Cour fédérale |
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Federal Court |
Ottawa (Ontario), le 17 septembre 2010
En présence de monsieur le juge Beaudry
ENTRE :
demandeur
et
DU CANADA
MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT
[1] Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire en vertu de l’article 18.1 de la Loi sur les Cours fédérales, L.R.C. 1985, c. F-7, de la décision rendue le 24 juillet 2009 par la section d’appel de la Commission nationale des libérations conditionnelles (section d'appel) confirmant la décision de la Commission nationale des libérations conditionnelles (la CNLC) du 16 avril 2009, d’assortir la libération d’office du demandeur d’une assignation à résidence et d’une condition spéciale de ne pas se trouver en présence de personnes d’âge mineur sans être accompagné d’une personne adulte responsable, informée de sa délinquance sexuelle et autorisée par l’agent de surveillance.
[2] Le demandeur purge une peine de trois ans, depuis avril 2007 pour agression sexuelle et inceste. Les infractions ont été commises sur une période de trois ans à l’égard de sa fille âgée de neuf ans. Le demandeur nie avoir commis ces infractions, malgré la preuve d’ADN établissant les agressions.
[3] Il n’a pas traité les facteurs contributifs à sa criminalité pendant son mandat d’incarcération. Il prétend être victime d’un complot monté par son ex-conjointe, la police et les tribunaux. Ayant purgé les deux tiers de sa peine, le demandeur devait être libéré d’office le 23 avril 2009.
[4] Le Service correctionnel du Canada (le SCC), a recommandé à la CNLC avant sa date de libération, qu’il soit assujetti à certaines conditions particulières pendant sa libération d’office. Parmi ces conditions était l’assignation en résidence.
[5] Le demandeur a contesté cette condition par voie d’observations écrites soumises à la CNLC. Le 16 avril 2009, la CNLC a imposé l’assignation en résidence dans un centre correctionnel supervisé par le SCC ainsi que d’autres conditions spéciales pendant sa libération d’office.
[6] Le demandeur a interjeté appel de cette décision à la section d'appel et c'est la décision de cette dernière qui fait l'objet du présent contrôle judiciaire.
[7] Le 4 septembre 2009, un mandat de suspension de la libération d’office du demandeur a été émis parce qu’il a omis de respecter une condition usuelle de son certificat. Il a donc été réincarcéré à l’établissement La Macaza.
[8] Le 23 décembre 2009, la CNLC a examiné son cas et il a été retourné dans un centre correctionnel communautaire, soit le Centre correctionnel communautaire Laferrière à St-Jérôme avec les mêmes conditions spéciales. Le mandat d’incarcération du demandeur est expiré depuis le 23 avril 2010.
[9] À l'audition, le 13 septembre 2010, le demandeur demande à la Cour de déclarer illégale et inconstitutionnelle son incarcération du 22 avril 2009 au 23 avril 2010.
[10] Son principal argument est basé sur les dispositions des paragraphes 129(3) et 130(1) de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, L.C. 1992, c. 20 (la Loi). Il prétend que la décision de la CNLC du 16 avril 2009 n'était pas conforme aux dispositions du paragraphe 129(3) de la Loi.
[11] Il ajoute aussi que la CNLC n'a pas tenu compte d'un rapport qui lui était favorable avant la prise de la décision (voir allégation du demandeur, paragraphe 6, soumissions orales, 13 août 2010).
[12] Cependant, comme l'a fait remarquer le défendeur, la décision a été prise sous l'égide des paragraphes 133(3) et (4.1).
[13] La Cour est d'accord avec l'argumentation du défendeur sur cette question car elle considère que c’est la CLNC qui est l'autorité compétente pour imposer les conditions qu'elle juge raisonnables et nécessaires pour protéger la société et favoriser la réinsertion sociale du délinquant (paragraphe 133(3)). Elle peut aussi imposer d’autres conditions qui sont prévues au paragraphe 133(4.1).
[14] Malgré que la Cour considère que la demande de contrôle judiciaire du demandeur est devenue théorique étant donné qu'il a purgé sa peine et que son mandat d'incarcération a pris fin le 23 avril 2010, la Cour entend se prononcer sur la raisonnabilité de la décision de la section d'appel confirmant la décision du 16 avril 2009. Ainsi, la Cour devra faire preuve de déférence envers les conclusions de la section d’appel et ne devra intervenir que si la décision ne fait pas partie des « issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit » (Dunsmuir c New Brunswick, [2008] 1 RCS 190, 2008 CSC 9, au paragraphe 47).
[15] Dans la cause sous étude, la CLNC a analysé le dossier du demandeur et ses représentations du 9 et 25 mars 2009. Elle a donc considéré le rapport favorable mentionné par le demandeur dans ses soumissions orales du 13 août 2010 (paragraphe 6). Elle a aussi tenu compte de la gravité des délits sexuels commis ainsi que de l'attitude de déni du demandeur. Elle était de plus préoccupée par son projet de sortie qui n'offrait pas, selon elle, un encadrement suffisant pour prévenir une récidive.
