Cour fédérale |
|
Federal Court |
[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]
Ottawa (Ontario), le 24 novembre 2010
En présence de monsieur le juge Harrington
ENTRE :
JOHN ANTHONY FRANCHI
demandeur
et
LE
PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA
ET LA COMMISSION NATIONALE DES LIBÉRATIONS CONDITIONNELLES
défendeurs
MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE
[1] M. Franchi était un escroc. La véritable question qui se pose dans le présent contrôle judiciaire, lequel a trait à la révocation de sa libération conditionnelle, consiste à savoir s’il l’est toujours.
[2] M. Franchi est un récidiviste. Il a été reconnu coupable de fraude à deux reprises. Il a montré qu’il est passé maître dans l’art de créer des cabinets d’avocats fictifs pour servir des sociétés fictives, et il s’est servi à mauvais escient de numéros d’assurance sociale, notamment. Il a commencé à purger une peine d’emprisonnement de six ans, imposée à la suite de sa seconde déclaration de culpabilité en octobre 2007. Il a été mis en semi-liberté en avril 2009.
[3] Tout octroi de la semi-liberté est assujetti à certaines conditions réglementaires qui sont énoncées à l’article 161 du Règlement sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition. Plus particulièrement, les sous-alinéas 161(1)g)(ii) et (iii) exigent ce qui suit du délinquant :
[…]
g) […] l’informer sans délai de :
(ii) tout changement d’occupation habituelle, notamment un changement d’emploi rémunéré ou bénévole ou un changement de cours de formation,
(iii) tout changement dans sa situation domestique ou financière […]
[Non souligné dans l’original.]
|
[…]
(g) […] report immediately
(ii) any change in the offender’s normal occupation, including employment, vocational or educational training and volunteer work,
(iii) any change in the domestic or financial situation of the offender […]
(My emphasis.) |
[4] De plus, l’article 133 de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition prévoit que l’« autorité compétente », la Commission nationale des libérations conditionnelles en l’occurrence, peut imposer des conditions particulières. Elle peut aussi soustraire le délinquant à l’application d’une condition réglementaire quelconque ou en modifier l’application.
[5] En l’espèce, deux conditions spéciales ont été imposées. L’une était que l’on approuve au préalable son emploi; l’autre était la suivante :
[traduction]
Fournir sans délai et sur demande des renseignements financiers complets, y compris ses éléments d’actif, ses revenus et ses dépenses, [à son] surveillant de libération conditionnelle.
[Non souligné dans l’original.]
[6] Tout allait bien. En fait, il était sérieusement envisagé d’accorder à M. Franchi la libération conditionnelle totale. À cet égard, Service correctionnel Canada a obtenu d’EquiFax, le 1er septembre 2009, une mise à jour des renseignements sur le crédit. Ce rapport contenait des faits qui, s’ils étaient véridiques, dénotaient que M. Franchi avait enfreint les conditions de sa libération conditionnelle en changeant d’emploi sans autorisation. Ce rapport faisait également état d’activités bancaires considérables et d’une grande utilisation de cartes de crédit, en août 2009. Cependant, aucun défaut de paiement n’était relevé.
[7] Cela a mené à une réunion, tenue le 3 septembre 2009, entre M. Franchi et son agent de libération conditionnelle dans la collectivité. À la suite de cette réunion, la libération conditionnelle de M. Franchi a été suspendue parce qu’il avait [traduction] « omis de divulguer des opérations financières, un emploi ou des activités bénévoles ».
[8] À la suite d’une réunion tenue après la suspension, soit le 9 septembre, l’étape suivante a été une audience postérieure à la suspension, devant un comité de la Commission nationale des libérations conditionnelles. Il a été décidé de révoquer sa semi-liberté et de rejeter sa demande de liberté conditionnelle totale. M. Franchi a interjeté appel auprès de la Section d’appel de la Commission, qui, le 19 mars 2010, a confirmé la décision. Il s’agit, en l’espèce, du contrôle judiciaire de cette décision de la Section d’appel.
