Cour fédérale |
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Federal Court |
[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]
Vancouver (Colombie-Britannique), le 30 septembre 2010
En présence de Monsieur le juge Beaudry
ENTRE :
et
LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA
MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT
[1] Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire visant la décision par laquelle le Tribunal des anciens combattants (révision et appel) (le Tribunal) a confirmé, en application de la Loi sur les Cours fédérales, L.R.C. 1985, ch. F-7, le droit du demandeur à un cinquième de pension pour hypoacousie.
Le contexte factuel
[2] Le demandeur, Joseph Beauchene, a servi au sein des Forces armées canadiennes de février 1967 à juin 1993. Il a été moniteur d’éducation physique pendant toute sa carrière, et ses fonctions l’ont fréquemment exposé à des ambiances bruyantes.
[3] Le demandeur a passé des examens médicaux, dont des audiogrammes servant à évaluer son audition, lorsqu’il s’est enrôlé puis régulièrement tout au long de son service. En mars 1992, l’audiogramme que le demandeur a subi avant sa libération a révélé une perte de l’audition. Une fois démobilisé, le demandeur a constaté que cette perte d’audition persistait et il a subi de nouveaux audiogrammes qui ont démontré que cette perte s’aggravait.
[4] En février 1997, le demandeur a présenté une demande de pension en vertu de la Loi sur les pensions, L.R.C. 1985, ch. P-6, pour hypoacousie et pour acouphènes liés à cet état. Cette demande a été rejetée au motif que le demandeur n’avait une invalidité due à la perte d’audition que depuis sa libération. Le demandeur a sollicité la révision de cette décision; lors de la révision, on a traité de manière distincte la demande concernant les acouphènes et celle concernant l’hypoacousie. Le demandeur a obtenu la pension maximale pour les acouphènes, et après révision, à compter du 1er décembre 2009, son taux d’invalidité est passé de 6% à 11%.
[5] Pour ce qui est de l’hypoacousie, on a reconnu, le 6 novembre 2008, que le demandeur avait droit à un cinquième de pension, le taux d’invalidité correspondant étant de 5%. Le demandeur a sollicité la révision de cette décision. Le 17 mars 2009, la décision a été toutefois confirmée, comme il avait été conclu qu’une partie seulement de l’hypoacousie était attribuable au service militaire. Insatisfait de cette nouvelle décision, le demandeur l’a portée en appel devant le Tribunal. Par décision datée du 24 novembre 2009, le Tribunal a confirmé le droit à pension ainsi que l’attribution du cinquième de pension.
[6] Le demandeur sollicite maintenant le contrôle judiciaire de la décision du Tribunal sur son droit à pension pour hypoacousie.
La décision contestée
[7] Dans sa décision du 24 novembre 2009, le Tribunal a précisé que la question en litige était celle de savoir si le demandeur avait présenté une preuve suffisante pour démontrer que son hypoacousie justifiait qu’on lui octroie un droit à pension supérieur au cinquième déjà attribué. Le Tribunal a ajouté que les Lignes directrices sur l’admissibilité au droit à pension pour hypoacousie prévoyaient des critères pour la reconnaissance de l’hypoacousie en tant que « diminution du degré d’audition » ou que « hypoacousie entraînant l’incapacité ».
[8] Pour ce qui était de la preuve, le Tribunal a conclu que les audiogrammes au dossier permettaient de constater une diminution du degré d’audition entre janvier 1986 et mars 1992, soit au moment de la libération du demandeur. L’audiogramme post-service de décembre 2007 révélait pour sa part l’existence d’une hypoacousie entraînant l’incapacité.
