Cour fédérale |
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Federal Court |
[TRADUCTION CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]
Ottawa (Ontario), le 24 novembre 2010
En présence de madame la juge Snider
ENTRE :
MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT
[1] Les demandeurs, une famille élargie comptant six personnes, sont citoyens de la Colombie (sauf un petit-fils qui est citoyen des États-Unis et un beau-fils qui est citoyen du Mexique). Les membres de la famille sont arrivés au Canada en juin 2008 en provenance des États-Unis. Ils ont demandé l’asile en vertu de l’article 96 et du paragraphe 97(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la Loi) en raison de leur crainte du groupe paramilitaire connu sous le nom d’Autodéfenses unies de Colombie (Autodefensas Unidas de Colombia ou AUC).
[2] En 1999, le demandeur principal allègue qu’il a reçu des menaces de la part de l’AUC en raison de son appartenance à l’Union patriotique (Movimiento Politico Union Patriotica), un parti politique colombien. Les demandeurs ont quitté la Colombie en 1999 pour les États-Unis où ils sont demeurés jusqu’en 2008. Les demandeurs ont hésité à y demander l’asile. Au moment où les demandeurs ont commencé à réunir les documents nécessaires et où un parent a déposé une dénonciation auprès de la police colombienne, le délai de prescription pour leur demande d’asile a expiré. Le demandeur principal soutient qu’il est toujours la cible de l’AUC.
[3] Dans une décision datée du 24 février 2010, un tribunal de la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (la Commission) a examiné les demandes de la famille élargie (à l’exception de la demande du petit-fils qui a été traitée dans une autre décision rendue à la même date). La Commission a conclu que les demandeurs ne sont ni des réfugiés au sens de la Convention ni des personnes à protéger. La Commission a conclu que la crainte de persécution des demandeurs n’était pas fondée. Notamment, la Commission n’a pas jugé crédible que l’AUC continue à proférer des menaces envers le demandeur principal même après que celui-ci a cessé ses activités auprès de l’Union patriotique, et que le fait que les demandeurs soient demeurés neuf ans aux États-Unis sans demander l’asile entachait leur crédibilité. À titre subsidiaire, la Commission a conclu que les demandeurs disposent d’une possibilité de refuge intérieur à Bogota. La Commission a également conclu que le beau-fils, un citoyen du Mexique, n’était ni un réfugié au sens de la Convention ni une personne à protéger.
[4] Dans la présente demande, les demandeurs sollicitent le contrôle judiciaire de la décision susmentionnée, sauf en ce qui concerne le beau-fils mexicain et le petit-fils.
[5] La décision de la Commission est susceptible de contrôle selon la norme de la raisonnabilité. Selon cette norme, la Cour ne devrait pas intervenir si la décision appartient aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit (Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 R.C.S. 190, au paragraphe 47; voir également Canada (Citoyenneté et Immigration) c. Khosa, 2009 CSC 12, [2009] 1 R.C.S. 339).
[6] La conclusion de la Commission selon laquelle il était improbable que l’AUC continue de menacer le demandeur principal après qu’il eut cessé ses activités communautaires était raisonnable. Le demandeur a été incapable de produire une preuve convaincante selon laquelle il aurait constamment fait l’objet de menaces de la part de l’AUC ou que d’autres membres de l’Union patriotique auraient été ciblés par l’AUC. Comme l’a souligné la Commission, le fardeau de la preuve est celui de la prépondérance des probabilités. En raison du manque de preuve cohérente, il était raisonnable de conclure que, selon toute vraisemblance, le demandeur principal n’était plus ciblé par l’AUC.
[7] Je ne souscris pas à l’argument des demandeurs selon lequel le commissaire s’est contredit relativement à l’omission des demandeurs de demander l’asile aux États-Unis. La Commission a conclu que la dénonciation n’a été déposée qu’après que le demandeur principal eut commencé à réunir des documents pour étayer sa demande d’asile aux États-Unis. La Commission a également souligné que le demandeur principal n’a commencé à recueillir les documents qu’après que le délai pour déposer une demande d’asile fut expiré, ce qui indique une absence de crainte subjective. Il n’y a rien de contradictoire dans ces conclusions. La conclusion défavorable quant à la crédibilité tirée par la Commission du fait que les demandeurs aient attendu neuf ans aux États-Unis avant de demander l’asile était raisonnable. Le défaut de demander l’asile à la première occasion est souvent considéré comme étant un indice d’un manque de crédibilité (Fernando c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2001 CFPI 759, [2001] A.C.F. no 1129, puisque cela démontre une absence d’urgence.
[8] La conclusion de la Commission selon laquelle l’AUC n’a pas communiqué avec les demandeurs ou leur famille est raisonnable. La Commission a souligné que l’AUC n’a pas communiqué avec la famille des demandeurs que ce soit avant ou après leur départ de la Colombie. Compte tenu du prétendu dépôt d’une dénonciation, il était raisonnable pour la Commission de faire cette remarque en décidant si le demandeur était réellement exposé à un danger.
[9] Peu importe jusqu’à quel point le demandeur est certain de l’identité de ceux qui l’ont menacé et de celle de ceux qui ont assassiné des membres de l’Union patriotique, il était loisible à la Commission d’apprécier, selon la prépondérance des probabilités, la possibilité de l’existence d’une menace à l’endroit du demandeur. Compte tenu du fait que le demandeur n’avait aucune preuve que l’AUC aurait assassiné des membres de l’Union patriotique, la conclusion est raisonnable.
[10] Enfin, la conclusion de la Commission selon laquelle il existe une possibilité de refuge intérieur à Bogota est raisonnable. La preuve documentaire à l’appui de cette conclusion est rigoureusement mentionnée dans les motifs de la Commission.
[11] Lors de son habile plaidoirie, l’avocat des demandeurs a présenté d’autres approches et d’autres conclusions qui auraient pu être tirées du dossier. Cependant, le fait que le décideur aurait pu interpréter la preuve d’une façon différente ne signifie pas que la décision était déraisonnable. Comme le mentionne la Cour suprême au paragraphe 59 de l’arrêt Khosa, susmentionné :
Les cours de révision ne peuvent substituer la solution qu’elles jugent elles-mêmes appropriée à celle qui a été retenue, mais doivent plutôt déterminer si celle-ci fait partie des« issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit » (Dunsmuir, par. 47). Il peut exister plus d’une issue raisonnable. Néanmoins, si le processus et l’issue en cause cadrent bien avec les principes de justification, de transparence et d’intelligibilité, la cour de révision ne peut y substituer l’issue qui serait à son avis préférable. [Non souligné dans l’original.]
[12] Je suis convaincue, en l’espèce, que la décision de la Commission appartient aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit.
[13] Aucune des parties n’a proposé une question à certifier.
JUGEMENT
LA COUR ORDONNE :
1. la demande de contrôle judiciaire est rejetée;
2. aucune question de portée générale n’est certifiée.
Traduction certifiée conforme
Claude Leclerc, LL.B.
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : IMM-1713-10
INTITULÉ : WILSON ARRENDONDO RENGIFO et autres
c.
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION
LIEU DE L’AUDIENCE : Toronto (Ontario)
DATE DE L’AUDIENCE : Le 17 novembre 2010
DATE DES MOTIFS
ET DU JUGEMENT : Le 24 novembre 2010
COMPARUTIONS :
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Jane Stewart |
POUR LE DÉFENDEUR
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AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
J. Stephen Schmidt Prof. Corporation
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POUR LES DEMANDEURS
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Myles J. Kirvan Sous-procureur général du Canada Toronto (Ontario) |
POUR LE DÉFENDEUR
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