Cour fédérale |
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Federal Court |
[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]
Ottawa (Ontario), le 3 décembre 2010
En présence de monsieur le juge Kelen
ENTRE :
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LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION
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MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT
[1] Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire visant la décision du 25 février 2010 par laquelle la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (la Commission) a conclu que la demanderesse, au motif qu’elle n’a pas été estimée crédible, n’était ni une réfugiée au sens de la Convention ni une personne à protéger aux fins des articles 96 et 97 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch.27 (la Loi). La Commission a conclu subsidiairement que la demanderesse disposait à Bogotá d’une possibilité de refuge intérieur (PRI) et qu’elle n’avait pas réussi à réfuter la présomption de protection de l’État.
LES FAITS
Le contexte
[2] La demanderesse est une citoyenne de la Colombie âgée de 30 ans. Le 23 mars 2008, elle est arrivée au Canada et y a demandé l’asile. La demande d’asile de la demanderesse était jointe à l’origine à celle de son mari, mais la relation entre les époux ayant pris fin, la Cour a fait droit à la demande de disjonction en deux demandes d’asile.
[3] La demanderesse a déclaré que ses parents et d’autres membres de sa famille avaient des liens avec Dignidad 2000, un groupe de défense des droits de la personne. En outre, les parents de la demanderesse possédaient une ferme au nord de la ville de Cali, en Colombie. En 1998, le père de la demanderesse a, selon celle-ci, commencé à recevoir des menaces de la part des Forces armées révolutionnaires de Colombie (les FARC, des guérilleros de gauche), par suite de quoi, il a vendu ses terres.
[4] La demanderesse a terminé ses études secondaires à Cali en 1998. Ses parents l’ont alors envoyée au Canada en raison des menaces proférées et pour qu’elle puisse suivre pendant six mois des cours d’anglais. En 1999, après avoir vendu leurs terres, les parents de la demanderesse ont quitté Cali pour aller trouver refuge aux États-Unis.
[5] Une fois ses cours d’anglais terminés en décembre 1999, la demanderesse est allée rendre brièvement visite à ses parents aux États-Unis, puis elle est retournée à Cali pour y poursuivre des études universitaires. La demanderesse vivait avec sa grand-mère à Cali, mais ses parents, craignant qu’elle ne soit persécutée en Colombie, l’ont maintes fois exhortée à venir les rejoindre aux États‑Unis.
[6] En 2000, deux cousins du demi-frère de la demanderesse ont été assassinés. Craignant pour sa propre sécurité, la demanderesse s’est enfuie de Colombie pour aller rejoindre ses parents aux États-Unis. Elle a obtenu un visa d’études, qui est venu à expiration en 2001 et n’a pas été renouvelé. En 2002, le demi-frère est à son tour allé rejoindre la demanderesse et les parents de celle-ci aux États-Unis.
[7] Entre 2002 et 2006, un certain nombre d’autres amis et parents éloignés de la demanderesse ont également été tués. La demanderesse croit qu’il y avait un lien entre ces meurtres et les menaces proférées par deux groupes bien connus d’insurgés colombiens – les FARC ainsi que les Autodéfenses unies de Colombie (AUC), une force paramilitaire d’extrême droite – contre les membres de Dignidad 2000.
[8] La demanderesse est retournée trois fois en Colombie en 2004, pour faire de brèves visites à sa grand-mère souffrante.
[9] Aux États-Unis, la demanderesse a épousé un citoyen américain dont elle a par la suite divorcé. Elle a épousé son mari actuel, un citoyen colombien, le 15 mars 2008. Comme je l’ai mentionné précédemment, sa demande d’asile était initialement jointe à celle de son mari, mais il y a eu ensuite disjonction des demandes (par suite d’actes de violence conjugale et de la rupture du mariage).
[10] Jamais avant la présentation de la demande d’asile donnant lieu à la présente demande de contrôle la demanderesse ni aucun autre membre de sa famille n’a demandé l’asile aux États-Unis, où la demanderesse a vécu sans disposer pendant six années d’un statut.
La décision à l’examen
[11] Le 25 février 2010, la Commission a rejeté la demande d’asile de la demanderesse parce qu’elle a conclu que la demanderesse n’était pas crédible. Selon la Commission, la demanderesse ne craignait pas subjectivement de subir de graves préjudices en Colombie et elle n’avait jamais été membre de Dignidad 2000 ni n’avait jamais eu de liens avec ce groupe. En outre, la Commission a conclu que la demanderesse disposait à Bogotá d’une PRI valable.
