Cour fédérale
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Federal Court
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[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]
Ottawa (Ontario), le 11 juin 2010
En présence de M. le juge Frederick E. Gibson
ENTRE :
et
LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE
ET DE LA PROTECTION CIVILE et
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ
ET DE L’IMMIGRATION
MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE
[1] Les présents motifs font suite à l’audition à Toronto le 20 mai 2010 d’une demande de contrôle judiciaire d’une décision d’un agent d’examen des risques avant renvoi (l’agent) a tiré la conclusion suivante :
[traduction]
Par définition, un risque est de nature prospective et le processus d’ERAR exige que le demandeur soit personnellement exposé à un risque. Après avoir examiné la documentation actuelle sur le pays, j’estime que les conditions en Jamaïque n’ont pas changé de manière importante depuis la décision de la SPR [Section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié] en mai 2009 de façon à faire en sorte que le demandeur réponde à la définition de réfugié au sens de la Convention ou de personne à protéger. De plus, on m’a fourni des éléments de preuve insuffisants pour établir que le demandeur serait personnellement exposé à des risques futurs en Jamaïque qui n’ont pas été examinés par la SPR.
Après avoir examiné la demande d’ERAR du demandeur et la documentation de source publique, je conclus qu’il existe moins qu’une simple possibilité que le demandeur risque d’être persécuté conformément à l’article 96 de la LIPR [Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés] s’il retournait en Jamaïque. De même, il n’existe aucun motif sérieux de croire qu’il existe un risque d’être soumis à la torture ni aucun motif raisonnable de croire que le demandeur serait exposé à une menace à sa vie ou au risque de traitements ou peines cruels et inusités, conformément à l’article 97 de la LIPR.
Question préliminaire
[2] Les actes de procédures en l’espèce indiquent que le défendeur est le ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile et que les décisions relatives à l’ERAR sont prises en vertu du pouvoir accordé au ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration; pour cette raison, j’ai ajouté, sur l’initiative de la Cour, le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration à titre de défendeur additionnel.
Contexte
[3] Le demandeur est un citoyen de la Jamaïque âgé de 45 ans. Il a admis ouvertement être un homosexuel. En fait, le 17 juillet 2009, il s’est marié à Toronto avec un autre homme jamaïcain, qui est maintenant un citoyen canadien.
[4] Le demandeur affirme qu’en Jamaïque, il a été l’objet de harcèlement et d’insultes durant toute sa vie, car même s’il n’affichait pas ouvertement son homosexualité, les gens présumaient qu’il l’était en raison de ses manières. À une occasion, il a même été lapidé.
[5] Plus tard, il a admis son homosexualité à sa famille. Il a alors subi ce qu’il décrit comme une [traduction] « montée de haine et de rejet ». Il a ensuite fait une dépression nerveuse.
[6] En 1996, après avoir perdu l’espoir d’être accepté en Jamaïque, il a déménagé aux États‑Unis où, a-t-il déclaré, son statut d’immigrant était incertain, mais sa sécurité était assurée. Par ignorance, il n’a pas demandé l’asile aux États-Unis et le délai pour présenter une telle demande a expiré. Une des sœurs du demandeur se trouvant aux États-Unis a jugé qu’elle ne remplissait pas les conditions requises pour le parrainer dans le cadre d’une demande d’asile.
[7] Le demandeur affirme que la situation en Jamaïque pour les homosexuels a continué de se détériorer après son départ du pays et il a donc jugé qu’il ne pouvait y retourner. Ainsi, en août 2007, il est venu au Canada et a présenté une demande d’asile. L’audition de sa demande d’asile a eu lieu le 29 avril 2009. Aux termes d’une décision datée du 7 mai 2009, sa demande a été rejetée. Bien que le président de l’audience de la Section de la protection des réfugiés (la SPR) ait conclu que le témoignage du demandeur était crédible et sincère, qu’il n’a pas embelli sa demande et qu’il était réellement un homosexuel, il a statué que le demandeur n’a pas été victime de discrimination et de persécution en Jamaïque et qu’il n’existait aucun fondement objectif pour étayer la crainte de persécution du demandeur s’il retournait en Jamaïque.
[8] Le demandeur a déposé une demande d’autorisation pour présenter devant la Cour une demande de contrôle judiciaire de la décision rejetant sa demande d’asile. L’autorisation a été refusée le 8 septembre 2009.
