Cour fédérale |
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Federal Court |
[TRADUCTION CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]
Ottawa (Ontario), le 12 octobre 2010
En présence de monsieur le juge Beaudry
ENTRE :
et
ET DE L’IMMIGRATION
MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT
[1] Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire, présentée en vertu du paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés L.C. 2001, c. 27 (la Loi), d’une décision rendue le 21 janvier 2010 par laquelle la Section de la protection des réfugiés (la Commission) a conclu que Willington Viveros Veles (le demandeur) n’était ni un réfugié au sens de la Convention ni une personne à protéger.
[2] La demande de contrôle judiciaire sera rejetée pour les motifs qui suivent.
[3] Le demandeur, un citoyen de la Colombie, sollicite l’asile, car il craint d’être persécuté par les Forces armées révolutionnaires de Colombie (les FARC).
[4] En juillet 2001, le demandeur a pris la décision de fuir la Colombie par crainte pour sa propre sécurité. Il est resté aux États-Unis pendant environ sept ans avant de venir demander l’asile au Canada, le 12 mai 2008.
[5] La principale question en litige en l’espèce porte sur le caractère raisonnable de la décision de la Commission selon laquelle le demandeur avait une possibilité de refuge intérieur (PRI) à Cartagena.
[6] La norme de contrôle applicable aux questions de PRI est la décision raisonnable, Guerilus c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2010 CF 394. Par conséquent, la Cour interviendra seulement si la décision n’appartient pas « aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit » (Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 R.C.S. 190, au paragraphe 47).
[7] Dans la décision Thirunavukkarasu c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1994] 1 CF 589, la Cour a déclaré :
Il s’agit plutôt de déterminer si, compte tenu de la persécution qui existe dans sa partie du pays, on peut raisonnablement s’attendre à ce qu’il cherche refuge dans une autre partie plus sûre de son pays avant de chercher refuge au Canada ou ailleurs. Autrement dit pour plus de clarté, la question à laquelle on doit répondre est celle-ci : serait-ce trop sévère de s’attendre à ce que le demandeur de statut, qui est persécuté dans une partie de son pays, déménage dans une autre partie moins hostile de son pays avant de revendiquer le statut de réfugié à l’étranger?
La possibilité de refuge dans une autre partie du même pays ne peut pas être seulement supposée ou théorique; elle doit être une option réaliste et abordable. Essentiellement, cela veut dire que l’autre partie plus sûre du même pays doit être réalistement accessible au demandeur. On ne peut exiger du demandeur qu’il s’expose à un grand danger physique ou qu’il subisse des épreuves indues pour se rendre dans cette autre partie ou pour y demeurer.
[8] En l’espèce, je conclus que la Commission a correctement énoncé et appliqué le critère à deux volets servant à établir s’il existe une PRI à Cartagena.
[9] Premièrement, la Commission n’a pas accepté qu’il existe un lien entre le demandeur ou les FARC et les incidents suivants, soit la disparition en 2005 d’un frère du demandeur, Jorge; la mort en 2006, d’Hector, un autre frère du demandeur; et l’agression commise sur le père du demandeur en 2005.
[10] La Commission a formulé des motifs convaincants à l’appui de sa conclusion (voir les paragraphes 15 à 17 de la décision de la Commission).
[11] Deuxièmement, la Commission s’est demandée si les FARC constituaient une menace pour le demandeur s’il déménageait à Cartagena. À la suite d’une analyse des événements qui auraient eu lieu en 2001, de l’incident ultérieur impliquant la sœur du demandeur, de la situation dans le pays, la Commission a conclu que la crainte du demandeur d’aller vivre à Cartagena n’était pas fondée sur un risque personnel, mais plutôt sur un risque généralisé.
[12] Il n’y a aucune raison de substituer mon opinion à la conclusion tirée par la Commission relativement au premier volet du critère.
[13] Troisièmement, la Commission a examiné s’il serait raisonnable dans les circonstances que le demandeur déménage à Cartagena.
[14] Dans sa décision, la Commission a affirmé ce qui suit au paragraphe 27 :
Le demandeur d’asile est bien positionné pour chercher refuge dans une autre ville de la Colombie, comme Cartagena. Il est jeune et possède des expériences de travail nombreuses et diversifiées, notamment en réparation automobile, en construction et en vente au détail. Un déménagement dans une autre région serait assurément une grosse étape à franchir, mais le demandeur d’asile a déjà montré qu’il avait la volonté d’un tel changement en s’enfuyant d’abord vers les États-Unis, puis en se rendant au Canada, où il a commencé un nouvel emploi et a appris une langue et une culture nouvelles. Le demandeur d’asile ne serait pas exposé à un grand danger physique ou ne subirait pas de préjudices indus s’il se rend à Cartagena ou y demeure. En l’espèce, il serait raisonnable de s’attendre à ce que le demandeur d’asile se prévale d’une possibilité de refuge intérieur à Cartagena.