[9] L’ordre d’analyse que je suivrai consiste à exposer les conditions précises de la mise en liberté de M. Franchi, à analyser à tour de rôle les décisions de la Commission nationale des libérations conditionnelles et de sa Section d’appel et à examiner en dernier lieu les passages pertinents de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, de même que la jurisprudence qui s’y rapporte.
[10] Il est ressorti que M. Franchi avait emprunté en août 2009 une somme de plus de 100 000 $. Son plan avoué était d’investir cet argent et d’utiliser les bénéfices réalisés pour rembourser ses dettes. Il a fait valoir qu’il n’avait pas violé les conditions de sa libération conditionnelle parce qu’il avait fourni les renseignements financiers requis quand on lui en avait fait la demande. La libération conditionnelle a néanmoins été suspendue.
[11] À l’audience tenue devant la Commission nationale des libérations conditionnelles, il a été estimé que la preuve ne justifiait pas la conclusion selon laquelle M. Franchi avait changé d’emploi. Il avait toutefois violé les conditions financières. Selon sa décision, qui figure dans un document appelé [traduction] « Feuille de décision : processus postcarcéral », la Commission a appliqué à la fois les conditions de mise en liberté type et la condition particulière suivante : [traduction] « que vous fournissiez sur demande les renseignements financiers requis à votre agent de libération conditionnelle, y compris les éléments d’actif, les créances, les revenus et les dépenses ».
[12] La Commission a également conclu que M. Franchi avait eu avec son agent de libération conditionnelle au moins deux entretiens de supervision qui lui avaient donné amplement l’occasion de faire état de ses activités financières. Elle a conclu qu’il avait violé non seulement sa condition particulière, mais aussi la condition type qui consistait à informer immédiatement son agent de libération conditionnelle de tout changement dans sa situation financière. Plus précisément, elle a conclu que les renseignements qui avaient été fournis sur demande étaient incomplets et n’avaient été donnés qu’après avoir réalisé les opérations en question. La Commission n’a pas été convaincue de la nature exacte des placements que M. Franchi avait faits, lesquels n’étaient pas documentés à sa satisfaction.
[13] Cependant, la Commission a conclu qu’il n’y avait pas assez d’informations pour conclure que M. Franchi avait fourni de faux renseignements à ses créanciers. Elle a néanmoins conclu que [traduction] « [l]e fait de ne pas avoir divulgué des renseignements financiers cruciaux à votre agent de libération conditionnelle en temps opportun témoigne de l’existence d’une tendance constante à la supercherie. La Commission a donc décidé que le risque lié à votre mise en liberté dans la collectivité est inacceptable. »
[14] Le Comité avait en main un rapport, « Évaluation en vue d’une décision », que l’agent de libération conditionnelle avait établi. Il recommandait que l’on révoque la semi-liberté de M. Franchi et que l’on rejette sa libération conditionnelle totale. Le rapport traite à la fois du changement d’emploi prétendu de M. Franchi ainsi que de sa situation financière. L’agent était manifestement d’avis qu’en ce qui concernait un changement d’emploi le rapport d’EquiFax était exact. Il était allégué qu’il exerçait un emploi auprès d’une entreprise de placement familiale. Comme il a été mentionné plus tôt, le Comité a conclu que la preuve n’établissait pas cette allégation. L’agent de libération conditionnelle a déclaré qu’au cours de la réunion de supervision tenue le 3 septembre 2009, un examen des documents de divulgation financière [traduction] « a révélé que le délinquant [n’avait] pas été explicite au sujet de ses activités financières et [avait] omis d’informer le soussigné de tout changement concernant sa situation financière générale ». M. Franchi avait eu aussi l’occasion de faire cette divulgation à deux réunions de supervision antérieures. Il avait dit qu’il avait emprunté de l’argent pour l’investir auprès de la même entreprise de placement familiale pour laquelle il travaillait censément. L’agent de libération conditionnelle s’est dit déçu que M. Franchi n’eût pas de documents établissant ce que l’entreprise, dirigée par un cousin, faisait de l’argent. M. Franchi a été critiqué pour avoir retenu des renseignements sur ses placements jusqu’à ce qu’il ait pris conscience que sa libération conditionnelle était en péril.
