Cour fédérale |
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Federal Court |
[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]
Ottawa (Ontario), le 17 juin 2010
En présence de Monsieur le juge Boivin
ENTRE :
et
LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE
ET DE LA PROTECTION CIVILE
MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT
[1] Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire, présentée en vertu du paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la Loi), d’une décision de la Section d’appel de l’immigration de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (la Commission), rendue le 24 avril 2009, qui rejetait l’appel du demandeur à l’encontre de la mesure de renvoi prise contre lui le 26 avril 2007.
[2] Une mesure de renvoi du Canada a été prise contre le demandeur, conformément à l’alinéa 40(1)a) de la LIPR, parce qu’il a directement ou indirectement fait une présentation erronée sur un fait important quant à un objet pertinent, ou une réticence sur ce fait, ce qui a entraîné ou risquait d’entraîner une erreur dans l’application de la Loi.
Le contexte
[3] Le demandeur est un citoyen de l’Inde qui est né le 24 juin 1974. Il est résident permanent du Canada depuis le 6 février 2000 grâce au parrainage de son épouse, Mohinder Kaur Cheema, avec qui il s’est marié le 24 novembre 1998.
[4] Après avoir subi un accident en milieu de travail, le demandeur est retourné en Inde en avril 2000 et il y est resté jusqu’à son retour au Canada le 10 octobre 2000. En juillet de la même année, son épouse a demandé le divorce, qui a été accordé le 6 avril 2001.
[5] Le 21 décembre 2003, le demandeur est retourné en Inde et a épousé sa deuxième femme, Harpreet Kaur Randhawa. Vers le 23 mars 2004, le demandeur a présenté une demande de parrainage pour sa deuxième épouse. Cela a entraîné la décision préliminaire du 5 octobre 2005, dans laquelle il a été conclu que le demandeur était interdit de territoire pour avoir fait une fausse déclaration en raison de son premier mariage.
[6] Le 5 avril 2006, un agent a examiné le dossier et a officiellement demandé la tenue d’une audience d’admissibilité, qui a eu lieu entre janvier et avril 2007. Après l’audience, une ordonnance d’exclusion a été rendue contre le demandeur.
La décision contestée
[7] La question déterminante en l’espèce est celle de savoir si l’ordonnance d’exclusion était fondée en droit. Pour trancher cette question, la Section d’appel de l’immigration devait examiner la crédibilité du demandeur à savoir s’il s’était marié dans le seul but d’acquérir un statut ou un privilège au sens de la Loi et elle devait déterminer s’il existait des motifs d’ordre humanitaire justifiant la prise de mesures spéciales compte tenu de toutes les circonstances en l’espèce.
[8] En ce qui a trait au premier mariage du demandeur, la Commission a été incapable, après avoir examiné la preuve présentée à l’audience, de déterminer si le demandeur avait habité avec son ex-épouse. La Commission a conclu que bien que le lieu de résidence du demandeur fût un élément critique, son témoignage à ce sujet n’était pas cohérent.
[9] La Commission a aussi conclu que le demandeur n’était pas crédible quant à la majorité des questions soulevées au sujet de son premier mariage. La Commission a aussi ajouté que les explications qu’il avait présentées quant à la raison pour laquelle son épouse avait demandé le divorce après deux ans de mariage et après avoir été séparés pendant une période anormalement longue pendant le processus d’immigration étaient déraisonnables.
[10] La Commission a exprimé ses doutes au sujet de la crédibilité du demandeur de la façon suivante au paragraphe 36 de sa décision :
[…] L’appelant a été incapable d’expliquer de façon crédible pourquoi, en si peu de temps, son mariage s’était effondré au point où son ex-épouse avait présenté une requête en divorce sans l’en informer, pendant qu’il languissait en Inde en récupérant de sa blessure.
[11] La Commission a ainsi conclu que le premier mariage du demandeur n’était pas authentique et avait été contracté dans le seul but de faciliter le processus d’immigration, et que le demandeur était interdit de territoire pour présentations erronées. La Commission a aussi ajouté qu’il n’existait pas de motifs d’ordre humanitaire justifiant la prise d’une mesure pour que le demandeur reste au Canada puisqu’il avait fait une fausse déclaration afin d’y être admis et que rien ne donnait à penser qu’il n’arriverait pas à atteindre le même niveau d’établissement en Inde.
[12] La Commission a finalement noté que son épouse actuelle et leur enfant habitent en Inde et, par conséquent, elle a conclu qu’il serait dans l’intérêt supérieur de l’enfant que le demandeur soit réuni avec sa famille en Inde.
