Cour fédérale |
|
Federal Court |
Montréal (Québec), le 18 juin 2010
En présence de monsieur le juge Mainville
ENTRE :
DORA NANCY PULIDO SUAREZ
HAYSEL MAISIUTH RAMIREZ
YITZHAKE ZAMITH RAMIREZ
demandeurs
et
ET DE L'IMMIGRATION
MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT
Introduction
[1] La Cour est saisie d'une demande de contrôle judiciaire en application des articles 72 et suivants de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la Loi), soumise par Jaime Hernando Ramirez Martin (le demandeur), par Dora Nancy Pulido Suarez (la demanderesse) et leurs deux enfants à l'égard d'une décision de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié, Section de la protection des réfugiés (le tribunal), portant les numéros MA8-01463, MA8-01464, MA8-01465 et MA8-01466 et rendue le 5 novembre 2009.
[2] La demande de contrôle judiciaire sera refusée pour les motifs énoncés ci-dessous.
Les enfants
[3] La demande d’asile pour les deux enfants a été retirée devant le tribunal vu leur citoyenneté américaine, cependant leurs noms ont été inclus dans les procédures en révision judiciaire devant cette Cour. La demande de révision judiciaire n’ayant aucun objet à l’égard des deux enfants, elle est rejetée d’emblée.
Le contexte
[4] Le demandeur et la demanderesse sont des citoyens de la Colombie. Ils allèguent opérer des commerces au détail à Bogota depuis 1993. Ils allèguent aussi que ces commerces sont l’objet d’un « impôt de guerre » par les Forces armées révolutionnaires de Colombie (les FARC), et ce, depuis plusieurs années.
[5] La demanderesse a séjourné longuement aux États-Unis, notamment en 1995 et 1996 afin d’y accoucher de son premier enfant. Elle retourne en Colombie en mars 1996 pour quitter encore le pays pour les États-Unis en mai 1997 afin d’accoucher de son deuxième enfant. Elle séjourne alors aux États-Unis jusqu’en juin 2006.
[6] Le demandeur rejoint la demanderesse aux États-Unis en janvier 1998 en laissant l’administration de leurs commerces entre les mains de ses frères. Il y séjourne jusqu’à juillet 2005. Il retourne alors en Colombie reprendre l’administration des commerces. Il dit participer à des activités politiques et être menacé de mort par les FARC, mais, curieusement, encourage néanmoins la demanderesse de retourner en Colombie en juin 2006.
[7] Le demandeur allègue alors avoir reçu de nouvelles menaces des FARC, et il décide donc de quitter la Colombie en octobre 2007 pour se rendre au Mexique, traverser les États-Unis et finalement se présenter à la frontière canadienne le 4 janvier 2008 pour y réclamer l’asile pour lui-même, la demanderesse et leurs deux enfants.
La décision du tribunal
[8] Le tribunal rejette la demande d’asile principalement au motif d’absence de crédibilité des demandeurs. Le tribunal est d’avis que les nombreux départs et retours des demandeurs entre la Colombie et les États-Unis ne sont pas cohérents avec leurs allégations de crainte de persécution. Le tribunal note à plusieurs reprises les invraisemblances du récit des demandeurs, notamment aux paragraphes 19 à 21 de sa décision.
La position des demandeurs
[9] Les demandeurs allèguent que le tribunal a fait preuve d’un zèle excessif pour trouver des contradictions dans le témoignage du demandeur, a interprété la preuve d’une manière déraisonnable et n’a pas considéré l’ensemble de la preuve.
La position du défendeur
[10] Le défendeur soutient qu’il est bien établi qu’il est du ressort et de l’expertise du tribunal de juger de la crédibilité des demandeurs d’asile et d’évaluer les explications données lors de l’audition de leur demande. Le tribunal est aussi réputé avoir tenu compte de toute la preuve à moins de démonstration contraire, ce que les demandeurs n’ont pas réussi. Le tribunal a tenu compte des explications des demandeurs, mais les a trouvées insatisfaisantes. Le fait que les demandeurs soient retournés à plusieurs reprises en Colombie est déterminant dans ce dossier.
La norme de contrôle applicable
[11] Il est bien établi par la jurisprudence que la norme de contrôle applicable à une décision de la Section de la protection des réfugiés concernant une demande d’asile et fondée sur l’absence de crédibilité des demandeurs est celle de la décision raisonnable. Cette norme est tellement connue qu’elle ne mérite pas que l’on s’y attarde longuement. Les conclusions du tribunal sur la crédibilité des demandeurs méritent donc une grande déférence.
Analyse
[12] La seule question importante en cause ici est si l’évaluation de la crédibilité des demandeurs par le tribunal est raisonnable.
[13] Le tribunal a entendu de vive voix les demandeurs et a pu évaluer leur comportement à l’audience. Je n’ai aucun élément devant moi me permettant de conclure que la décision du tribunal quant à son évaluation de la crédibilité est déraisonnable.
[14] Je note en effet que les demandeurs sont retournés souvent en Colombie au cours des années, un comportement nettement incompatible avec leurs allégations. Je note également que les frères du demandeur ont administré les commerces, et les demandeurs n’ont pas soumis de preuve crédible établissant que la sécurité de ces derniers aurait été mise en cause de ce fait.
[15] Il existe donc amplement d’éléments de preuve au dossier pour conclure que la décision du tribunal fondée sur l’invraisemblance du récit des demandeurs est raisonnable.
[16] La demande de révision judiciaire est donc rejetée.
[17] Les parties n'ont soulevé aucune question à certifier aux fins de l'alinéa 74d) de la Loi et aucune question ne sera certifiée.
JUGEMENT
LA COUR ORDONNE ET ADJUGE que la demande de contrôle judiciaire est rejetée.
« Robert M. Mainville »
Juge
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : IMM-6106-09
INTITULÉ : JAIME HERNANDO RAMIREZ MARTIN ET AL.
c. M.C.I.
LIEU DE L’AUDIENCE : Montréal (Québec)
DATE DE L’AUDIENCE : le 16 juin 2010
ET JUGEMENT : LE JUGE MAINVILLE
DATE DES MOTIFS : le 18 juin 2010
COMPARUTIONS :
Manuel Centurion
|
POUR LES DEMANDEURS |
Mireille-Anne Rainville
|
POUR LE DÉFENDEUR |
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Manuel Centurion Montréal (Québec)
|
POUR LES DEMANDEURS |
Myles J. Kirvan Sous-procureur général du Canada Montréal (Québec) |
POUR LE DÉFENDEUR |