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Cour fédérale

 

Federal Court

 


Date : 20101006

Dossier : IMM-1291-10

Référence : 2010 CF 995

[TRADUCTION CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 6 octobre 2010

En présence de madame la juge Heneghan

 

ENTRE :

MD. KHAIRUL KABIR

demandeur

 

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

 

défendeur

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE

 

[1]               M. MD. Khairul Kabir (le demandeur) sollicite le contrôle judiciaire d’une décision rendue par une agente d’immigration (l’agente) au Haut-commissariat du Canada, à Singapour, le 25 novembre 2009. Dans sa décision, l’agente a refusé au demandeur sa demande de résidence permanente au Canada à titre de membre de la catégorie des travailleurs qualifiés.

 

[2]               Le demandeur est un citoyen du Bangladesh. Son épouse et lui désirent être admis au Canada comme résidents permanents. Le demandeur détient un baccalauréat en science politique, une maîtrise en science politique et une maîtrise en administration des affaires. Il détient aussi un diplôme en commercialisation de la mode. En tout, le demandeur a terminé dix-huit ans d’études à temps plein.

 

[3]               Son épouse détient un baccalauréat en science sociale, un diplôme en études informatiques et une maîtrise en sciences sociales et en science politique. Elle a terminé quinze ans d’études à temps plein.

 

[4]               L’agente a attribué au demandeur 22 points pour les études, en se fondant sur le nombre de diplômes qu’il a obtenus. L’agente a conclu que le diplôme le plus élevé obtenu par le demandeur était la maitrise en sciences sociales, laquelle nécessite seize ans d’études à temps plein. Aucun point n’a été accordé pour la deuxième maîtrise, ni pour le diplôme en commercialisation de la mode parce que ce diplôme ne visait pas l’obtention d’un diplôme de niveau supérieur.

 

[5]               Selon l’évaluation de l’agente, l’atteinte du niveau d’instruction de l’épouse du demandeur nécessite seize ans d’études. L’agente a conclu que le diplôme d’études le plus élevé détenu par Mme Kabir était la maîtrise en sciences sociales. Aucun point n’a été accordé pour le diplôme puisqu’il ne visait pas l’obtention d’un diplôme de niveau supérieur. L’agente a attribué 4 points, sous la rubrique « adaptabilité », au total des points du demandeur relativement aux études de son épouse.

[6]               Le demandeur a soutenu, dans sa plaidoirie, que la décision de l’agente est erronée en droit. Il fait valoir que l’agente a commis une erreur dans son interprétation des paragraphes 78(3) et 78(4) du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002-227, ne lui accordant aucun point pour sa deuxième maîtrise et son diplôme en commercialisation de la mode. Dans ses observations écrites, le demandeur a soutenu subsidiairement que la décision soulève une question mixte de fait et de droit et qu’elle est susceptible de contrôle selon la norme de la décision correcte.

 

[7]               Le Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration (le défendeur) soutient que la question en litige est une question mixte de fait et de droit et que, par conséquent, elle est susceptible de contrôle selon la norme de la décision correcte.

 

[8]               À mon avis, l’argument du défendeur est le point de vue privilégié. En l’espèce, il s’agit de déterminer si l’agente a commis une erreur susceptible de contrôle en évaluant la demande de résidence permanente du demandeur, notamment en ce qui a trait à l’évaluation de son niveau d’études et de celui de son épouse.

 

[9]               Le présent litige porte sur des faits et des points semblables à ceux discutés dans la décision MD. Ali Khan c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2010 CF 983, et sera tranché en fonction de cette décision.

 

[10]           L’article 78 du Règlement porte sur l’évaluation des diplômes. L’article 73 définit ainsi le terme « diplôme » :

 

« diplôme »

 

“educational credential”

 

« diplôme » Tout diplôme, certificat de compétence ou certificat d’apprentissage obtenu conséquemment à la réussite d’un programme d’études ou d’un cours de formation offert par un établissement d’enseignement ou de formation reconnu par les autorités chargées d’enregistrer, d’accréditer, de superviser et de réglementer les établissements d’enseignement dans le pays de délivrance de ce diplôme ou certificat.

 

“educational credential”

 

 « diplôme »

 

“educational credential” means any diploma, degree or trade or apprenticeship credential issued on the completion of a program of study or training at an educational or training institution recognized by the authorities responsible for registering, accrediting, supervising and regulating such institutions in the country of issue.