[9] Il convient de souligner la proximité de certaines dates pertinentes : l’auditiondu demandeur devant la SPR a eu lieu le 29 avril 2009, la décision de la SPR a été rendue le 7 mai 2009, le demandeur s’est marié le 17 juillet 2009, l’autorisation pour présenter une demande de contrôle judiciaire de la décision de la SPR a été refusée le 8 septembre 2009 et la décision faisant l’objet du présent contrôle judiciaire a été rendue le 6 octobre 2009. Par conséquent, la possibilité de déposer de nouveaux « éléments de preuve » conformément à l’alinéa 113a) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés[1] (LIPR) était très limitée.
[10] Le demandeur a déposé une demande en vue d’être autorisé à présenter au Canada une demande d’établissement pour des raisons d’ordre humanitaire.
Décision faisant l’objet du contrôle
[11] La partie de la décision faisant l’objet du contrôle judiciaire qui se trouve sous la rubrique [traduction] « Évaluation des risques » est relativement courte. Cette partie est citée intégralement ci‑dessous :
[traduction]
J’ai lu et examiné la demande d’ERAR du demandeur, ses observations ainsi que les motifs de la décision de la SPR. Par définition, un risque est de nature prospective; j’ai donc examiné la preuve documentaire accessible au public la plus récente au sujet de la situation et des droits de la personne en Jamaïque afin de trancher la question relative aux risques.
Le demandeur est arrivé au Canada et a présenté une demande d’asile le 7 août 2007 au point d’entrée de Fort Erie, en Ontario.
La question déterminante dont était saisie la Commission était la suivante : le préjudice que craindrait le plaignant représente-t-il une possibilité sérieuse d’être persécuté ou plutôt un risque d’être victime de discrimination? Voici les conclusions de fait tirées par la Commission :
Les avocats ont fait valoir que la Jamaïque demeure une société homophobe, une opinion qui est en quelque sorte étayée par la preuve documentaire dont était saisie la Commission et à laquelle je souscris. Toutefois, bien que je puisse accepter que le plaignant a été victime de discrimination en Jamaïque, il n’a pas présenté à la Commission des éléments de preuve convaincants établissant qu’il a été persécuté. Le plaignant a admis ouvertement, lorsque l’agent du tribunal lui a demandé, qu’il n’a jamais été personnellement exposé à des actes de violence, et qu’il ne connaît même personne dans la communauté homosexuelle qui a déjà subi des actes de violence. Le plaignant a déclaré qu’il n’a jamais dû recourir à la protection de l’État lorsqu’il vivait en Jamaïque. La preuve dont je suis saisie ne révèle pas qu’il a été persécuté dans le passé. J’estime qu’il n’a pas établi qu’il craint avec raison d’être persécuté, et qu’il n’existe aucune preuve de l’existence d’un agent de persécution qui attend son retour en Jamaïque.
Il incombe au plaignant d’établir le bien-fondé de sa demande d’asile. Bien que le plaignant ait témoigné de manière crédible et sincère, et qu’il n’a pas enjolivé ses réponses, j’estime qu’il n’a pas établi le bien-fondé de sa demande d’asile.
Compte tenu des circonstances particulières de ce plaignant, j’estime qu’il n’a pas été persécuté. Bien que je puisse accepter qu’il a été victime de discrimination en Jamaïque, les difficultés qu’il a éprouvées ne correspondaient pas à de la persécution. Je conclus que les expériences passées du plaignant et ce qu’il craint à son retour en Jamaïque ne représentent pas de la persécution, mais plutôt de la discrimination. Sa crainte de retourner en Jamaïque est maintenant purement spéculative étant donné qu’il n’y est pas retourné depuis treize ans.
Par conséquent, sa demande d’asile a été rejetée le 12 mai 2009. L’autorisation de présenter devant la Cour fédérale du Canada une demande contrôle judiciaire de la décision défavorable rendue par la SPR a été refusée le 8 septembre 2009.
Les risques exposés par le demandeur dans sa demande d’ERAR sont essentiellement les mêmes que ceux entendus et examinés par la SPR. L’objet du présent examen n’est pas de débattre les faits qui ont été présentés au tribunal. La décision de la SPR doit être considérée comme étant finale en ce qui concerne la question de la protection au titre des articles 96 et 97 de la LIPR, sous réserve seulement de la possibilité que de nouveaux éléments de preuve démontrent que le demandeur serait exposé à des risques nouveaux, différents ou additionnels qui n’auraient pas pu être envisagés au moment de la décision de la SPR (Escalona Perez c. Canada, 2006). Selon moi, le traitement passé qu’a subi le demandeur ne mérite pas que ce dernier soit considéré comme une personne à protéger et ce traitement n’établit pas nécessairement l’existence d’un risque prospectif compte tenu de la preuve documentaire relative à la situation du pays et aux circonstances personnelles du demandeur.