[15] Je ne relève ici aucune erreur susceptible de contrôle.
[16] Quatrièmement, la Commission a, à juste titre, distingué la décision à caractère persuasif MA4-04467 de la Section de la protection des réfugiés des faits qu’elle devait examiner en l’espèce (paragraphe 29 de la décision).
[17] Je conclus donc que la décision de la Commission selon laquelle le demandeur avait une PRI à Cartagena était raisonnable.
[18] Aucune question de portée générale n’a été soulevée et l’affaire n’en soulève aucune.
JUGEMENT
LA COUR ORDONNE que la demande de contrôle judiciaire soit rejetée. Aucune question n’est à certifier.
Traduction certifiée conforme
Claude
Leclerc, LL.B.
ANNEXE
Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés L.C. 2001, c. 27
96. A qualité de réfugié au sens de la Convention — le réfugié — la personne qui, craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un groupe social ou de ses opinions politiques : a) soit se trouve hors de tout pays dont elle a la nationalité et ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de chacun de ces pays; b) soit, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle, ne peut ni, du fait de cette crainte, ne veut y retourner.
97. (1) A qualité de personne à protéger la personne qui se trouve au Canada et serait personnellement, par son renvoi vers tout pays dont elle a la nationalité ou, si elle n’a pas de nationalité, dans lequel elle avait sa résidence habituelle, exposée : a) soit au risque, s’il y a des motifs sérieux de le croire, d’être soumise à la torture au sens de l’article premier de la Convention contre la torture; b) soit à une menace à sa vie ou au risque de traitements ou peines cruels et inusités dans le cas suivant : (i) elle ne peut ou, de ce fait, ne veut se réclamer de la protection de ce pays,
(ii) elle y est exposée en tout lieu de ce pays alors que d’autres personnes originaires de ce pays ou qui s’y trouvent ne le sont généralement pas,
(iii) la menace ou le risque ne résulte pas de sanctions légitimes — sauf celles infligées au mépris des normes internationales — et inhérents à celles-ci ou occasionnés par elles,
(iv) la menace ou le risque ne résulte pas de l’incapacité du pays de fournir des soins médicaux ou de santé adéquats.
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96. A Convention refugee is a person who, by reason of a well-founded fear of persecution for reasons of race, religion, nationality, membership in a particular social group or political opinion, (a) is outside each of their countries of nationality and is unable or, by reason of that fear, unwilling to avail themself of the protection of each of those countries; or (b) not having a country of nationality, is outside the country of their former habitual residence and is unable or, by reason of that fear, unwilling to return to that country.
97. (1) A person in need of protection is a person in Canada whose removal to their country or countries of nationality or, if they do not have a country of nationality, their country of former habitual residence, would subject them personally (a) to a danger, believed on substantial grounds to exist, of torture within the meaning of Article 1 of the Convention Against Torture; or
(b) to a risk to their life or to a risk of cruel and unusual treatment or punishment if
(i) the person is unable or, because of that risk, unwilling to avail themself of the protection of that country,
(ii) the risk would be faced by the person in every part of that country and is not faced generally by other individuals in or from that country,
(iii) the risk is not inherent or incidental to lawful sanctions, unless imposed in disregard of accepted international standards, and
(iv) the risk is not caused by the inability of that country to provide adequate health or medical care.
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COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : IMM-1851-10
INTITULÉ : WILLINGTON VIVEROS VELES
c.
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION
LIEU DE L’AUDIENCE : Vancouver (Colombie-Britannique)
DATE DE L’AUDIENCE : Le 30 septembre 2010
MOTIFS DU JUGEMENT : LE JUGE BEAUDRY
DATE DES MOTIFS
ET DU JUGEMENT : Le 12 octobre 2010
COMPARUTIONS :
Craig Costantino
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François Paradis
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AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Elgin, Cannon & Associates Vancouver (Colombie-Britannique)
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POUR LE DEMANDEUR
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Myles J. Kirvan Sous-procureur général du Canada
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POUR LE DÉFENDEUR |