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Date : 20101214

Dossier : IMM-6201-09

Référence : 2010 CF 1285

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 14 décembre 2010

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE MANDAMIN

 

 

ENTRE :

 

KATARINA ALEKSIC

 

demanderesse

 

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

 

défendeur

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire de la décision de la Section d’appel de l’immigration (SAI), datée du 24 novembre 2009, rejetant l’appel interjeté par la demanderesse à l’encontre de la décision par laquelle un agent des visas a refusé d’accorder la résidence permanente aux parents âgés de la demanderesse, dans le cadre d’une demande de parrainage dans la catégorie du regroupement familial en raison du mauvais état de santé de son père.

 

[2]               Pour les motifs qui suivent, je rejette la demande de contrôle judiciaire.

 

Contexte

[3]               Mme Katarina Aleksic (la demanderesse) est née en Serbie et, le 15 août 1996, elle a obtenu le droit d’établissement au Canada, où elle est devenue citoyenne canadienne. Son mari et elle sont pharmaciens. Au fil des ans, ses parents, tous deux Serbes, ont séjourné au Canada durant plusieurs mois d’hiver pour rendre visite à la demanderesse, à sa sœur et à leurs petits‑enfants.  

 

[4]               La demanderesse a présenté une demande en vue de parrainer ses parents afin qu’ils obtiennent la résidence permanente. Le 30 août 2006, l’agent des visas a informé la demanderesse que ses parents risquaient de ne pas être admissibles en raison de l’état de santé de son père. La demanderesse a soumis des documents et des observations en réponse à l’avis de l’agent des visas.

 

[5]               Le 16 novembre 2006, l’agent des visas a informé les parents de la demanderesse qu’ils ne remplissaient pas les conditions requises pour immigrer au Canada par lettre dont voici un extrait :

[traduction] Aux termes de l’alinéa 38(1)c) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés (LIPR), le membre de votre famille Jezdimir Aleksic est une personne dont l’état de santé, cardiopathie ischémique chronique et maladie pulmonaire obstructive chronique, risque d’entraîner un fardeau excessif pour les services sociaux et de santé (les définitions réglementaires de ces termes sont jointes à la présente). En conséquence, vous êtes interdit de territoire au Canada pour motifs sanitaires.

 

[6]               La demanderesse a interjeté appel de cette décision. La Section d’appel de l’immigration tenu une audience le 5 octobre 2009.

 

Décision contestée

[7]               Dans sa décision datée du 24 novembre 2009, la Section d’appel de l’immigration avait à se demander si le refus était valide au regard des faits et, dans l’affirmative, s’il y avait lieu d’accorder une dispense pour motifs d’ordre humanitaire.

 

[8]               La SAI a tenu compte de l’alinéa 38(1)c) de la de la LIPR qui prévoit qu’un étranger peut être interdit de territoire pour des raisons médicales si son état de santé risque d’entraîner un fardeau excessif pour les services sociaux ou de santé. Elle a aussi tenu compte de la définition de fardeau excessif figurant au paragraphe 1(1) du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002-227.

 

[9]               Elle s’est demandé si le refus était entaché d’irrégularité, et pour ce faire elle s’est employée à déterminer s’il y avait eu omission de divulguer l’état de santé, omission de donner avis ou omission des médecins de tenir compte de la preuve médicale et si la conclusion de fardeau excessif était raisonnable compte tenu des circonstances de l’espèce.

 

[10]           La SAI a conclu que dans sa lettre l’agent des visas avait correctement décrit la nature de l’état de santé du père de la demanderesse, que cette dernière avait eu la possibilité de fournir des renseignements additionnels en vue de contester l’évaluation médicale préliminaire et que l’évaluation médicale était exhaustive et étayée par la preuve médicale.  

 

[11]           La SAI a tenu compte des observations de la demanderesse. Tant la demanderesse que son mari ont indiqué dans leurs témoignages que son père était une personne active et qu’il n’avait jamais été hospitalisé au Canada. La demanderesse a en outre indiqué que son père n’aurait pas besoin des services médicaux décrits dans l’évaluation médicale. De plus, elle payait les coûts de l’oxygène administré à son père.

