Cour fédérale
|
|
Federal Court
|
Toronto (Ontario), le 11 août 2010
En présence de monsieur le juge Shore
ENTRE :
et
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION
LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE
ET DE LA PROTECTION CIVILE
MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE
Aperçu
[1] L’article 48 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés (la « LIPR ») exige qu’un renvoi « soit exécuté dès que raisonnablement possible ».
[2] Dans Administration portuaire de Montréal c. Montréal (Ville) et le procureur général du Canada, la Cour d’appel fédérale, citant la Cour suprême du Canada, a déclaré : « un pouvoir discrétionnaire n’est pas absolu et sans entraves. Il est limité par l’économie et l’objet de la loi qui le confère. »
Administration portuaire de Montréal c. Montréal (Ville) et le procureur général du Canada, 2008 CAF 278, au paragraphe 35, citant S.C.F.P. c. Ontario (Ministre du Travail), [2003] 1 R.C.S. 539, au paragraphe 107.
[3] L’article 48 de la LIPR confère aux agents d’exécution de la loi un pouvoir limité de reporter l’exécution d’une mesure de renvoi. Le défendeur fait remarquer que la LIPR prévoit une ERAR et, par conséquent, les facteurs que les agents d’application de la loi peuvent prendre en considération pour prendre des décisions de report sont liés à la capacité physique du demandeur de se conformer à l’ordonnance de renvoi, par exemple, des facteurs qui ont trait aux arrangements de voyage, et ceux sur lesquels ces arrangements ont une incidence.
Baron c. Canada (M.P.S.E.P.), 2009 CAF 81 (CanLII), 2009 CAF 81, au paragraphe 67.
Simoes c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2000 CanLII 15668 (C.F.), 2000, 187 F.T.R. 219 (C.F. 1re inst.)
Wang c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2001 CF 1re inst. 148.
[4] Dans Wang, la Cour a expliqué à quel point le pouvoir discrétionnaire des agents de renvoi est restreint :
Dans son sens le plus large, le pouvoir discrétionnaire de différer ne devrait en toute logique être exercé que dans des circonstances où la procédure à laquelle on défère peut avoir comme résultat que la mesure de renvoi devienne nulle ou de nul effet. Le report dont le seul objectif est de retarder l’échéance ne respecte pas les impératifs de la Loi. Un exemple de politique qui respecte le pouvoir discrétionnaire de différer tout en limitant son application aux cas qui respectent l’économie de la Loi est de réserver l’exercice de ce pouvoir aux affaires où il y a des demandes ou procédures pendantes et où le défaut de différer ferait que la vie du demandeur serait menacée, ou qu’il serait exposé à des sanctions excessives ou à un traitement inhumain, alors qu’un report pourrait faire que la mesure devienne de nul effet.
Wang, précité, au paragraphe 48.
Procédure judiciaire
[5] Il s’agit d’une requête déposée en vue d’obtenir le sursis du renvoi du demandeur, un citoyen de Saint‑Vincent‑et‑les Grenadines (St‑Vincent) et de la Guyana, qui est arrivé au Canada en 2001. Le renvoi du demandeur à St-Vincent est prévu pour le 12 août 2010. Depuis son entrée au Canada comme visiteur, le demandeur a bénéficié d’un certain nombre de processus d’immigration. Le demandeur a reçu des décisions défavorables à l’égard de sa demande d’asile, de sa demande présentée pour des considérations d’ordre humanitaire (« CH »), ainsi qu’à l’égard de sa demande d’examen des risques avant Renvoi (« ERAR »). Sa demande de report est fondée sur des considérations d’ordre humanitaire, notamment : les difficultés, l’intérêt supérieur de sa fille canadienne et des questions médicales.
Résumé des faits
[6] La demande de report du demandeur était essentiellement fondée sur les mêmes arguments que sa demande CH. Il a reçu la décision défavorable à l’égard de sa demande présentée pour des considérations d’ordre humanitaire le 10 juin 2010 et n’a pas contesté cette décision.
