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Cour fédérale

Federal Court


 

Date : 20100914

Dossier : T-811-08

Référence : 2010 CF 915

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 14 septembre 2010

En présence de monsieur le juge Barnes

 

 

ENTRE :

NOVOPHARM LIMITED

demanderesse

et

ELI LILLY AND COMPANY

défenderesse

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Dans la présente action, Novopharm Ltd. (maintenant connue sous le nom Teva Canada Limited, mais ci­après nommée Novopharm) demande à la Cour de déclarer invalide et nul le brevet canadien no 2,209,735 (le brevet 735) dont est titulaire Eli Lilly and Company (ci‑après Lilly) en application du paragraphe 60(1) de la Loi sur les brevets, L.R.C. 1985, ch. P­4.

 

[2]               Le brevet 735 a été déposé au Canada le 4 janvier 1996, et Lilly en revendique la priorité à l’égard du brevet no 08/371,341 déposé aux États­Unis le 11 janvier 1995 (le brevet 590). Le brevet 735 mentionne que MM. John Heiligenstein et Gary Tollefson sont les inventeurs et Lilly y revendique l’utilisation du tomoxétine (qui a été renommé « atomoxétine » et qui est ainsi nommé dans la présente affaire) pour le traitement du trouble d’hyperactivité avec déficit de l’attention (THADA) chez les adultes, les adolescents et les enfants.

 

[3]               Dans sa déclaration, Novopharm allègue que, à titre de partie intéressée[1], elle a le droit d’engager la présente instance en vertu du paragraphe 60(1) de la Loi sur les brevets. Elle allègue que les 16 revendications du brevet 735 sont invalides pour cause d’évidence, de divulgation incomplète quant à la sélection de l’atomoxétine parmi les composés d’un brevet de genre antérieur, d’antériorité et d’inutilité. Lilly a avancé dans sa défense que le brevet 735 est valide. Elle plaide qu’aucune des publications d’antériorité invoquées par Novopharm n’antériorisait l’invention ou ne la rendait évidente pour la personne versée dans l’art. Enfin, Lilly allègue qu’elle [traduction] « a établi que l’atomoxétine était efficace dans le traitement du THADA » en date du dépôt du brevet canadien [traduction] « en raison des études qui avaient été menées ». Bien que Lilly allègue que la question de la prédiction valable d’utilité n’entre aucunement en jeu, elle soutient, de façon subsidiaire, que [traduction] « les prédictions alléguées avaient un fondement factuel » et [traduction] « [qu’]il y avait un raisonnement clair et valable qui permettait d’inférer le résultat souhaité du fondement factuel ».

 

I.          Le contexte

L’instruction et la preuve en général

[4]               L’instruction de la présente action a été tenue à Toronto (Ontario), entre le 11 mai 2010 et le 9 juin 2010. La Cour a entendu le témoignage de six témoins, dont trois experts pour le compte de Novopharm (MM. Stanley Kutcher, Adil Virani et Mark Riddle) et un expert pour le compte de Lilli (M. James McGough). En outre, un témoin de Novopharm et un témoin de Lilly ont donné des témoignages en lien avec les faits de l’espèce. Un interrogatoire préalable de l’un des inventeurs du brevet 735, M. John Heiligenstein, a été accepté par la Cour du consentement des parties.

 

[5]               Malheureusement, et pour des raisons qui ne m’ont pas été expliquées, Lilly n’a pas été capable d’obtenir le témoignage volontaire des personnes ayant une connaissance directe de l’étude clinique du Massachusetts General Hospital (l’étude du MGH) qui constituait la preuve de Lilly à l’égard de l’utilité. Cela était surprenant parce que Lilly avait parrainé l’étude clinique du MGH et avait fourni les ressources nécessaires pour la réalisation de cette étude. Novopharm a essayé d’obtenir leur témoignage par commission rogatoire, mais, malgré le soutien de Lilly, le Massachusetts General Hospital s’est opposé à la tenue de la commission rogatoire, et aucune preuve de ce type n’a été présentée. J’ai donc été placé dans une situation ennuyeuse : j’ai dû examiner la valeur de l’étude du MGH en l’absence du témoignage des personnes qui étaient les mieux placées pour la défendre et pour discuter de la portée des données. J’ai plutôt entendu les témoignages de personnes qui n’avaient pas directement participé à l’étude du MGH et à qui on avait demandé d’évaluer les forces et les lacunes de cette étude à partir des renseignements incomplets se trouvant dans le rapport d’étude. Je ne tire néanmoins aucune conclusion de l’absence de la meilleure preuve sur cette question. Mes conclusions quant à l’importance de l’étude du MGH sont nécessairement fondées sur la valeur probante de la preuve dont je dispose.

 

[6]               La preuve d’expert présentée par Novopharm était composée des rapports et des témoignages de M. Virani, M. Riddle et M. Kutcher. La preuve du M. Virani portait principalement sur l’importance de l’étude de MGH quant à l’établissement de l’efficacité de l’atomoxétine comme médicament contre le THADA. La preuve des MM. Riddle and Kutcher portait principalement sur les réalisations antérieures en lien avec les questions d’antériorité et d’évidence. M. McGough a traité de l’ensemble de ces questions pour le compte de Lilly.

 

[7]               Les témoins experts étaient tous parfaitement qualifiés pour discuter des questions pour lesquelles ils ont été appelés à comparaître. Ils sont presque parfaitement entendus sur la définition de la personne versée dans l’art[2] et sur ce qui était généralement connu du THADA et de son traitement. Ils étaient aussi, en général, d’accord sur ce qui était connu, à l’époque pertinente, quant à la façon dont les médicaments psychotropes agissaient sur la transmission de signaux entre les neurones du cerveau (voir, par exemple, les paragraphes 17 à 35 de la pièce no 1 du rapport du M. McGough et les paragraphes 28 à 36 du rapport du M. Riddle).

 

[8]               En définitive, le désaccord entre les experts en ce qui a trait aux réalisations antérieures portait sur une divergence d’opinions fondamentale quant à savoir dans quelle mesure il était vraisemblable que la personne versée dans l’art aurait su que l’atomoxétine pouvait être utilisée pour traiter le THADA. M. Riddle et M. Kutcher étaient d’avis que l’efficacité de l’atomoxétine aurait été évidente parce que son profil correspondait étroitement à celui de plusieurs autres médicaments contre le THADA. M. McGough a candidement admis que l’atomoxétine se serait révélée être un composé intéressant à des fins d’études comme médicament contre le THADA, mais qu’aucune prédiction de son utilité n’aurait pu être objectivement déduite des réalisations antérieures accessibles. Ce désaccord semble, à mon avis, être fondé sur une divergence d’opinions sincère concernant la valeur prédictive des réalisations antérieures quant à la vraisemblance de l’efficacité de l’atomoxétine.

 

[9]               Le désaccord entre M. Virani et M. McGough concernant la valeur de l’étude du MGH n’était pas moins fondamental. M. Virani a décrit cette étude comme une étude pilote comportant tellement de lacunes sur le plan de la méthodologie que ses données n’étaient que préliminaires et, au mieux, intéressantes. Selon lui, un essai clinique beaucoup plus rigoureux aurait été nécessaire pour démontrer l’efficacité de l’atomoxétine comme médicament contre le THADA. L’opinion contraire de M. McGough indique essentiellement que les données de l’étude du MGH prouvent l’efficacité de l’atomoxétine parce qu’elles montrent, d’une manière pertinente sur le plan statistique, que l’atomoxétine avait permis le traitement de plusieurs patients qui ont été étudiés pendant au moins toute la durée de l’essai. Cela a permis à M. McGough d’accorder peu d’importance aux questions méthodologiques soulevées par l’équipe de l’étude du MGH, par M. Heiligenstein et par M. Virani. Il m’a semblé, à moi aussi, qu’il s’agissait d’un désaccord de principe découlant d’une divergence de points de vue quant à la profondeur et à la qualité de la recherche requises pour prouver l’utilité d’un composé médicinal.

 

Trouble d’hyperactivité avec déficit de l’attention

[10]           Le trouble d’hyperactivité avec déficit de l’attention (THADA) est un trouble comportemental courant qui touche les enfants, les adolescents et les adultes. Il est caractérisé par une hyperactivité, une inattention et une impulsivité inadéquates pour l’âge et altère souvent le fonctionnement scolaire, professionnel et social. Selon le Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux, il existe trois sous-types de THADA :

(a)                le type inattention prédominante;

(b)               le type hyperactivité-impulsivité prédominante;

(c)                le type mixte, une combinaison des deux autres types.

 

[11]           La ou les causes du THADA sont inconnues, et il n’existe aucun remède contre ce trouble. Néanmoins, dans bien des cas, les symptômes du THADA peuvent être sensiblement atténués.

 

[12]           Depuis les années 1950, le THADA est le plus souvent traité à l’aide de médicaments stimulants, lesquels demeurent le traitement de première intention. Toutefois, les stimulants n’étaient pas efficaces chez tous les patients. Pour certains patients atteints d’un trouble concomitant ou ayant un problème de consommation abusive d’alcool ou d’autres drogues, les stimulants n’étaient pas indiqués. Pour d’autres patients atteints du THADA, les stimulants n’agissaient tout simplement pas. Par conséquent, des recherches ont été menées pour trouver des traitements de rechange, et, dès les années 1970, on a commencé à utiliser comme traitement de deuxième intention des médicaments pour lesquels cette indication n’était pas approuvée. Depuis ce temps, les médicaments non stimulants le plus fréquemment utilisés sont les antidépresseurs tricycliques ou ATC (p. ex. l’imipramine, la désipramine et la nortriptyline), les agonistes adrénergiques alpha‑2 (p. ex. la clonidine et la guanfacine) de même que le bupropion. Cependant, vu les limites propres à ces médicaments, notamment des profils d’effets secondaires très indésirables, les recherches visant à trouver des traitements médicamenteux de rechange se sont poursuivies et ont mené à la mise au point de l’atomoxétine.

 

La mise au point de l’atomoxétine

[13]           M. Martin Hynes a présenté, au nom de Lilly, des éléments de preuve concernant la mise au point de l’atomoxétine. Dans son témoignage, il a déclaré avoir eu connaissance du composé pour la première fois en 1979, à la suite de recherches sur les antidépresseurs que Lilly menait sur la nisoxétine racémique. Au cours de la décennie suivante, Lilly a parrainé un certain nombre d’études sur l’atomoxétine en tant qu’antidépresseur.

 

[14]           Au début des années 1980, les scientifiques de Lilly ont signalé la découverte de l’atomoxétine, présentée comme un isomère puissant de la nisoxétine et dotée d’une [traduction] « spécificité remarquable pour l’inhibition des sites de recaptage de [la noradrénaline] ». Il a été postulé que cette caractéristique offrait un avantage par rapport aux ATC dans le traitement de la dépression.

 

[15]           D’autres recherches publiées par Lilly en 1983 et 1984 semblaient confirmer le potentiel de l’atomoxétine dans le traitement de la dépression en raison de son inhibition sélective du recaptage de la noradrénaline chez les animaux et les humains.

 

[16]           Dans un article datant de mai 1984, Chouinard et al.[3] signalent que l’atomoxétine s’est avérée un antidépresseur efficace chez huit patients sur dix traités dans le cadre d’une étude ouverte. On y mentionne également que l’atomoxétine n’a aucun effet sédatif. L’effet d’amélioration de l’humeur observé et les effets secondaires déclarés (insomnie, agitation, palpitations et spasmes abdominaux) seraient le résultat de l’action noradrénergique de l’atomoxétine.

 

[17]           À compter de janvier 1988, Lilly a financé pas moins de sept études cliniques chez des humains portant sur le potentiel de l’atomoxétine dans le traitement de la dépression. Deux de ces études étaient ouvertes et non contrôlées, et les cinq autres étaient à double insu et contrôlées. Une des études contrôlées [HFAB] était une étude multicentrique, randomisée, à double insu et à groupe parallèles visant à comparer l’atomoxétine à un placebo chez 243 patients atteints d’une dépression majeure. Les résultats de cette étude ont révélé que l’atomoxétine était statistiquement supérieure au placebo. Néanmoins, les autres essais cliniques contrôlés portant sur l’atomoxétine comportaient un nombre de sujets insuffisant pour permettre de faire une analyse ou n’ont fait ressortir aucun bienfait important. En 1991, Lilly a mis fin à tous ses travaux de recherche sur l’atomoxétine comme antidépresseur en raison de l’incapacité à déterminer son efficacité pour cette indication.

 

[18]           Au cours d’une réunion de l’American Academy of Child and Adolescent Psychiatry tenue à la fin de 1994, M. Heiligenstein s’est entretenu avec M. Thomas Spencer du Massachusetts General Hospital (MGH) au sujet de la mise au point d’un nouveau médicament contre le THADA. À l’époque, M. Spencer était un chef de file dans ce domaine de recherche, et il sollicitait le soutien de Lilly pour ses travaux. M. Heiligenstein a proposé à M. Spencer d’examiner l’atomoxétine, que Lilly avait alors mis de côté. Les deux chercheurs ont convenu qu’il y avait lieu d’approfondir les recherches sur ce composé. Après avoir présenté l’idée à leurs employeurs respectifs, ils ont rapidement obtenu les approbations nécessaires pour mettre en place un protocole de recherche. À la fin de 1994, Lilly et le MGH avaient conclu une entente, s’engageant à parrainer conjointement un essai clinique portant sur l’atomoxétine comme traitement contre le THADA. Dans son témoignage, M. Heiligenstein a décrit les étapes ultérieures comme suit :

[traduction]

 

R.         Ce qui est arrivé, c’est que – je devais faire une présentation, j’aurais donc – je prévoyais faire une présentation à la dernière réunion de 1994, avant le congé des Fêtes. En raison d’autres affaires à traiter, on a annulé ma présence, et donc il – il fallait une approbation indépendante du processus habituel de présentation. Je suis donc allé voir mon patron, M. Tollefson, pour lui dire qu’on s’était fait piquer notre place à la réunion, qu’il fallait lancer cette étude à cause de la date de péremption du matériel, et que si nous attendions après la nouvelle année, cette étude n’aurait jamais lieu. Il s’est donc présenté devant le comité, a probablement tordu quelques bras et a réussi à obtenir une approbation sans que je n’aie à faire une présentation.

 

Q.        D’accord. De toute évidence, vous étiez absent de la réunion. Vous ne savez donc pas exactement ce qu’il a dit pour obtenir cette approbation?

 

R.         Non, je ne sais pas.

 

Q.        Vous parlez de la dernière réunion de 1994. Je suppose que c’était avant le congé de Noël, donc quelque part en décembre, au début de décembre?

 

R.         Probablement une semaine ou deux avant Noël.

 

Q.        Bien. Et vous souvenez-vous comment – est-ce que l’approbation a été immédiate, de sorte qu’il est revenu de cette réunion –

 

R.         Il est revenu immédiatement me dire que nous avions le feu vert. Nous avons alors fait – nous – j’ai appelé les membres du groupe du Mass General pour leur dire que nous avions obtenu l’approbation, que nous allions expédier le médicament et le placebo, que le budget avait été approuvé, que leur protocole – à l’interne au sein du groupe de neuroscience, que nous disposions de suffisamment de renseignements avec lesquels nous étions à l’aise.

 

Q.        D’accord.

 

R.         Ils pouvaient donc aller de l’avant avec l’étude.

 

Q.        Étaient-ils les auteurs principaux du protocole?

 

R.         Étaient-ils les auteurs principaux? C’était un effort de collaboration, mais je dirais que, vous savez, en raison du processus d’exemption, ils devaient avoir un rôle plus important, mais en ce qui concerne notre participation, celle-ci était considérable parce que – un examen du protocole, vous savez, un droit de regard sur les instruments, les évaluations, le laboratoire, vous savez, nous – je ne me souviens pas précisément, mais peut-être que nous nous intéressions particulièrement aux études de laboratoire, à l’approbation d’un budget; comme je l’ai dit plus tôt, il aurait été nécessaire de fournir des données à partir du profil d’innocuité du médicament. Il devait y avoir une certaine correspondance avec notre groupe de réglementation afin qu’il obtienne l’approbation pour présenter une demande indépendante du ND. Il y avait donc, – il y avait une activité commune autour du concept général.

 

Q.        D’accord. Donc, en ce qui concerne le – le nombre de sujets devant être examinés dans le cadre de l’étude, vous auriez participé à l’élaboration de cette partie du protocole?

 

R.         En ce qui concerne le nombre de sujets à recruter dans l’étude, il y aurait eu certaines discussions, mais nous ne pouvions pas – d’après moi, si je me souviens bien à l’origine – c’est très flou – nous espérions recruter une trentaine de patients peut-être, je ne me souviens pas, mais nous savions que c’était, vous savez, dans les délais limités, comme la date de péremption du produit médicamenteux était le 1er avril 1995, que pour – qu’il ne serait pas évident de procéder à la sélection et à l’approbation des patients, vous savez, à un certain nombre de sujets pour l’étude, donc nous n’étions pas certains d’obtenir 30 sujets. En fait, nous n’y sommes pas parvenus.

 

 

[19]           M. Heiligenstein a qualifié l’étude du MGH d’étude « pilote » visant à vérifier l’hypothèse selon laquelle l’atomoxétine [traduction] « pourrait être utile dans le traitement du THADA ».

 

[20]           Le protocole de l’étude du MGH exigeait le recrutement de 40 patients atteints d’un THADA bien caractérisé mais, au final, 22 patients adultes ont été choisis. L’étude du MGH consistait en une évaluation croisée, à double insu et contrôlée par placebo. Ainsi, un traitement à l’insu a été administré pendant trois semaines : la moitié des patients a reçu un placebo et l’autre moitié, de l’atomoxétine. Après une semaine de sevrage thérapeutique, les groupes de patients ont été inversés. Parmi les mesures d’évaluation figuraient des entrevues normalisées auprès des patients et d’autres tests neuropsychologiques visant à mesurer l’attention soutenue. Les tests ont été administrés avant et après le traitement à chacun des groupes. Les données obtenues ont révélé un taux de réponse favorable et statistiquement significatif chez les patients traités par l’atomoxétine par rapport à ceux traités par placebo, taux de réponse ayant satisfait aux critères préétablis par les évaluateurs de l’étude. Les conclusions figurant dans le premier rapport préliminaire ont été interprétées comme suit par les chercheurs du MGH :

[traduction]

 

            Le traitement par la tomoxétine a été bien toléré. Tous les patients sauf un ont terminé l’étude; la dose moyenne atteinte était très proche de la dose ciblée et aucun effet indésirable grave n’a été observé. Les effets indésirables courants observés étaient notamment la suppression de l’appétit, l’insomnie, la constipation et la sécheresse buccale; toutefois, la suppression de l’appétit était le seul symptôme qui se manifestait statistiquement le plus souvent lors du traitement par la tomoxétine. Ce profil d’effets indésirables relativement bénin est encore plus remarquable considérant le fait que l’étude ne permettait pas de procéder à un lent ajustement posologique, puisque nous ne disposions que de comprimés de 40 mg.