[9] L’analyse et les motifs du Tribunal sur le caractère adéquat du droit à pension reconnu figuraient dans le paragraphe qui suit:
[traduction]
Le [Tribunal], bien qu’il ne soit pas nécessairement lié par la politique ministérielle en vertu de laquelle un cinquième de pension a été octroyé [au demandeur], n’est pas convaincu qu’il devrait modifier cet octroi en l’espèce. Le [Tribunal] conclut au vu des audiogrammes versés au dossier que la politique a été correctement appliquée. Le [Tribunal] conclut en outre qu’aucune preuve ne démontre que la politique enfreint la Loi sur les pensions.
[10] Le Tribunal s’est ensuite penché sur des questions sans pertinence aux fins du présent contrôle judiciaire.
Les questions en litige
[11] Le demandeur soulève les questions suivantes :
a. Le Tribunal a-t-il commis une erreur dans son examen de la preuve d’ordre médical?
b. Le Tribunal a-t-il conclu erronément que la politique n’enfreignait pas la Loi sur les pensions?
c. Le Tribunal a-t-il appliqué erronément la politique?
Les dispositions légales pertinentes
[12] Toutes les dispositions légales pertinentes sont reproduites en annexe des présents motifs.
Les prétentions du demandeur
[13] Le demandeur soutient avoir présenté des éléments de preuve médicale additionnels sur la cause de son hypoacousie – un audiogramme actualisé et un rapport médical du Dr Longridge – au Tribunal, mais que celui-ci ne les a pas mentionnés dans ses motifs. Le demandeur renvoie à cet égard aux articles 38 et 39 de la Loi sur le Tribunal des anciens combattants (révision et appel), L.C. 1995, ch. 18 (la LTAC), qui renferment des dispositions uniques permettant d’interpréter la preuve de manière favorable à un demandeur de pension. Au vu de ces dispositions, selon le demandeur, le Tribunal était tenu d’examiner les nouveaux éléments de preuve. Le demandeur soutient également qu’il a présenté des éléments de preuve non contredits montrant l’existence d’un lien de causalité entre son hypoacousie et son service militaire, et que c’était cela, et non la Politique qui aurait dû guider le Tribunal dans sa décision. Il estime ainsi que le Tribunal a fait abstraction d’éléments de preuve pertinents et a rendu une décision contrevenant à la LTAC.
[14] Le demandeur soutient également que les incompatibilités existant entre la Loi sur les pensions et la politique, dont la Cour a traité dans Nelson c. Canada (Procureur général), 2006 CF 225, 289 F.T.R. 183, persistent toujours malgré la décision rendue dans cette affaire. Il prétend que le Tribunal a fait abstraction du fondement de cette décision lorsqu’il lui a attribué son droit partiel à pension et a appliqué la Politique, en établissant une distinction entre la diminution du degré d’audition et l’hypoacousie entraînant l’incapacité.
[15] Le demandeur soutient de manière subsidiaire, si la Cour devait conclure que la politique ne contrevient pas à la Loi sur les pensions, que le Tribunal a commis une erreur en concluant que la politique avait correctement été appliquée. Le demandeur renvoie aux Lignes directrices sur l’admissibilité au droit à pension mêmes qui prévoient : « L’information obtenue par l’audiométrie ne suffit pas toujours pour déterminer la cause de la hypoacousie et il faut alors tenir compte des antécédents cliniques du patient et des résultats des examens ». C’était ainsi une erreur, selon le demandeur, de se fonder uniquement sur les audiogrammes et de faire abstraction des autres éléments de preuve.
Les prétentions du défendeur
[16] Le défendeur soutient que, contrairement aux prétentions du demandeur, la décision du Tribunal était conforme aux articles 3 et 39 de la LTAC. Selon le défendeur, le Tribunal a reconnu que le demandeur était atteint d’invalidité et la question en litige était de savoir s’il avait droit à une pension supérieure.
