière d’immigration et de protection des réfugiés, DORS/93-22, sauf ordonnance contraire rendue par un juge pour des raisons spéciales, la demande d’autorisation, la demande de contrôle judiciaire ou l’appel ne donnent pas lieu à des dépens.
[35] Il n’y a pas de « raisons spéciales » pour accorder des dépens en l’espèce. Il n’y a pas eu d’abus de procédure et les parties n’ont subi, ni l’une ni l’autre, aucune difficulté sérieuse. Bien qu’en l’espèce la requête en radiation ait pu constituer une étape additionnelle inutile, on peut comprendre pourquoi le défendeur a présenté cette requête, à la lumière du fait que la raison principale que la demanderesse avait invoquée pour visiter le Canada n’existait plus .
JUGEMENT
LA COUR ORDONNE que la demande de contrôle judiciaire soit rejetée sans dépens. Il n’y a pas de question à certifier.
Traduction certifiée conforme
Jean-François Martin, LL.B., M.A.Trad.jur.
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : IMM-5137-08
INTITULÉ : MARGARITA GRAPENDAAL
et
MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ
ET DE L’IMMIGRATION
LIEU DE L’AUDIENCE : Ottawa (Ontario)
DATE DE L’AUDIENCE : Le 23 août 2010
MOTIFS DU JUGEMENT : LE JUGE MOSLEY
DATE DES MOTIFS : Le 3 décembre 2010
COMPARUTIONS :
Daniel Taylor
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Talitha A. Nabbali |
POUR LE DÉFENDEUR
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AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Perley-Robertson, Hill & McDougall LLP Avocats Ottawa (Ontario)
MYLES J. KIRVAN Sous-procureur général du Canada Ottawa (Ontario)
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POUR LE DÉFENDEUR |