[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]
Ottawa (Ontario), le 3 décembre 2010
En présence de monsieur le juge Beaudry
ENTRE :
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LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION
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MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT
[1] Il s’agit d’un appel présenté en vertu de l’article 21 de la Loi sur les Cours fédérales, L.R., 1985, ch. F‑7, du paragraphe 14(5) de la Loi sur la citoyenneté, L.R. 1985, ch. C‑29 (la Loi) et de l’alinéa 300c) des Règles des Cours fédérales, DORS/98‑106 (les Règles) à l’égard de la décision, en date du 24 septembre 2009 (la décision), par laquelle une juge de la citoyenneté a rejeté la demande de citoyenneté canadienne de la demanderesse fondée sur l’article 5 de la Loi.
[2] La demande de contrôle judiciaire sera accueillie pour les motifs exposés ci‑dessous.
Les faits
[3] La demanderesse est une citoyenne du Pakistan. Elle a épousé Hassan Raza, un citoyen canadien, en août 2001. La demanderesse est entrée au Canada le 7 juin 2002 grâce au parrainage de son mari effectué au titre du regroupement familial. Elle est devenue résidente permanente à la même date.
[4] Le couple a eu une fille en 2003, à Windsor (Ontario), ville où M. Raza étudiait dans le but de devenir analyste financier agréé.
[5] La demanderesse s’est rendue au Pakistan pour y visiter sa famille du 14 novembre 2003 au 12 décembre 2003, soit pendant 28 jours au total. Elle est ensuite revenue au Canada et a vécu avec sa famille à Windsor jusque vers le milieu de l’année 2005.
[6] M. Raza a à ce moment‑là accepté un emploi en Arabie saoudite. La demanderesse et son mari ont ainsi quitté le Canada vers la fin du mois de mai 2005. M. Raza s’est rendu à Riyad, alors que la demanderesse est allée au Pakistan.
[7] Un deuxième enfant est né au Pakistan en août 2005. La demanderesse a ensuite rejoint son mari, le 19 septembre 2005, en Arabie saoudite, où ils vivent ensemble depuis lors.
[8] En 2006, la demanderesse a retenu les services de M. Enrico Caruso du cabinet d’avocats Burgio et associés pour l’assister dans ses démarches en vue d’obtenir la citoyenneté canadienne. Le 16 mai 2006, elle a présenté une demande de citoyenneté au Centre de traitement des demandes à Sydney (Nouvelle‑Écosse).
[9] La période pertinente pour le calcul de la résidence de la demanderesse aux fins de l’article 5 de la Loi commence le 16 mai 2006 et remonte jusqu’au 16 mai 2002, soit quatre ans plus tôt.
[10] La juge de la citoyenneté a déclaré que, en matière de résidence, il incombe au demandeur de démontrer qu’il a résidé au pays pendant trois des quatre années de la période pertinente afin d’établir qu’il satisfait aux exigences de la Loi (Maharatnam c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2000] A.C.F. no 405 (C.F. 1re inst.) (QL), au paragraphe 5). En l’espèce, la juge de la citoyenneté n’était pas convaincue, sur le fondement de la preuve, que la demanderesse avait établi et conservé sa résidence au Canada pendant le nombre de jours requis.
[11] En particulier, la juge de la citoyenneté a mis en doute la crédibilité de la demanderesse en raison d’incohérences dans le nombre déclaré de jours pendant lesquels celle‑ci était demeurée au pays durant la période en question. Par exemple, la juge a fait référence à la réunion ayant eu lieu le 5 janvier 2009 en Arabie saoudite en vue d’une prise de décision sur la résidence permanente, au cours de laquelle la demanderesse a reconnu avoir passé 508 jours au total au Canada depuis son arrivée le 7 juin 2002, et a conclu que cette déclaration contredisait celle que la demanderesse avait faite dans sa demande de citoyenneté.
[12] À l’appui de sa décision, la juge de la citoyenneté a également fait référence à une lettre des avocats de la demanderesse dans laquelle ils ont admis que la présence physique de la demanderesse au Canada s’était limitée à 803 jours au cours de la période pertinente.