 

            La tomoxétine diffère des antidépresseurs actuels en ce sens qu’elle est sélectivement noradrénergique. Elle a peu d’affinité pour d’autres systèmes de neurotransmetteurs, et exerce des effets mineurs sur la conduction, la repolarisation ou la fonction cardiaques. À une dose efficace sur le plan clinique, nos résultats confirment la grande tolérabilité, le faible profil d’effets secondaires et l’effet cardiaque neutre attendus de la tomoxétine dans cet échantillon d’adultes atteints de THADA. Puisque d’autres composés s’étant avérés efficaces dans le traitement du THADA (11) semblent exercer une activité noradrénergique, l’efficacité de la tomoxétine démontrée dans cette étude vient étayer l’hypothèse noradrénergique du trouble.

 

            Les résultats de cette étude doivent être interprétés à la lumières des lacunes sur le plan méthodologique, notamment l’utilisation d’un plan croisé, une période d’exposition au médicament relativement courte et des restrictions posologiques. Comme une étude précédente portant sur un antidépresseur noradrénergique (10) a révélé que l’action anti‑THADA complète n’était pas apparente avant 6 semaines au moins, il est possible que nos résultats sous-estiment l’efficacité du traitement à long terme par la tomoxétine. En outre, les effets rémanents du médicament peuvent être à l’origine des facteurs de confusion non désirés dans une étude croisée. Même si les effets d’ordre n’ont pas atteint la signification statistique dans l’étude actuelle, un plan en groupes parallèles serait optimal. Néanmoins, la diminution des symptômes du THADA était suffisamment importante pour être détectable lors de la comparaison des groupes parallèles. Enfin, même si la tomoxétine à raison de 80 mg a été bien tolérée, on ignore s’il s’agit de la dose optimale pour traiter efficacement le THADA. Des essais ouverts dose‑réponse visant à déterminer la dose optimale de tomoxétine contre le THADA pourraient guider les prochains essais contrôlés.

 

            Malgré ses limites, cette étude montre que la tomoxétine a atténué de façon significative les symptômes du THADA et qu’elle est bien tolérée. Bien qu’ils soient préliminaires, ces premiers résultats prometteurs viennent étayer d’autres études sur la tomoxétine dans le traitement du THADA utilisant un large éventail de doses sur une longue période.

 

 

[21]           À la suite des conclusions de l’étude du MGH, Lilly a mis sur pied un groupe de travail présidé par M. Hynes afin d’examiner plus à fond trois candidats-médicaments contre le THADA, dont l’un était l’atomoxétine. Lilly a finalement choisi de mettre au point l’atomoxétine. L’approbation réglementaire a été obtenue aux États-Unis le 26 novembre 2002 et au Canada le 24 décembre 2004. Depuis, l’atomoxétine est commercialisée par Lilly sous le nom STRATTERA.

 

II.         Les questions en litige

[22]           Quelle est la norme de preuve applicable?

 

[23]           La revendication de Lilly selon laquelle l’atomoxétine pouvait être utilisée pour traiter le THADA était-elle évidente pour la personne versée dans l’art?

 

[24]           Le brevet 735 était­il antériorisé par le brevet 009 ou le brevet 430?

 

[25]           Le brevet 735 était­il antériorisé par une divulgation antérieure faite par l’inventeur, John Heiligenstein?

 

[26]           Le brevet 735 est­il un brevet de sélection qui requiert un degré de divulgation élevé quant à sa promesse inventive alléguée?

 

[27]           À la date du dépôt du brevet 735 au Canada, Lilly détenait-elle des éléments preuves qui montraient l’utilité de l’atomoxétine pour traiter le THADA chez les humains et, dans la négative, le brevet 735 respectait­il les exigences de divulgation en ce qui a trait à la prédiction valable d’une telle utilité?

 

III.       Analyse

La norme de contrôle et le fardeau de la preuve

[28]           Les parties conviennent que le fardeau de la preuve d’établir, selon la prépondérance de la preuve, l’invalidité du brevet 735 incombe à Novopharm. Lilly soutient par contre que l’arrêt rendu par la Cour suprême du Canada dans l’affaire Apotex Inc. c. Wellcome Foundation Ltd., 2002 CSC 77, 21 C.P.R. (4th) 499 (l’arrêt AZT), prévoit aussi l’application de la norme de contrôle utilisée en droit administratif pour les questions mixtes de fait et de droit, soit à la raisonnabilité, lorsque la validité d’un brevet est contestée. Autrement dit, Lilly affirme que, dans la mesure où la décision du commissaire d’approuver le brevet 735 était fondée sur la preuve, il faut témoigner d’un certain degré de retenue envers cette décision.

 

[29]           Je ne comprends pas tout à fait ce qu’à voulu dire le juge Ian Binnie dans l’arrêt AZT, précité, au sujet de la norme de contrôle applicables en droit administratif et, à l’instar de la juge Johanne Gauthier dans la décision Eli Lilly & Co. c. Apotex Inc., 2009 CF 991, 80 C.P.R. (4th) 1, je pense que ce passage de l’arrêt AZT ne devrait viser que les appels prévus par l’article 41 de la Loi sur les brevets, L.R.C. 1985, ch. P­4. Le juge Binnie a lui­même noté au paragraphe 41 que le degré de retenue auquel le commissaire pouvait s’attendre était « limité » et que cette retenue devait être appliquée en tenant compte du fait que, malgré l’expertise du commissaire, le dossier de la cour renfermait beaucoup d’éléments de preuve dont ne disposait pas le commissaire. Comme l’a noté la juge Gauthier dans la décision Eli Lilly & Co. c. Apotex Inc., précitée, il est difficile de concilier la notion de raisonnabilité et le processus lié à un contrôle judiciaire – qui est fondé sur un dossier de la cour qui diffère du dossier du décideur administratif – si la Cour n’a pas le dossier du décideur administratif et si le commissaire n’a fourni aucun motif à l’appui de sa décision d’approuver le brevet.

 

[30]           Il me semble que, dans la mesure où il y a lieu de faire preuve d’une retenue quelconque envers le commissaire dans les affaires comme l’espèce, cette retenue se confond complètement avec la présomption de validité créée par le paragraphe 43(2) de la Loi sur les brevets, L.R.C. 1985, ch. P­4, et elle est pour ainsi dire écartée si une preuve contraire est présentée à la Cour.

 

[31]           Par conséquent, je partirai donc du principe qu’il incombe à Novopharm d’établir l’invalidité alléguée, selon la prépondérance de la preuve.

 

Le brevet 735

[32]           Il n’y a pas de litige concernant la promesse inventive du brevet 735. Les 16 revendications du brevet visent l’utilisation de l’atomoxétine pour traiter trois manifestations du THADA dans tous les groupes d’âge (enfants, adolescents et adultes). Le brevet ne revendique pas le composé atomoxétine, mais seulement son utilisation pour traiter le THADA. Le brevet ne revendique pas que l’atomoxétine fonctionne pour tout le monde et une personne versée dans l’art ne s’y attendrait pas non plus.

 

[33]           Le mémoire descriptif du brevet présente l’historique non contesté du THADA et indique les traitements de choix utilisés à l’époque pour traiter ce trouble. On y mentionne que les médicaments les plus anciens et généralement efficaces sont une classe de stimulants qui comprend le méthylphénidate. On y lit également que les autres médicaments efficaces sont les ATC, notamment l’imipramine, la désipramine, la nortriptyline, l’amitriptyline et la clomipramine. Néanmoins, les effets secondaires et les limites d’utilisation des traitements disponibles ont créé [traduction] « un besoin de disposer d’un traitement du THADA qui soit sans danger et pratique », lequel a, à son tour, mené à [traduction] « la présente invention » (brevet 735, page 2, lignes 3, 4 et 7).

 

[34]           Le brevet reconnaît que l’atomoxétine [traduction] « est un médicament bien connu » dont le mécanisme d’action en tant qu’inhibiteur du recaptage de la noradrénaline est reconnu (brevet 735, page 2, ligne 15). Le mémoire descriptif renferme également le passage suivant :

[traduction]

 

La tomoxétine est très efficace en tant qu’IRN et, de plus, elle n’exerce essentiellement aucune autre action sur le système nerveux central aux concentrations ou doses qui inhibent le recaptage de la noradrénaline. Par conséquent, elle entraîne très peu d’effets secondaires et est considérée à juste titre comme un médicament sélectif.

 

La tomoxétine est un médicament remarquablement sûr, et son utilisation tant chez les adultes que chez les enfants contre le THADA en fait un traitement supérieur aux autres, en raison de son innocuité améliorée. De plus, la tomoxétine est efficace à des doses relativement faibles, comme il est expliqué plus loin, et elle peut être administrée sans danger une fois par jour et s’avérer efficace. Par conséquent, les problèmes qu’entraînent les doses multiples chez les patients, particulièrement les enfants et les adultes ayant un comportement désorganisé, sont complètement évités (brevet 735, page 2, lignes 21 à 35).

 

 

[35]           Le mémoire descriptif indique également l’intervalle de doses recommandé pour les adultes et les enfants, mais renvoie la question, en dernier ressort, au jugement du médecin traitant[4]. Le mémoire descriptif se termine par l’énoncé suivant : [traduction] « Il n’existe pas de différences marquées quant aux symptômes ou aux détails des modalités de traitement chez les patients de différents âges » (brevet 735, page 7, lignes 21 à 23).

 

[36]           Tout comme le brevet prioritaire 590, le brevet 735 ne contient aucun renseignement à propos de la nature ou des sources des éléments de preuve sur lesquels les inventeurs se sont appuyés pour étayer la promesse de l’utilité de l’atomoxétine pour traiter le THADA au moyen d’une démonstration ou d’une prédiction valable.

 

Évidence – Principes juridiques

[37]           Dans l’arrêt Sanofi-Synthelabo Canada Inc. c. Apotex Inc., 2008 CSC 61, 69 C.P.R. (4th) 251, la Cour suprême du Canada a examiné la question de l’évidence dans le cadre d’une contestation de la validité d’un brevet de sélection pharmaceutique. L’arrêt est particulièrement instructif dans une affaire où certaines autres personnes pourraient penser que la démarche suivie par un inventeur pourrait être prometteuse, voire avoir certaines chances de succès. Bien que la Cour suprême ait reconnu que « l’essai allant de soi » n’était qu’un élément parmi plusieurs éléments qui devaient être considérés, elle a également déclaré que cet élément devait être appliqué avec prudence et en prenant particulièrement en compte la nécessité de favoriser la recherche et le développement dans le domaine pharmaceutique. La Cour suprême a déclaré que la notion de « l’essai allant de soi » n’est applicable que lorsqu’il est évident que l’essai sera fructueux.

 

[38]           Au paragraphe 67, la Cour suprême a adopté la démarche en quatre volets suivante pour l’examen relatif à l’évidence :

(a)        identifier la personne versée dans l’art et déterminer les connaissances générales courantes pertinentes de cette personne;

(b)        définir l’idée originale de la revendication en cause, au besoin par voie d’interprétation;

(c)        recenser les différences, s’il y en a, entre ce qui ferait partie de « l’état de la technique » et l’idée originale du brevet;

(d)        abstraction faite de toute connaissance de l’invention revendiquée, ces différences constituent‑elles des étapes évidentes pour la personne versée dans l’art ou dénotent‑elles quelque inventivité?

 

[39]           La question de « l’essai allant de soi » se posera uniquement à la quatrième étape de la démarche ci-dessus. J’ajouterai à ceci que, ce qui peut être évident à examiner, peut ne pas avoir une utilité évidente si plus qu’une simple vérification pour la démontrer est nécessaire. L’analyse relative à l’essai allant de soi prendra en compte, dans chaque cas, plusieurs autres facteurs, dont le nombre d’options ou de solutions possibles à l’égard du problème, la nature et l’ampleur des efforts nécessaires pour réaliser l’invention (essais courants par opposition à une expérimentation longue et ardue), la mesure dans laquelle d’autres ont tenté de trouver une solution et ont échoué et le niveau de motivation pour trouver une solution. Au bout du compte, si la preuve démontre seulement qu’il existe une possibilité qu’une approche ou un composé prometteur puisse fonctionner, l’évidence n’est pas établie (voir Apotex Inc. c. Pfizer Canada Inc., 2009 CAF 8, 72 C.P.R. (4th) 141, au paragraphe 45).

 

Évidence – la preuve

[40]           Comme il a déjà été mentionné, les parties s’entendaient essentiellement sur la définition de la personne versée dans l’art et sur l’idée originale du brevet 735. Leur désaccord portait plutôt sur la question de savoir si les antériorités établissaient que l’utilisation de l’atomoxétine pour traiter le THADA était évidente ou non inventive. La controverse entourant la preuve consistait à savoir si, en 1995, il était évident que l’atomoxétine serait efficace pour traiter le THADA sur la base de l’efficacité établie de plusieurs médicaments comportant des profils de sélectivité qu’on pourrait dire semblables. Ce désaccord a été surtout axé sur la quatrième étape de l’examen relatif à l’évidence énoncé dans l’arrêt Sanofi.

 

[41]           Tous les témoins reconnaissent que les causes du THADA ont toujours été inconnues, et j’accepte l’argument de Lilly voulant que la compréhension de l’étiologie d’une maladie ou d’un trouble puisse constituer un élément important dans la quête d’un traitement efficace. Cela est particulièrement vrai lorsque les traitements recherchés sont curatifs. Toutefois, il est important de reconnaître que les médicaments qui se sont avérés utiles pour traiter le THADA ne modifient pas la physiopathologie sous-jacente du trouble. Ils en atténuent plutôt les symptômes de manière temporaire. Même si l’étiologie du THADA est largement méconnue, ce manque de connaissances n’a pas empêché la mise au point de médicaments diminuant efficacement les symptômes.

 

[42]           L’incertitude entourant les causes précises du THADA n’a pas empêché de manière indue la détermination de l’atomoxétine en tant qu’agent, comme ce fut le cas avec les stimulants et les ATC. Je retiens ici le témoignage de M. Kutcher voulant que la quête d’un médicament psychotrope se soit généralement déroulée par étapes. En premier lieu, on a identifié un agent utile et ses propriétés. On s’est ensuite attardé à la découverte ou à la mise au point d’agents qui seraient encore plus sélectifs pour les caractéristiques désirées ou moins susceptibles de causer des effets secondaires non voulus. C’est la démarche qui a été adoptée lors de la mise au point d’ATC, démarche au cours de laquelle l’imipramine a mené à la désipramine, l’amitriptyline a mené à la nortriptyline et la clonidine a mené à la guanfacine : voir le paragraphe 78 du rapport de M. Kutcher et les pages 405 à 408 de son interrogatoire principal.

 

[43]           M. McGough a également reconnu cette approche lors de son contre-interrogatoire :

[traduction]

 

Q.        La mise au point s’est donc déroulée en passant de l’imipramine à la désipramine et de l’amitriptyline à la nortriptyline?

 

R.         L’amitriptyline absorbée par l’organisme est donc transformée en nortriptyline, et l’imipramine est transformée en désipramine. Donc, après avoir compris que l’effet positif découlait peut-être de ce mécanisme, ils ont mis au point une molécule plus spécifique (page 2 314).

 

 

[44]           Il me semble que la question étiologique la plus problématique concerne le niveau de connaissances acquises en 1995 concernant la raison expliquant l’efficacité des médicaments contre le THADA. Sans une bonne compréhension du mécanisme d’action responsable de l’efficacité d’un traitement, il est très difficile de prévoir si un candidat-médicament prometteur se révélera efficace.

 

[45]           La question à laquelle doit répondre la Cour est de savoir si la mesure prise par les inventeurs nommés dans le brevet visant à considérer l’atomoxétine comme un médicament utile pour traiter le THADA était inventive ou, au contraire, plus ou moins évidente en soi. Compte tenu de la preuve dont je dispose, je n’ai aucun doute qu’une personne versée dans l’art voudrait envisager l’atomoxétine en tant que médicament potentiel contre le THADA en raison de son profil connu comme inhibiteur sélectif du recaptage de la noradrénaline (ISRN) et parce qu’elle a été utilisée sans problème dans des travaux de recherche antérieurs. La question la plus difficile consiste à savoir si cette personne aurait conclu que l’atomoxétine devrait s’avérer utile à cette fin.

 

[46]           M. John Heiligenstein est un des inventeurs nommés dans le brevet 735. Son témoignage présenté à l’interrogatoire préalable a été produit au procès sur consentement des parties. Selon ce témoignage, l’idée d’utiliser l’atomoxétine pour traiter le THADA lui est venue lors de son entrevue d’embauche chez Lilly en 1985 ou en 1986. Il ressort clairement de ce témoignage que c’est le profil de l’atomoxétine en tant qu’IRN sélectif qui a immédiatement suscité son intérêt. Voici un extrait de son témoignage :

[traduction]

 

Q.        Donc, si je comprends bien, et corrigez-moi si je me trompe, vous – l’idée vous est venue d’établir un lien entre la tomoxétine et le THADA. Est-ce exact?

 

R.         Oui.

 

Q.        Et à ce moment-là, où vous situiez-vous par rapport aux postes que nous avons énumérés?

 

R.         La première fois que j’ai manifesté de l’intérêt pour l’étude de la tomoxétine dans le traitement du THADA, c’était lors de mon entrevue, ma première entrevue chez Lilly avec M. Leigh, L‑E‑I‑G‑H, Thompson, qui était à cette époque le directeur général des services médicaux. C’était la première fois.

 

Q.        C’est donc la première fois que vous l’avez mentionné dans le cadre d’un poste chez Lilly, mais je suppose que vous n’avez pas lancé cette idée tout bonnement durant l’entrevue.

 

R.         Si, c’est ce qui s’est passé.

 

Q.        Oh, c’est ce qui s’est passé?

 

R.         Oui.

 

Q.        Juste comme ça, au cours d’une discussion dans le cadre d’une entrevue?

 

R.         Oui.

 

Q.        Est-ce que c’était – est-ce que c’était – s’agissait-il d’une entrevue d’embauche ou plutôt un genre d’entrevue de bienvenue?

 

R.         C’était une entrevue d’embauche.

 

Q.        Cette entrevue se serait déroulée autour de 1986, alors?

 

R.         En 1985, 1986. Je ne m’en souviens pas.

 

Q.        D’accord. Mais c’était avant d’obtenir l’emploi chez Lilly?

 

R.         Oui.

 

Q.        Vous souvenez-vous, je suis seulement curieux, qu’est-ce qui – si vous vous souvenez, qu’est-ce qui, dans cet entretien, vous a amené à réunir ces deux éléments? Je sais que cela fait très longtemps.

 

R.         Vous parlez de l’atomoxétine et du THADA?

 

Q.        Exactement.

 

R.         Oui, je m’en souviens.

 

Q.        Bien.

 

R.         M. Thompson était en train d’examiner les molécules en développement sur lesquelles je travaillerais advenant mon embauche chez Lilly, et à mesure qu’il décrivait les principaux mécanismes d’action et que je parlais de l’activité noradrénergique et de l’activité de recaptage noradrénergique principale de la tomoxétine, j’ai dit, tiens, il serait intéressant d’essayer cette molécule dans le traitement du THADA (pages 26 à 28).