[12] Quant à la crainte subjective de subir de graves préjudices en Colombie, la Commission a conclu que les actions de la demanderesse ne cadraient pas avec l’existence d’une telle crainte, en faisant valoir les trois motifs qui suivent :
1. En 1999, la demanderesse est retournée à Cali, la ville que ses parents avaient fui, et ce, malgré que ces derniers l’avaient exhortée de ne pas y retourner.
2. La demanderesse n’a pas demandé l’asile aux États-Unis après y être retournée en 1999 ou en 2000, ni l’une des trois fois où elle est revenue dans ce pays depuis la Colombie en 2004, ni après l’échec de son premier mariage avec un citoyen américain.
3. La demanderesse a vécu six années aux États-Unis sans y disposer d’un statut juridique et sans chercher à en obtenir un.
[13] Quant aux liens de demanderesse avec Dignidad 2000, la Commission a conclu que la demanderesse n’avait pas établi leur existence selon la prépondérance de la preuve. La Commission a premièrement conclu que si la famille de la demanderesse s’était réellement enfuie en raison de ses liens avec Dignidad 2000, la demanderesse aurait mentionné ce groupe dès la présentation de sa demande d’asile. La demanderesse a au contraire expressément déclaré, a conclu la Commission, n’avoir jamais été membre d’une organisation quelconque. La Commission a rejeté les explications avancées par la demanderesse pour ne pas avoir mentionné ses liens avec Dignidad 2000 lors de la présentation de sa demande d’asile au Canada – elle n’en était pas membre, mais lui donnait simplement son appui, et elle subissait alors l’influence de son conjoint violent. La Commission a fait remarquer, deuxièmement, que la seule preuve produite par la demanderesse pour démontrer l’existence de Dignidad 2000, des meurtres qui auraient été perpétrés contre ses membres et des liens de la demanderesse avec ce groupe consistait en une lettre transmise par télécopieur et soumise le jour même de l’audience, sans qu’il n’y ait de feuille d’envoi ni de renseignements sur le mode de transmission ou le lieu d’expédition. La Commission n’a guère accordé de poids à cet élément de preuve documentaire.
[14] La Commission a enfin conclu que Bogotá constituerait une PRI valable pour la demanderesse. La Commission a relevé qu’aucun membre des FARC ou des AUC n’était entré en contact avec la demanderesse même, que ce soit lorsqu’elle vivait à Cali ou lorsqu’elle était revenue en visite en Colombie. La Commission a ajouté que, d’après son témoignage, rien n’empêchait la demanderesse d’aller vivre à Bogotá – hormis la crainte alléguée de subir des préjudices. La Commission a examiné la preuve objective sur la protection de l’État en Colombie, à Bogotá tout particulièrement. La Commission a conclu que les citoyens disposaient d’une protection de l’État adéquate en Colombie. Elle a aussi examiné la situation personnelle de la demanderesse et a relevé que celle-ci n’avait fourni la preuve d’aucune tentative qu’elle ou les membres de sa famille auraient faite pour obtenir des autorités gouvernementales la protection requise. Il n’y avait aucune preuve non plus quant au moindre motif pouvant empêcher l’État d’offrir sa protection. Tout en reconnaissant la possibilité que les familles de propriétaires terriens aient été exposées à des risques particuliers, la Commission a souligné que la famille du demandeur avait vendu ses terres. La Commission a par conséquent conclu que, même si la demanderesse avait trop peur pour retourner à Cali, elle disposerait à Bogotá d’une PRI valable.