[15] M. Franchi a interjeté appel de la décision auprès de la Section d’appel de la Commission nationale des libérations conditionnelles, qui, comme nous le verrons, jouit en quelque sorte d’un statut spécial lorsqu’il est question de contrôle judiciaire. Il a soulevé un certain nombre de questions qui ne sont plus pertinentes et auxquelles il n’a pas donné suite à l’audience qui s’est déroulée devant moi. Il a été conclu essentiellement que la décision initiale était raisonnable. Comme on l’a mentionné à M. Franchi :
[traduction]
Vous avez omis non seulement d’informer sans délai votre agent de libération conditionnelle dans la collectivité (ALCC) des changements de votre situation financière, mais aussi de divulguer sur demande tous les renseignements financiers requis, ce qui viole les conditions de mise en liberté particulières et types qui vous ont été imposées. Vous avez de longs antécédents criminels de fraude, et une tendance à recourir à la supercherie. Il n’était donc pas déraisonnable que la Commission conclue que le fait de ne pas avoir été tout à fait explicite à propos de vos activités financières avec votre ALCC était une preuve que vous aviez recommencé à recourir à la supercherie.
LA LOI SUR LE SYSTÈME CORRECTIONNEL ET LA MISE EN LIBERTÉ SOUS CONDITION
[16] Il convient de garder à l’esprit que la liberté sous condition est un privilège, pas un droit (Aney c. Canada (Procureur général), 2005 CF 182, 270 F.T.R. 262, au paragraphe 31, et Coscia c. Canada (Procureur général), 2005 CAF 132, [2006] 1 R.C.F. 430, au paragraphe 44).
[17] Les principes directeurs sont énoncés à l’article 101 de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition. L’élément primordial est la protection de la société. Les commissions de libération conditionnelle sont tenues de prendre la décision la moins restrictive possible en rapport avec ce critère.
[18] Aux termes de l’article 107 de la Loi, la Commission « a toute compétence et latitude » pour mettre fin à la libération conditionnelle ou la révoquer et annuler l’octroi de la libération conditionnelle.
[19] Plus précisément, l’article 135 ajoute que la libération conditionnelle peut être suspendue. La Commission peut, notamment, suspendre la libération conditionnelle si un délinquant viole l’une des conditions imposées ou s’il est nécessaire de prendre cette mesure pour empêcher la violation de ces conditions ou pour protéger la société. Le paragraphe 135(7) ajoute qu’indépendamment de ce qui précède la Commission peut révoquer la libération conditionnelle si elle est convaincue qu’« une récidive – avant l’expiration légale de la peine – durant la libération conditionnelle ou d’office du délinquant présentera un risque inacceptable pour la société ».
[20] Le mot « toute » est en fait relatif. Comme l’a déclaré le juge Rand dans l’arrêt Roncarelli c. Duplessis, [1959] R.C.S. 121, à la page 140 :
[traduction]
[…] un « pouvoir discrétionnaire » absolu et sans entraves n’existe pas, c’est‑à‑dire celui où l’administrateur pourrait agir pour n’importe quel motif ou pour toute raison qui se présenterait à son esprit; une loi ne peut, si elle ne l’exprime expressément, s’interpréter comme ayant voulu conférer un pouvoir arbitraire illimité pouvant être exercé dans n’importe quel but, si fantaisiste et hors de propos soit-il, sans avoir égard à la nature ou au but de cette loi.
Dans l’arrêt S.C.F.P. c. Ontario (Ministre du Travail), 2003 CSC 29, 1 R.C.S. 539, au paragraphe 91, le juge Binnie a cité un autre passage extrait des mêmes motifs :
Le ministre ne prétend pas avoir un pouvoir discrétionnaire absolu et sans entraves. Il reconnaît, comme l’a fait le juge Rand, il y a plus de 40 ans, dans l’arrêt Roncarelli c. Duplessis, [1959] R.C.S. 121, p. 140, qu’[traduction] « [u]ne loi est toujours censée s’appliquer dans une certaine optique ».