 

 

[47]           M. Riddle a également témoigné à propos d’une conversation qu’il avait eue en 1991 ou en 1992 avec M. Heiligenstein concernant l’utilisation de l’atomoxétine pour traiter le THADA. M. Heiligenstein n’avait aucun souvenir de cet entretien, mais je n’ai aucune raison de douter qu’une discussion de la sorte ait eu lieu. Voici ce qu’a déclaré M. Riddle :

                                    [traduction]

 

Et John Heiligenstein a plus ou moins servi de, chaperon n’est pas le bon mot, mais John a été mon guide en quelque sorte. Il s’est occupé de moi pendant la journée. Parce que je l’ai rencontré pendant quelques heures, lui, Leigh Thompson et quelques autres personnes. Mais le reste du temps, j’étais là, il était là avec moi, il m’a fait visiter les lieux et nous avons dîné ensemble.

 

Nous bavardions et parlions de différentes choses. Nous sommes tous les deux pédopsychiatres, et nous nous intéressons tous les deux aux troubles psychiatriques chez l’enfant et à la mise au point de médicaments. Je lui ai dit : « John, à part ce qui se passe ici avec Prozac, nous étions, entre autres, vraiment excités au sujet de la désipramine. Puis, à l’été 1990, il y a eu ces supposés décès inexpliqués. Nous avons jeté un coup d’œil là-dessus et d’autres décès ont été signalés. » Nous nous sommes tous inquiétés et nous nous sommes demandés si nous voulions poursuivre nos travaux là‑dessus.

 

En fait, je suis revenu de mes vacances cet été-là en prévoyant rédiger une demande de subvention pour, vous savez, réaliser d’autres études sur la désipramine. Et j’ai dit : « Vous n’avez rien, nous n’avons rien pour la remplacer. Avez-vous des idées? » Il m’a répondu : « Eh bien, vous savez, nous avons cet inhibiteur du recaptage de la noradrénaline, la tomoxétine, qui a échoué lors des essais sur la dépression et qui, comme vous le savez probablement, a été mis de côté en quelque sorte. » Je lui ai donc dit : « Bon sang! Vous devriez en faire l’essai dans le traitement du THADA. » Et la conversation s’est terminée là-dessus. John ne s’est pas enthousiasmé à ce sujet et il n’a pas voulu poursuivre la discussion, mais c’est pas mal ce qui s’est passé (pages 1 420 et 1 421).

 

 

[48]           M. Riddle et M. Heiligenstein ont sans doute fait preuve d’un très grand esprit inventif au moment de leurs entretiens, et ils ne répondraient donc pas à la définition plus restrictive de la personne versée dans l’art. Néanmoins, il ressort clairement de ce témoignage qu’en considérant l’atomoxétine comme un médicament contre le THADA, MM. Riddle et Heiligenstein n’abordaient pas mieux le problème que ne l’aurait fait une personne versée dans l’art. En effet, le fait que l’idée soit venue si rapidement à l’esprit des deux chercheurs dans le cadre d’un entretien informel indique qu’ils ont tous les deux pensé que l’atomoxétine était au moins un candidat prometteur pour le traitement du THADA. Il était également évident pour eux que c’est la sélectivité relative de l’atomoxétine en tant qu’IRN qui rendait la molécule particulièrement intéressante.

 

[49]           Même si Lilly prétend le contraire, l’essentiel de la preuve a permis d’établir qu’une voie de recherche prometteuse pour la mise au point de médicaments non stimulants contre le THADA mettait en jeu des composés comme l’atomoxétine qui interagissent avec la voie de la noradrénaline. L’atomoxétine constituait un candidat particulièrement évident, parce que cette molécule était disponible et qu’elle avait fait l’objet d’une évaluation antérieure lors d’essais chez les humains comme antidépresseur potentiel. Ces études avaient fait état de son innocuité clinique. C’est sans aucun doute ce qui a incité MM. Riddle et Heiligenstein à considérer rapidement l’atomoxétine comme un bon candidat pour la recherche sur le THADA lorsque le composé a été porté à leur attention la première fois. J’accepte l’affirmation de M. Riddle au paragraphe 128 de son rapport selon laquelle [traduction] « il n’y avait qu’un nombre restreint d’options disponibles », et l’atomoxétine en était clairement une. Lors de son interrogatoire principal, M. Kutcher a également déclaré qu’il n’y avait qu’un nombre limité de médicaments connus qui, pour la personne versée dans l’art, auraient été efficaces pour traiter le THADA et [traduction] « l’atomoxétine était un de ces médicaments » (page 428). Pour l’essentiel, M. McGough a concédé que l’atomoxétine était un candidat prometteur pour une étude approfondie lorsqu’il a dit en contre-interrogatoire que le composé [traduction] « est un agent qu’il vaudrait la peine d’essayer tout en espérant qu’il soit efficace, sans toutefois supposer qu’il le serait » (page 2 410). Ces points de vue sont compatibles avec la prépondérance des antériorités mettant en jeu la voie noradrénergique dans le THADA et dans le traitement de ses symptômes. Toutefois, ce que ces sources nous révèlent, ce sont les termes très prudents employés pour exprimer le postulat selon lequel les médicaments utilisés pour traiter le THADA ont, d’une façon ou d’une autre, une incidence sur le système noradrénergique. J’ai devant moi plusieurs exemples tirés de la preuve de l’antériorité, dont les suivants :

•           [traduction] « Toutefois, une abondance de documents montre que certains médicaments efficaces contre le trouble du déficit de l’attention altèrent le renouvellement de la noradrénaline » : Alan J. Zametkin et Judith L. Rapoport, « Neurobiology of Attention Deficit Disorder with Hyperactivity: Where Have We Come in 50 Years? » (1987) 26(5) J. Am. Acad. Child Adolesc. Psychiatry 676 à 678;

 

•           [traduction] « De plus, la baisse importante du MHPG urinaire après l’administration de désipramine, qui est modérément efficace contre le THADA, met également en jeu le système noradrénergique. » Alan J. Zametkin et Judith L. Rapoport, « Neurobiology of Attention Deficit Disorder with Hyperactivity: Where Have We Come in 50 Years? » (1987) 26(5) J. Am. Acad. Child Adolesc. Psychiatry 676 à 678;

 

•           [traduction] « L’efficacité de la clonidine à réduire les comportements perturbateurs chez certains enfants atteints de THADA laisse croire que le système noradrénergique joue un rôle dans ce trouble. » : Steven R. Pliszka, James T. McCracken et James W. Maas, « Catecholamines in Attention-Deficit Hyperactivity Disorder: Current Prespectives » (1996) 35(3) J. Am. Acad. Child Adolesc. Psychiatry 264 à 268;

 

•           [traduction] « Puisque la désipramine a un effet inhibiteur sélectif puissant sur le recaptage neuronal de la noradrénaline et qu’elle modifie son métabolisme et ses effets sur les récepteurs adrénergiques dans le cerveau des mammifères, ces résultats sembleraient indiquer que les effets anti-THADA plus ou moins retardés de la désipramine, tout comme ses effets antidépresseurs, pourraient être liés à l’action du médicament sur les neurotransmetteurs centraux par des mécanismes d’action en partie identiques à ceux des stimulants » : Joseph Biederman et al., « A Double‑Blind Placebo Controlled Study of Desipramine in the Treatment of ADD: I. » (1989) 28(5) J. Am. Acad. Child Adolesc. Psychiatry 777 à 783;

 

•           [traduction] « Aujourd’hui, l’inhibition compétitive n’est pas décrite comme un mécanisme d’action de l’amphétamine sur les systèmes noradrénergiques, mais il y a sûrement une preuve que certains médicaments efficaces contre le THADA augmentent le renouvellement de la noradrénaline. » : voir Zametkin et Rapoport, « The Pathophysiology of Attention Deficit Disorder with Hyperactivity – A Review », et Alan J. Zametkin et Judith L. Rapoport, « The Pathophysiology of Attention Deficit Disorder with Hyperactivity », (1986) (9) Adv. Clinical Child Psychology 177 à 187;

 

•           [traduction] « Il est établi que les antidépresseurs sont des médicaments d’action lente qui produisent des effets comportementaux similaires à ceux des stimulants chez des enfants atteints de THADA. Cela est vraisemblablement attribuable à leurs effets agonistes sur le système noradrénergique, analogues à ceux obtenus avec les stimulants du système nerveux central. » : Russell A. Barkley, Attention-Deficit Hyperactivity Disorder: A Handbook for Diagnosis and Treatment (New York: The Guilford Press, 1990), page 607;

 

•           [traduction] « Même si plusieurs sources de données soutiennent que les systèmes noradrénergique jouent un rôle dans la physiopathologie du THADA et dans la médiation de la réaction au médicament, des questions importantes subsistent. » : Alan J. Zametkin et Judith L. Rapoport, « The Pathophysiology of Attention Deficit Disorder with Hyperactivity » (1986) (9) Adv. Clinical Child Psychology 177 à 196;

 

•           [traduction] « La plupart des médicaments efficaces produisent un renouvellement relativement élevé de la dopamine ou de la noradrénaline. » : Harold I. Kaplan et Benjamin J. Sadock, éditeurs, Comprehensive Textbook of Psychiatry/V, vol. 2, 5e éd. (Baltimore: Williams & Wilkins, 1989), page 1 835;

 

•           [traduction] « De plus, pratiquement tous les antidépresseurs tricycliques exercent au moins trois autres actions : le blocage des récepteurs cholinergiques muscariniques, le blocage des récepteurs de l’histamine H1 et le blocage des récepteurs adrénergiques alpha 1 (fig. 6-27). Alors que l’inhibition des pompes de recaptage de la sérotonine et de la noradrénaline serait à l’origine des actions thérapeutiques de ces médicaments (fig. 6-28 et 6-29), les trois autres propriétés pharmacologiques seraient responsables de leurs effets secondaires (fig. 6-30, 6-31 et 6-32). » : S.M. Stahl, Essential Psychopharmacology: Neuroscientific Basis and Practical Applications, 2nd ed. (Cambridge: Cambridge University Press, 2000), page 219-220;

 

•           [traduction] « La spécificité pharmacologique relative de la désipramine à l’égard du système noradrénergique et son absence d’activité dopaminergique la rendent particulièrement intéressante pour l’évaluation des hypothèses noradrénergiques du THADA et l’élucidation de mécanismes d’action thérapeutique possibles dans le traitement efficace du THADA. » : Maureen Donnelly et al., « Treatment of Childhood Hyperactivity with Desipramine: Plasma Drug Concentration, Cardiovascular Affects, Plasma and Urinary Catecholamine Levels, and Clinical Response » (1986) 39(1) Clin. Pharmacol. Ther., 72 et 73;

 

•           [traduction] « La désipramine serait plus efficace que l’imipramine dans le traitement du trouble du déficit de l’attention, en raison de la plus grande spécificité avec laquelle elle bloque le recaptage de la noradrénaline dans le système nerveux central. Elle serait également mieux tolérée que l’imipramine à cause de ses effets anticholinergiques et anti-alpha-adrénergiques moindres. » : David R. Gastfriend, Joseph Biederman et Michael S. Jellinek, « Desipramine in the Treatment of Attention Deficit Disorder in Adolescents » (1985) 21(1) Psychopharmacol. Bull. 144 à 145.

[Non souligné dans l’original.]

 

 

[50]           M. Kutcher a employé des termes aussi mesurés dans son rapport. Au paragraphe 66, il a reconnu que, puisque d’autres ATC s’étaient avérés efficaces dans le traitement du THADA, on a émis l’hypothèse que la nortriptyline fonctionnerait également. Les éléments de preuve ayant trait à l’intérêt de l’atomoxétine dans le traitement de la THADA n’étaient, de toute évidence, pas plus solides que ceux portant sur la nortriptyline. Il me semble que l’énoncé d’une simple hypothèse ne satisfait pas au critère d’évidence voulant que l’efficacité d’un composé médicinal était évident.

 

[51]           En outre, l’analyse de M. Kutcher sur les antériorités dénote une certaine imprécision qui est troublante. On peut le constater aux paragraphes 82 et 85 de son rapport, dans lesquels il effleure essentiellement les nuances et les réserves des antériorités :

[traduction]

 

82.       Comme on peut le déduire de ce qui précède, il était évident que l’atomoxétine devait être efficace pour traiter le THADA. Dès janvier 1995, on savait ou on supposait que les médicaments contre le THADA couramment utilisés exerçaient une activité noradrénergique. Ainsi, il aurait été évident que des médicaments exerçant une telle activité auraient probablement été efficaces, eux aussi, dans le traitement du THADA, comme en témoigne la justification des essais sur la désipramine et la nortriptyline (l’ATC imipramine a fonctionné) et la guanfacine (la clonidine a fonctionné) dans le traitement du THADA.

 

[…]

 

85.       Comme il a déjà été mentionné, la prétendue invention du brevet 735 utilise simplement l’atomoxétine pour traiter le THADA. Compte tenu de tout ce qui précède, notamment le fait que i) l’atomoxétine était connue en tant que médicament qui avait fait l’objet d’essais chez les humains, sans entraîner d’effets indésirables graves; ii) il était connu que l’atomoxétine exerçait une activité noradrénergique sélective; et iii) les médicaments qui exercent une activité noradrénergique étaient connus pour leurs bienfaits et leur efficacité dans le traitement du THADA, il n’aurait pas difficile de concevoir l’idée d’utiliser l’atomoxétine pour traiter le THADA.

 

[Renvois omis.]

 

[52]           Il ne fait aucun doute qu’il aurait été évident pour toute personne versée dans l’art réfléchissant au problème de concevoir l’idée d’essayer l’atomoxétine pour traiter le THADA. Ce que je rejette, c’est l’entorse à la logique commise par M. Kutcher qui l’amène à dire que parce qu’on [traduction] « savait ou on supposait que les médicaments [c’est-à-dire les stimulants et les ATC] contre le THADA couramment utilisés exerçaient une activité noradrénergique », on s’attendrait également, avec un haut degré de certitude, à ce que l’atomoxétine, en tant qu’IRN sélectif soit efficace. C’est le cas en particulier lorsque M. Kutcher compare, au paragraphe 92 de son rapport, l’atomoxétine aux stimulants. Comparer les stimulants à l’atomoxétine ne permet pas de répondre à la question de savoir si l’atomoxétine devrait être efficace pour traiter le THADA parce que les stimulants ne sont pas des IRN sélectifs. Leur efficacité comme médicaments contre le THADA a été généralement, quoique d’une façon qui n’est peut-être pas concluante, attribuée à leurs effets sur les systèmes noradrénergique et dopaminergique : voir, par exemple, Alan J. Zametkin et Judith L. Rapoport, « Neurobiology of Attention Deficit Disorder with Hyperactivity: Where Have We Come in 50 Years? » (1987) 26(5) J. Am. Acad. Child Adolesc. Psychiatry, page 676, et Ronald T. Brown & Angela La Rosa, « Recent Developments in the Pharmacotherapy of Attention-Deficit/Hyperactivity Disorder (ADHD) » (2002) 33(6) Prof. Psychol: Research and Prac., pages 591 à 592.

 

[53]           J’ajouterais que, au paragraphe 82 de son rapport, M. Kutcher a déclaré qu’on [traduction] « savait ou on supposait que les médicaments contre le THADA couramment utilisés exerçaient une activité noradrénergique » [non souligné dans l’original]. Ce genre d’expression équivoque n’appuie pas d’emblée l’opinion très assurée qu’exprimera plus tard M. Kutcher sur l’efficacité attendue de l’atomoxétine dans le traitement du THADA.

 

[54]           La conclusion de M. Riddle exprimée aussi fermement au sujet de l’utilité attendue de l’atomoxétine entre en contradiction avec sa reconnaissance des systèmes neuropathologiques complexes et mal compris qui intervenaient et qui continuent d’intervenir dans le traitement du THADA :

[traduction]

 

R.         Eh bien, oui, c’est important, évidemment, puisque les stimulants agissent avant tout sur ces deux voies, et comme ils étaient tout à fait efficaces dans le traitement du THADA, on croyait que ces voies étaient peut-être liées à la physiopathologie du THADA ou y jouaient un rôle, si vous voulez. Ce n’était pas prouvé, car ces troubles sont complexes, le cerveau est complexe. Mais l’expert, eh bien, les experts sont des personnes, je crois, quel est le terme déjà? Personne versée dans l’art?

 

Q.        Versée dans l’art.

 

R.         Versée dans l’art. Cette personne se dirait que, wow! C’est comme deux et deux font quatre. Si ces médicaments agissent ici et qu’ils agissent sur ces systèmes, alors ces systèmes sont peut-être importants. Donc, si nous devons essayer de chercher d’autres médicaments, nous devrions examiner ces systèmes. C’est le nœud de la question (page 1 405).

 

 

[55]           Il est également important de savoir que M. Riddle n’a jamais dit dans son rapport que la désipramine et les autres ATC étaient connus pour traiter le THADA en raison de leurs effets sur le recaptage de la noradrénaline. Il a plutôt déclaré, avec une certaine réserve, qu’ils [traduction] « seraient utiles » pour cette raison : voir le paragraphe 125. Cela correspond jusqu’à un certain point à son témoignage rendu au procès où à certains endroit, il a dit, en des termes aussi prudents, que l’efficacité des ATC ne faisait que [traduction] « laisser entendre » que l’atomoxétine serait efficace pour traiter le THADA [voir page 1 410]. En effet, il est inquiétant de savoir que, même s’il est très convaincu qu’une personne versée dans l’art conclurait d’emblée que l’atomoxétine fonctionnerait, M. Riddle a souvent utilisé des termes plus équivoques dans son interprétation des références aux antériorités sur lesquelles il se fondait. On pense notamment à des mots comme [traduction] « possibilité » (voir page 1522), « peut-être une meilleure option » (voir page 1 523] et « pourrait également fonctionner » (voir page 1 456). Lorsqu’on lui a demandé, durant son interrogatoire principal, pourquoi il avait utilisé les mots [traduction] « seraient utiles » dans son rapport, il a répondu que ce n’était [traduction] « pas le meilleur choix de mots » et que ce qu’il voulait dire, c’était qu’une personne versée dans l’art [traduction] « s’attendrait beaucoup à ce que [l’atomoxétine] soit utile ». Je rejette cette explication et constate plutôt que l’utilisation fréquente par M. Riddle d’un langage équivoque pour parler de cette question concernant l’efficacité attendue est davantage compatible avec la teneur des antériorités et son interprétation initiale de ces références.

 

[56]           De la même façon, l’explication de M. Riddle au sujet des raisons de l’efficacité de la clonidine comme médicament contre le THADA n’était pas convaincante. Il a reconnu que l’effet physiologique initial de la clonidine consistait à réduire la quantité de noradrénaline dans la fente synaptique, ce qui est exactement l’effet contraire produit par l’atomoxétine. Hormis une mise en garde générale de ne pas trop s’attarder aux points de départs généraux, il a été incapable de fournir une explication satisfaisante sur les raisons pour lesquelles le clonidine est efficace dans le traitement du THADA. Tout porte à croire qu’il n’avait tout simplement pas d’explication et ne pouvait que souligner le fait que les deux médicaments agissaient sur la voie de la noradrénaline.

 

[57]           Ce n’est pas la qualité de preuve requise pour satisfaire au fardeau de la preuve incombant à Novopharm sur cette question.