 

[12]           La SAI a conclu que bien que la demanderesse et son mari soient tous deux des professionnels de la santé (des pharmaciens), ils n’avaient pas [traduction] « compétence pour rendre un verdict médical sur les probabilités que l’état de santé du demandeur représente un fardeau excessif pour le système canadien ».

 

[13]           La SAI a souligné que bien que la réunion des familles constitue un objectif fondamental de la législation canadienne en matière d’immigration, cet objectif doit être concilié avec le besoin de protéger l’accès des Canadiens et des résidents permanents aux services sociaux et de santé.

 

[14]           La SAI a estimé que, malgré des difficultés accrues, il demeurait possible pour la famille de préserver les liens familiaux. Elle a en outre conclu que l’intérêt supérieur des enfants en cause continuait d’être protégé étant donné qu’ils seraient en mesure de profiter de la présence de leurs grands-parents en maintenant les arrangements déjà en place. La SAI a refusé d’accorder une dispense pour des raisons d’ordre humanitaire.

 

Législation

[15]           La Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27, (LIPR)

 

3. (1) En matière d’immigration, la présente loi a pour objet :

d) de veiller à la réunification des familles au Canada

3.  (1) The objectives of this Act with respect to immigration are

 

(d) to see that families are reunited in Canada;

38. (1) Emporte, sauf pour le résident permanent, interdiction de territoire pour motifs sanitaires l’état de santé de l’étranger constituant vraisemblablement un danger pour la santé ou la sécurité publiques ou risquant d’entraîner un fardeau excessif pour les services sociaux ou de santé.

38. (1) A foreign national is inadmissible on health grounds if their health condition

 

(c) might reasonably be expected to cause excessive demand on health or social services.

42. Emportent, sauf pour le résident permanent ou une personne protégée, interdiction de territoire pour inadmissibilité familiale les faits suivants :

a) l’interdiction de territoire frappant tout membre de sa famille qui l’accompagne ou qui, dans les cas réglementaires, ne l’accompagne pas;

42. A foreign national, other than a protected person, is inadmissible on grounds of an inadmissible family member if

 

(a)        their accompanying family member or, in prescribed circumstances, their non-accompanying family member is inadmissible;

 

 

Le Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002-227

 

1.(1) [...]

« fardeau excessif » Se dit :

a) de toute charge pour les services sociaux ou les services de santé dont le coût prévisible dépasse la moyenne, par habitant au Canada, des dépenses pour les services de santé et pour les services sociaux sur une période de cinq années consécutives suivant la plus récente visite médicale exigée par le présent règlement ou, s’il y a lieu de croire que des dépenses importantes devront probablement être faites après cette période, sur une période d’au plus dix années consécutives;

b) de toute charge pour les services sociaux ou les services de santé qui viendrait allonger les listes d’attente actuelles et qui augmenterait le taux de mortalité et de morbidité au Canada vu l’impossibilité d’offrir en temps voulu ces services aux citoyens canadiens ou aux résidents permanents.

1.(1) [...]

 “excessive demand” means

(a) a demand on health services or social services for which the anticipated costs would likely exceed average Canadian per capita health services and social services costs over a period of five consecutive years immediately following the most recent medical examination required by these Regulations, unless there is evidence that significant costs are likely to be incurred beyond that period, in which case the period is no more than 10 consecutive years; or

 

(b) a demand on health services or social services that would add to existing waiting lists and would increase the rate of mortality and morbidity in Canada as a result of an inability to provide timely services to Canadian citizens or permanent residents.

 

Les questions en litige

[16]           Voici comment je formulerais les questions en litige :

1.      La SAI a‑t‑elle procédé à une analyse appropriée, tenant compte de tous les éléments de preuve pertinents dont elle disposait?

2.      La SAI a‑t‑elle commis une erreur en rejetant le scénario selon lequel la demanderesse prendrait comme dans l’arrêt Hilewitz des dispositions pour assumer les frais médicaux engagés pour son père?

