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Cour fédérale

 

Federal Court

Date : 20100601

Dossier : IMM-5042-09

Référence : 2010 CF 569

Ottawa (Ontario), ce 1er jour de juin 2010

En présence de l’honorable juge Pinard

ENTRE :

Kok Hung WONG

 

Demandeur

 

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

Défendeur

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]          Il s’agit ici d’une demande de contrôle judiciaire d’une décision, datée du 21 juillet 2009, d’un agent d’examen des risques avant renvoi (l’agent) présentée en vertu du paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. (2001), ch. 27 (la Loi) par Kok Hung Wong (le demandeur). L’agent a rejeté sa demande fondée sur des considérations humanitaires (« demande CH ») d’obtenir la permission de demander le statut de résident permanent de l’intérieur du Canada.

 

[2]          Le demandeur est un citoyen de la Malaisie. Il est entré au Canada en tant que visiteur en 1998. En 2000, il a présenté une demande d’asile. Elle a été rejetée en 2001, au motif que le demandeur n’était pas crédible. Après l’échec d’une demande CH et d’une demande d’examen de risques de retour, il a quitté le Canada le 22 janvier 2002.

 

[3]          Il y est revenu le 30 avril de la même année et a aussitôt demandé l’asile. Cette nouvelle demande d’asile a été rejetée en juin 2003, encore une fois au motif que le demandeur n’était pas crédible. Une demande d’autorisation et de contrôle judiciaire de cette décision a également été rejetée. Le 31 mars 2008, le demandeur a présenté la demande CH dont le rejet fait l’objet de sa présente demande de contrôle judiciaire.

 

[4]          Cette demande CH était fondée sur son établissement au Canada et sur le risque qu’il dit encourir en cas de retour en Malaisie à cause de son homosexualité.

 

[5]          Suite à la décision négative de l’agent sur sa demande CH, ainsi qu’au rejet d’une demande d’examen des risques avant renvoi que le demandeur avait présentée en parallèle, celui-ci a rencontré un agent d’immigration qui lui a accordé jusqu’au 30 novembre 2009 pour quitter le Canada.

 

[6]          Le 13 octobre 2009, une convocation en vue d’une rencontre avec les autorités de l’immigration le 20 octobre a été remise au demandeur en mains propres. Le demandeur ne s’est pas présenté à cette rencontre. Plusieurs appels téléphoniques sont restés sans réponse.

 

[7]          Le 6 novembre 2009, un mandat d’arrestation a été émis contre le demandeur. Au moment de l’audition devant moi, le demandeur n’avait toujours pas réapparu et le mandat n’avait toujours pas été exécuté.

 

[8]          Le défendeur soutient que, s’étant soustrait au système de l’immigration canadien, le demandeur n’a pas les mains propres et que la Cour devrait refuser de lui venir en aide et rejeter sa demande sans en considérer le bien-fondé.

 

[9]          Le procureur du demandeur réplique que, dans le cadre d’un contrôle judiciaire, la situation doit être évaluée à la date de l’introduction de la demande et les faits postérieurs à la décision contrôlée ne doivent pas être pris en compte. Or, à la date de la décision et même du dépôt de la présente demande de contrôle judiciaire, le demandeur avait les mains propres.

 

[10]      Je suis d’accord avec le défendeur. La Cour a, dans une situation similaire, rejeté la demande de contrôle judiciaire dans E.L.D. c. Le ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration, 2005 CF 1475. Rappelant la maxime « he who has committed Iniquity ... shall not have Equity » (Jones v. Lenthal (1669) 1 Ch. Ca. 154), le juge Max M. Teitelbaum y a statué, au paragraphe 56, que « [p]uisque la demanderesse tient à obtenir une révision judiciaire, sa conduite est pertinente et doit être irréprochable ». Lorsqu’une personne qui demande le contrôle judiciaire d’une décision administrative n’a pas les mains propres, « ce motif à lui seul suffit pour rejeter la demande de contrôle judiciaire ». Or, rien dans les motifs du juge Teitelbaum ne laisse supposer que la demanderesse dans cette affaire était passée dans la clandestinité avant que n’ait été rendu la décision dont elle demandait le contrôle judiciaire.