 

 

[11]           Le paragraphe 78(3) est pertinent et énonce ce qui suit :

Résultats

 

 

(3) Pour l’application du paragraphe (2), les points sont accumulés de la façon suivante :

 

a) ils ne peuvent être additionnés les uns aux autres du fait que le travailleur qualifié possède plus d’un diplôme;

 

b) ils sont attribués :

 

(i) pour l’application des alinéas (2)a) à d), du sous-alinéa (2)e)(i) et de l’alinéa (2)f), en fonction du diplôme qui procure le plus de points selon la grille,

 

 

(ii) pour l’application du sous-alinéa (2)e)(ii), en fonction de l’ensemble des diplômes visés à ce sous-alinéa.

Multiple educational achievements

 

(3) For the purposes of subsection (2), points

 

 

(a) shall not be awarded cumulatively on the basis of more than one single educational credential; and

 

(b) shall be awarded

 

(i) for the purposes of paragraphs (2)(a) to (d), subparagraph (2)(e)(i) and paragraph (2)(f), on the basis of the single educational credential that results in the highest number of points, and

 

(ii) for the purposes of subparagraph (2)(e)(ii), on the basis of the combined educational credentials referred to in that paragraph.

 

[12]           Le libellé de cette disposition énonce clairement qu’aucun point ne sera attribué pour deux diplômes ou plus. Ainsi, bien que le demandeur détienne deux maîtrises, il ne recevra aucun point en double.

 

[13]           L’agente a effectué des recherches sur la durée des études à temps plein exigée pour obtenir une maîtrise au Bangladesh et elle a conclu qu’il faut 16 ans d’études à temps plein. Elle a aussi décidé que le diplôme obtenu en 1999 par le demandeur n’ajoutait pas de points à ceux déjà attribués pour son titre universitaire le plus élevé puisque ce diplôme ne menait pas à l’obtention de sa maîtrise en 1989. Dans le même ordre d’idée, l’agente a déterminé que le diplôme de Mme Kabir ne menait pas à l’obtention de sa maîtrise.

 

[14]           L’agente a attribué 22 points au demandeur pour ses études, conformément à l’alinéa 78(2)e) du Règlement qui prévoit ce qui suit :

e) 22 points, si, selon le cas :

 

(i) il a obtenu un diplôme postsecondaire — autre qu’un diplôme universitaire — nécessitant trois années d’études à temps plein et a accumulé un total de quinze années d’études à temps plein complètes ou l’équivalent temps plein,

 

(ii) il a obtenu au moins deux diplômes universitaires de premier cycle et a accumulé un total d’au moins quinze années d’études à temps plein complètes ou l’équivalent temps plein;

(e) 22 points for

 

(i) a three-year post-secondary educational credential, other than a university educational credential, and a total of at least 15 years of completed full-time or full-time equivalent studies, or

 

 

 

(ii) two or more university educational credentials at the bachelor’s level and a total of at least 15 years of completed full-time or full-time equivalent studies; and

 

 

[15]           Le demandeur allègue que l’agente a commis une erreur et qu’elle aurait dû lui attribuer 25 points en conformité avec l’alinéa 78(2)f), lequel est ainsi libellé :

f) 25 points, s’il a obtenu un diplôme universitaire de deuxième ou de troisième cycle et a accumulé un total d’au moins dix-sept années d’études à temps plein complètes ou l’équivalent temps plein.

f) 25 points for a university educational credential at the master’s or doctoral level and a total of at least 17 years of completed full-time or full-time equivalent studies.

 

[16]           Le demandeur allègue aussi que l’agente a commis la même erreur lors de son évaluation des titres universitaires de Mme Kabir; le demandeur aurait dû recevoir 5 points pour la capacité d’adaptation en raison des études de Mme Kabir.

 

[17]           Je n’accepte pas les arguments du demandeur. Le libellé du paragraphe 78(3) est clair. Aucun point ne peut être attribué pour deux maîtrises. Le demandeur a accumulé 18 années d’études à temps plein, mais seulement 16 années sont requises pour obtenir une maîtrise au Bangladesh. Mme Kabir  a terminé sa maîtrise en 15 ans. Les études des demandeurs sont visées par l’alinéa 78(2)e). L’agente n’a commis aucune erreur susceptible de contrôle. L’affaire en instance a beaucoup de points en commun avec la décision Bhuiya c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 878.

 

[18]           Le demandeur invoque le paragraphe 78(4) du Règlement et la décision du juge Mandamin dans McLachlan c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2009 CF 975. Dans sa décision, la Cour a statué que le paragraphe 78(4) s’applique lorsqu’un individu a obtenu un titre universitaire, mais n’a pas accumulé le nombre d’années d’études exigé. En cas de circonstances spéciales, les points correspondant au diplôme obtenu devraient être attribués au demandeur, même si le demandeur n’a pas terminé le nombre d’années d’études exigé. La demande a été accueillie en raison de l’omission par l’agente des visas de prendre en considération les circonstances spéciales de cette affaire.