[21] Il n’aurait peut-être pas fallu accorder la libération conditionnelle au départ. Cependant, là n’est pas le problème. La raison invoquée pour suspendre la libération conditionnelle est une violation des conditions imposées, ni plus ni moins. Ne serait-ce de la condition particulière, on pourrait dire raisonnablement que M. Franchi a violé les conditions parce qu’il a omis de signaler sans délai tout changement dans sa situation financière. Le fait d’emprunter plus de 100 000 $ constitue sans conteste un changement dans la situation financière d’une personne. Cependant, à mon avis, la condition type qui oblige un délinquant à « informer [son surveillant] sans délai de tout changement dans sa situation financière » et la condition particulière qui consiste à divulguer les renseignements financiers complets [traduction] « sur demande » sont contradictoires. Le principe qui s’applique dans les affaires d’outrage au tribunal, à savoir que l’ordonnance qui a été violée doit formuler clairement et de manière non équivoque ce qui doit et ne doit pas être fait, s’applique tout autant dans le présent contexte (Prescott-Russell Services for Children and Adults c. G. (N.) et al. (2007), 82 O.R. (3d) 686). M. Franchi avait le droit de savoir quelle était sa position.
[22] Pourquoi donc diluer la condition type pour que M. Franchi ait seulement à divulguer sa situation financière sur demande? Selon M. Franchi, on lui avait expliqué qu’il serait tenu de présenter ses talons de paye et ses relevés bancaires à son agent de libération conditionnelle dans la collectivité. Jamais il n’a été expliqué qu’il devait faire approuver à l’avance ses plans financiers. Il soutient qu’il a produit sur demande les renseignements financiers sur ses placements le 3 septembre et que, après son incarcération, il a donné instruction à sa famille, ainsi qu’à son cousin et à son avocat, de fournir tout autre renseignement demandé. La seule façon d’interpréter ensemble la condition type et la condition particulière est que la seconde modifiait la première.
[23] Pour ce qui est de l’interprétation de ses conditions de libération conditionnelle, il était déraisonnable pour la Commission nationale des libérations conditionnelles de conclure que M. Franchi était, de sa propre initiative, tenu de divulguer ses opérations financières. Au contraire, il était censé faire l’objet d’un examen plus strict que celui que l’on réserve aux délinquants en général. Si l’agent de libération conditionnelle a omis de faire les demandes qu’il aurait dû, c’est à lui qu’en revient la faute, et non à M. Franchi. Il est indispensable qu’un délinquant en libération conditionnelle ou d’office sache exactement ce qu’il peut faire et ne pas faire.
[24] M. Franchi n’était pas tenu de faire approuver au préalable un placement quelconque, contrairement à son emploi. Il était déraisonnable pour la Commission de conclure qu’il avait violé ses conditions parce qu’il avait omis de fournir des renseignements financiers.
[25] La Commission a ensuite affirmé que, lorsque la demande en a été faite à M. Franchi, ce dernier a bel et bien fourni des renseignements financiers, mais ils étaient insuffisants. Cependant, elle ne dit pas pourquoi ils l’étaient. L’arrangement conclu avec son cousin était manifestement plus informel qu’une relation sans lien de dépendance. Cependant, c’était le cousin qui décidait quoi faire avec l’argent. Il ne s’ensuit pas que M. Franchi avait directement en main les détails relatifs au placement. Ce défaut de la part de la Commission d’exprimer ses conditions constitue un manquement à l’équité procédurale, et il n’y a pas lieu de faire preuve d’une retenue quelconque à son égard. Bien que, contrairement à l’espèce, il se soit agi d’une affaire criminelle ayant trait à l’insuffisance des motifs donnés par un juge de première instance, le juge Binnie a notamment déclaré ce suit au paragraphe 55 de l’arrêt R. c. Sheppard, 2002 CSC 26, 1 R.C.S. 869 :
Il ne faut pas laisser l’accusé dans le doute quant à la raison pour laquelle il a été déclaré coupable. Il peut être important d’exprimer les motifs du jugement pour clarifier le fondement de la déclaration de culpabilité, mais il se peut que ce fondement ressorte clairement du dossier. Il s’agit de savoir si, eu égard à l’ensemble des circonstances, le besoin fonctionnel d’être informé a été comblé.