 

[58]           Sur la question de l’évidence, je retiens le témoignage de M. McGough plutôt que ceux de MM. Riddle et Kutcher. M. McGough a reconnu en toute franchise que la détermination de l’atomoxétine comme médicament potentiel contre le THADA appuyait une hypothèse noradrénergique, mais il a également souligné qu’il n’y avait aucun consensus au sujet du mécanisme d’action du médicament responsable du traitement efficace du THADA. En raison de la complexité des systèmes neuropathologiques en cause et de l’ignorance, en 1995, de la raison pour laquelle les médicaments contre le THADA étaient efficaces, nul ne pouvait prédire avec assurance la probabilité qu’un nouveau composé fonctionne.

 

[59]           Je suis également d’accord avec M. McGough pour dire qu’une incohérence fondamentale sous-tend les opinions de MM. Riddle et Kutcher en ce qui concerne l’efficacité probable de l’atomoxétine. Ces derniers ont concédé qu’il n’existait aucune théorie unificatrice susceptible d’expliquer l’efficacité des médicaments contre le THADA. M. Kutcher a également reconnu la complexité du THADA et l’absence d’un modèle simple pour le traiter. C’est ce qui ressort clairement de l’échange suivant en contre-interrogatoire :

[traduction]

 

Q.        « Même si on ne dispose pas encore d’un modèle pharmacologique simple pour expliquer l’utilité des stimulants, des tricycliques, des inhibiteurs de la monoamine oxydase (MAO), des neuroleptiques et de la clonidine dans le traitement du THADA. »

 

            Êtes-vous d’accord avec cet énoncé?

 

R.         Oui. Mais je ne m’attendrais pas à disposer d’un modèle pharmacologique simple pour ces substances, parce que le THADA est un trouble complexe. De plus, le THADA présente des composantes d’hyperactivité, d’impulsivité et d’attention pouvant être médiées par différents systèmes neuronaux, et chacune d’eux peut mettre en jeu différentes voies des récepteurs. Une chose à laquelle je ne m’attendrais pas, c’est bien un modèle simple.

 

Q.        La façon dont les médicaments de deuxième intention, notamment les ATC […]

 

R.         Oui.

 

Q.        […] sont moins efficaces sur le plan clinique que les stimulants doit être mieux définie?

 

R.         Cela semble raisonnable.

 

Q.        Les différences dans le type ou la dose de médicament nécessaire pour déclencher des effets précis peuvent fournir des indices quant au mécanisme pharmacologique?

 

R.         C’est vrai.

 

Q.        Dans l’avant-dernière phrase, que veut dire EPI?

 

R.         Il s’agirait de l’adrénaline.

 

Q.        D’où cela vient-il?

 

R.         Le système noradrénergique que nous connaissions était mis en cause dans le THADA, et certains corps neuronaux situés dans le locus sont associés à la noradrénaline.

 

Q.        Donc, ce que les chercheurs essayaient de faire, c’était d’examiner les similitudes entre tous les médicaments utilisés dans le traitement du THADA?

 

R.         Ils faisaient toutes sortes de choses.

 

Q.        Un des éléments communs qui est ressorti des implications inférentielles était la noradrénaline?

 

R.         Beaucoup de choses sont ressorties de tout cela. Le point de vue général couramment accepté, c’était que les médicaments qui fonctionnaient dans le système noradrénergique et ceux qui fonctionnaient dans le système dopaminergique étaient utiles dans le traitement du THADA, et précisément quels autres aspects de ces médicaments étaient disponibles, comment les différents récepteurs seraient caractérisés. Cette découverte a suscité beaucoup d’intérêt parce que le THADA comporte de nombreuses composantes, et un impact précis sur une composante ne signifie pas nécessairement un impact semblable sur une autre composante.

 

Vous pourriez ainsi avoir un médicament qui, administré à une personne, aurait un impact important sur l’hyperactivité mais pas autant sur l’impulsivité. Ou encore, vous pourriez administrer un médicament qui a eu un très bon impact sur les trois composantes, mais qui a entraîné des effets secondaires.

Les gens examinaient donc ces différentes options. Selon le modèle général, les médicaments qui fonctionnaient dans le système noradrénergique, le système dopaminergique, ou une combinaison des deux, étaient les médicaments les plus efficaces à notre connaissance.

 

Q.        En ce qui concerne les éléments en commun, il était possible d’examiner des composés pouvant avoir des effets sur la noradrénaline?

 

R.         Il était possible d’examiner des composés pouvant avoir des effets sur n’importe quel de ces systèmes (pages 551 à 554).

 

[60]           Je conviens avec M. McGough que ce que MM. Riddle et Kutcher disent aujourd’hui et qui était évident au sujet de l’efficacité attendue de l’atomoxétine repose sur une simplification après coup du problème, et que personne n’aurait pu prédire avec certitude que ce médicament serait efficace dans le traitement du THADA. Le passage suivant, extrait du témoignage de M. McGough, rend bien compte de ce point de vue :

            [traduction]

 

R.         Tout ce que je voulais souligner c’est que, à mon avis, ce sont deux choses différentes de dire que si je me situe dans le temps en 2005 et que je regarde derrière moi et je constate que les chercheurs suivaient une hypothèse reposant sur la noradrénaline et qu’ils avaient en fait choisi un des mécanismes en cause dans cette hypothèse, et qu’en allant dans cette voie, ils avaient réussi à mettre au point un médicament qui semblait efficace.

 

            Je pense que, je ne vois rien là de contradictoire, en disant à l’époque, si nous remontons en 1993 ou en 1994, il y avait beaucoup d’hypothèses mises en avant, et même parmi les hypothèses noradrénergiques, il y avait plusieurs mécanismes d’action dont Biederman et Donnelly avaient parlé. Donc, si l’interprétation était que lorsque j’ai dit, en 2005, en remontant dans le passé, qu’il était évident que c’était la voie à suivre, ce n’est pas ce que j’ai voulu dire.

 

            Ce que je crois, encore une fois, c’est qu’en 1994, les gens exploraient toutes sortes de choses, et même avec la noradrénaline, plusieurs types de mécanismes étaient pris en considération. Le fait que, à ce moment-là, après que la démarche a été couronnée de succès, vous regardez en arrière et dites qu’ils allaient dans cette voie, encore une fois, cela veut seulement dire qu’ils ont été soit chanceux, soit brillants ou que, d’une façon ou d’une autre, ils ont choisi la bonne piste. L’histoire est écrite par les vainqueurs, et maintenant nous constatons que la décision de suivre cette piste a porté ses fruits (pages 2 733-2 734).

 

 

[61]           Selon mon propre examen de la preuve sur les antériorités, les profils des médicaments qui se sont avérés efficaces pour traiter le THADA étaient simplement trop diversifiés, et leur mécanisme d’action présumé dans les systèmes neurologiques très complexes en cause était trop incertain pour qu’on puisse en tirer une conclusion ferme sur l’efficacité de l’atomoxétine. On trouve des exemples tirés des antériorités dans les documents de référence suivants :

 

Shenker, The Mechanism of Action of Drugs Used to Treat Attention-Deficit Hyperactivity Disorder[5]

 

[62]           Le rapport de synthèse de M. Shenker était surtout axé sur le rôle de la dopamine et de la noradrénaline dans l’étiologie et le traitement du THADA. Il a passé en revue 314 publications desquelles il a tiré un certain nombre de conclusions quant à l’état de la technique en 1992, notamment ce qui suit :

[traduction]

 

Heureusement, beaucoup de nouveaux médicaments exerçant des effets sélectifs sur les systèmes dopaminergique et noradrénergique ont été mis au point, et on peut s’attendre à ce que certains de ces médicaments soient disponibles pour la réalisation d’essais cliniques chez des enfants atteints d’un THADA. Cet examen a pour objectif de centrer l’attention sur le rôle des récepteurs qui médient les effets des catécholamines cérébrales dans le traitement et la physiopathologie du THADA. Il comprend une analyse des médicaments qui causent une activation indirecte des récepteurs, ainsi qu’un résumé de la classification et de la fonction pharmacologiques des récepteurs de catécholamines cérébrales dans le contexte du THADA. Bon nombre des médicaments mentionnés exercent également des effets puissants sur d’autres systèmes cérébraux, en particulier le système sérotoninergique. Comme rien n’indique que des altérations dans le fonctionnement de la sérotonine ou d’autres neurotransmetteurs sont mises en cause dans le THADA, cet examen porte surtout sur la fonction catécholaminergique (page 338).

 

[…]

 

Les trois médicaments les plus couramment utilisés dans le traitement du THADA sont la dextroamphétamine (d-amphétamine), le méthylphénidate et la pémoline de magnésium. Aucun de ces médicaments ne provoque des effets directs puissants de stimulation des récepteurs. La d‑amphétamine est la substance dont le mécanisme d’action a été le mieux étudié. On sait que l’amphétamine est transportée à l’intérieur des terminaisons nerveuses dopaminergiques et qu’elle libère de façon sélective une réserve de dopamine cytoplasmique nouvellement synthétisée, indépendante de la décharge neuronale. De plus, l’amphétamine bloque le mécanisme de recaptage de la dopamine et inhibe le métabolisme de la dopamine par la monoamine oxydase (MAO), et ces propriétés peuvent potentialiser son principal effet libérateur. À l’opposé, le principal effet de l’amphétamine au niveau des synapses à noradrénaline est probablement l’inhibition du recaptage. Le faible antagonisme des récepteurs adrénergiques α2 contribuerait également aux effets centraux de l’amphétamine (page 339).

 

[…]

 

L’imipramine et la désipramine, des antidépresseurs tricycliques, sont également des activateurs indirects de certains récepteurs de catécholamines cérébrales. Elles sont moins efficaces que les stimulants dans le traitement des enfants atteints d’un THADA. En particulier, elles semblent exercer un effet plus faible sur l’amélioration de la performance dans les tâches cognitives (page 340).

 

[…]

 

Le fait que les tricycliques et les inhibiteurs de la MAO sont efficaces contre le THADA ne veut pas dire que tous les médicaments dotés de propriétés antidépressives le sont. Par exemple, la miansérine, un antidépresseur atypique, ne semble pas utile dans le traitement du THADA. Elle se distingue de l’imipramine et de la désipramine, du fait qu’il s’agit d’un puissant antagoniste adrénergique α2 (page 341).

 

[…]

 

L’élaboration de meilleurs modèles pour illustrer le rôle des récepteurs des catécholamines dans le THADA s’accompagne d’un examen des facteurs propres au médicament et aux tissus qui interviennent dans la production d’une réponse par un agoniste. Ces facteurs donnent un sens quantitatif à des termes couramment employés comme « sélectivité du médicament », « sélectivité du récepteur » et « réserve de récepteur ». Même si les médicaments sont habituellement classés en fonction du récepteur avec lequel ils ont l’affinité la plus forte, leur sélectivité n’est que relative; la plupart des agonistes et des antagonistes ont une affinité pour plusieurs sites de liaison de récepteurs. Le même médicament peut agir comme agoniste entier, agoniste partiel ou antagoniste dans différents tissus contenant le même type de récepteur, selon la concentration des récepteurs ou l’efficacité de couplage des récepteurs dans les différents tissus. Bien que la sélectivité d’un médicament in vivo corresponde souvent à son affinité sélective pour un récepteur en particulier, il faut toujours tenir compte de l’efficacité intrinsèque d’un médicament et des facteurs régionaux propres aux tissus (page 343).

 

[…]

 

Jusqu’à maintenant, les systèmes dopaminergique et noradrénergique ont retenu, à juste titre, la plus grande attention dans la recherche sur le THADA, mais il faut envisager sérieusement que les systèmes neuronaux contenant de la noradrénaline jouent un rôle dans la physiopathologie ou le traitement du THADA. Il serait très intéressant de déterminer si les rats ou les ratons BUF (Buffalo) traités par des inhibiteurs de PNMT présentent un trouble de l’attention en plus de l’hyperactivité (page 355).

 

[…]

 

Par souci de clarté, les effets des médicaments sur les récepteurs du cerveau pour la dopamine, la noradrénaline et l’adrénaline ont été examinés dans des sections séparées. Il s’agit ici d’une simplification grandement exagérée en qui concerne leurs effets sur le fonctionnement du cerveau. Comme je l’ai déjà mentionné, un médicament est classé en fonction du site pour lequel il a la plus grande affinité mais, selon la dose, il est possible qu’il interagisse avec les récepteurs ou les sites de recaptage de plusieurs autres neurotransmetteurs. De plus, même les agonistes et les antagonistes hautement sélectifs peuvent entraîner des effets sur d’autres systèmes de neurotransmetteurs en raison des interconnexions fonctionnelles.

 

Les interactions entre les systèmes noradrénergique et dopaminergique sont souvent citées dans le contexte du THADA, mais il existe peu de données comportementales, électrophysiologiques ou neurochimiques permettant d’expliquer exactement comment ces système influent l’un sur l’autre in vivo. Certaines études qui indiquent des effets modulateurs de l’adrénaline ou de la noradrénaline sur le comportement locomoteur médié par la dopamine ont déjà été mentionnées. Les récepteurs adrénergiques α1 ou les récepteurs adrénergiques α2 semblent avoir des effets stimulants et inhibiteurs, respectivement, sur la locomotion et la rotation induite par la dopamine, mais le mécanisme de ces effets complexes demeure hypothétique (pages 355 et 356).

 

[…]

 

Il est fort possible qu’une disponibilité synaptique accrue de la dopamine et de la noradrénaline soit nécessaire pour assurer une pharmacothérapie optimale du THADA. La preuve que l’inhibition sélective du recaptage de la noradrénaline par des antidépresseurs tricycliques ne produit pas d’effets thérapeutiques complets a été mentionnée. La mise au point clinique fructueuse d’un des composés GBR permettrait de vérifier l’hypothèse selon laquelle l’inhibition du recaptage de la dopamine seule ne suffit pas non plus à produire des effets thérapeutiques optimaux. Nous savons que les effets neurochimiques, électrophysiologiques et comportementaux produits par l’inhibition du recaptage de la dopamine in vivo ne sont pas équivalents à ceux des stimulants.

 

Il a été impossible d’approfondir le potentiel prometteur sur le plan clinique de la nomifensine dans le traitement du THADA en raison de ses effets toxiques, mais plusieurs nouveaux médicaments qui sont de puissants inhibiteurs des systèmes de recaptage de la dopamine et de la noradrénaline ont été décrits, notamment le LU19‑005, la diclofensine, le mazindol et le BTCP. Si un tel médicament s’avérait supérieur à la désipramine ou à l’imipramine dans le traitement du THADA, cela viendrait appuyer la thèse voulant qu’un composé dopaminergique soit nécessaire pour obtenir une efficacité complète sur le plan clinique. Qu’un tel médicament ne réussisse pas à produire les mêmes effets thérapeutiques que les stimulants, malgré le fait qu’ils peuvent tous les deux augmenter la quantité de dopamine et de noradrénaline synaptique, cela aurait également d’importantes répercussions sur le plan mécanistique. Cela laisserait entendre que les propriétés pharmacologiques particulières des stimulants sous-tendent leur supériorité thérapeutique dans le THADA. Par exemple, la d-amphétamine diffère d’un simple inhibiteur du recaptage par sa capacité d’augmenter le taux de dopamine synaptique indépendamment de l’activité neuronale de la dopamine et de modifier la transmission dopaminergique de manière complexe et multiphasique. Les médicaments qui réussissent le mieux à traiter certains troubles neuropsychiatriques sont peut-être ceux qui sont moins sélectifs ou ceux qui peuvent modifier l’intégration de systèmes de neurotransmetteurs complexes. Même si de nouveaux médicaments hautement sélectifs s’avèrent moins utiles que prévu en milieu clinique, ils continueront d’être des outils indispensables à l’étude des mécanismes cérébraux de base (pages 356 et 357).

 

[…]

 

Même s’il faudra peut-être des années avant d’élaborer un modèle pharmacologique permettant d’expliquer l’efficacité d’un médicament dans le traitement du THADA, nous devons continuer de formuler des hypothèses vérifiables concernant l’action de médicaments tant sélectifs que non sélectifs afin d’orienter des études plus raffinées (page 358).

 

[Renvois omis.]

 

 

[63]           Le témoin de Novopharm a essayé de discréditer le rapport de synthèse de M. Shenker en affirmant pour l’essentiel que ce dernier n’était pas très connu dans le domaine du THADA principalement et avait peu d’expérience à cette époque.

 

[64]           Je ne suis pas d’avis que cet élément faisant partie des réalisations antérieures devrait être écarté pour les raisons invoquées. Peu importe l’expérience que pouvait alors avoir M. Shanker, il est manifeste que son rapport constituait l’aboutissement d’un examen approfondi de la majeure partie de la littérature scientifique pertinente et que les conclusions tirées semblent être pour l’essentiel bien fondées. Je ne vois donc aucun motif justifiant d’écarter l’examen des réalisations antérieures effectué par M. Shenker et, en fait, le témoignage de M. McGough quant à la valeur de cette évaluation est des plus pertinentes :

[traduction]

 

R.         La première version de son manuscrit a été rédigée pendant sa résidence en pédiatrie au Johns Hopkins Hospital, qui a, en fait, le meilleur programme de pédiatrie aux États­Unis.

 

Je devrais aussi mentionner que les pédiatres prescrivent davantage de médicaments contre le THADA que les pédopsychiatres, il s’agissait donc de son domaine, mais, plus important encore – bien, il faut aussi tenir compte – et c’est pourquoi je m’insurge contre le dénigrement dont il est victime du fait qu’il est résident.

 

Vous comprenez, il est un – Je le comparerais à un associé ayant trois ou quatre ans d’ancienneté dans un cabinet d’avocats. Il est habilité à pratiquer sa profession. Il a terminé ses études. Il pratique sa profession et il travaille sous supervision. Il s’acquitte des mêmes tâches que ses collègues du même échelon.

 

Il travaille aussi pour les chefs de file du domaine dans leur laboratoire. Je ne sais pas si c’est vraiment l’équivalent d’un stage auprès d’un juge d’expérience, mais c’est le poste qu’il occupe. Il travaille dans le meilleur laboratoire et il est supervisé par les plus grands chercheurs dans son domaine.

 

J’aime son rapport parce que, à mon avis, il est un – mais je l’ai déjà dit dans mon rapport. Il est l’exemple même de la personne versée dans l’art. Il avait les connaissances nécessaires. Il était un médecin accompli. Il avait de bonnes connaissances en ce qui a trait au THADA et à la recherche.

 

On ne peut pas affirmer qu’il n’est pas un expert. Il s’agit d’une excellente occasion pour revenir en arrière, pour se mettre à sa place et pour se demander ce que l’on constaterait si l’on était à sa place et quel était son but. En résumé, il essaie de continuer les recherches, aujourd’hui dépassées, de Zametkin et de Rapoport publiées dans les études que j’ai mentionnées précédemment.

 

Il examine la littérature scientifique et expose le cadre de recherche visant l’élaboration de nouveau médicament. C’est le sujet de son article (pages 2082 et 2083).

 

[Non souligné dans l’original.]

 

 

[65]           Le principal point à retenir de l’article de M. Shenker, c’est que l’on peut s’attendre à ce que même les composés hautement sélectifs à l’égard d’un système de neurotransmetteurs particulier exercent de nombreux effets mal compris sur d’autres systèmes. M. Shenker a également fait remarquer que les composés hautement sélectifs ne sont peut-être pas les meilleurs candidats pour la mise au point de médicaments visant à traiter le THADA.