Le demandeur a présenté son affidavit, qui est daté du 18 août 2009. Les événements qui l’ont poussé à quitter la Jamaïque et à demander ensuite la protection du Canada sont consignés par écrit. Bien que ce document soit postérieur à la décision de la SPR, il reprend les événements qui se sont produits avant son départ de la Jamaïque. Il n’ajoute rien aux renseignements relatifs au risque personnel et n’apporte aucun nouvel élément de preuve démontrant qu’il serait exposé à des risques nouveaux en Jamaïque. J’accorde très peu de poids à ce document.
L’affidavit de Gareth Henry a été présenté au soutien de la présente demande. Cet affidavit n’est pas daté. Or, par souci d’équité à l’égard du demandeur, on a tenu compte de cet affidavit dans le cadre du présent examen. Le déposant déclare qu’il a été le coprésident du Jamaican Forum for Lesbians, All-Sexuals and Gays (J-Flag) de 2004 à janvier 2008. Il affirme qu’il a quitté la Jamaïque pour aller au Canada en janvier 2008 et qu’il a été déclaré réfugié au sens de la Convention en juillet 2008. En sa qualité de coprésident, il allègue qu’il : était au courant de renseignements concernant des attaques dirigées contre des homosexuels en Jamaïque et qu’il recevait régulièrement des mises à jour au sujet de la situation de la communauté LHBT (lesbiennes, homosexuels, bisexuels et transgenres) en Jamaïque. À son avis, un homme qui affiche ouvertement son homosexualité, comme le demandeur, serait exposé à des risques importants pour sa sécurité personnelle et, ultimement, pour sa vie s’il retournait en Jamaïque. Bien que cet affidavit soit postérieur à la décision de la SPR, les renseignements qu’il contient sont antérieurs à la décision, n’ajoutent rien aux renseignements relatifs au risque personnel et n’apportent aucun nouvel élément de preuve démontrant qu’il serait exposé à des risques nouveaux en Jamaïque. J’estime que l’avis du déposant est de nature spéculative et j’attribue une faible valeur probante à ce document.
Le paragraphe 161(2) du règlement de la LIPR exige qu’une personne désigne, dans ses observations écrites, les éléments de preuve qui satisfont aux exigences prévues à l’alinéa 113a) de la Loi et indique dans quelle mesure ils s’appliquent dans son cas. J’ai lu et examiné les observations restantes du demandeur et il est entendu qu’ils décrivent la situation générale en Jamaïque; le demandeur n’a fait aucun lien entre cette preuve et le fait d’être personnellement exposé à un risque. Le demandeur n’a pas fourni de preuve documentaire objective pour étayer le fait que son profil en Jamaïque est similaire à celui de personnes qui risqueraient actuellement d’être persécutées ou de subir un préjudice dans ce pays. J’estime que les documents se rapportent aux conditions auxquelles doit faire face la population générale ou décrivent des conditions ou des événements précis auxquels font face les personnes qui ne se trouvent pas dans une situation semblable à celle du demandeur. Le demandeur n’a pas été en Jamaïque depuis 1996. Rien dans la preuve dont je suis saisi n’établit qu’il est recherché par une personne ou par plusieurs personnes en Jamaïque. Le demandeur fait valoir qu’il est exposé à des risques en Jamaïque en raison de son homosexualité. La preuve n’établit pas qu’il est ciblé par une organisation quelconque ou par des personnes en Jamaïque ou que les membres de sa famille qui sont en Jamaïque sont ciblés en raison de son orientation sexuelle. Selon moi, il est objectivement déraisonnable qu’après environ 13 ans, le demandeur représente une cible pour qui que ce soit en Jamaïque en raison de son homosexualité. Rien dans la preuve dont je suis saisi ne démontre que le demandeur est personnellement exposé à un risque en Jamaïque en raison de son homosexualité.
J’aborderai maintenant la preuve documentaire objective afin de déterminer si les conditions en Jamaïque ont changé de façon importante depuis la décision défavorable rendue par le tribunal de la SPR en mai 2009, ce qui ferait en sorte que le demandeur répondrait à la définition de réfugié au sens de la Convention ou d’une personne à protéger.