[16] La CLNC a ajouté dans sa décision un caveat, se disant prête à examiner la situation lorsque, de l'avis du SCS, la situation aurait suffisamment évoluée pour que la condition imposée soit mise de côté.
[17] La section d'appel a confirmé cette décision et la Cour considère qu'elle n'a aucune raison d'intervenir.
[18] La législation pertinente est annexée aux présents motifs.
JUGEMENT
LA COUR ORDONNE que cette demande soit rejetée. Le tout sans frais.
ANNEXE
Loi sur les Cours fédérales (L.R., 1985, ch. F-7)
18.1 (1) Une demande de contrôle judiciaire peut être présentée par le procureur général du Canada ou par quiconque est directement touché par l’objet de la demande. Délai de présentation
(2) Les demandes de contrôle judiciaire sont à présenter dans les trente jours qui suivent la première communication, par l’office fédéral, de sa décision ou de son ordonnance au bureau du sous-procureur général du Canada ou à la partie concernée, ou dans le délai supplémentaire qu’un juge de la Cour fédérale peut, avant ou après l’expiration de ces trente jours, fixer ou accorder.
Pouvoirs de la Cour fédérale
(3) Sur présentation d’une demande de contrôle judiciaire, la Cour fédérale peut :
a) ordonner à l’office fédéral en cause d’accomplir tout acte qu’il a illégalement omis ou refusé d’accomplir ou dont il a retardé l’exécution de manière déraisonnable; b) déclarer nul ou illégal, ou annuler, ou infirmer et renvoyer pour jugement conformément aux instructions qu’elle estime appropriées, ou prohiber ou encore restreindre toute décision, ordonnance, procédure ou tout autre acte de l’office fédéral.
Motifs
(4) Les mesures prévues au paragraphe (3) sont prises si la Cour fédérale est convaincue que l’office fédéral, selon le cas :
a) a agi sans compétence, outrepassé celle-ci ou refusé de l’exercer; b) n’a pas observé un principe de justice naturelle ou d’équité procédurale ou toute autre procédure qu’il était légalement tenu de respecter; c) a rendu une décision ou une ordonnance entachée d’une erreur de droit, que celle-ci soit manifeste ou non au vu du dossier; d) a rendu une décision ou une ordonnance fondée sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments dont il dispose; e) a agi ou omis d’agir en raison d’une fraude ou de faux témoignages; f) a agi de toute autre façon contraire à la loi.
Vice de forme
(5) La Cour fédérale peut rejeter toute demande de contrôle judiciaire fondée uniquement sur un vice de forme si elle estime qu’en l’occurrence le vice n’entraîne aucun dommage important ni déni de justice et, le cas échéant, valider la décision ou l’ordonnance entachée du vice et donner effet à celle-ci selon les modalités de temps et autres qu’elle estime indiquées. |
18.1 (1) An application for judicial review may be made by the Attorney General of Canada or by anyone directly affected by the matter in respect of which relief is sought. Time limitation
(2) An application for judicial review in respect of a decision or an order of a federal board, commission or other tribunal shall be made within 30 days after the time the decision or order was first communicated by the federal board, commission or other tribunal to the office of the Deputy Attorney General of Canada or to the party directly affected by it, or within any further time that a judge of the Federal Court may fix or allow before or after the end of those 30 days.
Powers of Federal Court
(3) On an application for judicial review, the Federal Court may
(a) order a federal board, commission or other tribunal to do any act or thing it has unlawfully failed or refused to do or has unreasonably delayed in doing; or (b) declare invalid or unlawful, or quash, set aside or set aside and refer back for determination in accordance with such directions as it considers to be appropriate, prohibit or restrain, a decision, order, act or proceeding of a federal board, commission or other tribunal.
Grounds of review
(4) The Federal Court may grant relief under subsection (3) if it is satisfied that the federal board, commission or other tribunal
(a) acted without jurisdiction, acted beyond its jurisdiction or refused to exercise its jurisdiction; (b) failed to observe a principle of natural justice, procedural fairness or other procedure that it was required by law to observe;
(c) erred in law in making a decision or an order, whether or not the error appears on the face of the record; (d) based its decision or order on an erroneous finding of fact that it made in a perverse or capricious manner or without regard for the material before it; (e) acted, or failed to act, by reason of fraud or perjured evidence; or (f) acted in any other way that was contrary to law.
Defect in form or technical irregularity
(5) If the sole ground for relief established on an application for judicial review is a defect in form or a technical irregularity, the Federal Court may
(a) refuse the relief if it finds that no substantial wrong or miscarriage of justice has occurred; and (b) in the case of a defect in form or a technical irregularity in a decision or an order, make an order validating the decision or order, to have effect from any time and on any terms that it considers appropriate. |
Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, L.C. 1992, c. 20.