 

Biederman et al., A Double-Blind Placebo Controlled Study of Desipramine in the Treatment of ADD:I[6]

 

[66]           M. Joseph Biederman et ses collègues ont réalisé une étude à double insu et contrôlée par placebo sur la désipramine dans le traitement du THADA; les résultats de cette étude ont paru dans le numéro de septembre 1989 du Journal of the American Academy of Child and Adolescent Psychiatry. Cette étude soulignait la nécessité, sur le plan clinique, de disposer de médicaments non stimulants pour traiter le THADA, en plus de mentionner l’utilisation des ATC dans ce rôle. À ce stade, on a observé que la désipramine présentait [traduction] « une sélectivité relativement élevée pour le recaptage de la noradrénaline » et aussi qu’elle était active aux récepteurs adrénergiques alpha-1 centraux (page 777). Le rapport a ensuite porté sur le profil d’activité de la désipramine, comme suit :

[traduction]

 

Comparativement à d’autres ATC, la désipramine présente une affinité relativement faible pour les récepteurs muscariniques et les récepteurs histaminergiques, une affinité seulement modérée pour les récepteurs adrénergiques alpha-1, et une très faible affinité pour les récepteurs adrénergiques alpha-2, les récepteurs adrénergiques bêta et les récepteurs dopaminergiques (Baldessarini, 1985). En raison de ses propriétés pharmacologiques, la désipramine pourrait être associée à des risques passablement moindres d’effets indésirables que les ATC amines tertiaires comme l’amitriptyline, la clomipramine, la doxépine et l’imipramine (pages 777 et 778).

 

 

[67]           Les résultats de l’étude indiquent que la désipramine a entraîné une amélioration statistiquement significative des symptômes caractéristiques du THADA. Néanmoins, les auteurs ont été incapables de déterminer, avec quelque degré de confiance que ce soit, le mécanisme d’action responsable et ils ont reconnu que [traduction] « [l]e mécanisme d’action pharmacologique de la désipramine dans le traitement du THADA demeure inconnu » (page 783). Même si j’accepte l’affirmation de Novopharm voulant que, pour ce qui est du profil de sélectivité, la désipramine était le médicament connu qui s’approchait le plus de l’atomoxétine, l’incertitude qui ressort de l’étude de Biederman sur ses mécanismes d’action dans le traitement du THADA mine l’argument selon lequel il aurait été possible de prédire l’efficacité de l’atomoxétine.

 

Zametkin et Rapoport, The Pathophysiology of Attention Deficit Disorder with Hyperactivity[7]

[68]           Même si cet article de synthèse n’est pas très récent (1986), il décrit bien la complexité inhérente à la prévision des effets thérapeutiques d’agents relativement sélectifs comme l’atomoxétine dans le traitement du THADA :

[traduction]

 

1.7. Le neurotransmetteur unique : une hypothèse défendable?

 

Certaines troubles neurologiques comme la maladie de Parkinson, un trouble du mouvement accompagné de symptômes psychiatriques connexes, ont été traités avec succès grâce à un précurseur de neurotransmetteur métabolisé directement en un seul neurotransmetteur (la dopamine). Même si les hypothèses mettant en cause des anomalies d’un neurotransmetteur spécifique sont intéressantes, on ignore s’il est possible de modifier le fonctionnement d’un neurotransmetteur sans altérer les autres. Selon les études actuelles, il serait en effet très difficile de modifier un système de neurotransmetteur ou une voie nerveuse sans porter atteinte à des systèmes secondaires. La neurophysiologie, la neurochimie et la neuropharmacologie fondamentales, ainsi que les récents travaux en pharmacologie réalisés chez l’homme démontrent l’interrelation étroite entre les systèmes amines. Premièrement, la noradrénaline est synthétisée à partir de la dopamine; même si la dopamine‑β‑hydroxylase, l’enzyme qui convertit la dopamine en noradrénaline, ne constitue pas l’étape cinétiquement limitante dans la production de catécholamines, la noradrénaline et la dopamine pourraient rétro-inhiber la tyrosine hydroxylase (l’étape cinétique limitante) comme l’ont postulé Cooper et al. (1982).

 

Deuxièmement, les voies noradrénergiques du cerveau sont étendues et diffuses, contrairement aux systèmes dopaminergiques plus spécifiques. Par le passé, des études réalisées sur des animaux se sont concentrées sur la capacité des antidépresseurs administrés de façon prolongée exerçant supposément une action précise sur le recaptage de la noradrénaline ou de la sérotonine. Au terme d’un examen de ces études de même que des études plus récentes sur les humains, Potter et al. (1985) ont conclu que les antidépresseurs « spécifiques » modifient en fait le nombre et/ou la fonction des récepteurs de la noradrénaline et de la sérotonine. Il peut donc être difficile de modifier un système de neurotransmetteurs avec les agents spécifiques qui existent aujourd’hui. Même des antidépresseurs aussi « sélectifs » que la désipramine (inhibiteur du recaptage de la noradrénaline) et la zimélidine (inhibiteur du recaptage de la sérotonine) exercent des effets non sélectifs chez les sujets humains (Potter et al., 1985). La désipramine, par exemple, réduisait la quantité de 5HIAA, le métabolite de la sérotonine, tandis que la zimélidine réduisait la quantité de MHPG dans le liquide céphalorachidien de même que la quantité de 5HIAA. Enfin, la dopamine est une catécholamine qui exerce des effets marqués sur les neurones adrénergiques alpha et bêta, bien que son activité soit moindre que celle de l’adrénaline, de la noradrénaline ou de l’isoprotérénol (Goldberg, Volkman et Kohli, 1978). Par conséquent, la notion de spécificité pourrait être à la fois dénuée de sens du point de vue physiologique et non vérifiable.

 

1.8. Les stimulants : mécanismes des neurotransmetteurs

 

La dextroamphétamine, le méthylphénidate et la pémoline sont les traitements les plus efficaces et ils procurent, dans l’ensemble, des bienfaits aux mêmes sujets. (Rares sont les sujets qui répondent de façon sélective à l’un ou l’autre traitement, mais ce point dépasse le cadre de cet examen.) Trois questions subsistent : Quels systèmes sont essentiels pour assurer l’efficacité? Existe-t-il un mécanisme d’action commun à ces trois agents? Y a-t-il des similitudes avec les inhibiteurs de la MAO qui sont un traitement efficace? (page 193 et 194).

 

 

[69]           Cette incertitude et cette complexité ont pour conséquence que personne ne peut, en général, prédire avec assurance l’efficacité d’un composé psychotrope à partir des effets limités objectivement observables d’un autre composé.

 

Wilens et al., Nortriptyline in the Treatment of ADHD[8]

[70]           Dans cet article paru en 1993, l’auteur faisait un retour en arrière sur son expérience clinique avec l’ATC nortriptyline dans le traitement du THADA chez des enfants et des adolescents. Les résultats de cet examen étaient jugés prometteurs, mais se bornaient à donner des indications d’efficacité. La question la plus importante en l’espèce était la description hypothétique du mécanisme d’action proposé de la nortriptyline :

[traduction]

 

La nortriptyline est le métabolite principal de l’amitriptyline. On ne connaît pas bien le mécanisme d’action des ATC sur le THADA. La nortriptyline atténuerait les symptômes de ce trouble par son effet sur l’inhibition du recaptage de la noradrénaline synaptique avec des modifications subséquentes dans les voies noradrénergique et dopaminergique, qui interviennent toutes les deux dans la pathogenèse du THADA (Meltzer, 1987; Zametkin et Rapoport, 1987) (page 347).

 

 

Donnelly et al., Treatment of childhood hyperactivity with desipramine[9]

[71]           Cet article fait état de la grande incertitude entourant le mécanisme d’action de la désipramine et émet l’hypothèse que cette dernière fonctionne « peut-être » en augmentant la disponibilité de la noradrénaline dans les terminaisons nerveuses.

[…]

 

[72]           Je reconnais que, à l’instar des stimulants, les ATC ont été des analogues utiles dans la quête de nouveaux médicaments contre le THADA. En revanche, je ne crois pas que la connaissance des mécanismes qu’ils mettaient en jeu dans le traitement du THADA était suffisante pour qu’une personne versée dans l’art conclue immanquablement qu’un autre composé très similaire soit efficace. Mon point de vue est renforcé par ce qui est arrivé lorsqu’on a supposé que l’atomoxétine serait utile pour traiter la dépression au début des années 1980. C’est à ce moment-là que Lilly a étudié et breveté l’atomoxétine comme antidépresseur [traduction] « particulièrement efficace ». En 1982, Wong et ses collègues ont formulé l’hypothèse que la [traduction] « spécificité remarquable » de l’atomoxétine dans l’inhibition du recaptage de la noradrénaline constituerait un avantage thérapeutique potentiel par rapport aux ATC[10]. Ce point de vue a également été exprimé dans un article de revue publié par Zerbe et al. en 1985 et intitulé « Clinical Pharmacology of Tomoxetine, a Potential Antidepressant[11] » et dans un article publié en 1993 par Gehlert et al.[12] mentionnant que [traduction] « plusieurs antidépresseurs cliniquement utiles, telle que la désipramine, présentent une haute affinité pour [le site de recaptage de la noradrénaline] ». Néanmoins, cette théorie d’un traitement de la dépression amélioré par l’atomoxétine s’est par la suite révélée erronée. Ce résultat illustre bien le danger de trop mettre l’accent sur une des caractéristiques physiologiques d’un composé psychotrope lorsqu’on comprend mal les mécanismes qui permettent d’obtenir un effet thérapeutique positif.

 

Autres points à prendre en considération : Est-ce que les efforts requis pour aboutir à l’invention seraient de pure routine?

 

[73]           Novopharm soutient qu’il ne serait pas difficile de confirmer l’utilité de l’atomoxétine pour traiter le THADA et que [traduction] « seulement quelques petits essais contrôlés par placebo seraient nécessaires ». Cet énoncé montre bien que, même si l’antériorité indiquait clairement l’intérêt de l’atomoxétine comme médicament contre le THADA, une certaine vérification de son efficacité était toujours nécessaire.

 

[74]           Je ne crois pas que le genre de vérification nécessaire pour démontrer l’efficacité de l’atomoxétine aurait été de pure routine. M. Virani a déclaré dans son témoignage que ce type d’essai clinique devrait avoir une taille et une durée suffisantes, être randomisé, à l’insu et bien contrôlé. Même dans ces conditions, les problèmes pouvant rapidement survenir dans ce type de recherche sont tels qu’il faudrait probablement réaliser plus d’une étude avant de tirer des conclusions en toute certitude. Comme dans le cas des recherches antérieures réalisées par Lilly pour déterminer l’intérêt de l’atomoxétine comme antidépresseur, ce type de vérification serait long, ardu et onéreux, et le résultat serait loin d’être certain.

 

Motivation

[75]           Il faut faire preuve de prudence en ce qui a trait à la question de la motivation et, comme l’a noté la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Apotex c. Pfizer, 2009 CAF 8, 72 C.P.R. (4th) 141, même un haut degré de motivation ne peut convertir une solution possible en solution évidente. Les inventions pharmaceutiques constituent des solutions à des problèmes de santé pour lesquels il n’existait aucun remède. On tiendrait donc pour acquis que, dans bien des cas, la personne versée dans l’art a la motivation de trouver une telle solution. Si de nombreuses personnes compétentes ont tenté de trouver une solution à un grave problème de santé pendant un certain temps, la solution, une fois trouvée, semblera, par définition, inventive. Cependant, la motivation de chercher à trouver une solution donnée à un problème peut être sapée par de nombreux facteurs, notamment des considérations d’ordre commercial, des ressources de recherche limitées, un manque d’intérêt ou un brevet antérieur.

 

[76]           Dans le cas de l’atomoxétine, les éléments de preuve non contredits dont je suis saisi établissent que, pendant plusieurs années, il y avait un besoin bien déterminé de disposer de nouveaux médicaments non stimulants, présentant de meilleurs profils d’effets secondaires que les ATC, pour traiter le THADA. En revanche, il s’agissait d’un domaine de recherche relativement nouveau et le nombre de chercheurs indépendants intéressés était restreint. L’atomoxétine était également un composé que Lilly avait mis au point et breveté antérieurement aux États-Unis. Même si les renseignements au sujet de l’atomoxétine étaient du domaine public, il ne semble pas qu’ils aient acquis une très grande notoriété dans le milieu de la recherche sur le THADA. Ce contexte a fait de Lilly l’intervenant de choix pour pousser plus à fond la recherche sur l’atomoxétine pour d’autres indications que la dépression. En fin de compte, la preuve dont je dispose au sujet des motifs qui sous-tendent la découverte de l’atomoxétine comme médicament de rechange pour traiter le THADA n’est pas vraiment parvenue à étayer la position de l’une ou l’autre des parties.

 

Évidence – Conclusion

[77]           Novopharm n’a pas établi que la promesse inventive du brevet 735 aurait été évidente pour la personne versée dans l’art à la date de sa publication.

 

Antériorité

[78]           Novopharm soutient que le brevet 735 est antériorisé par le brevet 009 et le brevet 430. Je ne suis pas de cet avis.

 

[79]           Pour répondre brièvement à cet argument, disons que ni le brevet 009 ni le brevet 430 ne font allusion à la promesse inventive du brevet 735, soit l’utilisation de l’atomoxétine pour traiter le THADA. Le brevet 009 fait référence à certains de ses composés revendiqués comme les IRN, sans toutefois divulguer précisément l’atomoxétine. Le brevet 430 réfère précisément à l’atomoxétine en tant qu’IRN, mais seulement pour traiter la dépression. Toutefois, pour la même raison que cette propriété sélective n’a pas permis de rendre l’utilisation de l’atomoxétine évidente pour traiter le THADA, elle ne constituait pas non plus une antériorité. À moins que l’utilisation de l’atomoxétine pour traiter le THADA ne soit effectivement divulguée dans l’un de ces documents, il ne peut y avoir antériorité. Compte tenu de ce qui précède, il est inutile d’examiner la question du caractère réalisable.

 

[80]           J’ajouterais à cela que l’atomoxétine n’est qu’un composé parmi les milliers couverts par le brevet 009, qui visent tous l’obtention d’un effet psychotrope thérapeutique. Même si je retiens l’affirmation de Novopharm selon laquelle l’atomoxétine traite le THADA en entraînant un effet psychotrope, je ne crois pas qu’une personne versée dans l’art aurait, en suivant l’enseignement de ce brevet, nécessairement contrefait le brevet 735 : voir Pfizer Canada Inc. c. Canada (Ministère de la Santé), 2008 CAF 108, paragraphe 83, 67 C.P.R. (4e) 23.

 

Divulgation antérieure

[81]           Novopharm allègue que l’invention liée à l’utilisation de l’atomoxétine pour traiter le THADA avait fait l’objet de deux divulgations antérieures avant l’année de sursis prévu à l’article 28.2 de la Loi sur les brevets, L.R.C. 1985, ch. P­4. La première divulgation était une conversation entre MM. Riddle et Heiligenstein qui a eu lieu en 1991 ou 1992 lors de laquelle ils ont discuté de l’utilisation de l’atomoxétine à cette fin. La seconde divulgation était une conversation entre MM. Heiligenstein et Spencer qui a eu lieu en 1993 ou en 1994, lors de laquelle ils ont discuté de la possibilité que MGH mène une recherche sur des composés pour traiter le THADA pour le compte de Lilly.

 

[82]           Je ne peux pas conclure au bien­fondé de l’un ou l’autre de ces arguments.

 

[83]           Comme je l’ai déjà souligné, je n’ai aucun doute que MM. Riddle et Heiligenstein ont discuté de vive voix de l’utilisation possible de l’atomoxétine pour traiter le THADA à peu près à l’époque dont M. Riddle s’est souvenu. Cet entretien a eu lieu à la suite d’une invitation faite à M. Riddle de venir chez Lilly offrir des services de consultation sur un sujet non connexe. Le problème, c’est que le rapport écrit de M. Riddle diffère quelque peu de ce qu’il a dit lors de son témoignage présenté au procès. Dans ce rapport, M. Riddle laisse entendre que l’idée lui est venue après que M. Heiligenstein lui a parlé du profil de l’atomoxétine en tant qu’IRN. D’après son témoignage, il a demandé à M. Heiligenstein si Lilly avait à sa disposition quelque chose pour remplacer la désipramine, un composé qui avait été récemment mis en cause dans certains cas d’arrêt cardiaque. M. Heiligenstein lui a ensuite soumis l’idée que l’atomoxétine, un IRN, [traduction] « reposait sur une tablette » chez Lilly. Cela donne à penser que M. Heiligenstein était le premier à proposer l’atomoxétine comme médicament contre le THADA en raison de ses propriétés d’IRN. Cette distinction n’est peut-être pas importante sur le plan juridique, mais elle reflète bien une faiblesse évidente du souvenir que M. Riddle conserve de l’événement.

 

[84]           Le fait d’accepter ce dont se souvient un témoin à l’égard d’une conversation vieille de 18 ans comme preuve de divulgation antérieure constitue un véritable risque : voir Finnigan Corporation c. United States International Trade Commission, 180 F. 3d 1354 (U.S. App., Fed. Cir., 1999) et Juicy Whip, Inc. c. Orange Bang, Inc., 292 F. 3d 728 (U.S. App., Fed. Cir., 2002). La faiblesse inhérente d’une telle preuve est très évidente, et la position de Lilly selon laquelle il faut une corroboration fiable avant qu’un brevet soit annulé pour cette raison est fondée. J’hésite à conclure qu’il faudrait une corroboration dans toutes les instances, mais dans une affaire comme en l’espèce, où les faits se sont produits il y a longtemps, où la nature de la relation et des discussions est incertaine et où les deux versions données par M. Riddle ne sont pas entièrement cohérentes, je ne peux pas tirer une conclusion d’antériorité en l’absence d’une preuve supplémentaire.

 

[85]           Selon Novopharm, l’entretien qu’a eu M. Spencer avec M. Heiligenstein constituait une divulgation antérieure de l’invention revendiquée. Lilly soutient que cet entretien était confidentiel et que le but était de solliciter la participation du Massachusetts General Hospital dans la recherche sur l’atomoxétine. Il incombait à Novopharm de prouver que cette divulgation faite par M. Heiligenstein avait versé dans le domaine public l’idée créatrice d’utiliser l’atomoxétine pour traiter le THADA, mais les éléments de preuve étaient loin d’être satisfaisants. M. Spencer n’a pas témoigné et d’après le témoignage de M. Heiligenstein, cet entretien a mené à l’essai clinique du MGH sur l’atomoxétine comme médicament potentiel contre le THADA, sur ordre et avec l’appui de Lilly.

 

[86]           Suivant la décision Coco c. A.N. Clark (Engineers) Ltd, [1969] R.P.C. 41 (H.C.J.), page 48, il s’agit du type précis de discussion qui entraîne une présomption de confidentialité et qui ne peut pas être considérée comme étant une divulgation publique :

[traduction]

Il me semble que si les circonstances sont telles qu’un homme raisonnable se mettant à la place de celui à qui les renseignements ont été confiés aurait des motifs raisonnables de penser que les renseignements lui avaient été confiés sous le sceau de la confidentialité, cela devrait alors suffire pour qu’il soit assujetti à une obligation en equity fondée sur des rapports de confiance.
En particulier, lorsque des renseignements ayant une valeur commerciale ou industrielle sont donnés sur une base d’affaires en vue d’un objet déclaré, comme une entreprise conjointe ou la fabrication d’articles par une partie pour une autre, je considérerais que celui à qui ces renseignements ont été confiés doit faire une preuve très solide s’il veut réfuter la prétention qu’il était tenu à une obligation fondée sur des rapports de confiance : voir Saltman, page 216.