[7] La demande de report du demandeur comprenait des renseignements concernant sa famille au Canada et sur les difficultés financières qu’entraînerait son renvoi. L’examen de ces facteurs d’ordre humanitaire outrepasse le pouvoir discrétionnaire de l’agent. Notre Cour a clairement établi, à maintes reprises, que les agents d’exécution de la loi ne sont pas qualifiés pour évaluer les considérations d’ordre humanitaire. Comme l’a déclaré le juge Yves de Montigny dans Munar :
[L]es agents de renvoi n’ont aucune compétence ou autorité déléguée pour décider d’une demande de résidence permanente présentée en vertu de l’article 25 de la LIPR. Ils sont employés par l’Agence des services frontaliers du Canada [...] et non par le ministère de la Citoyenneté et de l’Immigration. Ils n’ont pas la formation requise pour faire une évaluation CH.
Munar c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 1180, au paragraphe 36
Question
[8] Le demandeur satisfait-il au critère conjonctif à trois volets énoncé dans l’arrêt Toth?
Analyse
(i) La question sérieuse
[9] L’obligation à laquelle est soumis un agent d’exécution de la loi de tenir compte de l’intérêt supérieur de l’enfant est limitée aux circonstances dans lesquelles il n’y a aucune solution de rechange pratique au report du renvoi afin d’assurer les soins et la protection de l’enfant. Ce n’est pas le cas en l’espèce. L’enfant restera sous la garde de sa mère ici au Canada. L’agent affirme dans ses notes au dossier que le demandeur a fourni des preuves insuffisantes que les motifs de ses préoccupations à l’égard de son renvoi auraient une incidence sur la vie de l’enfant, sur les soins dont elle a besoin, etc. L’agent a pris en compte les intérêts de l’enfant dans la mesure requise. En tant que telle, aucune question sérieuse ne se pose au sujet de l’examen de l’intérêt des enfants conduit par l’agent d’exécution de la loi.
(ii) Le préjudice irréparable
[10] Tel qu’indiqué dans Petrovych, « Les allégations de risque formulées par le demandeur qui ont déjà été examinées et rejetées par un agent d’ERAR, essentiellement répétées dans la présente requête, sans aucune preuve à l’appui, ne constituent pas un préjudice irréparable ».
Munar c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2009 CF 110, au paragraphe 34.
[11] La jurisprudence de la Cour fédérale rédigée par le juge Denis Pelletier établit également qu’un préjudice irréparable doit équivaloir à plus que des conséquences inhérentes au renvoi.
Melo c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (2000), 18 F.T.R. 39, au paragraphe 21.
De la même façon : Tesoro c. Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration, 2005 CAF 148 (CanLII), 2005 CAF 148, aux paragraphes 34 et 42.
Et dans Baron c. Canada (M.P.S.E.P.), 2009 CAF 81 (CanLII), 2009 CAF 81, au paragraphe 69.
(iii) La prépondérance des inconvénients
[12] Le demandeur réclame une réparation extraordinaire en equity. Il est bien établi en droit que l’intérêt public doit être pris en considération lors de l’évaluation de ce dernier critère. Afin de démontrer que la prépondérance des inconvénients milite en faveur du demandeur, ce dernier aurait eu à démontrer qu’il était d’intérêt public qu’il ne soit pas renvoyé comme prévu.
R.J.R. MacDonald Inc. c. Canada (Procureur général), [1994] 1 R.C.S. 311.
[13] La prépondérance de tout inconvénient que le demandeur pourrait subir s’il devait être renvoyé du Canada ne l’emporte pas sur ceux de l’intérêt public que la législation assure par l’application de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés – plus précisément, son intérêt à exécuter la mesure d’expulsion dès qu’il le sera raisonnablement possible.
Atwal v. Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration, 2004 CAF 427
Conclusion
[14] En conclusion, le critère conjonctif à trois volets énoncé dans l’arrêt Toth n’a pas été satisfait par le demandeur; par conséquent, la requête pour sursis est rejetée.
ORDONNANCE
LA COUR ORDONNE que la requête en sursis à l’exécution du renvoi soit rejetée.
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : IMM-4560-10
INTITULÉ : LEON MICKEY PRIMUS c.
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION
LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE
ET DE LA PROTECTION CIVILE
LIEU DE L’AUDIENCE : Toronto (Ontario)
DATE DE L’AUDIENCE : Le 11 août 2010
DATE DES MOTIFS : Le 11 août 2010
COMPARUTIONS :
Philip Varickanickal
|
|
Veronica Cham
|
POUR LES DÉFENDEURS
|
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Etienne Law Office
Avocats
Toronto (Ontario)
|
POUR LE DEMANDEUR
|
Myles J. Kirvan
Sous-procureur général du Canada
|
POUR LES DÉFENDEURS
|