Renvoi du cas par le commissaire au président de la Commission
129.(3) S’il a des motifs raisonnables de croire qu’un délinquant condamné à une peine d’au moins deux ans commettra, s’il est mis en liberté avant l’expiration légale de sa peine, soit une infraction causant la mort ou un dommage grave à une autre personne, soit une infraction d’ordre sexuel à l’égard d’un enfant, soit une infraction grave en matière de drogue, le commissaire défère le cas au président de la Commission — et lui transmet tous les renseignements qui sont en la possession du Service et qui, à son avis, sont pertinents — le plus tôt possible après en être arrivé à cette conclusion et au plus tard six mois avant la date prévue pour la libération d’office; il peut cependant le faire moins de six mois avant cette date dans les cas suivants : a) sa conclusion se fonde sur la conduite du délinquant ou sur des renseignements obtenus pendant ces six mois;
b) la date prévue pour la libération d’office du délinquant est, en raison de tout nouveau calcul de la durée de sa peine prévu à la présente loi, déjà passée ou tombe dans cette période de six mois.
Examen par la Commission
130.(1) Sous réserve des paragraphes 129(5), (6) et (7), la Commission informe le détenu du renvoi et du prochain examen de son cas — déféré en application des paragraphes 129(2), (3) ou (3.1) — et procède, selon les modalités réglementaires, à cet examen ainsi qu’à toutes les enquêtes qu’elle juge nécessaires à cet égard.
Conditions particulières
133.(3) L’autorité compétente peut imposer au délinquant qui bénéficie d’une libération conditionnelle ou d’office ou d’une permission de sortir sans escorte les conditions qu’elle juge raisonnables et nécessaires pour protéger la société et favoriser la réinsertion sociale du délinquant.
Assignation à résidence
133.(4.1) L’autorité compétente peut, pour faciliter la réinsertion sociale du délinquant, ordonner que celui-ci, à titre de condition de sa libération d’office, demeure dans un établissement résidentiel communautaire ou un établissement psychiatrique si elle est convaincue qu’à défaut de cette condition la commission par le délinquant d’une infraction visée à l’annexe I avant l’expiration légale de sa peine présentera un risque inacceptable pour la société. |
Referral of cases to Chairperson of Board
129.(3) Where the Commissioner believes on reasonable grounds that an offender who is serving a sentence of two years or more is likely, before the expiration of the sentence according to law, to commit an offence causing death or serious harm to another person, a sexual offence involving a child or a serious drug offence, the Commissioner shall refer the case to the Chairperson of the Board together with all the information in the possession of the Service that, in the Commissioner’s opinion, is relevant to the case, as soon as is practicable after forming that belief, but the referral may not be made later than six months before the offender’s statutory release date unless
(a) the Commissioner formed that belief on the basis of behaviour of the offender during the six months preceding the statutory release date or on the basis of information obtained during those six months; or
(b) as a result of any recalculation of the sentence under this Act, the statutory release date of the offender has passed or less than six months remain before that date.
Review by Board of cases referred
130.(1) Where the case of an offender is referred to the Board by the Service pursuant to subsection 129(2) or referred to the Chairperson of the Board by the Commissioner pursuant to subsection 129(3) or (3.1), the Board shall, subject to subsections 129(5), (6) and (7), at the times and in the manner prescribed by the regulations,
(a) inform the offender of the referral and review, and
(b) review the case,
and the Board shall cause all such inquiries to be conducted in connection with the review as it considers necessary.
Conditions set by releasing authority
133.(3) The releasing authority may impose any conditions on the parole, statutory release or unescorted temporary absence of an offender that it considers reasonable and necessary in order to protect society and to facilitate the successful reintegration into society of the offender.
Residence requirement
(4.1) In order to facilitate the successful reintegration into society of an offender, the releasing authority may, as a condition of statutory release, require that the offender reside in a community-based residential facility or in a psychiatric facility, where the releasing authority is satisfied that, in the absence of such a condition, the offender will present an undue risk to society by committing an offence listed in Schedule I before the expiration of the offender’s sentence according to law. |
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : T-1436-09
INTITULÉ : LUMUMBA OLENGA
et PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA
LIEU DE L’AUDIENCE : Montréal (Québec)
DATE DE L’AUDIENCE : le 14 septembre 2010
MOTIFS DU JUGEMENT
DATE DES MOTIFS : le 17 septembre 2010
COMPARUTIONS :
Lumumba Olenga (se représente lui-même)
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POUR LE DEMANDEUR |
Stéphanie Dion |
POUR LE DÉFENDEUR |
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Non applicable
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POUR LE DEMANDEUR |
Myles J. Kirvan Sous-procureur général du Canada
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POUR LE DÉFENDEUR |