3.      La SAI a‑t‑elle commis une erreur en refusant d’accorder une dispense pour des raisons d’ordre humanitaire?

 

La norme de contrôle

[17]           La Cour suprême du Canada a établi deux normes de contrôle dans Dunsmuir c. Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 R.C.S. 190, soit la norme de la décision raisonnable et la norme de la décision correcte. Le tribunal siégeant en révision peut considérer et suivre les décisions antérieures ayant déjà établi la norme devant s’appliquer dans certaines circonstances.

 

[18]           Selon la jurisprudence, les décisions de la Section d’appel de l’immigration relatives à l’interdiction de territoire pour des raisons des santé sont assujetties à la norme de la décision raisonnable : Vazirizadeh c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2009 CF 807, Vashishat c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 1346. La norme de contrôle applicable à la décision de la SAI en l’espèce – qui soulève une question mixte de fait et de droit – est donc la norme de la décision raisonnable énoncée dans Dunsmuir c. Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9, au par. 47.

 

Analyse

Éléments de preuve sur lesquels se fonde l’analyse de la SAI

[19]           La demanderesse soutient que l’évaluation médicale était générique plutôt qu’individuelle comme l’exige l’arrêt Hilewitz c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) 2005 CSC 57 [Hilewitz]. À titre d’exemple, la demanderesse souligne qu’elle et son mari ont présenté des rapports concernant l’état de santé de son père et qu’elle a transmis le rapport d’un médecin indiquant que l’état de santé de ce dernier n’était pas susceptible de changer soudainement et qu’il ne serait pas traité par chirurgie parce que, en raison de sa maladie, une telle intervention lui serait fatale. La demanderesse soutient que ces rapports n’ont pas été pris en compte aux fins de l’évaluation.

 

[20]           Je note que la SAI disposait d’éléments de preuve médicaux, dont elle a tenu compte. Je constate également que, bien que la demanderesse se soit plaint du fait que l’évaluation de l’état de santé son père était générique plutôt qu’individuelle, il est admis que son père souffre d’un grave problème de santé et qu’il est atteint d’une cardiopathie ischémique, aggravée par la présence d’une hypertension artérielle. Nul ne conteste également qu’il est aussi atteint d’une maladie pulmonaire obstructive. 

 

[21]           Dans sa lettre du 30 août 2006 invitant la demanderesse à présenter des observations additionnelles concernant l’état de santé de son père, l’agent des visas fait mention de la déclaration médicale du médecin agréé concernant le père de la demanderesse, dont voici un extrait :

[traduction] Le demandeur, âgé de 72 ans, est atteint depuis longtemps d’une cardiopathie ischémique aggravée par la présence d’une hypertension artérielle et d’une hypercholestérolémie, pour lesquelles il doit prendre plusieurs médicaments. Il a déclaré qu’il avait eu une coronarographie positive (ayant montré une sténose coronarienne), mais qu’il avait été traité par des médicaments plutôt que par chirurgie.

 

M. Aleksic est également atteint de maladie pulmonaire obstructive chronique. Une exploration fonctionnelle pulmonaire a révélé un VEMS (volume expiratoire maximal par seconde) fortement diminué correspondant à seulement 34 % de la valeur prévue, ce qui place le demandeur dans la catégorie des cas graves. La saturation du sang artériel en oxygène (Sa02) au repos est de 91 %, ce qui est inférieur à la normale (> 98 %); l’effort entraîne une désaturation, la Sa02 diminuant à 85 % après cinq minutes de marche. La saturation en oxygène au repos est très près du seuil où l’on pourrait s’attendre à ce que l’oxygénation à domicile soit nécessaire. La maladie pulmonaire est évidente à la radiographie pulmonaire, comme en témoignent les changements emphysémateux évidents, de même que la dilatation de l’artère pulmonaire centrale indiquant une hypertension pulmonaire chronique. Le demandeur doit prendre plusieurs médicaments pour augmenter sa capacité respiratoire [...]