[12] Dans un addenda, on souligne que Gareth Henry a signé et souscrit à son affidavit le 5 octobre 2009.
Les questions
[13] Dans le mémoire des faits et du droit du demandeur, les questions que soulève la présente demande de contrôle judiciaire sont ainsi énoncées :
a) L’agent a-t-il violé les principes d’équité procédurale en omettant d’examiner ou d’analyser la preuve du demandeur se rapportant au risque additionnel auquel il est exposé en raison de son mariage?
b) L’agent a-t-il commis une erreur dans l’analyse des risques – nommément en comprenant et en appliquant mal le critère du risque personnalisé et en omettant de faire une analyse prospective?
c) L’agent a-t-il commis une erreur de fait en accordant peu de poids à l’affidavit de Gareth Henry?
[14] Comme dans le cadre de toutes les demandes de contrôle judiciaire dont est saisie la Cour, il est nécessaire d’examiner la question de la norme de contrôle. Dans l’analyse qui suit, j’aborderai tout d’abord cette question brièvement.
Analyse
a) Norme de contrôle
[15] La norme de contrôle d’une décision comme celle faisant l’objet du présent contrôle judiciaire, en ce qui concerne une pure question de droit ou une atteinte à l’équité procédurale ou à la justice naturelle, est celle de la « décision correcte ». À tous les autres égards, la norme de contrôle appropriée est celle de la « décision raisonnable ». Lorsque la norme de la décision raisonnable s’applique, l’analyse tient à :
[...] la justification de la décision, à la transparence et à l’intelligibilité du processus décisionnel, ainsi qu’à l’appartenance de la décision aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit […][2]
J’estime que la première question soulevée pour le compte du demandeur est susceptible de contrôle selon la norme de la décision correcte tandis que la deuxième et la troisième questions sont susceptibles de contrôle selon la norme de la décision raisonnable.
b) Incidence du mariage du demandeur
[16] L’avocat du demandeur a fait valoir que le mariage de ce dernier, qui a eu lieu après la décision de la SPR statuant sur sa demande d’asile, constituait un nouvel élément de preuve et représentait un nouveau risque auquel il serait exposé s’il retournait en Jamaïque. Le mariage a été souligné par le demandeur dans son affidavit ainsi que dans les observations présentées à l’agent dans les termes suivants :
[traduction]
Puisque le droit jamaïcain sanctionne toute intimité sexuelle entre deux hommes, que ce soit en public ou en privé, le mariage de M. Cunningham expose celui-ci au risque immédiat d’être emprisonné pendant dix ans avec travaux forcés s’il est forcé de retourner en Jamaïque. Le mariage n’est pas un crime et le considérer ainsi équivaut clairement à de la persécution. De plus, infliger une peine de dix ans de travaux forcés pour avoir exercé le droit fondamental d’aimer et de chérir son époux constitue aussi clairement un traitement et une peine cruels et inusités.
La preuve du mariage de M. Cunningham est donc importante pour trancher la question de savoir s’il est une personne à protéger. De plus, puisque le mariage a eu lieu après l’audience de sa demande d’asile et qu’il ne vivait pas en union de fait avant l’audience, nous soutenons que la preuve de son mariage constitue un nouvel élément de preuve démontrant que la demande d’ERAR doit être acceptée.
[En italique dans l’original.]
[17] Dans la décision faisant l’objet du présent contrôle judiciaire, l’agent a noté qu’il n’a pas tenu compte des documents qui étaient antérieurs à la décision de la SPR ni de la preuve reposant sur des considérations d’ordre humanitaires qui ne traite pas des risques. Dans sa conclusion, l’agent a souligné les exceptions suivantes dans ces termes :
[traduction]
Autrement, tous les autres éléments de preuve présentés ont été acceptés à titre de nouveaux éléments de preuve et ont été examinés dans le cadre de la présente évaluation des risques.
[18] L’avocat du demandeur a fait valoir que, compte tenu particulièrement des arguments qui précèdent, la preuve et les observations au sujet du mariage du demandeur ne correspondent à aucune des exceptions mentionnées par l’agent et que ce dernier les a donc acceptés à titre de nouveaux éléments de preuve et qu’il en aurait tenu compte dans son évaluation des risques. Néanmoins, la preuve et les observations au sujet du mariage du demandeur n’ont pas été mentionnées expressément dans la décision faisant l’objet du contrôle judiciaire.