[17] Le défendeur ajoute qu’un tribunal administratif est présumé avoir tenu compte de tous les éléments qui lui ont été présentés et n’est pas tenu de faire référence à chaque document, particulièrement si la preuve ne contredit pas ses conclusions (Murphy c. Canada (Procureur général), 2007 CF 905, [2007] A.C.F. n° 1184, paragraphes 13 et 14). Or, selon le défendeur, les éléments de preuve additionnels produits par le demandeur confirment plutôt qu’ils ne contredisent les conclusions du Tribunal. Le défendeur soutient que les résultats de l’audiogramme actualisé de septembre 2008 sont compatibles avec ceux de l’audiogramme précédent faisant état de l’existence en décembre 2007 d’une hypoacousie entraînant l’incapacité. Par ailleurs, selon le défendeur, la lettre du Dr Longridge (page 132 du dossier du demandeur) est compatible avec la conclusion du Tribunal selon laquelle l’hypoacousie actuelle du demandeur n’est pas un état entièrement attribuable au bruit auquel celui-ci a été exposé pendant sa carrière militaire.
[18] Le défendeur souligne que la politique reconnaît que, pour certains actes d’ordre physique tels que l’audition, il existe une gamme de paramètres quant à ce qu’on peut considérer être normal. Une fois démontré que le degré d’audition d’un demandeur ne correspond pas à la gamme prescrite, la perte est qualifiée soit d’hypoacousie entraînant l’incapacité, soit de diminution du degré d’audition. Le défendeur ajoute que, pour trancher la question de savoir si un demandeur a une invalidité due à la perte d’audition, il faut s’en remettre à la définition d’« invalidité » prévue au paragraphe 3(1) de la Loi sur les pensions. Le défendeur soutient que cela est conforme à la décision Nelson, et que, pour appliquer la définition, il faut nécessairement recourir à un critère où à une norme de l’audition normale.
Analyse
La norme de contrôle
[19] Depuis l’arrêt Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 R.C.S. 190, de la Cour suprême du Canada, il existe deux normes de contrôle judiciaire – la raisonnabilité et la décision correcte. Selon cet arrêt, en outre, il n’est pas nécessaire de procéder à l’analyse relative à la norme de contrôle si la jurisprudence établit déjà le degré de déférence correspondant à une question en particulier (paragraphes 62 et 63).
[20] Or il a été jugé (se reporter à Nelson, paragraphes 37 et 38) que la question de savoir si la définition d’ « invalidité » appliquée en vertu d’une politique ministérielle était compatible avec la Loi sur les pensions appelait la norme de la décision correcte.
[21] La Cour a aussi statué que l’interprétation de la preuve médicale et l’estimation de l’invalidité d’un demandeur constituaient des décisions qui relèvaient de la compétence spécialisée du Tribunal et qui commandaient la retenue judiciaire (Yates c. Canada (Procureur général), 2003 CFPI 749, 237 F.T.R. 300). De telles questions sont des questions de fait ou mixtes de fait et de droit auxquelles s’appliquent la norme de la raisonnabilité (Dunsmuir, paragraphe 51).
[22] En fonction de la norme de la raisonnabilité, la Cour ne doit intervenir que si la décision n’appartient pas aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit (Dunsmuir, paragraphe 47).
Le Tribunal a-t-il commis une erreur dans son examen de la preuve d’ordre médical?
[23] Le paragraphe 21(2) de la Loi sur les pensions est la source du droit à pension pour service militaire du demandeur. L’article 35 précise que le montant d’une pension pour invalidité est calculé en fonction de l’estimation du degré d’invalidité, cette estimation devant se baser sur les instructions du ministre et sur une table des invalidités établie par ce dernier.