 

Cette déclaration médicale, soumise en preuve devant la SAI, contient de toute évidence une évaluation personnalisée de l’état de santé du père de la demanderesse.

 

[22]           L’évaluation du médecin précise qu’il est normal qu’une cardiopathie ischémique nécessite [traduction] « au fur et à mesure de son évolution des soins continus sous la supervision de spécialistes ». Dans le même ordre d’idées, le médecin indique qu’on peut s’attendre à ce qu’une maladie pulmonaire obstructive continue à [traduction] « progresser et à s’aggraver ». Le médecin était d’avis que la progression des deux maladies risquait d’entraîner un fardeau excessif pour les services de santé. 

 

[23]           Dans ses observations, la demanderesse a cherché à s’appuyer sur les antécédents médicaux positifs de son père pour prédire son état de santé futur. Elle ne peut de cette façon écarter le pronostic du médecin agréé qui tient compte du diagnostic dont sont père a fait l’objet et de l’évolution normale de sa maladie.

 

[24]           La demanderesse soutient que son père ne subira pas d’intervention chirurgicale coûteuse, mais, comme le défendeur l’a fait remarquer, la demanderesse n’a fourni aucun rapport médical indiquant que son père ne serait pas en mesure d’être traité par chirurgie; elle a uniquement fait référence à une conversation qu’elle a eue avec un médecin de Belgrade à cet égard. C’est à bon droit que la SAI n’a pas tenu compte de ces renseignements, qui constituent du ouï-dire.

[25]           La SAI n’a pas commis d’erreur en notant que la demanderesse et son mari, bien qu’ils soient des professionnels de la santé, ne sont pas des médecins ayant les compétences requises pour donner un avis médical concernant l’état de santé du père de la demanderesse. Le témoignage de demanderesse n’a pas par ailleurs ébranlé de façon significative la validité et la pertinence du rapport médical du médecin agréé.

 

Les mesures de type Hilewitz

[26]           La demanderesse soutient que la SAI a omis de prendre en compte le fait que la RAMO ne couvrirait pas le coût des médicaments et de l’oxygène fournis à son père, et du fait qu’elle avait offert d’assumer ces coûts. La demanderesse fait valoir que la SAI n’aurait donc pas dû faire fi des mesures de type Hilewitz qu’elle avait proposées.

 

[27]           Le défendeur a fait valoir que notre Cour a déjà confirmé dans Lee c. Canada (M.C.I.), 2006 CF 1461 que l’arrêt Hilewitz s’appliquait lorsqu’il s’agit de soins de santé financés par l’État, mais je constate que dans la décision Jafarian c. Canada (M.C.I.), 2010 CF 40, [2010] 360 FTR 150, la Cour a appliqué les principes énoncés dans Hilewitz à des médicaments délivrés sur ordonnance dans la mesure où la majeure partie des fonds utilisés pour payer ces médicaments ne provenaient pas du gouvernement.   

 

[28]           Toutefois, il ressort de la preuve médicale que le père de la demanderesse n’aura pas uniquement besoin de médicaments et d’oxygène et qu’il aura vraisemblablement besoin de soins continus et d’être suivi par des spécialistes de divers domaines de la médecine, lesquels services sont fournis par l’État.

 

[29]           Rien ne laisse croire que la SAI a mal évalué l’étendue des services de soins de santé qu’il faudrait fournir dans le futur au père de la demanderesse en raison de son état de santé. La SAI n’a pas commis d’erreur en ne retenant pas la possibilité que des mesures de type Hilewitz soient prises, c’est‑à‑dire la possibilité que la demanderesse paie les frais médicaux engagés pour son père, étant donné que l’arrêt Hilewitz portait expressément sur la capacité d’un demandeur de supporter les coûts des services sociaux et non des services de santé.

 

[30]           J’estime que la SAI, qui a tenu compte de la preuve médicale dont disposait l’agent des visas, a procédé à une analyse adéquate de la décision par laquelle il a rejeté la demande de la demanderesse. Sa conclusion selon laquelle la demanderesse ne s’est pas acquittée du fardeau de preuve qui lui incombait était raisonnable.