Les dispositions légales applicables
[13] Le paragraphe 40(1) et les articles 67 et 68 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés se lisent comme suit :
Les questions en litige
[14] La question suivante est soulevée en l’espèce : la Commission a-t-elle commis une erreur en ne tenant pas compte de deux éléments de preuve du demandeur?
La norme de contrôle
[15] La Cour convient avec le défendeur qu’en l’espèce, la norme de contrôle est celle du caractère raisonnable. La question est une question mixte de fait et de droit et, par conséquent, la Cour doit examiner « […] si la décision et sa justification possèdent les attributs de la raisonnabilité […] [et si la décision appartient] aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit » (Dunsmuir c. Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 R.C.S. 190, au paragraphe 47).
Analyse
[16] Le demandeur soutient que la conclusion de crédibilité ne tenait absolument pas compte de deux éléments de preuve dont la Commission était saisie :
i. Un rapport de la police régionale de York qui montre que le témoin du demandeur l’a accompagné à son présumé appartement situé au 111 Lamp Crescent (plutôt qu’au 2626 avenue Islington) en mai 2001;
ii. Une lettre datée du 19 août 2005, écrite et signée par l’avocat du demandeur, expliquant pourquoi sa première épouse l’avait envoyé en Inde lorsqu’il a subi une blessure en milieu de travail.
[17] La Cour convient avec le défendeur que le rapport policier n’a aucune importance. En effet, le fait que le témoin du demandeur l’ait accompagné à l’appartement situé au 111 Lamp Crescent pour qu’il y récupère certains de ses biens n’a jamais été mis en doute. La Cour est d’avis que ce document au sujet de la résidence du demandeur n’est pas concluant et que, par conséquent, il n’aide pas le demandeur. De plus, le dossier comprend un nombre important d’éléments de preuve contradictoires au sujet de la résidence du demandeur, dont la Commission devait tenir compte. Un examen de la preuve documentaire ne convainc pas la Cour que cet élément de preuve isolé peut, en soi, attaquer la preuve entière et écrasante que la Commission a examinée dans sa décision de seize (16) pages.
[18] En ce qui a trait au deuxième élément de preuve – la lettre de l’avocat – la Cour conclut que la lettre ne constitue que l’opinion de l’avocat. L’argument du demandeur selon lequel cette lettre est importante ne convainc donc pas la Cour.
[19] Il est bien établi en droit que la Commission n’a pas l’obligation de citer expressément chaque élément de preuve. Dans l’arrêt Hassan c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration) (C.A.F.), [1992] A.C.F. no 946, 147 N.R. 317, au paragraphe 3, la Cour d’appel fédérale a traité la question de la façon suivante :
[3] Le fait que la Commission n’a pas mentionné dans ses motifs une partie quelconque de la preuve documentaire n’entache pas sa décision de nullité. Les passages tirés de la preuve documentaire que L’appelant invoque font partie de l’ensemble de la preuve que la Commission est en droit d’apprécier sur le plan de la crédibilité et de la force probante. Après avoir examiné le dossier dont la Commission était saisie, je suis convaincu que celle-ci a effectivement examiné et apprécié l’ensemble de la preuve d’une façon appropriée. […]
[20] En l’espèce, la Cour est d’avis que la Commission a effectué un examen complet de la preuve, y compris du témoignage du demandeur et de la totalité de la preuve documentaire au dossier. La décision de la Commission explique clairement pourquoi certains éléments de preuve n’étaient pas crédibles et cela démontre que la Commission a bel et bien examiné la preuve de façon raisonnable.
[21] La Cour conclut que la décision de la Commission était raisonnable compte tenu de toutes les circonstances en l’espèce. La décision appartient aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit (Dunsmuir). Par conséquent, la présente demande de contrôle judiciaire sera rejetée. Aucune question n’a été proposée pour la certification et l’affaire n’en soulève aucune.
JUGEMENT
LA COUR ORDONNE que la demande de contrôle judiciaire soit rejetée. Aucune question n’est certifiée.
Traduction certifiée conforme
Evelyne Swenne, traductrice
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : IMM-2315-09
INTITULÉ : JASWANT SINGH RANDHAWA c. MSPPC
LIEU DE L’AUDIENCE : TORONTO (ONTARIO)
DATE DE L’AUDIENCE : LE 8 JUIN 2010
MOTIFS DU JUGEMENT : LE JUGE BOIVIN
DATE DES MOTIFS : LE 17 JUIN 2010
COMPARUTIONS :
Lakhwinder Sandhu
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Brad Gotkin
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AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Office of Lakhwinder Sandhu Mississauga (Ontario)
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Myles J. Kirvan Sous-procureur général du Canada
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