Cour fédérale |
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Federal Court |
[TRADUCTION CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]
Ottawa (Ontario), le 19 octobre 2010
En présence de monsieur le juge Zinn
ENTRE :
et
ET DE L’IMMIGRATION
MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT
[1] La présente est une demande de contrôle judiciaire, présentée en vertu du paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés L.C. 2001, ch. 27 (la Loi), d’une décision par laquelle le demandeur s’est vu refuser sa demande d’examen des risques avant renvoi (ERAR). Cette demande a été entendue en même temps que l’a demande portant le numéro de dossier IMM-4707-09, dans le cadre de laquelle le demandeur a contesté la décision rendue par la même agente par laquelle celle-ci a rejeté sa demande de résidence permanente fondée sur des motifs d’ordre humanitaire (demande CH).
[2] Je souscris à l’argument du demandeur selon lequel si sa demande de contrôle judiciaire de la décision d’ERAR est accueillie au motif que l’agente a omis de tenir compte des risques qu’il a allégués, alors sa demande dans le dossier IMM-4707-09, dans laquelle les mêmes risques ont été allégués, doit aussi être accueillie. Le défendeur ne s’est pas opposé vigoureusement à cet argument.
[3] J’ai conclu que, pour ce motif, la présente demande doit être accueillie et, par conséquent, il sera ordonné qu’une copie des présents motifs soit jointe au dossier de la Cour no IMM-4707-09, dans lequel la demande a également été accueillie.
Le contexte
[4] Le demandeur est un citoyen du Sri Lanka. Sa famille habite au Sri Lanka, y compris son épouse, ses deux fils adolescents, sa mère et deux de ses frères et sœurs. Il a un frère et une sœur qui résident au Canada.
[5] M. Thiyagarajah est arrivé au Canada pour la première fois en 1996, après avoir été arrêté par la police au Sri Lanka. Il a présenté une demande d’asile qui a été rejetée en mars1997. Il a ensuite été expulsé vers les États-Unis, mais il est revenu au Canada 90 jours plus tard et a présenté à nouveau une demande d’asile. Il s’est vu refuser sa demande en janvier 2000 et la Cour a rejeté sa demande d’autorisation du contrôle judiciaire de cette décision.
[6] M. Thiyagarajah a ensuite présenté une demande d’ERAR en juin 2009 et une demande fondée sur des motifs d’ordre humanitaire en juillet 2009. Ces deux demandes ont été rejetées par la même agente en septembre 2009.
[7] L’agente a conclu que les documents relatifs à la situation actuelle au Sri Lanka semblent indiquer qu’il existe un risque généralisé. Elle a ensuite fait ses propres recherches quant à la situation dans le pays [traduction] « à l’aide des renseignements les plus récents et les plus fiables auxquels le public a accès ». Après avoir examiné le rapport du Home Office du Royaume-Uni sur la situation dans le pays, daté de juin 2009, l’agente a conclu que [traduction] « depuis la fin de la guerre avec les forces rebelles des TLET en mai 2009, et bien qu’elle soit loin d’être idéale, la situation au Sri Lanka s’améliore de façon constante ». L’agente a ensuite mentionné que certains citoyens tamouls qui ont été déplacés en raison du conflit ont été [traduction] « détenus dans de vastes camps où il leur était interdit de sortir jusqu’à ce que les autorités sri lankaises les interrogent en vue d’identifier les combattants tamouls ». Les gouvernements étrangers et les groupes de défense des droits de la personne ont sévèrement critiqué la détention de ces gens et les conditions de détention dans ces camps et les ont qualifiées d’illégales.
[8] Néanmoins, l’agente a souligné, en se fondant sur des bulletins de nouvelles de la BBC, datant de 2009, qu’il y a eu une amélioration de la situation sur le plan de la sécurité ainsi qu’une amélioration [traduction] « de l’ensemble du processus de rétablissement ». Amnistie Internationale a demandé au gouvernement sri lankais de s’occuper des problèmes en matière de droits de la personne auxquels sont confrontés les Tamouls déplacés. L’agente a mentionné [traduction] « qu’il faut espérer que la surveillance accrue des autorités sri lankaises de la part des Nations Unies, des groupes de défense des droits de la personne et des gouvernements étrangers entrainera, après toutes ces années de conflit, une amélioration durable des droits de la personne au Sri Lanka ».
[9] L’agente a ensuite conclu que [traduction] « compte tenu des faits de l’espèce, le demandeur n’est pas exposé à plus qu’une simple possibilité de persécution au Sri Lanka pour l’un des motifs prévus dans la Convention ». Par conséquent, la demande ne satisfait pas aux exigences prévues par l’article 96 de la Loi. L’agente n’était également pas convaincue que le renvoi du demandeur du Canada exposerait celui-ci à un risque de torture, à une menace à sa vie ou au risque de traitements ou peines cruels et inusités. En conséquence, la demande ne satisfait pas aux exigences prévues à l’article 97 de la Loi.
