Cour fédérale |
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Federal Court |
[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]
Ottawa (Ontario), le 10 décembre 2010
En présence de monsieur le juge Beaudry
ENTRE :
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(ALIAS FULIN HAN)
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et
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ET DE L’IMMIGRATION
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MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT
[1] Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire, présentée en vertu du paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la Loi), d’une décision rendue le 17 mars 2010 par la Section de la protection des réfugiés (la Commission), qui a conclu que le demandeur n’était ni un réfugié au sens de la Convention ni une personne à protéger.
[2] La demande de contrôle judiciaire sera accueillie pour les motifs qui suivent.
[3] Le demandeur, un citoyen de la République populaire de Chine (la Chine), craint d’être persécuté pour avoir aidé un séparatiste tibétain.
[4] Les questions déterminantes en l’espèce sont la crédibilité du témoignage oral et du Formulaire de renseignements personnels (le FRP) du demandeur ainsi que les risques qu’il soit persécuté advenant son retour en Chine.
[5] Les conclusions de la Commission quant à la crédibilité devraient être examinées selon la norme de raisonnabilité (Aguirre c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 571, [2008] A.C.F. no 732 (QL), au paragraphe 14). En conséquence, la Cour n’interviendra que si la décision n’appartient pas aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit (Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 R.C.S. 190, au paragraphe 47).
[6] En l’espèce, la Cour ne peut admettre que les conclusions défavorables de la Commission appartiennent aux issues possibles acceptables.
[7] Premièrement, en se fondant sur sa propre expérience liée à des centaines d’affaires dans lesquelles (paragraphe 6 de la décision) des personnes en fuite de la police ont eu recours à un taxi ou à un motocycliste de passage pour semer des policiers à leurs trousses, la Commission a tenu pour acquis que l’employé du demandeur aurait cherché à fuir au plus vite la police. Il peut en être ainsi, mais dans l’affaire qui nous occupe, il existe une explication raisonnable justifiant le choix de l’employé d’attendre le demandeur. La réponse se trouve à la page 483 du dossier du tribunal. Lorsque interrogé à ce sujet par le demandeur, l’employé a répondu qu’il craignait de se faire arrêter par la police à cause d’une réunion liée à une manifestation prévue pour le lendemain qui avait été découverte par la police. Une descente avait été effectuée et, alors qu’il s’enfuyait en courant, l’employé était tombé et s’était blessé au bras et disloqué le poignet. La Cour juge cette explication plausible.
[8] Deuxièmement, après lecture de la transcription, la Cour ne peut accepter la conclusion de la Commission selon laquelle le demandeur a présenté un témoignage contradictoire concernant la date à laquelle les services de police ont su que son employé était supposément impliqué dans des activités séparatistes tibétaines (dossier du tribunal, pages 487 et 488).
[9] Troisièmement, la Commission a déclaré qu’il était invraisemblable ou non crédible que le demandeur communique avec un étranger qui annonce des services de voyage dans les journaux et qu’il lui fasse part du problème allégué avant de savoir si cet homme était impliqué dans la fabrication de faux documents de voyage. À la page 491 du dossier du tribunal, le demandeur explique avoir dû dire la vérité à cet étranger parce qu’il craignait d’être arrêté au moment de passer la douane. Les conclusions défavorables tirées par la Commission à cet égard ne sont pas appuyées par la preuve.
[10] Enfin, la Cour est d’avis que l’affaire devrait être renvoyée pour nouvel examen, car, aux paragraphes 11, 12 et 13 de sa décision, la Commission a établi une analogie entre des personnes aidant des adeptes du Falun Gong et des personnes soutenant les Tibétains, et en a conclu que les deuxièmes ne couraient pas de risques plus élevés que les premières. Ce faisant, la Commission a renvoyé à des documents sur la situation dans le pays portant sur les adeptes du Falun Gong.
[11] Dans la décision, aucune mention n’est faite des documents sur la situation dans le pays en ce qui a trait au bilan de la Chine en matière de droits de la personne dans les zones tibétaines de ce pays (pages 82, 113, 332 et 477 du dossier du tribunal). Aucune analyse n’a été effectuée par la Commission afin de déterminer si le demandeur était visé par la situation dans le pays décrite par les autres documents.
[12] L’intervention de la Cour est justifiée.
[13] Les parties n’ont pas proposé de questions aux fins de certification et l’affaire n’en soulève aucune.
JUGEMENT
LA COUR ORDONNE que la demande de contrôle judiciaire soit accueillie. L’affaire est renvoyée à un tribunal différemment constitué pour qu’il statue à nouveau sur l’affaire. Aucune question n’est certifiée.
Traduction certifiée conforme
Julie-Marie Bissonnette
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : IMM-2131-10
INTITULÉ : FU LIN HAN (ALIAS FULIN HAN)
c.
MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION
LIEU DE L’AUDIENCE : Toronto (Ontario)
DATE DE L’AUDIENCE : Le 6 décembre 2010
MOTIFS DU JUGEMENT : LE JUGE BEAUDRY
DATE DES MOTIFS : Le 10 décembre 2010
COMPARUTIONS :
Robert I. Blanshay
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Eleanor Elstub
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AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Otis & Korman Toronto (Ontario)
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Myles J. Kirvan Sous-procureur général du Canada Toronto (Ontario)
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