[24] Les instructions et la table des invalidités applicables à l’hypoacousie figurent dans les Lignes directrices sur l’admissibilité au droit à pension - Hypoacousie et dans la Table des invalidités – chapitre 9 – Hypoacousie et affections de l’oreille, que je désignerai collectivement la politique. Il est établi dans la politique qu’aux fins de celle-ci, l’audition est normale lorsque la perte auditive est égale ou inférieure à 25 dB à toutes les fréquences situées entre 250 et 8000 hertz (page 2). Il y a hypoacousie entraînant l’incapacité « lorsque la perte auditive totale en décibels (DSHL), dans une oreille ou l'autre, est de 100 décibels ou plus à des fréquences de 500,1000, 2000 et 3000 Hz OU lorsqu'elle est, dans les deux oreilles, égale ou supérieure à 50 dB, à une fréquence de 4000 Hz » (page 2). Il y a par ailleurs diminution du degré d’audition lorsque la perte auditive est « supérieure à 25 dB à des fréquences de 250 à 8000 Hz mais que cette perte ne répond pas à la définition d'ACC de l’hypoacousie entraînant l'incapacité » (page 2). Un droit à pension partiel est reconnu lorsqu’une hypoacousie entraînant l’invalidité n’est pas entièrement attribuable au service militaire. À cet égard, la politique prévoit qu’une « hypoacousie entraînant l'incapacité peut être considérée comme étant partiellement causée durant le service militaire, lorsqu'il y a perte auditive supérieure à 25 dB établie par un audiogramme à la libération à des fréquences se situant entre 250 et 8 000 Hz; ET une hypoacousie entraînant l'incapacité a été établie après la libération » (page 2). Si la politique prévoit que la présence d’une hypoacousie peut être confirmée à l’aide d’un examen audiométrique, elle précise que l’information obtenue par audiométrie ne suffit pas toujours pour déterminer la cause de l’hypoacousie; il faut alors tenir compte des antécédents cliniques du patient et des résultats des examens (page 2).
[25] Tous reconnaissent que le demandeur en l’espèce a une invalidité, mais les parties divergent d’opinion quant à l’évaluation de la pension à verser qui en résulte. Un cinquième de pension a été attribué parce qu’on a établi que le demandeur n’était pas atteint d’une hypoacousie entraînant l’invalidité au moment de sa libération, sur la foi de l’audiogramme de 1992, et que la présence d’une telle hypoacousie n’avait été confirmé qu’en 2007 (dossier du demandeur, page 71).
[26] Faisant valoir qu’il a présenté au Tribunal de nouveaux éléments de preuve démontrant que son hypoacousie entraînant l’invalidité était directement liée à son service militaire, le demandeur soutient qu’il a droit à une augmentation de sa pension. Chaque partie a fait connaître comment elle interprétait cette preuve médicale. Je désire toutefois préciser que la Cour a pour rôle non pas d’interpréter cette preuve en lien avec la demande de pension, mais plutôt d’examiner si le Tribunal a commis une erreur en n’y faisant pas référence. Dans cette perspective, il ne faut pas oublier que le Tribunal est présumé avoir tenu compte de tous les éléments dont il disposait et n’était pas tenu de faire référence à chaque document, particulièrement si la preuve ne contredisait pas ses conclusions (se reporter à Murphy, paragraphes 13 et 14).
[27] En ce qui concerne l’audiogramme de septembre 2008 non mentionné par le Tribunal, je conclus que ses résultats étaient conformes à ceux de l’audiogramme antérieur ayant confirmé la présence en décembre 2007 d’une hypoacousie entraînant l’incapacité, et que le Tribunal a reconnu que cette hypoacousie était survenue après la libération du demandeur. Cette preuve ne contredisait pas les conclusions du Tribunal et celui-ci n’a pas commis d’erreur en omettant de la mentionner.
[28] Pour ce qui est de la lettre du Dr Longridge, j’estime que c’était là un nouvel élément de preuve qui n’avait pas été soumis aux décisionnaires des échelons précédents. En outre, le dossier certifié du tribunal ne renferme aucune lettre semblable à celle du Dr Longridge, dont voici un extrait :
[traduction]
[…] La perte auditive neurosensorielle est de légère à modérée pour les sons aigus. Le demandeur a été exposé au bruit pendant son service militaire, et ne l’a pas été de manière importante une fois libéré, de sorte que les changements survenus ont constitué l’évolution de la perte neurosensorielle existante. La survenue de la presbyacousie a probablement vu ses effets aggravés par les dommages déjà causés par le bruit. (Dossier du demandeur, page 132).