[19] Dans A.B. c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration)[3], le juge Zinn, siégeant à la Cour, a conclu que l’agent d’ERAR a commis une erreur en ne tenant pas compte des rapports faisant état de la violence à l’endroit des homosexuels au Guyana. Il a conclu au paragraphe 24 de ses motifs que l’omission de tenir compte d’éléments de preuve pertinents était un motif suffisant pour accueillir la demande de contrôle judiciaire dont il était saisi. Je suis disposé à tirer la même conclusion en l’espèce. Je suis prêt à prendre connaissance d’office de l’existence d’une concentration importante de Canadiens d’origine jamaïcaine dans la région du Canada où le demandeur habite. Le demandeur joue un rôle actif au sein de cette communauté. Il est fortement possible que le style de vie ouvertement homosexuel du demandeur au Canada soit déjà connu de personnes vivant en Jamaïque, lesquelles pourraient représenter un risque pour le demandeur. L’omission de reconnaître ce nouvel élément de preuve et d’en tenir compte pour déterminer si le demandeur est maintenant personnellement exposé au risque d’être persécuté ou au risque de traitements ou peines cruels et inusités s’il retournait en Jamaïque constitue une erreur susceptible de contrôle selon la norme de la décision correcte et, sans aucun doute, selon la norme de la décision raisonnable.
[20] Pour ce seul motif, la présente demande de contrôle judiciaire sera accueillie.
c) et d) Erreur commise par l’agent en analysant les risques et en accordant peu de poids à l’affidavit de Gareth Henry
[21] Compte tenu de la conclusion qui précède, je n’examinerai que brièvement ces deux allégations d’erreurs susceptibles de contrôle présentées par le demandeur. Sauf en ce qui concerne le fait que l’agent a omis de tenir compte de l’incidence du mariage du demandeur dans l’analyse des risques, tout en soulignant qu’une telle analyse devait tenir comte des circonstances particulières propres au demandeur et être de nature prospective, je ne vois aucune erreur susceptible de contrôle selon la norme de la décision raisonnable. Par contre, les explications de l’agent en ce qui concerne le poids accordé à l’affidavit de Gareth Henry sont peu convaincantes, encore une fois compte tenu particulièrement du style de vie ouvertement homosexuel du demandeur au sein de la communauté où il vit au Canada.
Conclusion
[22] Pour les motifs qui précèdent, la présente demande de contrôle judiciaire sera accueillie, la décision faisant l’objet du contrôle sera annulée et renvoyée aux défendeurs afin qu’un autre agent rende une nouvelle décision.
Certification d’une question
[23] À la fin de l’audience, les avocats ont été informés de la décision de la Cour et ont été consultés au sujet de la certification d’une question. Aucun avocat n’a recommandé la certification d’une question. La Cour elle-même est convaincue que la présente demande de contrôle judiciaire repose entièrement sur des faits qui lui sont propres. La présente affaire ne soulève aucune question grave de portée générale qui mériterait d’être tranchée dans le cadre d’un appel de la présente décision. Aucune question ne sera certifiée.
ORDONNANCE
LA COUR ORDONNE :
1. La présente demande de contrôle judiciaire est accueillie. La décision faisant l’objet du contrôle est annulée et la demande d’examen des risques avant le renvoi est renvoyée aux défendeurs afin qu’un autre agent la réexamine et rende une nouvelle décision.
2. L’intitulé est modifié afin d’inclure le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration à titre de défendeur.
« Frederick E. Gibson »
Juge suppléant
Traduction certifiée conforme
Mélanie Lefebvre, LL.B.
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : IMM-5171-09
INTITULÉ : MARLON CUNNINGHAM c.
LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE ET AL.
LIEU DE L’AUDIENCE : Toronto (Ontario)
DATE DE L’AUDIENCE : Le 20 mai 2010
MOTIFS DE L’ORDONNANCE
ET ORDONNANCE : LE JUGE SUPPLÉANT GIBSON
DATE DES MOTIFS : Le 11 juin 2010
COMPARUTIONS :
Kristin Marshall POUR LE DEMANDEUR
Kevin Doyle POUR LES DÉFENDEURS
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Kristin Marshall POUR LE DEMANDEUR
Avocats
Toronto (Ontario)
Myles Kirvan POUR LES DÉFENDEURS
Sous-procureur général du Canada
Toronto (Ontario)