LES DISPOSITIONS LÉGALES PERTINENTES
[15] L’article 96 de la Loi accorde protection aux réfugiés au sens de la Convention :
96. A qualité de réfugié au sens de la Convention — le réfugié — la personne qui, craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un groupe social ou de ses opinions politiques :
a) soit se trouve hors de tout pays dont elle a la nationalité et ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de chacun de ces pays;
b) soit, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle, ne peut ni, du fait de cette crainte, ne veut y retourner. |
96. A Convention refugee is a person who, by reason of a well-founded fear of persecution for reasons of race, religion, nationality, membership in a particular social group or political opinion,
(a) is outside each of their countries of nationality and is unable or, by reason of that fear, unwilling to avail themself of the protection of each of those countries; or
(b) not having a country of nationality, is outside the country of their former habitual residence and is unable or, by reason of that fear, unwilling to return to that country |
[16] L’article 97 de la Loi accorde pour sa part protection aux personnes dont le renvoi du Canada exposerait à une menace à leur vie, au risque de peines cruelles et inusitées ou à un risque de torture :
97. (1) A qualité de personne à protéger la personne qui se trouve au Canada et serait personnellement, par son renvoi vers tout pays dont elle a la nationalité ou, si elle n’a pas de nationalité, dans lequel elle avait sa résidence habituelle, exposée :
a) soit au risque, s’il y a des motifs sérieux de le croire, d’être soumise à la torture au sens de l’article premier de la Convention contre la torture;
b) soit à une menace à sa vie ou au risque de traitements ou peines cruels et inusités dans le cas suivant : (i) elle ne peut ou, de ce fait, ne veut se réclamer de la protection de ce pays,
(ii) elle y est exposée en tout lieu de ce pays alors que d’autres personnes originaires de ce pays ou qui s’y trouvent ne le sont généralement pas, (iii) la menace ou le risque ne résulte pas de sanctions légitimes — sauf celles infligées au mépris des normes internationales — et inhérents à celles-ci ou occasionnés par elles, (iv) la menace ou le risque ne résulte pas de l’incapacité du pays de fournir des soins médicaux ou de santé adéquats. |
97. (1) A person in need of protection is a person in Canada whose removal to their country or countries of nationality or, if they do not have a country of nationality, their country of former habitual residence, would subject them personally
(a) to a danger, believed on substantial grounds to exist, of torture within the meaning of Article 1 of the Convention Against Torture; or
(b) to a risk to their life or to a risk of cruel and unusual treatment or punishment if
(i) the person is unable or, because of that risk, unwilling to avail themself of the protection of that country, (ii) the risk would be faced by the person in every part of that country and is not faced generally by other individuals in or from that country, (iii) the risk is not inherent or incidental to lawful sanctions, unless imposed in disregard of accepted international standards, and
(iv) the risk is not caused by the inability of that country to provide adequate health or medical care. |
LES QUESTIONS EN LITIGE
[17] La demanderesse soulève les trois questions qui suivent dans ses observations :
1. La Commission a-t-elle commis une erreur en faisant abstraction d’importants éléments produits par la demanderesse lorsqu’elle a évalué sa preuve quant à la crainte de graves préjudices et, par ce fait même, apprécié sa crédibilité?
2. La Commission a-t-elle commis une erreur en procédant à un examen sélectif de la preuve documentaire dont elle était saisie quant au caractère adéquat de la protection de l’État en Colombie?
3. La Commission a-t-elle apprécié erronément la preuve sur l’existence d’une PRI valable à Bogotá?
[18] Compte tenu des conclusions tirées en réponse à la première question, exposées ci-après, la Cour n’aura pas à examiner les deuxième et troisième questions.
LA NORME DE CONTRÔLE
[19] Dans l’arrêt Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, la Cour suprême du Canada a statué (paragraphe 62) qu’à la première étape de l’analyse relative à la norme de contrôle « la cour de révision vérifie si la jurisprudence établit déjà de manière satisfaisante le degré de déférence correspondant à une catégorie de questions en particulier » (se reporter également à Khosa c. Canada (MCI), 2009 CSC 12, le juge Binnie, paragraphe 53).
[20] La crédibilité, la protection de l’État et la PRI constituent des questions de fait et des questions mixtes de fait et de droit. Il ne fait pas de doute depuis les arrêts Dunsmuir et Khosa que de telles questions appellent la norme de la raisonnabilité. Comme l’a confirmé la jurisprudence récente, il s’agit également de la norme applicable aux conclusions qui touchent la protection de l’État (se reporter par exemple aux décisions suivantes que j’ai rendues : Corzas Monjaras c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2010 CF 771, paragraphe 15, et Rodriguez Perez c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2009 CF 1029, paragraphe 25).
[21] De façon semblable, la norme de la raisonnabilité s’applique aux décisions de la Commission quant à savoir si un demandeur dispose d’une PRI valable (Mejia c. Canada (MCI), 2009 CF 354, paragraphe 29; Syvyryn c. Canada (MCI), 2009 CF 1027, 84 Imm. L.R. (3d) 316, paragraphe 3; Alvarez Cortes c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2010 CF 770, paragraphe 15, décision que j’ai rendue.
[22] Les conclusions relatives à la crédibilité tirées par la Commission commandent aussi la norme de la raisonnabilité (Wu c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2009 CF 929, paragraphe 17; Aguirre c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 571, paragraphe 14).
[23] Lorsqu’elle procède au contrôle d’une décision de la Commission en fonction de la norme de la raisonnabilité, la Cour doit s’attarder « à la justification de la décision, à la transparence et à l’intelligibilité du processus décisionnel, ainsi qu’à l’appartenance de la décision aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit » (Dunsmuir, précité, au paragraphe 47; Khosa, précité, au paragraphe 59).