[29] On l’a expliqué, la politique permet l’attribution d’une pension partielle lorsque l’hypoacousie entraînant l’invalidité ne s’est manifestée qu’après la libération du demandeur. Elle prévoit également que l’information obtenue par l’audiométrie ne suffit pas toujours pour déterminer la cause de l’hypoacousie, les antécédents du patient et d’autres données devant aussi être pris en compte. Dans la preuve d’ordre médical en l’espèce, on émet l’avis que l’hypoacousie actuelle du demandeur correspond à une évolution des effets de dommages antérieurs, et que le demandeur a vécu dans un environnement relativement peu bruyant depuis sa libération. Compte tenu de la politique, le Tribunal aurait dû examiner cet élément afin de déterminer si, par exception à celle-ci, il justifiait d’augmenter le montant de la pension du demandeur. Le Tribunal a commis une erreur en faisant abstraction de cette preuve médicale et en se fondant uniquement sur les audiogrammes.
Le Tribunal a-t-il conclu erronément que la politique n’enfreignait pas la Loi sur les pensions?
[30] On a conclu dans la décision Nelson qu’il y avait incompatibilité entre la définition du terme « invalidité » au paragraphe 3(1) de la Loi sur les pensions et au chapitre 9 de la Table des invalidités (se reporter également à l’arrêt Nelson c. Canada (Procureur général), 2007 CAF 200, 365 N.R. 267 [Nelson (C.A.F.)]). Au moment où a été rendue la décision Nelson, le chapitre 9 de la Table des invalidités prescrivait ce qui suit :
Il y a invalidité :
(i) lorsque le seuil d'audition moyen (SAM)1 est de 25 décibels ou plus, aux fréquences de 500, 1 000, 2 000 et 3 000 hertz, dans l'oreille droite ou l'oreille gauche;
ou
(ii) lorsque le requérant ne répond pas aux critères précités, et que la perte d'audition est de 50 décibels ou plus à la fréquence de 4 000 hertz dans les deux oreilles.
Une fois l'invalidité établie, il faut déterminer le type d'hypoacousie et s'il est imputable au service.
En général, une pension est accordée pour une perte d'audition bilatérale, à moins que des preuves concluantes démontrent que l'hypoacousie n'affecte qu'une oreille et qu'elle est attribuable ou directement liée au service. (Reproduit dans la décision Nelson, au paragraphe 28).
[31] Le Tribunal avait conclu dans cette affaire qu’un demandeur qui était atteint d’hypoacousie, mais qui ne satisfaisait pas à la définition ci-dessus, n’avait pas droit à une pension parce qu’il n’avait pas une invalidité au sens de la définition. L’application de cette définition de l’invalidité plutôt que de celle prévue dans la Loi sur les pensions a été jugée constituer une erreur de droit.
[32] La politique a été révisée depuis qu’a été rendue la décision Nelson (dossier du demandeur, pages 173 à 178), et on y a désormais établi des paramètres servant à déterminer s’il y a audition normale, ou encore hypoacousie entraînant l’incapacité ou diminution du degré d’audition. Le demandeur soutient que l’actuelle politique contrevient toujours à la Loi sur les pensions et fait abstraction du principe énoncé dans Nelson.
[33] Au paragraphe 3(1) de la Loi sur les pensions, on définit l’invalidité comme la « perte ou l’amoindrissement de la faculté de vouloir et de faire normalement des actes d’ordre physique ou mental ». Une fois l’existence de l’invalidité démontrée, on procède à l’estimation de son degré, en se basant sur les lignes directrices et la table des invalidités établies par le ministre pour aider quiconque l’effectue (paragraphe 35(2)).