 

Dispense  pour motif d’ordre humanitaire

[31]           La demanderesse soutient que la SAI n’a pas tenu compte de la preuve relative au préjudice que subirait son père s’il avait à voyager par avion et des impacts d’ordre financier qu’impliquerait pour elle un retour en Serbie pour rejoindre ses parents. La demanderesse ajoute que la SAI n’a considéré que de façon superficielle le meilleur intérêt des enfants, le principe de la réunification des familles et la question du préjudice causé à chacun des membres de la famille.

 

[32]           La SAI était au courant qu’il était de plus en plus difficile pour les parents de la demanderesse de venir au Canada en tant que visiteurs. Elle a en outre reconnu que la demanderesse rencontrerait des difficultés si elle retournait vivre en Serbie pour prendre soin d’eux. Elle a repris en détail les arguments de la demanderesse concernant le rôle de ses parents dans le soin des enfants et conclu que, sans être pratiques ou simples, des solutions de rechange s’offraient néanmoins à la famille. Rien ne permettait de conclure que la SAI a omis de prendre en compte ou mal compris des aspects importants de la position de la demanderesse.

 

[33]           Il est clair que la SAI a tenu compte des préoccupations de la demanderesse pour rendre sa décision, mais il n’en était pas moins raisonnable que dans l’exercice de sa discrétion elle accorde plus de poids aux prescriptions de l’article 38 de la LIPR en matière de non-admissibilité fondée sur des raisons d’ordre médical. Il était loisible à la SAI de mettre en balance comme elle l’a fait le principe de réunification des familles et la nécessité de protéger le système de santé canadien contre les demandes excessives.

 

[34]           L’octroi d’une dispense pour des motifs d’ordre humanitaire relève des pouvoirs discrétionnaires de la SAI, et j’estime que cette dernière a effectivement tenu compte des considérations d’ordre humanitaire en les mettant en balance avec la nécessité de protéger l’accès aux services de santé. La décision de la SAI était raisonnable, et elle faisait partie des issues acceptables.

 

Questions à certifier

[35]           La demanderesse souhaite que les questions suivantes soient certifiées :

1. Le critère de validité de l’avis médical sous le régime des lois relatives à l’immigration a été clarifié en février 2005 dans Hilewitz. Dans cet arrêt, la Cour suprême du Canada a statué que pour être valide un avis médical doit reposer sur une évaluation individualisée du demandeur tenant compte de son unicité et de la probabilité qu’il soit nécessaire de recourir à des services et non simplement sur le fait que la personne en cause soit admissible à les recevoir. Cette remarque incidente s’applique‑t‑elle aux services médicaux, ou est-il plutôt exact de dire que les principes énoncés dans Hilewitz s’appliquent uniquement aux individus appelés à recourir aux services sociaux?

 

2. Le médecin agréé/l’agent des visas/la SAI doivent‑ils tenir compte tant des critères médicaux que non médicaux — comme la disponibilité, la rareté ou le coût des services financés par l’État, ainsi que la volonté et la capacité du demandeur ou de sa famille de payer pour les services en question?

 

3. Le médecin agréé/l’agent des visas/la SAI peuvent‑ils déterminer la nature, la gravité ou la durée probable d’une maladie sans tenir compte de la situation particulière de l’individu concerné?

 

4. Le médecin agréé/l’agent des visas/la SAI peuvent‑ils associer un coût à une invalidité ou à un état de santé en se fondant uniquement sur la classification de la maladie et non sur la façon précise dont elle se manifeste et sans déterminer si la personne concernée risque d’entraîner un fardeau excessif pour les services de santé financés par l’État?

 

5. Le médecin agréé/l’agent des visas/la SAI doivent‑ils procéder à l’analyse de tous les facteurs médicaux et non médicaux?