 

[19]           Dans la décision Perez Arias c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2009 CF 1207, j’ai traité ainsi du principe de courtoisie judiciaire :

[20]  Je suis consciente du fait que le juge qui entend écarter une décision antérieure de la Cour doit tenir compte du principe de courtoisie judiciaire. À cet égard, je me fonde sur la décision Almrei c. Canada (Citoyenneté et Immigration) 2007 CF 1025 (CanLII), (2007), 316 F.T.R. 49, dans lequel le juge Lemieux écrit ce qui suit, aux paragraphes 61 et 62, au sujet de la courtoisie judiciaire :

 

(3) Le principe de courtoisie judiciaire

 

61     Le principe de courtoisie judiciaire est bien reconnu par la magistrature canadienne. Appliqué dans des décisions rendues par les juges de la Cour fédérale, ce principe signifie qu’une décision essentiellement semblable qui est rendue par un juge de notre Cour devrait être adoptée dans l’intérêt de favoriser la certitude du droit […]

 

62    Il y a plusieurs exceptions au principe de courtoisie judiciaire qui est exposé ci-dessus; ce sont les suivants :

 

1.         Les cas où l’ensemble de faits ou les éléments de preuve ne sont pas les mêmes pour les deux causes;

2.        Les cas où la question à trancher est différente;

3.        Les cas où la décision antérieure n’a pas examiné la loi ou la jurisprudence qui auraient donné lieu à un résultat différent, c’est-à-dire lorsque la décision était manifestement erronée;

4.         Les cas où la décision suivie créerait une injustice [renvois omis].

 

 

[20]           À mon avis, la première et la troisième exception de la décision Almrei s’appliquent en l’espèce. Le demandeur n’a pas fait état de circonstances spéciales que l’agente aurait omises de prendre en compte.

 

[21]           La troisième exception de la décision Almrei est particulièrement pertinente.

 

[22]           La Cour, dans la décision Bhuiya, a statué que lorsqu’un demandeur a obtenu un diplôme en moins de temps que le nombre d’années exigé, le paragraphe 78(4) autorise un agent des visas à attribuer les points correspondant au nombre d’années d’études, mais pas le nombre maximal de points correspondant aux diplômes obtenus. On ne peut pas se servir du paragraphe 78(4) pour attribuer à un demandeur la totalité des points pour un diplôme dans des circonstances spéciales même s’il n’a pas terminé le nombre d’années d’études exigé.

 

[23]           Par conséquent, la demande de contrôle judiciaire est rejetée.

 

[24]           Les avocats des parties ont échangé des lettres au sujet d’une question à certifier. Le critère pour la certification consiste à déterminer si l’affaire soulève une question de portée générale qui permettrait de régler un appel, voir Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’ Immigration) c. Zazai (2004), 247 F.T.R. 320 (C.A.F.).

 

[25]           L’avocat du défendeur a proposé la question suivante :

Lors de son attribution des points pour les études en vertu de l’article 78 du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, l’agent des visas doit-il attribuer des points pour le nombre d’années d’études à temps plein ou pour le nombre d’années d’études équivalentes à temps qui n’ont pas contribué à l’obtention du diplôme qui fait l’objet de l’évaluation?

 

 

[26]           Compte tenu que les opinions judiciaires au sujet de l’évaluation du niveau d’études sont divergentes, je suis convaincue que la question susmentionnée devrait être certifiée dans la présente instance, même si la même question a été certifiée dans MD. Ali Khan c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2010 CF 983.

 


 

ORDONNANCE

 

LA COUR ORDONNE que la demande de contrôle judiciaire soit rejetée. La question suivante est certifiée :

Lors de son attribution des points pour les études en vertu de l’article 78 du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, l’agent des visas doit-il attribuer des points pour le nombre d’années d’études à temps plein ou pour le nombre d’années d’études équivalentes à temps qui n’ont pas contribué à l’obtention du diplôme qui fait l’objet de l’évaluation?

 

 

 

« E. Heneghan »

Juge

 

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Claude Leclerc, LL.B.


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        IMM-1291-10

 

INTITULÉ :                                       MD. KHAIRUL KABIR c.

                                                            LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 23 septembre 2010

 

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

ET ORDONNANCE                         LA JUGE HENEGHAN

 

DATE DES MOTIFS

ET DE L’ORDONNANCE :             Le 6 octobre 2010

 

 

COMPARUTIONS :

 

Ian Wong

 

POUR LE DEMANDEUR

Ada Mok

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Ian Wong

Avocat

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DEMANDEUR

Myles J. Kirvan

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

 

 

 

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