[26] Le juge Pelletier, de la Cour d’appel fédérale, a appliqué l’arrêt R. c. Sheppard, dans un contexte de droit administratif, dans l’arrêt North c. West Region Child and Family Services Inc., 2007 CAF 96, 362 N.R. 83. Il a fait remarquer que le fait de ne pas donner des motifs appropriés est un manquement à l’équité procédurale, et dans le présent contexte un manquement à la justice naturelle ou fondamentale.
[27] Mais, bien sûr, ce dont la présente Cour est saisie par voie de contrôle judiciaire n’est pas la décision de la Commission nationale des libérations conditionnelles, mais plutôt celle par laquelle sa Section d’appel a confirmé la décision initiale. L’article 147 de la Loi dispose qu’un délinquant visé par une décision de la Commission peut interjeter appel auprès de la Section d’appel pour divers motifs. Les passages pertinents de cet article sont les suivants :
147. (1) Le délinquant visé par une décision de la Commission peut interjeter appel auprès de la Section d’appel pour l’un ou plusieurs des motifs suivants :
a) la Commission a violé un principe de justice fondamentale;
b) elle a commis une erreur de droit en rendant sa décision;
c) elle a contrevenu aux directives établies aux termes du paragraphe 151(2) ou ne les a pas appliquées;
d) elle a fondé sa décision sur des renseignements erronés ou incomplets;
e) elle a agi sans compétence, outrepassé celle-ci ou omis de l’exercer.
[…]
(4) Au terme de la révision, la Section d’appel peut rendre l’une des décisions suivantes :
a) confirmer la décision visée par l’appel;
[…]
c) ordonner un réexamen du cas et ordonner que la décision reste en vigueur malgré la tenue du nouvel examen;
d) infirmer ou modifier la décision visée par l’appel.
(5) Si sa décision entraîne la libération immédiate du délinquant, la Section d’appel doit être convaincue, à la fois, que :
a) la décision visée par l’appel ne pouvait raisonnablement être fondée en droit, en vertu d’une politique de la Commission ou sur les renseignements dont celle-ci disposait au moment de l’examen du cas;
b) le retard apporté à la libération du délinquant serait inéquitable.
|
147. (1) An offender may appeal a decision of the Board to the Appeal Division on the ground that the Board, in making its decision,
(a) failed to observe a principle of fundamental justice;
(b) made an error of law;
(c) breached or failed to apply a policy adopted pursuant to subsection 151(2);
(d) based its decision on erroneous or incomplete information; or
(e) acted without jurisdiction or beyond its jurisdiction, or failed to exercise its jurisdiction.
[…]
(4) The Appeal Division, on the completion of a review of a decision appealed from, may
(a) affirm the decision;
[…]
(c) order a new review of the case by the Board and order the continuation of the decision pending the review; or
(d) reverse, cancel or vary the decision.
(5) The Appeal Division shall not render a decision under subsection (4) that results in the immediate release of an offender from imprisonment unless it is satisfied that
(a) the decision appealed from cannot reasonably be supported in law, under the applicable policies of the Board, or on the basis of the information available to the Board in its review of the case; and
(b) a delay in releasing the offender from imprisonment would be unfair.
|
[28] L’arrêt de principe a été rendu par la Cour d’appel fédérale dans Cartier c. Canada (Procureur général), 2002 CAF 384, [2003] 2 C.F. 317, où le juge Décary mentionne ce qui suit :
[7] L’alinéa 147(5)a) est troublant, dans la mesure où il dicte une norme de contrôle qui ne s’applique, à toutes fins utiles, que lorsque la Section d’appel, en application de l’alinéa 147(4)d), infirme la décision de la Commission et permet la libération du délinquant. Quelle norme faut-il appliquer, comme en l’espèce, lorsque la Section d’appel confirme la décision de la Commission en application de l’alinéa 147(4)a)?