[13] Les questions de fait sont susceptibles de révision selon la norme de la décision raisonnable (Canada (Citoyenneté et Immigration) c. Tarfi, 2009 CF 188, [2009] A.C.F. no 244 (QL), au paragraphe 8) et les questions d’équité procédurale le sont selon la norme de la décision correcte (Dunsmuir c. Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 R.C.S. 190, au paragraphe 47).
[14] En l’espèce, la juge de la citoyenneté a mentionné un autre demandeur, « Abou el Houda », au lieu de la demanderesse « Humera Kalsoom », lorsqu’elle a conclu qu’elle n’était pas convaincue qu’il avait été satisfait aux exigences en matière de résidence. Cela soulève des questions quant à l’attention de la juge de la citoyenneté au moment où elle a rendu sa décision.
[15] La juge de la citoyenneté doutait de la crédibilité des déclarations faites dans la demande ainsi que dans les documents présentés et dans le témoignage de la demanderesse aux audiences. Elle a décidé de ne pas faire une recommandation favorable en vertu des paragraphes 5(3) et (4) de la Loi.
[16] La juge de la citoyenneté a appliqué le critère strict de la résidence, ce qui en soi ne constitue pas une erreur susceptible de révision.
[17] Le défendeur reconnait que le nombre de jours manquants n’est pas 49 comme l’a déclaré la juge de la citoyenneté (paragraphe 7 de la décision), mais 38 selon ce qu’a reconnu la demanderesse.
[18] La juge de la citoyenneté n’était d’ailleurs pas convaincue que les 49 jours mentionnés étaient exacts.
[19] Elle a également mentionné dans sa décision que la demanderesse avait déclaré une possibilité de présence physique de 1 428 jours et une absence de 231 jours durant la période pertinente. La demanderesse n’a nulle part déclaré 1 428 jours dans sa demande, mais elle a fait état de 1 410 jours.
[20] Quoique la demanderesse ait mentionné 231 jours d’absence, elle a corrigé cette déclaration dans une lettre datée du 30 mars 2009. Cette lettre n’est pas mentionnée dans la décision.
[21] Si elle avait considéré ou analysé ce document, la juge de la citoyenneté aurait‑elle pu changer ses conclusions sur la crédibilité, voire faire une recommandation favorable?
[22] La juge de la citoyenneté a fait plusieurs fois référence à la période de 508 jours au Canada dont la demanderesse avait fait état dans sa demande de résidence permanente. Elle a alors conclu que cette période contredisait la déclaration de la demanderesse dans sa demande de citoyenneté. En fait, la période pertinente pour obtenir la résidence permanente est différente de celle requise pour obtenir la citoyenneté canadienne. La demanderesse n’a pas commis d’erreur dans sa demande de résidence en déclarant qu’elle avait passé 508 jours au Canada.
[23] De nouveau, si la juge de la citoyenneté avait considéré de manière appropriée les déclarations de la demanderesse dans les deux demandes, elle n’aurait peut‑être soulevé aucun doute sur sa crédibilité.
[24] Dans ces circonstances, la Cour préfère renvoyer l’affaire pour qu’il soit procédé à un nouvel examen.
JUGEMENT
LA COUR ORDONNE que la demande d’appel soit accueillie. L’affaire est renvoyée à un autre juge de la citoyenneté pour qu’il procède à un nouvel examen.
Traduction certifiée conforme
Sandra de Azevedo, LL.B.
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : T‑1954‑09
INTITULÉ : HUMERA
KALSOOM ET
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION
LIEU DE L’AUDIENCE : Toronto (Ontario)
DATE DE L’AUDIENCE : Le 10 décembre 2010
MOTIFS DU JUGEMENT : LE JUGE BEAUDRY
DATE DES MOTIFS : Le 3 décembre 2010
COMPARUTIONS :
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POUR LA DEMANDERESSE
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Khatidja Moloo
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POUR LE DÉFENDEUR
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AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
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POUR LA DEMANDERESSE
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Myles J. Kirvan Sous‑procureur général du Canada Toronto (Ontario)
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POUR LE DÉFENDEUR
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