[34] À mon avis, l’application de la définition de l’invalidité prévue dans la Loi sur les pensions nécessite l’établissement d’une norme quant à ce qui constitue l’audition normale. Il y a en effet invalidité, selon la définition, lorsqu’il y a perte ou amoindrissement « de la faculté de vouloir et de faire normalement des actes d’ordre physique ou mental » [non souligné dans l’original]. En établissant la norme pertinente, la politique n’énonce pas une définition de l’invalidité différente de celle de la Loi ou contraire à celle-ci. On y circonscrit plutôt par des paramètres l’audition normale, pour pouvoir établir s’il y a eu perte ou amoindrissement de celle-ci et, ainsi, s’il y a ou non une invalidité donnant droit à pension. Cela est nécessaire pour que disposent d’un certain cadre de référence les arbitres ayant à décider des demandes de pension. Cela n’est pas contraire à la Loi sur les pensions ou à la décision Nelson. La politique prévoit elle-même clairement, en outre, ne pas avoir un caractère obligatoire. Par conséquent, l’arbitre qui décide d’une demande dispose d’une certaine latitude pour s’écarter de la norme énoncée dans la politique.
[35] Pour ce qui est de la distinction établie entre la diminution du degré d’audition et l’hypoacousie, la Loi sur les pensions prescrit de procéder à une estimation du degré d’invalidité pour décider d’accorder ou non une pension. Ces catégories sont un élément du processus d’estimation, qui ne remplacent pas la définition de l’invalidité prévue dans la Loi sur les pensions. Il ne fait aucun doute que le ministre peut établir des lignes directrices pour mesurer la gravité d’une invalidité (Nelson, paragraphe 38).
Le Tribunal a t il appliqué erronément la politique?
[36] Compte tenu de ma conclusion à l’égard de la première question en litige et de l’examen de la preuve, il ne me sera pas nécessaire de répondre à cette question qui a essentiellement la même portée.
JUGEMENT
LA COUR ORDONNE que la demande de contrôle judiciaire soit accueillie. L’affaire est renvoyée à un tribunal différemment constitué pour qu’il statue à nouveau sur celle-ci. Les dépens, d’un montant forfaitaire de 1 500 $, sont adjugés au demandeur.
Traduction certifiée conforme
Evelyne Swenne, traductrice
ANNEXE
Loi sur les pensions, L.R.C. 1985, ch. P-6
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Pension Act, R.S.C. 1985, c. P-6
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3. (1) Les définitions qui suivent s’appliquent à la présente loi.
« invalidité » “disability”
« invalidité » La perte ou l’amoindrissement de la faculté de vouloir et de faire normalement des actes d’ordre physique ou mental |
3. (1) In this Act,
“disability” « invalidité »
“disability” means the loss or lessening of the power to will and to do any normal mental or physical act;
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21. (2) En ce qui concerne le service militaire accompli dans la milice active non permanente ou dans l’armée de réserve pendant la Seconde Guerre mondiale ou le service militaire en temps de paix :
a) des pensions sont, sur demande, accordées aux membres des forces ou à leur égard, conformément aux taux prévus à l’annexe I pour les pensions de base ou supplémentaires, en cas d’invalidité causée par une blessure ou maladie — ou son aggravation — consécutive ou rattachée directement au service militaire;
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21. (2) In respect of military service rendered in the non-permanent active militia or in the reserve army during World War II and in respect of military service in peace time,
(a) where a member of the forces suffers disability resulting from an injury or disease or an aggravation thereof that arose out of or was directly connected with such military service, a pension shall, on application, be awarded to or in respect of the member in accordance with the rates for basic and additional pension set out in Schedule I;
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35. (1) Sous réserve de l’article 21, le montant des pensions pour invalidité est, sous réserve du paragraphe (3), calculé en fonction de l’estimation du degré d’invalidité résultant de la blessure ou de la maladie ou de leur aggravation, selon le cas, du demandeur ou du pensionné.
(…)
(2) Les estimations du degré d’invalidité sont basées sur les instructions du ministre et sur une table des invalidités qu’il établit pour aider quiconque les effectue.