 

 

Voir aussi Weatherford Canada Ltd. c. Corlac Inc., 2010 CF 602, paragraphes 315 et 316, 84 C.P.R. (4th) 237.

 

[87]           Il s’ensuit que la présente allégation de divulgation antérieure doit aussi être rejetée.

 

Le brevet 735 est­il un brevet de sélection?

[88]           Je ne pense pas que le fait que l’atomoxétine était revendiquée dans le brevet 009 fait en sorte que le brevet 735 est un brevet de sélection. Lilly soutient que le brevet 735 revendique la découverte d’une nouvelle utilisation inventive de l’atomoxétine pour le traitement du THADA. Ce composé n’est toutefois pas revendiqué de nouveau dans le brevet 735. Lilly qualifie à juste titre le brevet 735 comme étant un brevet prévoyant une nouvelle utilisation d’un composé; Lilly respecte ainsi le principe établi par la Cour suprême dans l’arrêt Shell Oil Co. c. Canada (Commissaire des brevets), [1982] 2 R.C.S. 536, 67 C.P.R. (2d) 1. Elle reconnaît que l’atomoxétine était un composé connu, mais elle allègue que son utilité dans le traitement du THADA n’était pas connue. Exception faite des brevets de sélection, si un composé n’est pas nouveau, un brevet, pour qu’il soit valide, doit se limiter à une nouvelle utilisation inventive du composé : voir l’arrêt AZT, paragraphe 33. Si Lilly avait revendiqué de nouveau l’atomoxétine pour traiter le THADA, je suis convaincu qu’un brevet de sélection aurait été présenté et qu’il aurait alors fallu une divulgation plus rigoureuse que celle du brevet 735 : voir Pfizer Canada Inc. c. Canada (Ministre de la Santé), 2008 CAF 108, paragraphes 42 et 59, 67 C.P.R. (4th) 23. Cependant, en limitant la revendication dans le brevet 735 à l’utilisation de l’atomoxétine pour traiter le THADA, rien n’obligeait Lilly à divulguer un avantage particulier que l’atomoxétine pourrait avoir par rapport au composé revendiqué dans le brevet 009. Il suffit d’alléguer une nouvelle utilisation inventive.

 

[89]           Si j’ai tort en affirmant que le brevet 735 n’est pas un brevet de sélection, alors ce brevet serait invalide parce que les avantages surprenants et inattendus qu’aurait l’atomoxétine comparativement au composé revendiqué dans le brevet 009 n’auraient pas fait l’objet d’une divulgation adéquate : Eli Lilly Canada Inc. c. Novopharm Ltd., 2007 CF 596, 58 C.P.R. (4th) 214.

 

L’utilité – principes juridiques

[90]           L’article 2 de la Loi sur les brevets (L.R.C. 1985, ch. P-4), prescrit qu’une invention doit présenter le caractère de l’« utilité ». C’est cette disposition qui intègre la notion d’utilité dans le droit des brevets au Canada.

 

[91]           Dans l’arrêt Consolboard Inc. c. MacMillan Bloedel (Saskatchewan) Ltd., [1981] 1 R.C.S. 504, 56 C.P.R. (2d) 145, la notion de l’utilité inventive a été décrite comme suit aux pages 525 et 526 :

            Il n’y a qu’un seul critère et c’est celui de savoir si le mémoire descriptif décrit adéquatement l’invention pour une personne versée dans l’art, même si dans le cas de brevets de nature hautement technique et scientifique, cette personne peut être quelqu’un qui possède un niveau élevé de connaissances scientifiques spécialisées et d’expertise dans le domaine spécifique des sciences dont relève le brevet. On pourrait ajouter que l’intimée n’a présenté aucun élément de preuve sur les points à l’égard desquels les mémoires descriptifs des deux brevets contestés pourraient être jugés insuffisants par un ouvrier moyennement versé dans l’art.

 

            Avec tous égards, je suis d’avis que la Cour d’appel fédérale a aussi commis une erreur en jugeant que le par. 36(1) exige une indication distincte de l’utilité réelle de l’invention en cause. Il y a un exposé utile dans Halsbury’s Laws of England, (3e éd.), vol. 29, à la p. 59 sur le sens de « inutile » en droit des brevets. Le terme signifie [traduction] « que l’invention ne fonctionnera pas, dans le sens qu’elle ne produira rien du tout ou, dans un sens plus général, qu’elle ne fera pas ce que le mémoire descriptif prédit qu’elle fera ». On n’a pas prétendu que l’invention ne produirait pas les résultats promis. L’exposé dans Halsbury’s Laws of England (ibid.) poursuit:

 

[traduction]

 

[...] ce pas l’utilité pratique de l’invention ni son utilité commerciale qui importe à moins que le mémoire descriptif ne laisse prévoir une utilité commerciale, il n’importe pas non plus que l’invention apporte un avantage réel au public ni qu’elle soit particulièrement adaptée au but visé. [Les notes en bas de pages ont été omises.]

 

et il conclut :

 

[...] Il y a suffisamment d’utilité pour justifier un brevet si l’invention donne soit un objet nouveau ou meilleur ou moins dispendieux ou si elle accorde au public un choix utile. [Les notes en bas de pages ont été omises.]

 

Le droit canadien est au même effet. Dans l’arrêt Rodi & Wienenberger A.G. v. Metalliflex Limited (confirmé en cette Cour [1961] R.C.S. 117), la Cour d’appel du Québec a, à la p. 53, suivi la décision Unifloc Reagents, Ld. v. Newstead Colliery, Ld.[12], dont elle cite l’extrait suivant, à la p. 184 :

 

[traduction]

 

Si, quand on l’utilise conformément aux instructions données dans le mémoire descriptif, l’invention produit les résultats promis, elle est utile au sens où ce terme est employé dans le droit des brevets. La question à se demander est celle de savoir si l’on fait ou réalise ce que le mémoire descriptif dit de faire, on peut faire ou réaliser ce que le mémoire descriptif dit qu’on peut faire ou réaliser.

 

 

[92]           L’utilité n’est pas établie sur la foi d’une simple hypothèse, d’une idée non démontrée ou d’une pure conjecture, même si elle est établie plus tard, mais elle peut se fonder sur une prédiction valable. Dans l’arrêt AZT, précité, la notion de prédiction valable a été exposée dans le passage suivant, aux paragraphes 70 et 71 :

70        La règle de la prédiction valable comporte trois éléments. Premièrement, comme c’est le cas en l’espèce, la prédiction doit avoir un fondement factuel. Dans les arrêts Monsanto et Burton Parsons, les composés testés constituaient le fondement factuel, mais d’autres faits peuvent suffire selon la nature de l’invention. Deuxièmement, à la date de la demande de brevet, l’inventeur doit avoir un raisonnement clair et « valable » qui permette d’inférer du fondement factuel le résultat souhaité. Dans les arrêts Monsanto et Burton Parsons, le raisonnement reposait sur la connaissance de l’« architecture des composés chimiques » (Monsanto, p. 1119), mais là encore, d’autres raisonnements peuvent être légitimes selon l’objet de l’invention. Troisièmement, il doit y avoir divulgation suffisante. Normalement, la divulgation est suffisante si le mémoire descriptif explique d’une manière complète, claire et exacte la nature de l’invention et la façon de la mettre en pratique : H. G. Fox, The Canadian Law and Practice Relating to Letters Patent for Inventions (4e éd. 1969), p. 167. En général, il n’est pas nécessaire que l’inventeur fournisse une explication théorique de la raison pour laquelle l’invention fonctionne. Le lecteur pragmatique est uniquement intéressé de savoir que l’invention fonctionne et comment la mettre en pratique. Dans ce type d’affaire, toutefois, la prédiction valable est, jusqu’à un certain point, la contrepartie que le demandeur offre pour le monopole conféré par le brevet. Il n’y a pas lieu en l’espèce de se prononcer sur la divulgation particulière requise à ce sujet, parce que les faits sous‑jacents (les données résultant des tests) et le raisonnement (l’effet bloquant sur l’élongation de la chaîne) étaient effectivement divulgués et que cette divulgation n’est pas devenue un sujet de controverse entre les parties. En conséquence, je ne m’y attarderai pas davantage.

 

71        Il vaut la peine de répéter que la question de savoir si la prédiction est valable est une question de fait. Il faut présenter, comme on l’a fait en l’espèce, une preuve de ce qui était connu ou inconnu à la date de priorité. Tout dépendra, dans chaque cas, des particularités de la discipline en cause. En l’espèce, les conclusions de fait nécessaires à l’application de la règle de la « prédiction valable » ont été tirées et j’estime que les appelantes n’ont pas démontré l’existence d’une erreur dominante ou manifeste.

 

[93]           Lilly soutient qu’elle n’a qu’à démontrer la « moindre parcelle d’utilité » de l’atomoxétine. Si cela veut seulement dire qu’il faut montrer que l’atomoxétine est un tant soit peu utile pour le traitement du THADA, j’accepte l’argument de Lilly. Cependant, l’utilité doit être appréciée en fonction de la promesse inventive du brevet : voir Lilly c. Novopharm, 2010 CAF 197, [2010] A.C.F. no 951 (QL), paragraphe 76. Une invention n’est utile que si elle fait ce que l’inventeur revendique qu’elle fera. En l’espèce, le critère de l’utilité serait respecté si, à la date de dépôt au Canada du brevet 735, la preuve révélait que l’atomoxétine était efficace pour le traitement d’un certain nombre de patients atteints du THADA ou, de façon subsidiaire, si une telle efficacité pourrait faire l’objet d’une prédiction valable. Après tout, c’est ce que promettait le brevet 735 – un traitement efficace du THADA – et il s’agit du critère que Lilly devait respecter pour obtenir le monopole qu’elle demandait. Cependant, la preuve d’utilité dans ce contexte ne correspond pas à la preuve devant être présentée pour obtenir l’approbation réglementaire : voir AZT, précité, paragraphe 77.

 

L’utilité – la preuve

[94]           Même s’il n’est aucunement question de l’étude du MGH dans le brevet 735, Lilly l’invoque pour démontrer l’utilité de l’atomoxétine dans le traitement du THADA au moment du dépôt au Canada du brevet 735, soit le 4 janvier 1996. Novopharm affirme que l’étude du MGH n’établit pas l’utilité de l’atomoxétine; Novopharm affirme que cette étude aurait pu au mieux constituer le fondement d’une prédiction valable d’utilité s’il cela avait été divulgué dans le brevet. Il va sans dire que M. Virani pour le compte de Novopharm et que M. McGough pour le compte de Lilly se sont longuement attardés sur ce point de désaccord.

 

[95]           M. Virani était d’avis que les résultats de l’étude du MGH étaient intéressants et prometteurs, mais pas suffisamment probants pour établir l’efficacité clinique. M. McGough n’était pas d’accord et a affirmé, tout simplement, que les résultats de l’étude du MGH révélaient que l’atomoxétine était efficace pour le traitement d’un certain nombre de patients atteints du THADA.

 

[96]           Les résultats de l’étude du MGH ont été présentés par M. Spencer et ses collègues en mai 1998 dans l’American Journal of Psychiatry, dans un article intitulé « Effectiveness and Tolerability of Tomoxetine [atomoxetine] in Adults With Attention Deficit Hyperactivity Disorder[13] ». Dans cet article, l’étude du MGH a été décrite comme une étude croisée randomisée, à double insu et contrôlée par placebo, réalisée auprès d’adultes atteints d’un THADA apparu dans l’enfance et persistant. Cette étude avait pour objet de vérifier l’hypothèse selon laquelle l’efficacité de l’atomoxétine serait supérieure à celle d’un placebo dans ce groupe de patients. À l’origine, un groupe de 22 patients âgés de 19 à 60 ans, comprenant un nombre égal d’hommes et de femmes, a été évalué. Un patient a par la suite quitté l’étude parce qu’il éprouvait des symptômes d’anxiété et d’irritabilité[14]. Les patients ont reçu de l’atomoxétine pendant trois semaines, ils ont cessé de prendre le médicament pendant une semaine, puis ont reçu un placebo pendant trois semaines.

 

[97]           Le processus visant à évaluer l’efficacité de l’atomoxétine comprenait en partie des entrevues avec les patients portant sur l’évaluation de plusieurs critères du THADA au moyen d’une échelle allant de zéro (aucun symptôme) à trois (symptômes sévères). Ces scores étaient ensuite comparés aux scores initiaux pour repérer tout changement. Dans le cas de l’étude du MGH, sur les 21 patients évalués, onze ont observé une diminution des symptômes du THADA de l’ordre de 30 % et plus comparativement à deux patients traités par placebo qui ont signalé des résultats similaires.

 

[98]           Les auteurs de l’étude du MGH ont signalé les résultats suivants :

[traduction]

 

Les doses moyennes de tomoxétine et de placebo administrées à la semaine 3 étaient de 76 mg/jour et de 78 mg/jour, respectivement. Les analyses des paramètres ont révélé que la tomoxétine avait entraîné une diminution significative des symptômes du THADA (score moyen à l’échelle d’évaluation du THADA au début de l’étude = 30, écart-type = 6,7 versus score moyen après 3 semaines de traitement par la tomoxétine = 21,5, écart-type = 10,1) (t = 3,96, dl = 20, p = 0,001, test t apparié), contrairement au placebo (score moyen à l’échelle d’évaluation du THADA au début de l’étude = 29,4, écart-type = 6,3 versus score moyen après 3 semaines de traitement par placebo = 29,7, écart‑type = 8,8) (t = 0,25, dl = 20, n.s.). L’analyse des effets aléatoires a révélé que la réponse à la tomoxétine avait atteint le niveau de signification statistique à la deuxième semaine du traitement et qu’on observait d’autres améliorations à la semaine 3 (figure 1). On a observé une interaction médicament‑temps très significative pour les symptômes du THADA (z = 3,8, N = 21, p < 0,001), mais pas d’effets principaux significatifs du médicament (tomoxétine ou placebo) ou du temps (au début de l’étude et aux semaines 1, 2 et 3). L’analyse des effets d’ordre n’a révélé aucun effet d’ordre significatif (tomoxétine en premier versus placebo en premier) (z = 1,6, N = 21, n.s.) ni d’interactions significatives entre l’ordre et la semaine (z = 0,6, N = 21, n.s.) ni entre l’ordre et le médicament (= 1,9, N = 21, n.s.).

 

La supériorité de la tomoxétine par rapport au placebo en ce qui a trait à l’atténuation des symptômes du THADA était suffisamment importante pour être détectable dans une comparaison des groupes parallèles qui utilisait des données se limitant aux trois premières semaines du protocole (z = 3,2, N = 21, p < 0,01).

 

En utilisant une définition préétablie d’une diminution des symptômes égale ou supérieure à 30 %, nous avons constaté que sur 21 patients, 11 avaient présenté une atténuation des symptômes du THADA lorsqu’ils recevaient de la tomoxétine, comparativement à deux patients seulement qui recevaient le placebo (χ2 = 7,4, dl = 1, < 0,01, test de McNemar). La tomoxétine, mais non le placebo, était associée à une atténuation cliniquement et statistiquement significative de chacun des symptômes du THADA. Les effets les plus notables ont été observés sur les symptômes de l’inattention. Nous n’avons constaté aucune association marquée entre l’amélioration des symptômes du THADA et le sexe, le statut socioéconomique ou les antécédents familiaux de trouble psychiatrique. Toutefois, on a observé une tendance en faveur de pourcentages supérieurs d’amélioration chez des patients atteints de THADA n’ayant pas de troubles concomitants. L’examen des effets de la tomoxétine sur les mesures de la dépression et de l’anxiété n’a révélé aucun changement important au fil du temps à cet égard (p. 694).

 

 

Les auteurs ont ensuite discuté de la signification de leurs résultats dans le passage suivant :

[traduction]

 

Lors d’un essai croisé, à double insu, contrôlé par placebo et composé de 22 adultes atteints de THADA, le traitement par la tomoxétine administrée par voie orale à une dose moyenne de 76 mg/jour a été bien toléré et efficace. Même s’il s’agissait d’une étude croisée, la diminution des symptômes du THADA était suffisamment importante pour être détectable dans une comparaison de groupes parallèles durant les trois premières semaines du protocole (z = 3,2, N = 21, p < 0,0l). Ces résultats confirment l’hypothèse à l’étude et semblent indiquer que la tomoxétine pourrait être utile dans le traitement du THADA.

 

L’ampleur de la réponse au traitement par la tomoxétine (11 [52 %] patients sur 2l) s’approche du taux d’amélioration moyen signalé dans des études antérieures sur le méthylphénidate chez des adultes atteints de THADA (54 %); elle est quelque peu inférieure au taux de réponse observé dans nos essais précédents sur le méthylphénidate (3) et la désipramine (4), essais semblables sur le plan méthodologique. Même si ce résultat semble indiquer que la tomoxétine pourrait avoir un effet moindre dans le traitement du THADA que d’autres composés, il vaut la peine de souligner que nous avions observé un taux de réponse modeste semblable de 58 % dans notre essai antérieur contrôlé sur la désipramine à la fin de la semaine 2. Ce résultat pourrait laisser croire que les trois semaines de traitement par la tomoxétine de la présente étude auraient été insuffisantes pour observer complètement les effets cliniques.

 

Malgré le fait que de nombreux patients de notre groupe d’étude étaient atteints de troubles psychiatriques concomitants, l’absence d’associations importantes entre le traitement par la tomoxétine et la comorbidité psychiatrique semble indiquer que la réponse à la tomoxétine était spécifique au THADA. De plus, l’amélioration des scores du test d’interférence couleur-mot de Stroop laissent croire que le traitement par la tomoxétine pourrait améliorer le pouvoir inhibitoire.

 

Même si le recours à une étude croisée et l’exposition relativement brève au médicament ne représentaient pas une situation idéale, les résultats étaient suffisamment importants pour être détectables dans une comparaison de groupes parallèles. Néanmoins, ces résultats devraient être confirmés dans une étude plus vaste à groupes parallèles.

 

Malgré ses limites, cette étude a montré que la tomoxétine avait atténué les symptômes du THADA de façon significative sur les plans clinique et statistique et qu’elle était bien tolérée. Bien qu’ils soient préliminaires, ces premiers résultats prometteurs permettent d’étayer d’autres études sur la tomoxétine dans le traitement du THADA (p. 695).

 

 

[99]           Les principales réserves de M. Virani au sujet de l’exhaustivité de l’étude du MGH concernaient la taille et l’uniformité de l’échantillon de patients, la randomisation de l’échantillon et la procédure d’insu, la durée de l’essai, l’absence d’un témoin actif et la possibilité d’un biais lié à la conception de l’étude. Ses réserves ne se voulaient pas une critique de l’étude sur le MGH, mais visaient plutôt à exposer les limites inhérentes qui existent, dans une certaine mesure, dans beaucoup d’essais cliniques et en particulier dans de petites études pilotes, comme celle-ci.

