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Cour fédérale

 

Federal Court

 

Date : 20100624

Dossier : IMM-5855-09

Référence : 2010 CF 690

[traduction française certifiée, non révisée]

Ottawa (Ontario), le 24 juin 2010

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE BEAUDRY

 

 

ENTRE :

FREDRICK ONYANGO NYAYIEKA

demandeur

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Le demandeur sollicite, en vertu du paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la Loi), le contrôle judiciaire de la décision par laquelle l’agente chargée de l’examen des risques avant renvoi (l’agente) a jugé que le demandeur n’était pas une personne décrite aux articles 96 et 97 de la Loi.

 

[2]               Le demandeur, Fredrick Onyango Nyayieka, est un citoyen du Kenya qui affirme être exposé à une menace à sa vie de la part de la famille de son père au Kenya en raison d’un conflit de nature foncière. Son père a été tué à cause de ce conflit, semble-t-il, et le demandeur, son seul héritier, est également en danger.

 

[3]               Le demandeur est arrivé au Canada en septembre 2006 en provenance des États-Unis où il vivait depuis douze ans. Il était entré aux États-Unis grâce à un visa d’étudiant valide de 1994 à 1999, mais n’y a pas présenté une demande d’asile. Il a demandé l’asile une semaine après son arrivée au Canada. Cependant, le désistement de sa demande a été prononcé le 17 novembre 2006 parce qu’il n’avait pas présenté son formulaire de renseignements personnels (FRP) dans le délai imparti et qu’il n’avait pas assisté à l’audience sur le désistement. Le demandeur a sollicité la réouverture de sa demande d’asile en raison de l’incompétence de son ancien avocat, mais cette demande a été rejetée en avril 2007.

 

[4]               Il a alors présenté une demande d’examen des risques avant renvoi (ERAR) en octobre 2007. Une audience a été tenue relativement à sa demande d’ERAR en décembre 2008. La demande d’ERAR a été ensuite rejetée le 30 septembre 2009 et fait l’objet du présent contrôle judiciaire. 

 

[5]               L’agente s’est fondée sur quatre éléments pour rejeter la demande d’ERAR : la présentation tardive de la demande et la crainte subjective; les incohérences et les omissions; la documentation fournie et la situation du pays que l’agente a expliquée dans ses motifs.  

 

[6]               Il est bien établi que l’examen d’une demande d’ERAR dépend en grande partie des faits et emporte l’application de la norme de la raisonnabilité (Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 R.C.S. 190). Dans le cadre du contrôle judiciaire, la Cour considère la justification, la transparence et l’intelligibilité de la décision ainsi que l’appartenance de cette décision aux issues acceptables pouvant se justifier au regard des fais et du droit (Dunsmuir, paragraphe 47).

 

[7]               Le demandeur soulève une question relative à l’équité procédurale. Ainsi que l’a conclu la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Sketchley c. Canada (Procureur général), 2005 CAF 404, [2006] 3 R.C.F. 392, il n’y a pas lieu de se livrer à une analyse de la norme de contrôle lorsque la question à trancher porte sur une allégation de déni d’équité procédurale. Le rôle de la Cour consiste plutôt à déterminer si le processus suivi par le décideur satisfaisait aux critères d’équité que dictaient les circonstances (paragraphes 52 et 53).

 

[8]               Le demandeur soutient qu’il y a eu atteinte à son droit à l’équité procédurale parce que les incohérences sur lesquelles l’agente s’est fondée ne lui ont pas toutes été signalées et que cette atteinte justifie l’intervention de la Cour. Je rejette cet argument et conclus qu’il n’y a pas eu déni d’équité procédurale en l’espèce : le demandeur a été interrogé relativement à deux questions importantes touchant à la crédibilité et il a eu la possibilité de répondre aux préoccupations de l’agente.

 

[9]               Les notes prises lors de l’audience relative à l’ERAR montrent que le demandeur a eu de présenter des explications sur la présentation tardive de sa demande d’asile et sur les nombreuses omissions dans son FRP (Dossier certifié du tribunal, pages 98 à 101). L’agente a rejeté ses explications à ces deux égards dans ses motifs.

 

[10]           S’agissant de la présentation tardive, il est bien établi que le fait de présenter tardivement une demande d’asile constitue un comportement dont la Cour peut tenir compte pour évaluer la crainte subjective du demandeur d’asile et qui lui permet de tirer une conclusion défavorable concernant la crédibilité du demandeur (Espinosa c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2003 CF 1324, [2003] A.C.F. no 1680, paragraphe 16). Une telle présentation tardive peut également porter un coup fatal à la demande d’asile si le demandeur ne peut l’expliquer de manière satisfaisante (Espinosa, paragraphe 17). L’agente a conclu que l’explication donnée par le demandeur pour justifier la présentation tardive de sa demande était insuffisante et cette conclusion était raisonnable. Étant donné tout le temps qui s’est écoulé et la raison donnée par le demandeur, j’estime qu’en l’espèce l’explication est à ce point insuffisante qu’elle aurait pu justifier à elle seule le rejet de la demande.

 

[11]           S’agissant des omissions dans le FRP, les préoccupations de l’agente étaient justifiées; il ne s’agissait pas seulement d’omissions mineures dans le FRP du demandeur (Feradov c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2007 CF 101, [2007] A.C.F. no 135, paragraphe 18). L’inférence négative était justifiée en l’espèce et une omission importante dans le FRP constitue en soi un motif raisonnable pour conclure que le demandeur n’est pas crédible (Huang c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 1266, [2008] A.C.F. no 1611).   

 

[12]           De plus, je tiens à souligner que l’existence d’éléments de preuve relatifs aux éléments mentionnés aux articles 96 et 97 de la Loi qui soulèvent une question importante en ce qui concerne la crédibilité du demandeur constitue l’un des facteurs requis pour la tenue d’une audience relative à une demande d’ERAR, conformément aux dispositions de l’alinéa 113b) de la Loi et de l’article 167 du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002-227. Il est donc, à mon avis, raisonnable d’inférer que lorsque le demandeur se voit accorder une audience, il devrait savoir que le décideur jugera sa crédibilité pour statuer sur sa demande. Le demandeur et son avocat auraient pu fournir tous les documents et explications voulus, durant l’audience et après, mais ils ne l’ont pas fait. Ils n’ont fourni que les éléments requis de preuve documentaire.

 

[13]           Bien que certaines incohérences et omissions relevées par l’agente soient discutables, je suis convaincu que la décision considérée dans son ensemble est raisonnable et qu’elle appartient aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit.

 

[14]           Aucune question à certifier n’a été proposée et aucune n’est soulevée.


JUGEMENT

LA COUR ORDONNE que la demande de contrôle judiciaire soit rejetée. Aucune question n’est certifiée.

 

 

« Michel Beaudry »

Juge

 

 

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Linda Brisebois, LL.B.


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        IMM-5855-09

 

INTITULÉ :                                       FREDRICK ONYANGO NYAYIEKA

                                                            et

                                                            LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

                                                            ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE:                Le 17 juin 2010

 

MOTIFS DU JUGEMENT :            LE JUGE BEAUDRY

 

DATE DES MOTIFS :                      Le 24 juin 2010

 

 

COMPARUTIONS :

 

Alyssa Manning

 

POUR LE DEMANDEUR

Asha Gafar

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Avocat

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DEMANDEUR

Myles J. Kirvan

Sous-procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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