ANALYSE
1re question en litige – La Commission a-t-elle apprécié raisonnablement la preuve de la demanderesse pour en arriver à sa décision quant à la crédibilité?
[24] Dans la décision Baykus c. Canada, 2010 CF 851, j’ai passé en revue les principes généraux du droit relatifs à l’appréciation de la crédibilité (paragraphe 17) :
17. […] Le témoignage donné sous serment est présumé véridique à défaut de raisons de douter de sa véracité (Maldonado c. Canada (MEI), [1980] 2 C.F. 302 (C.A.F.), le juge Heald, paragraphe 5). Lorsqu’elle apprécie la solidité du témoignage du demandeur d’asile, la SPR peut tirer des conclusions défavorables quant à la crédibilité en tenant compte de l’imprécision du témoignage, des hésitations du demandeur d’asile, de ses incohérences, de ses contradictions et de son comportement (Zheng c. Canada (MCI), 2007 CF 673, 158 A.C.W.S. (3d) 799, le juge Shore, paragraphe 17). La Cour n’est pas aussi bien placée que la SPR pour apprécier la crédibilité de la preuve (Aguebor c. Canada (MEI) (1993), 160 N.R. 315 (C.A.F.)). Si, en tirant une conclusion quant à la crédibilité, la SPR a fondé son raisonnement sur plusieurs éléments, la cour de révision n’a pas à établir dans son analyse si chaque élément satisfaisait au critère de la raisonnabilité (Jarada c. Canada (MCI), 2005 CF 409, le juge de Montigny, paragraphe 22.
[25] En l’espèce, la conclusion relative à la crédibilité a constitué la conclusion déterminante de la Commission :
4. J’estime que la demandeure d’asile n’est pas un témoin crédible et, de ce fait, je rejette sa demande d’asile. […]
[26] Comme je l’ai mentionné précédemment, la Commission a étayé de plusieurs motifs sa conclusion selon laquelle la demanderesse n’était pas crédible :
1. Les agissements de la demanderesse ne cadraient pas avec la crainte de subir de graves préjudices en Colombie, parce que :
a. la demanderesse est retournée à maintes reprises dans ce pays :
- en regard du retour en Colombie de la demanderesse une fois ses études au Canada terminées en 1999, la Commission a déclaré ce qui suit au paragraphe 11 : « […] je suis convaincu, selon la prépondérance des probabilités, qu’ils [les autres membres de la famille] auraient exhorté leur fille de 19 ans à demeurer aux États-Unis et à faire ses études à cet endroit […] ».
- la Commission a aussi tenu compte, aux paragraphes 14 et 15, des visites faites en 2004 par la demanderesse en Colombie :
14. De plus, en 2004, la demandeure d’asile s’est rendue trois fois à Cali, en Colombie, où elle croit que les FARC les avaient autrefois à l’œil, sa famille et elle. La demandeure d’asile a expliqué qu’elle avait rendu visite à sa grand-mère qui était très malade, et a ajouté que ses sorties étaient plutôt rares. En outre, les visites étaient de courte durée.
15. Pourtant, la demandeure d’asile est entrée en Colombie par l’aéroport de Cali. Aujourd’hui, elle croit qu’elle serait repérée par le réseau du renseignement des FARC. Si c’est le cas, je considère que le fait pour la demandeure d’asile de retourner en Colombie à trois reprises en passant par l’aéroport même où les FARC pourraient la rechercher ne cadre pas avec ses craintes et l’idée qu’elle se fait de la capacité des FARC.
b. la demanderesse n’a pas demandé l’asile aux États-Unis en 1999 ni en 2000, ni lors de ses trois retours depuis la Colombie en 2004, ni suite à l’échec de son mariage avec un citoyen américain, et elle n’a jamais cherché à savoir comment elle pourrait régulariser son statut juridique aux États-Unis lors de son séjour dans ce pays.
2. La demanderesse n’a pas mentionné ses liens avec Dignidad 2000 à l’agent d’immigration lorsqu’elle a présenté sa demande d’asile ni dans son Formulaire de renseignements personnels initial.
3. La seule preuve documentaire quant à l’existence de Dignidad 2000 et des liens de la demanderesse avec ce groupe consistait en une lettre télécopiée d’origine inconnue soumise le jour même de l’audience.
