Cour fédérale |
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Federal Court |
[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]
Ottawa (Ontario), le 9 novembre 2010
En présence de monsieur le juge Beaudry
ENTRE :
et
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION
défendeur
MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT
[1] Il s’agit en l’espèce d’une demande de contrôle judiciaire déposée en vertu du paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27, à l’encontre d’une décision rendue par un agent des visas le 17 décembre 2009, dans laquelle l’agent a refusé de délivrer un visa de résident temporaire (VRT) au demandeur, Ravinder Singh.
[2] La demande de contrôle judiciaire sera accueillie pour les motifs suivants.
[3] L’agent n’était pas convaincu que le demandeur, un citoyen de l’Inde âgé de 42 ans, quitterait le Canada à l’échéance du VRT demandé. Ce document visait notamment à permettre au demandeur de faire une visite exploratoire au Québec en vue d’obtenir la résidence permanente en tant qu’investisseur dans le cadre du programme Investisseurs du Québec.
[4] Le demandeur avait déjà présenté une demande dans le cadre du programme Investisseurs du Québec en 2007, mais elle avait été rejetée parce que l’agent des visas avait conclu que la majeure partie des biens du demandeur appartenaient à son père. Ce dernier est décédé en 2008 et le demandeur a affirmé que les biens sont maintenant les siens propres.
[5] Les notes de l’agent versées dans le STIDI (Système de traitement informatisé des dossiers d’immigration) constituent les motifs de sa décision (dossier du tribunal, page 3) :
[traduction]
LE DEMANDEUR EST UN AGRICULTEUR DE 42 ANS. A VOYAGÉ PENDANT QUELQUES JOURS EN ASIE S-E EN 2006-2007. AUCUN VOYAGE EN EUR, AU R-U OU EN AM DU NORD. MEMBRES DE LA FAMILLE PROCHE AU CAN MAIS PAS DE PREUVE SATISFAISANTE DE SON ADMISSIBILITÉ OU D’UNE INVITATION DANS LE CADRE DU PROGRAMME INVESTISSEURS DU QC. NE PEUT ÉTABLIR QU’IL CONNAÎT ASSEZ ANGL OU FRA POUR FAIRE UNE VISITE PRODUCTIVE MÊME S’IL ÉTAIT UN INVESTISSEUR POTENTIEL. NE SUIS PAS CONVAINCU QUE LE DEMANDEUR VA QUITTER LE CAN À LA FIN DE SON SÉJOUR AUTORISÉ. DEMANDE REJETÉE.
[6] Je suis d’accord avec les deux parties pour dire que la norme de contrôle applicable dans des affaires semblables est la raisonnabilité (Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick (Citoyenneté et Immigration), 2008 CSC 9, [2008] 1 R.C.S. 190, paragr. 47).
[7] Le défendeur soutient que les voyages effectués par le demandeur dans le passé ont été considérés comme un facteur neutre par l’agent des visas. Je ne suis pas d’accord. Le demandeur s’est rendu en 2006-2007 en Asie du Sud-Est, mais l’agent n’a pas expliqué pourquoi l’absence de voyages en Europe, au Royaume-Uni ou en Amérique du Nord devrait être retenue contre le demandeur. J’estime que la décision dans son ensemble donne clairement à penser que cet élément a été considéré comme un facteur négatif sans qu’une explication raisonnable soit donnée à cet égard. La présente affaire peut être distinguée du jugement Obeng c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2008 CF 754, paragraphe 13, [2008] A.C.F. no 957 (QL), cité par le défendeur.
[8] Ensuite, selon moi, l’agent n’a pas mentionné ni analysé un document important émanant de Robert Varin (Déclaration du courtier ou de la Société de fiducie relative aux vérifications de l’identité et aux démarches effectuées sur la provenance et l’origine de l’avoir du candidat investisseur) fourni par le demandeur (dossier du tribunal, page 16).
[9] Le document avait été joint à la lettre de présentation (dossier du tribunal, pages 8 et 9) rédigée par le consultant en immigration, qui expliquait le but de la demande de VRT.
[10] Le demandeur voulait obtenir un VRT [traduction] « afin d’effectuer une visite exploratoire à Montréal. Il a l’intention de rester à peu près deux semaines, dont sept jours qu’il devra passer à Montréal pour rencontrer l'agent de l’Immigration du Québec et pour respecter les exigences énoncées dans la LIPR et son règlement applicable l’obligeant à séjourner pendant sept jours à Montréal. » (dossier du tribunal, page 9) [souligné dans l’original]
[11] Finalement, je souscris à l’argument présenté par le demandeur suivant lequel l’agent a mal soupesé les facteurs qui pourraient inciter le demandeur à rester au Canada par rapport aux facteurs qui donneraient à penser qu’il retournerait en Inde. L’agent a mentionné que le demandeur avait des membres proches de sa famille au Canada (mère et frère), mais il aurait dû aussi préciser qu’il avait une famille (épouse et filles) et des biens en Inde (Paramasivam c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2010 CF 811, [2010] A.C.F. no 988 (QL)).
[12] Bien que je sois conscient de la retenue dont devrait bénéficier l’évaluation de la preuve par l’agent, je suis d’avis que l’intervention de la Cour est justifiée ici.
[13] Aucune question n’a été soumise aux fins de certification, et aucune ne sera donc certifiée.
JUGEMENT
LA COUR STATUE COMME SUIT : la présente demande de contrôle judiciaire est accueillie et l’affaire est renvoyée à un autre agent pour nouvel examen. Aucune question n’est certifiée.
Traduction certifiée conforme
Jacques Deschênes, LL.B.
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : IMM-983-10
INTITULÉ : RAVINDER SINGH
c.
MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION
LIEU DE L’AUDIENCE : Toronto (Ontario)
DATE DE L’AUDIENCE : Le 4 novembre 2010
MOTIFS DU JUGEMENT ET
JUGEMENT : Le juge Beaudry
DATE DES MOTIFS : Le 9 novembre 2010
COMPARUTIONS :
David Orman POUR LE DEMANDEUR
Kristina Dragaitis POUR LE DÉFENDEUR
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
David Orman POUR LE DEMANDEUR
Toronto (Ontario)
MYLES J. KIRVAN POUR LE DÉFENDEUR
Sous-procureur général du Canada
Toronto (Ontario)