[8] L’alinéa 147(5)a) semble indiquer une intention du législateur de privilégier la décision de la Commission, bref de refuser la libération d’office dès que cette décision est raisonnablement fondée en droit et en fait. La Commission a droit à l’erreur, si cette erreur est raisonnable. La Section d’appel n’intervient que si l’erreur, de droit ou de fait, est déraisonnable. Je serais porté à croire qu’une erreur de droit de la Commission relativement à son degré de « conviction » quant à l’évaluation du risque d’une mise en liberté – une erreur qui est alléguée en l’espèce – serait une erreur déraisonnable par définition, car elle touche la fonction même de la Commission.
[9] Si la norme de contrôle applicable est celle de la raisonnabilité lorsque la Section d’appel infirme la décision de la Commission, il me paraît improbable que le législateur ait voulu que la norme soit différente lorsque la Section d’appel confirme. Je crois que le législateur, encore que maladroitement, n’a fait que s’assurer à l’alinéa 147(5)a) que la Section d’appel soit en tout temps guidée par la norme de raisonnabilité.
[10] La situation inusitée dans laquelle se trouve la Section d’appel rend nécessaire une certaine prudence dans l’application des règles habituelles du droit administratif. Le juge est théoriquement saisi d’une demande de contrôle judiciaire relative à la décision de la Section d’appel, mais lorsque celle-ci confirme la décision de la Commission, il est en réalité appelé à s’assurer, ultimement, de la légalité de cette dernière.
[29] La seule raison pour laquelle on a pensé que M. Franchi avait replongé dans une vie de supercherie est qu’il avait omis de respecter les conditions de sa libération conditionnelle, des conditions qui, le moins qu’on puisse dire, étaient ambigües. La condition particulière concernant la divulgation des renseignements financiers ne peut pas vouloir dire moins que les conditions types. Ce qui était requis était une série stricte de demandes et non la relation occasionnelle établie par M. Franchi. Même si ce dernier et l’agent de libération conditionnelle avaient des attentes différentes, les documents étayent la thèse de M. Franchi. Malheureusement, il y a eu un malentendu entre les deux. Il était toutefois déraisonnable d’appuyer l’agent de libération conditionnelle, parce qu’il était un agent de libération conditionnelle, alors que son rapport est contraire aux conditions particulières et que les déclarations de M. Franchi concordent avec ces dernières.
[30] M. Franchi n’était pas obligé de divulguer volontairement des renseignements financiers. Il était tenu de le faire sur demande. C’est ce qu’il a fait. La seconde conclusion, à savoir que la divulgation était insuffisante parce que M. Franchi ne savait pas directement ce que son cousin faisait de l’argent, n’a pas été expliquée de manière compréhensible à la Cour. Il s’agit là d’un manquement à l’équité procédurale.
ORDONNANCE
LA COUR ORDONNE :
1. le contrôle judiciaire de la décision datée du 19 mars 2010 de la Section d’appel de la Commission nationale des libérations conditionnelles est accueilli;
2. l’affaire est renvoyée à une formation différemment constituée de la Section d’appel pour qu’elle soit examinée d’une manière conforme aux présents motifs;
3. le tout avec dépens.
« Sean Harrington »
Traduction certifiée conforme
Jean-François Martin, LL.B., M.A.Trad.jur.
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : T-662-10
INTITULÉ : FRANCHI c. PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA ET COMMISSION NATIONALE DES LIBÉRATIONS CONDITIONNELLES
LIEU DE L’AUDIENCE : TORONTO (ONTARIO)
DATE DE L’AUDIENCE : Le 5 novembre 2010
ET ORDONNANCE : LE JUGE HARRINGTON
DATE DES MOTIFS : Le 24 novembre 2010
COMPARUTIONS :
|
POUR LE DEMANDEUR |
Michael J. Sims |
POUR LES DÉFENDEURS
|
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Avocat Cobourg (Ontario)
|
POUR LE DEMANDEUR |
Myles J. Kirvan Sous-procureur général du Canada Toronto (Ontario) |
POUR LES DÉFENDEURS |