 

6. Est‑ce l’agent des visas ou le médecin agréé qui doit répondre à toutes les questions que soulèvent les renseignements médicaux et non médicaux figurant dans la lettre requise par l’équité? L’agent des visas peut‑il faire prévaloir son opinion?

 

7. Dans l’évaluation de la légalité de la décision de l’agent des visas et du médecin agréé, la SAI a‑t‑elle eu raison de conclure que le principe de l’évaluation individualisée de la demande excessive énoncé dans Hilewitz ne s’applique pas aux services médicaux?

 

8. En restreignant l’application des évaluations individualisées aux services sociaux, entrave‑t‑on la compétence de la SAI en matière de motifs d’ordre humanitaire en excluant des facteurs pertinents?

 

[36]           Le défendeur s’est opposé à la certification des questions de la demanderesse au motif qu’elles ont été soumises hors délai et que les exigences de l’alinéa 74d) de la LIPR ne sont pas remplies.

 

[37]           Pour être certifiée, une question doit transcender les parties au litige, être d’un grand intérêt ou d’application générale, et être susceptible de déterminer l’issue de l’appel : Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c. Liyanagamage (1994), 176 NR 4 (CAF). Je vais examiner chacune des questions.

 

[38]           Les questions 1, 3 et 4 concernent toutes trois la question fondamentale de savoir si une évaluation doit être individualisée. Le principe selon lequel l’évaluation visant à déterminer dans quelle mesure l’intéressé devra recourir aux services de santé doit être individualisée a déjà été reconnu par la jurisprudence : Jafarian c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2010 CF 40, au par 23.

 

[39]           La question 2, qui est pour ainsi dire identique à la question 5 portant sur la nécessité de ternir compte des facteurs médicaux et non médicaux, a déjà été tranchée : voir à titre d’exemple Sapru c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2010 CF 240, au par. 19.

 

[40]           Pour ce qui est de la question 6, qui porte sur la latitude dont jouit l’agent des visas à l’égard de l’opinion du médecin agréé a déjà été examinée par les tribunaux : Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration) c. Jiwanpuri (C.A.F..), [1990] 109 NR 293, 10 Imm LR (2d) 241; et Sapru c. Canada Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2010 CF 240, aux par. 12‑13.

 

[41]           Pour ce qui est des questions 7 et 8, rien dans la décision de la SAI ne donne à penser que celle‑ci a estimé que l’évaluation individualisée de la demande excessive, suivant l’arrêt Hilewitz, ne s’applique pas à des services médicaux. La demanderesse a peut-être mal interprété le paragraphe 12 de la décision de la SAI, où cette dernière conclut que la demanderesse ne pouvait prendre des dispositions analogues à celles dont il est question dans Hilewitz en vue de payer les frais médicaux de son père étant donné que ces frais sont supportés par le gouvernement. Cette question a déjà été réglée par la jurisprudence.

 

[42]           Par conséquent, il n’y a pas lieu de certifier les questions proposées par la demanderesse.

 

Dispositif

[43]           Pour les motifs susmentionnés, je rejette donc la demande de contrôle judiciaire de la décision de la SAI.

 

JUGEMENT

 

LA COUR STATUE que

1.      La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

2.      Aucune question de portée générale n’est certifiée.

3.      Aucune ordonnance n’est rendue quant aux dépens.

 

 

« Leonard S. Mandamin »

Juge

 

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Chantal DesRochers, LL.B., D.E.S.S. en trad.

 

 


Cour fédérale

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

Dossier :                                                    IMM-6201-09

 

 

INTITULÉ :                                                   KATERINA ALEKSIC c.
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                             Toronto (Ontario)

 

 

DATE DE L’AUDIENCE :                           Le 23 septembre 2010

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                                          Le juge Mandamin

 

 

DATE DES MOTIFS :                                  Le 14 décembre 2010

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Preevanda K. Sapru

 

POUR LA DEMANDERESSE

 

A. Leena Jaakimainen

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Preevanda K.Sapru

Avocats

Toronto (Ontario)

 

POUR LA DEMANDERESSE

Myles J. Kirvan, c.r.

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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