 

[100]       Même si M. Virani a reconnu que les données présentées dans l’étude du MGH étaient encourageantes, celles-ci demeurent, à son avis, préliminaires et insuffisantes pour tirer une conclusion définitive sur l’efficacité de l’atomoxétine. Il a établi un parallèle avec les essais réalisés sur l’atomoxétine comme antidépresseur potentiel et fait remarquer que les premiers résultats étaient également prometteurs, mais qu’ils se sont avérés erronés par la suite. Une de ces premières études était elle aussi à double insu et considérablement plus vaste que l’étude du MGH. Selon M. Virani, l’incapacité de reproduire les résultats des premières études pilotes n’est pas rare dans le domaine de la recherche pharmaceutique, en particulier dans le cas des composés du système nerveux central où la réponse au placebo peut être assez élevée.

 

[101]       M. Virani a mentionné que ses réserves quant à la suffisance de l’étude MGH pour établir l’efficacité clinique de l’atomoxétine reflétaient les termes employés par les auteurs de l’étude, à savoir que leurs [traduction] « résultats devraient être confirmés dans une étude plus vaste à groupes parallèles ». Le rapport confirmait également que les résultats étaient « préliminaires » et « prometteurs » et que l’essai présentait des « limites ». En outre, M. Virani a fait remarquer qu’il manquait, dans cette publication, les réserves exprimées avec encore plus de vigueur dans les ébauches antérieures[15], notamment :

[traduction]

 

[…] Par conséquent, avant qu’on ne puisse tirer des conclusions définitives sur le rôle de la tomoxétine dans le traitement du THADA, il faudra obtenir plus d’information fondée sur une étude plus longue pour établir l’efficacité complète de la tomoxétine dans le traitement du THADA (p. 11).

 

[…]

 

Les résultats de cette étude devraient être interprétés à la lumière des lacunes sur le plan méthodologique, à savoir l’utilisation d’une étude croisée, une exposition relativement brève au médicament et des restrictions posologiques. Comme une étude antérieure sur un antidépresseur noradrénergique a révélé que toute l’étendue de l’action anti-THADA n’apparaissait pas avant au moins 6 semaines, il est possible que nos résultats sous-estiment l’efficacité du traitement par la tomoxétine sur une longue période. De plus, les effets rémanents du médicament peuvent produire des facteurs de confusion non voulus dans une étude croisée. Même si les effets d’ordre n’ont pas atteint la signification statistique dans l’étude actuelle, un plan parallèle serait optimal. Néanmoins, la diminution des symptômes du THADA était suffisamment importante pour être détectable dans une comparaison de groupes parallèles. Enfin, même si la tomoxétine a été bien tolérée à une dose de 80 mg, on ignore s’il s’agit de la dose optimale pour assurer une efficacité anti‑THADA. Des études ouvertes dose-réponse visant à déterminer la dose optimale de la tomoxétine pour traiter ce trouble permettraient d’orienter d’autres essais contrôlés ultérieurs.

 

Malgré ses limites, cette étude a montré que la tomoxétine avait significativement amélioré les symptômes du THADA et qu’elle était bien tolérée. Bien qu’ils soient préliminaires, ces premiers résultats prometteurs incitent à réaliser d’autres études sur la tomoxétine dans le traitement du THADA, qui utiliseraient un large éventail de doses administrées pendant une longue période de traitement (p. 12-13).

 

[Renvois omis.]

 

[102]       J’accepte le témoignage de M. Virani selon lequel une des limites inhérentes à la conception croisée de cette étude, en particulier avec un petit échantillon de patients, est le risque que certains patients aient été capables de lever l’insu en éprouvant les effets secondaires de l’atomoxétine. Si même un petit nombre de patients dans un groupe de cette taille peuvent savoir quand ils reçoivent les composés actifs par rapport au placebo, les résultats obtenus sont facilement compromis. C’est ce qui explique peut-être la préoccupation de M. Virani concernant la réponse au placebo signalée, qui était inférieure à ce qui était attendu. Il a expliqué ce problème lors de son témoignage direct :

[traduction]

 

Donc, lorsqu’il arrive des choses comme celles-ci et que, par exemple, des effets secondaires sont possibles et surviennent, je commence à me demander à quel point l’insu est bien maintenu. Et alors, je suis conscient qu’il existe d’autres essais où l’on utilise une évaluation subjective comme mesure, et que lorsqu’on utilise des évaluations subjectives et qu’on ne peut être certain que l’insu est maintenu, il y a un problème.

 

Et, à mon avis, c’est ce dont je parle surtout dans ce paragraphe (page 1 048).

 

[…]

 

Je crois l’avoir dit plus tôt, mais si j’avais l’impression, et je convient qu’il s’agit plus ou moins d’une supposition, et il se peut que tout cela soit fait inconsciemment[…], si j’avais une idée du traitement auquel est soumis un sujet, et que je doive encercler le chiffre 1 ou 2 sur l’échelle d’évaluation du THADA, je serais peut‑être porté à encercler le chiffre 1 ou 2 en fonction de ce que je crois que le sujet reçoit comme médicament. Ou encore que le sujet lui-même, s’il a l’impression de prendre un médicament ou non d’après les effets secondaires ressentis, se dise « vous savez, je me sens en fait un peu mieux ».

 

Cette réponse peut avoir une incidence sur le score. De plus, dans un essai croisé, ce qui est un des inconvénients de l’essai croisé parce que les patients sont exposés à la fois au médicament et au placebo, contrairement à un essai à groupes parallèles, parce qu’ils sont exposés aux deux, les patients savent comment ils ont répondu à l’autre traitement. Ils savent donc que telle substance était un peu plus inoffensive ou que telle autre l’était un peu moins. Par conséquent, au moment de la phase 2 de l’étude, la probabilité que l’insu soit levé est un peu plus élevée (pages 1 048 et 1049).

 

 

[103]       Je ne doute pas non plus que les réserves exprimées de façon plus exhaustive par les auteurs de l’étude du MGH dans leur premier rapport provisoire reflètent plus fidèlement leur point de vue sur la conception de l’étude et les données en découlant que leur version de l’étude publiée ultérieurement.

 

[104]       M. Heiligenstein a également reconnu que l’étude du MGH [traduction] « comportait quelques limites en raison de la durée de l’étude, de la dose disponible pour l’étude et d’autres facteurs ». Il ressort de son témoignage que cette étude a été menée avec un nombre de patients recrutés moindre que prévu et pendant une durée relativement plus brève parce que les stocks d’atomoxétine fournis par Lilly étaient sur le point d’être périmés. Bien que l’avocat de Lilly ait pris la peine de contester le terme choisi par M. Virani, qui a qualifié l’étude du MGH d’étude « pilote », c’est la description exacte qu’en a faite M. Heiligenstein durant son interrogatoire. Même si M. Heiligenstein n’avait apparemment joué aucun rôle direct dans la conduite de l’étude du MGH, il était probablement l’un des employés de Lilly les mieux placés pour évaluer sa valeur scientifique et ses aveux assez honnêtes sont, par conséquent, particulièrement révélateurs.

 

[105]       M. David Michelson et ses collègues ont exprimé les mêmes réserves au cours de l’étude ultérieure de Lilly sur l’atomoxétine pour traiter le THADA[16]. Les auteurs, dont M. Spencer, ont dit que les données de l’étude du MGH étaient « préliminaires » et que l’efficacité chez les adultes n’était que supposée. Il a également fait référence à des essais antérieurs sur l’atomoxétine comme suit :

[traduction]

 

Cette étude ne visait pas à évaluer l’efficacité de l’atomoxétine par rapport à d’autres composés utilisés pour traiter le THADA chez les adultes; elle ne comprenait donc aucun agent de comparaison actif. Chez les enfants, l’efficacité de l’atomoxétine par rapport aux stimulants n’a pas été établie, bien que des études préliminaires semblent indiquer que l’ampleur de la réponse se situe dans un intervalle comparable (Kratochvil et al., 2002). Il est difficile d’interpréter les comparaisons entre les données présentées ici et celles des études antérieures sur le THADA chez les adultes en raison de la petite taille de l’échantillon et des lacunes sur le plan méthodologique. Pour compliquer davantage les choses, nos études étaient multicentriques et elles intégraient des éléments de conception visant à réduire les effets non spécifiques, notamment des évaluateurs de l’efficacité en aveugle, des évaluateurs de l’innocuité et de l’efficacité (distinctes) et des périodes de préinclusion avec administration de placebo à double insu. Ces éléments ont probablement réduit les taux de réponse observé dans les deux groupes de traitement et n’ont pas été utilisés dans d’autres études sur le THADA chez les adultes.

 

 

M. McGough a rejeté allègrement ces observations, soutenant qu’il s’agissait de vantardises. Il a également déclaré que l’étude de M. Michelson avait été réalisée à des fins d’approbation réglementaire; même si c’était le cas, il ne servirait à rien de minimiser l’importance des travaux de recherche antérieurs réalisés par Lilly sur l’atomoxétine. J’accepte d’emblée les réserves énoncées sur la valeur limitée de l’étude du MGH, telles qu’elles sont présentées dans un rapport de recherche commandité par Lilly. Par contre, je rejette les tentatives de M. McGough de rationaliser les propos utilisés par les auteurs de cette étude et utilisés ultérieurement par M. Michelson et, surtout, je rejette le témoignage de M. McGough selon lequel ces expressions étaient probablement motivées par un désir d’attirer du financement supplémentaire pour la recherche.

 

[106]       En comparaison avec le témoignage de M. Virani, celui de M. McGough concernant la valeur de l’étude du MGH en ce qui a trait à la méthodologie était loin d’être convaincant. En particulier, il a essayé de trouver une contradiction entre les opinions de M. Kutcher et de M. Riddle quant à l’évidence et la critique formulée par le M. Virani – à savoir que l’étude du MGH n’établissait pas l’utilité – mais ce n’était pas convaincant. La question de savoir si l’étude du MGH ne constituait que la confirmation d’une évidence importe peu, l’opinion de M. Virani quant aux forces et aux lacunes de cette étude ne peut pas être rejetée sur ce fondement.

 

[107]       M. McGough, lorsqu’il a formulé son opinion sur l’importance de l’étude du MGH, n’a, dans les faits, aucunement fait état des réserves exprimées par les auteurs de l’étude quant à ses lacunes sur le plan de la méthodologie. Il a aussi écarté la courte durée de l’étude clinique en concluant simplement dans son rapport que [traduction] « puisque des effets positifs ont été démontrés en seulement trois semaines, la durée du traitement ne constitue pas une critique pertinente des résultats de l’étude ». Il s’agissait d’une réponse simpliste à un enjeu qui était considérablement plus nuancé et qui, à la lumière du témoignage du M. Virani, exigeait une réponse plus élaborée.

 

[108]       Je n’accepte pas non plus l’importance exagérée que M. McGough accorde à la valeur p obtenue par les chercheurs du MGH comme mesure de signification statistique en réponse aux préoccupations exprimées par M. Virani relativement au petit échantillon de patients. D’après celui‑ci, la valeur p indique la probabilité que l’observation expérimentale d’une différence soit le fruit du hasard. Elle n’exclut pas la possibilité que l’observation résulte d’un facteur autre que le hasard, et n’écarte donc pas l’influence d’une quelconque variable non contrôlée[17] ou d’une limite dans la conception de l’essai. Autrement dit, ce n’est pas une réponse adéquate aux nombreuses préoccupations exprimées par M. Virani concernant la conception de l’étude du MGH, notamment ayant trait à la taille de l’échantillon, à la possibilité que l’insu ait été imparfait pour les patients et à la durée de l’étude. C’est qui est également ressorti du témoignage de M. Riddle, qui a déclaré que [traduction] « nous devons être très prudents et ne pas nous fier uniquement à la valeur p » parce que sa signification dépend du contexte méthodologique de chaque expérience : voir page 1 509.

 

[109]       Nulle part ailleurs la limite de la valeur p n’a été plus évidente que dans l’un des premiers essais de recherche de Lilly sur l’atomoxétine comme antidépresseur. L’étude HFAB était une étude multicentrique, randomisée, à double insu et à groupe parallèles, composée de 243 patients traités par l’atomoxétine pendant six semaines. La valeur p obtenue indiquait que les résultats positifs à la suite de l’expérience étaient statistiquement significatifs. Néanmoins, ces résultats n’ont jamais été reproduits, et Lilly a finalement restreint la mise au point de l’atomoxétine à un médicament antidépresseur.

 

[110]       Lors de son contre-interrogatoire, M. McGough a donné une autre réponse troublante concernant l’effet desdites limites de l’étude du MGH sur les résultats pour les patients. Il semblait d’avis que les limites de conception reconnues ne feraient qu’atténuer les résultats concernant l’efficacité, sans jamais les accroître. C’est ce qui ressort des propos suivants :

            [traduction]

 

Q.        Et cela suggère que dans le contexte ici, que la nécessité de confirmer, et il s’agit de premiers résultats prometteurs, la nécessité de faire quelque chose pour établir que cela, en fait, est en train de se produire?

 

R.         Eh bien, ce qu’ils disent, c’est que l’étude a révélé que le médicament avait contribué à l’atténuation clinique des symptômes du THADA et qu’il avait été bien toléré. C’est que révèle cette étude.

 

Q.        Dans une étude comportant des limites?

 

R.         Mais les limites introduiraient un biais à l’encontre d’un effet important. Ils disent donc que, encore une fois, [traduction] « malgré les limites, nous avons des résultats solides montrant que le médicament est efficace pour atténuer les symptômes du THADA et ces résultats étayent d’autres études » (page 2 564).

 

 

Cet énoncé extraordinaire est tout simplement faux. Je retiens le témoignage de M. Virani plutôt que celui de M. McGough selon lequel les limites de l’essai clinique peuvent tout aussi bien avoir abouti à des conclusions injustifiées d’efficacité accrue. Cela serait particulièrement vrai si un petit nombre de patients ayant participé à l’étude du MGH avait pu faire la distinction entre l’atomoxétine et le placebo après avoir ressenti les effets secondaires assez courants de l’atomoxétine[18]. M. McGough a tenté de minimiser ce problème en précisant qu’il était plus théorique que réel et en déclarant que [traduction] « nous avons tendance à croire que l’insu est efficace » (p. 2 589). Il a également soutenu que dans la recherche sur le THADA, les patients traités par placebo signalaient souvent les mêmes effets secondaires que ceux observés lors du traitement par le composé actif (p. 2 590). Une fois de plus, je retiens le témoignage de M. Virani plutôt que celui de M. McGough sur ce point. Je ne crois pas que, avec un petit essai clinique croisé, composé de 21 (ou peut-être 19) patients et dans lequel une grande importance est accordée aux réactions du patient à l’égard du traitement, l’inquiétude concernant l’insu puisse être si rapidement dissipée.

 

[111]       La volonté de M. McGough d’extrapoler l’utilité de l’atomoxétine à partir d’un traitement de trois semaines administré dans le cadre d’un essai clinique est également incompatible avec la publication issue de sa collaboration de recherche ultérieure avec M. Biederman et d’autres collègues portant sur le médicament anti-THADA « prometteur », le dimésylate de lisdexamfétamine[19]. Ce rapport indiquait ce qui suit :

[traduction]

 

Les résultats présentés doivent être interprétés à la lumière de certaines lacunes sur le plan méthodologique. La durée de cette étude, soit quatre semaines, restreint l’extrapolation des résultats sur l’efficacité et la tolérabilité au traitement à long terme qui est généralement requis dans le traitement des symptômes du THADA.

 

 

[112]       M. McGough semblait également assimiler la démonstration de l’utilité à la présence de résultats expérimentaux positifs et non à l’utilité dans un contexte clinique. Cela était particulièrement évident d’après les réponses qu’il a données en contre-interrogatoire au sujet de l’utilité d’un médicament qui ne faisait qu’atténuer à court terme les symptômes du THADA. Cette position a été apparemment adoptée pour détourner l’attention de l’argument de M. Virani selon lequel le fait d’exposer 21 adultes à un traitement par l’atomoxétine pendant trois semaines ne suffisait pas à prouver l’efficacité clinique de l’atomoxétine chez les enfants, sans parler des enfants et des adolescents. Voici le témoignage de M. McGough :

Q.        Voici ce que je voulais savoir : savez‑vous si le médicament ne fonctionne qu’à court terme?

 

LA COUR : Pour chaque patient qui l’essaie ou pour

 

M. STAINSBY : Pour chaque patient.

 

LA COUR : Bien.

 

M. STAINSBY :

 

Q.        Vous ne diriez pas que ce traitement est efficace parce que vous voulez que le médicament fasse effet à long terme?

 

A.        Si j’avais fait – Je tiens à répéter que si vous estimez que je ne réponds pas à votre question, arrêtez-moi, parce que je veux y répondre. Mais si j’avais mené une étude pour voir si un médicament faisait effet, et que cette étude révélait que c’est le cas et que mon hypothèse était corroborée, alors je conclurais que le médicament fait effet sur le fondement de cette étude.

 

Quant à savoir si le médicament fonctionnera demain, c’est une tout autre question.

 

Q.        Je vous soumets que cette autre question, comme vous la qualifier, est très importante dans le contexte du traitement d’une maladie chronique.

 

A.        Dans un contexte clinique.

 

Q.        Oui. Bien, c’est pour ça que vous utilisez le médicament, pas vrai? C’est pour cette raison que les médicaments sont créés afin qu’ils soient utilisés dans un contexte clinique. Vous ne les créez pas pour les mettre sur les tablettes. Vous les créez pour les donner aux patients, pas vrai?

 

A.        Bien, je vous réponds que, en ce qui concerne les décisions prises à cet égard, vous savez, il peut y avoir des normes différentes selon qu’il s’agisse d’un brevet ou du traitement que je donnerai à une personne. C’est pourquoi j’hésite. Je ne saisis pas le contexte dont vous parlez.

 

Q.        Il n’est pas question de brevet. La question visait les médicaments contre le THADA.

 

A.        Dans le contexte d’un traitement clinique?

 

Q.        Oui. Tiendriez­vous pour acquis qu’un médicament fait effet dans un contexte clinique si vous saviez qu’il pouvait être utilisé à long terme?

 

A.        Si je savais qu’un médicament ferait effet demain, mais plus jamais par la suite, alors ne je n’estimerais pas qu’il s’agit d’un bon médicament. (pages 2293 à 2295)

 

 

Je rejette l’argument selon lequel l’utilité en l’espèce devrait être mesurée suivant une norme hypothétique ou théorique qui est moins contraignante que la promesse inventive du brevet. Le THADA est un trouble chronique nécessitant un traitement prolongé. Ce n’est que lorsque les résultats expérimentaux sont suffisamment convaincants pour appuyer la promesse inventive (ou pour appuyer une prédiction valable) de manière indépendante que l’utilité peut être établie. Dans le cas du brevet 735, les inventeurs ont revendiqué un nouvel usage pour l’atomoxétine concernant le traitement efficace des personnes atteintes de THADA. Ce qui est implicite dans la promesse c’est que l’atomoxétine sera efficace à long terme. Si l’étude du MGH ne permettait pas de démontrer l’utilité clinique de l’atomoxétine pour traiter le THADA, le simple fait que quelques données expérimentales positives aient été découvertes ne serait pas suffisant. M. Creber soutient à juste titre que l’utilité ne veut pas dire utilité commerciale, et je suis d’accord avec lui pour affirmer qu’il n’est pas nécessaire d’établir que l’atomoxétine fait effet chez tous les patients. Par contre, je ne suis pas d’accord avec lui lorsqu’il soutient que, si une seule étude portant sur un seul patient révélait des bienfaits cliniques, il s’agirait d’une « moindre parcelle d’utilité » qui suffirait du coup à établir l’utilité. Je ne souscris pas non plus à l’allégation selon laquelle il convient, en droit, d’assimiler la preuve d’antériorité à la preuve nécessaire pour établir l’utilité. La preuve de l’utilité doit être suffisante pour appuyer la promesse que l’atomoxétine permet de traiter le THADA chez certains patients.