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35. (1) Subject to section 21, the amount of pensions for disabilities shall, except as provided in subsection (3), be determined in accordance with the assessment of the extent of the disability resulting from injury or disease or the aggravation thereof, as the case may be, of the applicant or pensioner.
(…)
(2) The assessment of the extent of a disability shall be based on the instructions and a table of disabilities to be made by the Minister for the guidance of persons making those assessments.
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Loi sur le tribunal des anciens combattants (révision et appel), L.C. 1995, ch.18 |
Veterans Review and Appeal Board Act, S.C. 1995, c. 18
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3. Les dispositions de la présente loi et de toute autre loi fédérale, ainsi que de leurs règlements, qui établissent la compétence du Tribunal ou lui confèrent des pouvoirs et fonctions doivent s’interpréter de façon large, compte tenu des obligations que le peuple et le gouvernement du Canada reconnaissent avoir à l’égard de ceux qui ont si bien servi leur pays et des personnes à leur charge.
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3. The provisions of this Act and of any other Act of Parliament or of any regulations made under this or any other Act of Parliament conferring or imposing jurisdiction, powers, duties or functions on the Board shall be liberally construed and interpreted to the end that the recognized obligation of the people and Government of Canada to those who have served their country so well and to their dependants may be fulfilled.
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38. (1) Pour toute demande de révision ou tout appel interjeté devant lui, le Tribunal peut requérir l’avis d’un expert médical indépendant et soumettre le demandeur ou l’appelant à des examens médicaux spécifiques.
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38. (1) The Board may obtain independent medical advice for the purposes of any proceeding under this Act and may require an applicant or appellant to undergo any medical examination that the Board may direct.
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Avis d’intention :
(2) Avant de recevoir en preuve l’avis ou les rapports d’examens obtenus en vertu du paragraphe (1), il informe le demandeur ou l’appelant, selon le cas, de son intention et lui accorde la possibilité de faire valoir ses arguments. |
Notification of intention:
(2) Before accepting as evidence any medical advice or report on an examination obtained pursuant to subsection (1), the Board shall notify the applicant or appellant of its intention to do so and give them an opportunity to present argument on the issue.
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39. Le Tribunal applique, à l’égard du demandeur ou de l’appelant, les règles suivantes en matière de preuve :
a) il tire des circonstances et des éléments de preuve qui lui sont présentés les conclusions les plus favorables possible à celui-ci; b) il accepte tout élément de preuve non contredit que lui présente celui-ci et qui lui semble vraisemblable en l’occurrence;
c) il tranche en sa faveur toute incertitude quant au bien-fondé de la demande. |
39. In all proceedings under this Act, the Board shall
(a) draw from all the circumstances of the case and all the evidence presented to it every reasonable inference in favour of the applicant or appellant; (b) accept any uncontradicted evidence presented to it by the applicant or appellant that it considers to be credible in the circumstances; and (c) resolve in favour of the applicant or appellant any doubt, in the weighing of evidence, as to whether the applicant or appellant has established a case. |
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COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : T-2156-09
INTITULÉ : JOSEPH BEAUCHENE c.
LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA
LIEU DE L’AUDIENCE : VANCOUVER (COLOMBIE-BRITANNIQUE)
DATE DE L’AUDIENCE : LE 28 SEPTEMBRE 2010
MOTIF DU JUGEMENT
DATE DES MOTIFS
ET DU JUGEMENT : LE 30 SEPTEMBRE 2010
COMPARUTIONS :
J. Barry Carter
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POUR LE DEMANDEUR |
Monika Bittel
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POUR LE DÉFENDEUR |
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
J. Barry Carter Avocat Kamloops (Colombie-Britannique)
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POUR LE DEMANDEUR |
Myles J. Kirvan Sous-procureur général du Canada Vancouver (Colombie-Britannique)
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POUR LE DÉFENDEUR |