[27] La demanderesse soutient que la Commission a fait abstraction de ses explications lorsqu’elle a tiré les conclusions qui précèdent. Je ne partage pas cet avis. Il ressort en effet des motifs de la décision que la Commission a bien pris en compte la preuve et les explications de la demanderesse, qui n’ont toutefois pas réussi à la convaincre en fonction du critère de la prépondérance de la preuve.
[28] Après avoir examiné l’explication fournie par la demanderesse au sujet de son retour en Colombie en 1999 – elle y serait retournée contre la volonté de ses parents – la Commission, au paragraphe 11, a dit estimer « invraisemblable que, si ses parents ont fui Cali parce qu’ils avaient peur des FARC, la demandeure d’asile soit retournée dans la même région seulement un an plus tard ». La Commission s’est également penchée, au paragraphe 14, sur l’explication donnée par la demanderesse quant à son retour en Colombie à trois reprises en 2004 – à savoir qu’elle avait dû faire des visites à sa grand-mère souffrante, mais que ces visites avaient été de courte durée et ses sorties en ces occasions avaient été rares – mais elle a conclu, au paragraphe 15, que cette explication ne cadrait « pas avec ses craintes et l’idée qu’elle se fai[sai]t de la capacité des FARC ».
[29] Pour ce qui est cette fois de l’explication de la demanderesse sur son défaut d’avoir mentionné Dignidad 2000 dans sa demande initiale, la Commission a fait la déclaration qui suit au paragraphe 22 :
22. Dans les explications qu’elle a fournies à cet égard, la demandeure d’asile a indiqué qu’elle était, à ce moment‑là, sous l’influence de son époux abusif et qu’elle n’avait jamais été membre de Dignidad 2000; elle n’avait fait qu’appuyer l’organisation. Je ne souscris pas à ces explications.
La Commission a étayé de motifs son rejet des explications de la demanderesse. Elle a notamment donné comme motif qu’il ressortissait clairement du formulaire de renseignements de base rempli par la demanderesse que celle-ci devait énumérer toutes les organisations avec lesquelles elle avait des liens, et que la demanderesse n’avait fait mention de Dignidad 2000 ni à l’agent d’immigration ni où que ce soit dans son Formulaire de renseignements personnels. En outre, a fait valoir la Commission, la preuve documentaire produite par la demanderesse pour démontrer l’existence de cette organisation et de ses liens avec celle-ci n’était guère convaincante.
[30] Comme je l’ai mentionné précédemment, il était loisible à la Commission de tirer des conclusions défavorables quant à la crédibilité du témoignage fait par la demanderesse en tenant compte de l’imprécision du témoignage, des hésitations de la demanderesse, de ses incohérences, de ses contradictions et de son comportement. La Commission a bien pris en considération en l’espèce la preuve de la demanderesse, mais cette preuve ne l’a pas convaincue. Les conclusions relatives à la crédibilité tirées par la Commission, au vu de la preuve dont elle était saisie, étaient raisonnables.
CONCLUSION
[31] La Commission a déclaré qu’en regard de la demande d’asile de la demanderesse la question déterminante était la crédibilité. La Cour conclut que la conclusion de la Commission relative à la crédibilité était étayée de motifs transparents et intelligibles pouvant se justifier et que ce motif suffisait pour trancher la demande d’asile.
[32] Les motifs de la décision révèlent que la Commission a bien pris en compte l’ensemble de la preuve et a tiré des conclusions raisonnables. Rien dans la décision ne permet à la Cour d’intervenir. La présente demande sera par conséquent rejetée.
LA CERTIFICATION D’UNE QUESTION
[33] Les parties ont informé la Cour que la présente affaire ne soulevait pas de question grave de portée générale qui devrait être certifiée en vue d’un appel. La Cour est du même avis.
JUGEMENT
LA COUR ORDONNE ET STATUE :
La demande de contrôle judiciaire est rejetée.
Traduction certifiée conforme
Jean-François Martin, LL.B. M.A.Trad.jur.
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : IMM-1648-10
INTITULÉ : CLARA PATRICIA VILLEGAS VELEZ
c.
MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION
LIEU DE L’AUDIENCE : TORONTO (ONTARIO)
DATE DE L’AUDIENCE : LE 22 NOVEMBRE 2010
MOTIFS DU JUGEMENT
ET JUGEMENT : LE JUGE KELEN
DATE DES MOTIFS : LE 3 DÉCEMBRE 2010
COMPARUTIONS :
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POUR LA DEMANDERESSE
|
Nur Muhammed-Ally |
POUR LE DÉFENDEUR
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AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Avocat
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POUR LA DEMANDERESSE |
Myles J. Kirvan, Sous-procureur général du Canada
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POUR LE DÉFENDEUR
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