 

[113]       Si certaines préoccupations soulevées par M. Virani concernant l’étude du MGH relèvent de la conjecture (p. ex. si le test à l’insu a été compromis par les chercheurs ou si l’échantillon a été correctement randomisé), d’autres reposent sur des bases plus solides. Dans l’ensemble, j’accepte son témoignage sur les limites de l’étude du MGH, et je conclus que les résultats publiés ne prouvent pas l’utilité clinique de l’atomoxétine pour traiter le THADA chez les adultes, sans parler des enfants et des adolescents. Il s’agissait d’un essai clinique de trop petite taille et de durée trop brève pour fournir autre chose que des données intéressantes, mais non concluantes. Avec un échantillon de patient aussi petit et uniforme, une exposition à l’atomoxétine de seulement trois semaines et une certaine subjectivité dans les essais, il faut conclure, comme l’ont dit les chercheurs eux-mêmes, que l’étude comportait des « limites » et que les résultats étaient prometteurs, mais seulement préliminaires. Dans certains cas, une première étude de ce genre pourrait servir de point de départ à une prédiction valable de l’utilité mais, comme je l’ai déjà expliqué, le brevet serait alors requis pour illustrer le fondement de la prédiction de sorte que le lecteur versé dans l’art puisse évaluer de façon indépendante la promesse d’utilité.

 

Utilité – Prédiction valable et divulgation

[114]       L’argument fondamental de Lilly à l’égard de l’utilité est que les résultats de l’étude du MGH étaient suffisamment probants pour établir l’utilité. Cependant, Lilly n’a pas abandonné l’allégation subsidiaire selon laquelle une prédiction valable d’utilité pourrait aussi être faite sur le fondement de la force de l’étude du MGH et de ce qu’était généralement connu ou supposé au sujet des IRN et du THADA.

 

[115]       En ce qui concerne la question de la prédiction valable, Lilly présente un argument tiré par les cheveux selon lequel la mention dans le brevet 735 suivant laquelle l’atomoxétine est utile dans le traitement du THADA constitue une divulgation suffisante parce [traduction] « [qu’]en affirmant que le composé fait effet, le breveté révèle aussi au reste du monde pourquoi le composé fait effet ». Lilly soutient aussi que les précédents sont divisés quant à la divulgation nécessaire pour établir l’utilité que ce soit au moyen d’une prédiction valable ou d’une démonstration.

 

[116]       À mon avis, il ne fait aucun doute qu’au Canada, si un breveté allègue que l’utilité de son invention a été démontrée, il n’a pas besoin de présenter une preuve corroborante à cet égard dans le brevet. Dans une telle situation, le paragraphe 27(3) de la Loi sur les brevets, L.R.C. 1985, ch. P­4, exige seulement une description complète de l’invention et de la façon comment l’utiliser : voir Consolboard c. MacMillam Bloedel, [1981] 1 R.C.S. 504, page 526, 56 C.P.R. (2d) 145, Pfizer Canada Inc. c. Canada (Ministre de la Santé), 2008 CAF 108, paragraphes 57 à 62, 67 C.P.R. (4th) 23, Apotex Inc. c. Wellcome Foundation Ltd., 2002 CSC 77, 21 C.P.R. (4th) 499, paragraphe 70.

 

[117]       Il ne fait également aucun doute qu’il existe une obligation de divulgation plus rigoureuse dans une affaire où l’on revendique une prédiction valable d’utilité. Selon le juge Binnie dans l’arrêt AZT, précité, cette obligation est respectée par la divulgation dans le brevet tant des données factuelles sur laquelle la prédiction est fondée que du raisonnement qui a mené à la prédiction. Cette exigence de divulguer le fondement de la prédiction dans le mémoire descriptif du brevet est, « jusqu’à un certain point, la contrepartie » que le breveté offre pour le monopole conféré par le brevet : voir paragraphe 70.

 

[118]       Le raisonnement qui précède a été appliqué par le juge Roger Hughes dans la décision Eli Lilly Canada Inc. c. Apotex Inc., 2008 CF 142, 63 C.P.R. (4th) 406, dans laquelle, comme en l’espèce, le fondement factuel de la prédiction d’utilité ne se trouvait pas dans le brevet. Le juge Hughes s’est penché sur plusieurs prétentions en lien avec la divulgation – lesquelles ont de nouveau été soulevées par Lilly en l’espèce – et il les a toutes rejetées dans les paragraphes qui suivent :

[163]    Cependant le troisième critère est celui de la divulgation. Il est clair que le brevet 356 ne divulgue pas l’étude décrite dans le sommaire de Hong Kong. Le brevet ne divulgue pas plus de choses que l’article Jordan. La personne versée dans l’art n’a obtenu, au moyen de la divulgation, rien de plus que ce qu’elle avait déjà. Aucun « prix » n’a été payé pour le monopole demandé. Par conséquent, étant donné l’absence de divulgation, il n’y avait pas de prédiction valable.

 

[164]    Eli Lilly fait valoir qu’une telle divulgation n’est pas nécessaire. Premièrement, elle fait valoir que le sommaire de Hong Kong était déjà connu du public lorsque le dépôt a été effectué au Canada et qu’il s’agissait d’une divulgation suffisante pour satisfaire au troisième élément des conditions préconisées dans l’arrêt AZT, précité. Je ne suis pas d’accord. Une lecture réfléchie du paragraphe 70 de l’arrêt AZT, précité, nous amène à conclure que la divulgation doit figurer dans le brevet, et non ailleurs. On ne devrait pas laisser le public dépouiller les articles publiés partout au monde dans l’espoir de trouver quelque chose de plus en vue de compléter la divulgation qui est faite dans le brevet. Comme la Cour suprême l’a dit au paragraphe 70 de l’arrêt AZT, précité, la divulgation est la contrepartie offerte pour le monopole. Cette divulgation doit figurer dans le brevet.

 

[165]    Eli Lilly invoque un second argument, qui implique à un examen du Traité de coopération en matière de brevets (le PCT), de la Loi sur les brevets et des Règles sur les brevets. À son dire, ces documents indiquent ce qui doit figurer dans un brevet et tout tribunal qui exigerait autre chose, même s’il s’agit de la Cour suprême, comme l’avocat l’a dit, ferait fi du législateur.

 

[…]

 

[169]    Selon Eli Lilly, la disposition concernant « la forme et le contenu » limite en fin de compte la nécessité de faire une divulgation. À mon avis, tel n’est pas la portée ou l’effet de cette disposition. La disposition indique clairement que les questions procédurales, la forme et le contenu, dans la mesure où ce contenu n’est pas par ailleurs régi par des conditions matérielles de brevabilité, doivent être conformes aux dispositions générales du PCT. Le droit national l’emporte lorsque la législation « matérielle » et la jurisprudence touchent le contenu.

 

[170]    Eli Lilly fait en outre valoir que les Règles sur les brevets canadiennes qui s’appliquaient au moment où la demande relative au brevet 356 était en instance incorporent les dispositions du PCT dans le droit canadien. J’ai déjà conclu que, même si elles étaient ainsi incorporées, ces dispositions n’étaieraient pas la position prise par Eli Lilly. Cependant, et quoi qu’il en soit, les dispositions du PCT sont incorporées dans les Règles sur les brevets du Canada uniquement en ce qui concerne les demandes déposées au Canada ou ailleurs aux termes des dispositions du PCT. Or, la demande relative au brevet 356 n’a pas été déposée en application du PCT.

 

 

L’appel interjeté par Lilly contre la décision du juge Hughes a été rejeté par la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Eli Lilly Canada Inc. c. Apotex Inc., 2009 CAF 97, 78 C.P.R. (4th) 388. Dans cet arrêt, l’obligation de divulgation à l’égard de la prédiction valable d’utilité a été confirmée de la façon suivante :

[14]      L’arrêt AZT de la Cour suprême est particulièrement important à l’égard de l’issue du présent appel. Selon l’arrêt AZT, les exigences de la règle de la prédiction valable sont au nombre de trois : la prédiction doit avoir un fondement factuel; à la date de la demande de brevet, l’inventeur doit avoir un raisonnement clair et valable qui permette d’inférer du fondement factuel le résultat souhaité; et, enfin, il doit y avoir une divulgation suffisante (arrêt AZT, précité, paragraphe 70). Comme il a été dit dans l’arrêt : « la prédiction valable est, jusqu’à un certain point, la contrepartie que le demandeur offre pour le monopole conféré par le brevet ». Dans les décisions en matière de prédiction valable, l’obligation de divulguer les faits sous-jacents et le raisonnement est plus élevée pour les inventions contenant la prédiction.

 

[15]      En toute déférence, j’estime que le juge de la Cour fédérale s’est fondé sur le principe approprié lorsqu’il a conclu, en s’appuyant sur l’arrêt AZT, que lorsqu’un brevet est fondé sur une prédiction valable, la divulgation doit inclure la prédiction. Puisque la prédiction devenait valable grâce à l’étude de Hong Kong, cette étude devait être divulguée.

 

 

[119]       La Cour a, de façon semblable, rejeté l’argument de Lilly selon lequel cette exigence de divulgation est incompatible avec les obligations du Canada prévues dans le Traité de coopération en matière de brevets, 1970, 28 U.F.T. 7647 : voir paragraphe 19.

 

[120]       Je ne vois aucune contradiction dans les précédents. Il ressort clairement des précédents que, dans la mesure où le brevet 735 était fondé sur une prédiction valable tirée de l’étude MGH selon laquelle l’atomoxétine est utile dans le traitement du THADA, le brevet est invalide pour cause de défaut de divulgation parce qu’il aurait fallu y mentionner ces conclusions.

 

[121]       Lilly soutient que la validité du brevet 735 est maintenant examinée en fonction d’une obligation de divulgation plus rigoureuse que celle que l’on aurait pu penser qui s’appliquait au moment du dépôt en 1996. Lilly se demande aussi quelle politique publique ou quel objectif législatif serait servi par l’imposition d’une obligation de divulgation plus rigoureuse dans les affaires concernant une prédiction valable d’utilité, pourvu que, bien entendu, l’objet de la divulgation suffise pour comprendre et utiliser l’invention[20]. Cependant, la question de la divulgation a été tranchée par des précédents que je suis tenu de suivre et, dans la mesure où elle pourrait faire l’objet d’un réexamen, cette question devra être examinée par une autre instance.

 

IV.       Conclusion

[122]       Puisque j’ai conclu que le brevet 735 était invalide pour cause d’inutilité, Novopharm obtient gain de cause contre Lilly :

            (a)        le brevet canadien no 2,209,735 (le brevet 735) est déclaré invalide et nul en vertu du paragraphe 60(1) de la Loi sur les brevets;

 

            (b)        le commissaire aux brevets est tenu, en vertu de l’article 62 de la Loi sur les brevets, de déposer au Bureau des brevets le certificat du jugement annulant le brevet 735;

 

            (c)        Novopharm n’est pas obligée de contester le brevet 735 au titre du Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité).

 

[123]       À moins que les parties s’entendent quant aux dépens, les parties me fourniront leurs observations écrites, d’au plus 10 pages, sur cette question. Novopharm aura 10 jours à partir de la date du présent jugement pour déposer ses observations, et Lilly aura dix jours pour y répondre. Novopharm pourra, si elle le souhaite, déposer une réplique d’au plus trois pages dans les trois jours qui suivent. Aucune autre observation ne sera acceptée.

 


JUGEMENT

 

            LA COUR STATUE que la présente action est accueillie et que Novopharm a gain de cause contre Lilly :

            (a)        le brevet canadien no 2,209,735 (le brevet 735) est déclaré invalide et nul en vertu du paragraphe 60(1) de la Loi sur les brevets;

 

            (b)         le commissaire aux brevets est tenu, en vertu de l’article 62 de la Loi sur les brevets, de déposer au Bureau des brevets le certificat du jugement annulant le brevet 735;

 

            (c)        Novopharm n’est pas obligée de contester le brevet 735 au titre du Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité).

 

            LA COUR STATUE EN OUTRE que la question des dépens est mise en suspens jusqu’à la réception d’observations écrites supplémentaires des parties.

 

 

 

« R.L. Barnes »

Juge

 

 

 

Traduction certifiée conforme

 

Jean-François Martin, LL.B., M.A.Trad.jur.


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        T-811-08

 

INTITULÉ :                                       Novopharm Limited

                                                            c.

                                                            Eli Lilly and Company

 

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Du 11 au 13 mai;

                                                            Du 17 au 21 mai;

                                                            Du 25 au 28 mai;

                                                            Du 31 mai au 2 juin;

                                                            Du 7 au 9 juin.

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              Le juge Barnes

 

DATE DES MOTIFS :                      Le 14 septembre 2010

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Jonathan Stainsby

Andrew Skodyn

Lesley Caswell

Andrew McIntyre et

Keya Dasgupta

 

POUR LA DEMANDERESSE

Patrick Smith

Anthony Creber

Jane Clark et

Melissa Binns

 

POUR LA DÉFENDERESSE

 


AVOCATS AU DOSSIER :

 

Heenan Blaikie S.E.N.C.R.L., SRL

Avocats

Toronto (Ontario)

 

POUR LA DEMANDERESSE

Gowling Lafleur Henderson S.E.N.C.R.L., SRL

Avocats

Ottawa (Ontario)

 

POUR LA DÉFENDERESSE

 



[1] Le témoignage du Dr Brian Des Islet n’a pas été contesté et il établit que Novopharm a déposé une présentation abrégée de drogue nouvelle à l’égard du Novo‑atomoxétine auprès de Santé Canada, qu’elle est une partie intéressée et qu’à ce titre elle a le droit d’engager la présente instance.

[2] Les témoins experts conviennent que cette personne doit avoir une connaissance approfondie du THADA et de son traitement, et, en particulier, du développement, de la recherche ou de l’utilisation clinique des pharmacothérapies utilisant le THADA. J’accepte que cela puisse inclure les psychiatres, les pédiatres, les docteurs en pharmacie ou les docteurs en psychopharmacologie.

[3] G. Chouinard et al. « An Early Phase II Clinical Trial of Tomoxetine (LY 139603) in the Treatment of Newly Admitted Depressed Patients » (1984) 83 Psychopharmacology 126.

[4]       Le schéma posologique recommandé dans le brevet 735 est indiqué dans les mêmes termes que ceux employés par Lilly dans son brevet 590, lequel est antérieur à l’étude du MGH. Finalement, Lilly n’affirme pas que la posologie recommandée fait partie de la promesse inventive du brevet 735.

 

[5]  Andrew Shenker, « The Mechanism of Action of Drugs Used to Treat Attention-Deficit Hyperactivity Disorder: Focus on Catecholamine Receptor Pharmacology » (1992) 39 Adv. Pediatrics 337.

[6]  Joseph Biederman et al., « A Double-Blind Placebo Controlled Study of Desipramine in the Treatment of ADD: I » (1989) 28(5) J. Am. Acad. Child Adolesc. Psychiatry 777. Les deux parties se sont fondées sur cette étude, mais à l’appui d’une proposition inverse.

[7]  Alan J. Zametkin & Judith L. Rapoport, “The Pathophysiology of Attention Deficit Disorder with Hyperactivity” (1986)(9) Adv. Clinical Child Psychology 177 at 187;

[8] Timothy E. Wilens et al., « Nortriptyline in the Treatment of ADHD: A Chart Review of 58 Cases » (1993) 32(2) J. Am. Acad. Child Adolesc. Psychiatry 343.

[9] Maureen Donnelly et al., « Treatment of Childhood Hyperactivity with Desipramine: Plasma drug concentration, Cardiovascular Effects, Plasma and Urinary Catecholamine Levels, and Clinical Response » (1986) 39:1 Clin Pharmacol. Ther. 72.

[10] David Wong et al., « A New Inhibitor of Norepinephrine Uptake Devoid of Affinity for Receptors in Rat Brain » (1982) 222(1) J Pharmacol Exp Ther. 61.

[11] Robert L Zerbe et al, « Clinical Pharmacology of Tomoxetine, a Potential Antidepressant » (1985) 232:1 J Pharamacol. Exp. Ther. 139.

[12]   Donald R. Gehlert, Susan L. Gackenheimer et David W. Robertson, « Localization of rat brain binding sites for [3H] tomoxetine, and enantiomerically pure ligand for norepinephrine reuptake sites » (1993) 157 Neuroscience Letters 203, page 203.

[13]  Thomas Spencer et al., « Effectiveness and Tolerability of Tomoxetine in Adults with Attention Deficit Hyperactivity Disorder » (1998) 155(5) Am. J. Psychiatry 693.

[14]  Dans une version préliminaire de ce rapport, il est question d’un échantillon de dix femmes et neuf hommes. On ne donne aucune explication de cette divergence. Le protocole initial de l’étude du MGH prévoyait qu’un échantillon de quarante patients serait nécessaire.

[15]   Thomas Spencer et al., « Effectiveness and Tolerability of Tomoxetine in Adults with Childhood Onset Attention Deficit Hyperactivity Disorder » page 1, 4 tableaux, 2 graphiques.

[16]   David Michelson et al., « Atomoxetine in Adults with ADHD: Two Randomized, Placebo-Controlled Studies » (2003) 53 Biological Psychiatry 112, page 117.

[17]   L’incapacité de l’équipe de l’étude du MGH de prendre en compte tous les troubles concomitants en est un exemple. Il satisfait peut-être à cet effort délibéré de reproduire les conditions réelles, mais cette incapacité a pour effet d’introduire une variable de traitement qui pourrait fausser les résultats obtenus.

[18]   M. McGough a reconnu que l’atomoxétine présentait un profil d’effets secondaires comprenant généralement des nausées et, dans une moindre mesure, une sécheresse buccale, de l’insomie, des étourdissements et de la constipation.

[19]   Joseph Biederman et al., « Efficacy and Tolerability of Lisdexamfetamine Dimesylate (NRP-104) in Children with Attention-Deficit/Hyperactivity Disorder: A Phase III, Multicenter, Randomized, Double-Blind, Forced-Dose, Parallel-Group Study » (2007) 29(3) Clinical Therapeutics 450, page 458.

[20] Novopharm soutient que la Loi sur les brevets ne reconnaît pas expressément la théorie de la prédiction valable et qu’elle prévoit plutôt la preuve d’utilité ou de la véritable utilité de l’invention. Novopharm soutient que c’est en raison de [traduction] « l’assouplissement » de l’obligation légale d’utilité que l’on impose au breveté la divulgation d’éléments supplémentaires. On peut supposer que la divulgation de la preuve et du raisonnement suivi pour faire la prédiction permette à la personne versée dans l’art de prendre une décision éclairée concernant l’utilisation sécuritaire d’une invention non utilisée dans le passé par l’inventeur.

 

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