Les questions en litige
[10] Les questions soulevées dans le mémoire écrit déposé dans le cadre de la présente demande sont les suivantes :
1. L’agente a-t-elle omis de tenir compte des facteurs de risque soumis par le demandeur;
2. L’agente a-t-elle porté atteinte au droit d’équité procédurale du demandeur en justifiant mal sa décision;
3. L’agente a-t-elle commis une erreur en ne tenant pas compte d’éléments précis de la preuve documentaire et (ou) en se fondant sur une compréhension erronée de la preuve soumise ou en s’appuyant de façon sélective sur cette preuve;
4. L’agente a-t-elle commis une erreur en tenant compte de facteurs non pertinents pour tirer sa conclusion?
[11] Pendant l’audience, l’avocat du demandeur s’est attardé sur les allégations principales du demandeur, notamment que les motifs de l’agente ne reflétaient pas avec exactitude ce qui avait été soumis, car l’agente n’avait pas analysé adéquatement le dossier et n’avait pas consulté le dernier rapport du HCNUR sur le Sri Lanka. Je suis d’accord avec l’avocat du demandeur pour affirmer que ce sont les deux principaux sujets de préoccupation relatifs à la décision faisant l’objet du présent contrôle.
Analyse
[12] Le fondement de la demande d’ERAR a été énoncé comme suit dans la lettre qui y était jointe :
[traduction] Il est allégué que, en raison de la situation actuelle dans le pays exposée dans les documents susmentionnés, sa demande d’ERAR devrait être accueillie. En fait, la situation dans le pays et le respect du gouvernement pour les droits de la personne se sont récemment détériorés. Pourtant, rien n’a été fait pour mettre fin aux activités des groupes armés qui continuent à cibler les Tamouls pour diverses raisons, y compris l’extorsion. Il est allégué que l’ethnicité tamoule du demandeur, le fait qu’il vienne du nord et le fait qu’il ait séjourné longuement au Canada, le risque d’enlèvement et d’extorsion combinés à la méfiance croissante du gouvernement et les mesures de sécurité plus importantes imposées par ce dernier donnent lieu à une crainte fondée de persécution au sens de l’article 96 de la Loi si l’on se fie aux expériences vécues par ceux qui se trouvent dans une situation semblable, et à une menace à la vie et à un risque de torture ou de traitements cruels et inusités au sens de l’article 97.
[13] Il ne fait aucun doute que, au moment où la demande d’ERAR a été rédigée, la majorité des observations formulées dans celle-ci portaient sur la situation des Tamouls du nord du Sri Lanka et sur les risques auxquels le demandeur était exposé à titre de membre de ce groupe s’il devait retourner. Toutes les parties ainsi que l’agente ont reconnu que la situation de ce groupe dans le pays a changé à la suite de la fin de la guerre civile. Cependant, la question soulevée par le demandeur est que l’agente n’a pas tenu compte des allégations susmentionnées, notamment, l’allégation selon laquelle le demandeur est exposé à un risque occasionné par [traduction] « son séjour prolongé au Canada et du risque résultant d’enlèvement et d’extorsion ».
[14] Il n’est pas contesté que l’agente n’a pas abordé cette question. Toutefois, le demandeur allègue que l’agente n’avait pas besoin d’examiner cette question puisque le demandeur n’a présenté aucune preuve relativement à un risque personnel de cette nature.
[15] Je ne peux pas accepter l’allégation du demandeur. Il se peut très bien que l’agente ait conclu, en se fondant sur les documents produits, que le demandeur n’a pas établi l’existence du risque personnel allégué. Cependant, cette conclusion doit être tirée par l’agente, il ne revient pas à aux avocats ni à la Cour de le faire. En l’espèce, l’agente n’a pas tenu compte de certains des risques soulevés par le demandeur, étayés ou non par la preuve présentée à l’appui des allégations. Il convient de souligner que l’agente n’a pas mentionné dans sa décision pour quel motif le demandeur a présenté sa demande d’ERAR. Il est possible que si elle l’avait fait, elle aurait examiné tous les risques cernés.
[16] Sur ce fondement, la demande doit être accueillie. Il n’est pas nécessaire d’examiner les autres questions soulevées par le demandeur.
[17] Compte tenu des importants changements survenus au Sri Lanka avant que la demande du demandeur soit examinée de nouveau, le demandeur doit avoir la possibilité de présenter de nouveaux éléments de preuve au sujet des risques auxquels il serait prétendument exposé s’il devait retourner au Sri Lanka.
[18] Aucune des parties n’a proposé une question à certifier et aucune n’est certifiée.
JUGEMENT
1. la demande est accueillie, la décision rendue le 2 septembre 2009 par l’agente est annulée et la demande d’examen des risques avant renvoi présentée par le demandeur est renvoyée à un autre agent pour nouvel examen après que le demandeur ait eu la possibilité de formuler de nouvelles observations au sujet de sa demande d’ERAR;
2. aucune question à certifier;
3. une copie des présents motifs du jugement et jugement sera déposée dans le dossier de la Cour IMM-4707-09.
Traduction certifiée conforme
Claude Leclerc, LL.B.
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : IMM-4705-09
INTITULÉ : MUTHUKAMARA THIYAGARAJAH c.
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ
ET DE L’IMMIGRATION
LIEU DE L’AUDIENCE : Toronto (Ontario)
DATE DE L’AUDIENCE : Le 14 septembre 2010
DATE DES MOTIFS
ET DU JUGEMENT : Le 19 octobre 2010
COMPARUTIONS :
Micheal Crane
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Bradley Bechard |
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Micheal Crane Avocat Toronto (Ontario)
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POUR LE DEMANDEUR |
Myles J. Kirvan Sous-procureur général du Canada Toronto (Ontario)
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POUR LE DÉFENDEUR |