[11]      En fait, la conduite du demandeur doit s’apprécier à la lumière de la doctrine des « mains propres » au moment où la Cour entend la demande de contrôle judiciaire. Son application résulte du pouvoir discrétionnaire de la Cour, et non de celui d’un décideur administratif. Dans Canadien Pacifique Ltée c. Bande indienne de Matsqui, [1995] 1 R.C.S. 3, au paragraphe 30, le juge en chef Lamer expliquait qu’en déposant une demande de contrôle judiciaire, une personne n’a

toutefois pas le droit d’exiger que la cour procède effectivement à ce contrôle. Il existe depuis longtemps un principe général selon lequel la réparation qu’une cour de justice peut accorder dans le cadre du contrôle judiciaire est essentiellement discrétionnaire. Ce principe découle du fait que les brefs de prérogative sont des recours extraordinaires. La nature extraordinaire et discrétionnaire de ces brefs a été subsumée dans les dispositions relatives au contrôle judiciaire de l'article 18.1 de la Loi sur la Cour fédérale. . . .

 

 

 

[12]      La décision de la Cour de procéder ou non au contrôle judiciaire et la décision prise, le cas échéant, dans le cadre de ce contrôle, sont donc distinctes. Il serait absurde qu’en exerçant son pouvoir discrétionnaire et en décidant si elle va ou non procéder au contrôle judiciaire, une Cour ne puisse pas tenir compte de tous les faits pertinents, y compris, comme en l’espèce, du comportement du demandeur entre la date de la décision administrative et celle du contrôle judiciaire. Par contre, ayant décidé de procéder au contrôle judiciaire, la Cour doit s’en tenir aux faits qui ont été à la base de la décision administrative – sauf dans les cas où la compétence du décideur ou l’équité de la procédure administrative est en cause.

 

[13]      Ainsi, je conclus que le demandeur n’a pas les mains propres et, dès lors, sa demande doit être rejetée.

 

[14]      Pour tous ces motifs, la demande de contrôle judiciaire est rejetée.

[15]      Le demandeur propose la question suivante pour fins de certification :

Lorsqu’une demande d’autorisation est dûment autorisée par un juge de la Cour fédérale quant à une décision spécifique, et qu’aucun fait nouveau n’est allégué entre le moment de l’autorisation et le moment du contrôle judiciaire, compte tenu des dispositions impératives de l’article 74 de la LIPR et des dispositions de la Loi sur les cours fédérales, le juge de la Cour fédérale chargée (sic) de statuer sur la décision a-t-il compétence pour ne pas entendre l’affaire en alléguant l’existence de la théorie des mains propres applicables (sic) en Common Law?

 

Dans l’affirmative, la situation est-elle la même si l’annulation de la décision sous étude pouvait amener à rendre nulle (sic) ou périmée (sic) les reproches faits au demandeur lesquels justifieraient l’application de la théorie des mains propres et le demandeur est-il alors en droit de contester les allégués qui lui sont reprochés avant que jugement ne soit rendu?

 

 

 

[16]      À mon avis, il ne s’agit pas là d’une question grave, de portée générale, et qui soit de nature à permettre de trancher l’appel. La certification demandée est donc refusée. En ce faisant, j’adopte le raisonnement exprimé par l’avocate du défendeur dans sa lettre du 13 mai 2010 adressée à la Cour en réponse à la proposition de cette question à certifier, soumise par le procureur du demandeur. Ce raisonnement s’appuie correctement sur les décisions suivantes de la Cour d’appel fédérale : Varela c. Canada (M.C.I.) (2009), 391 N.R. 366; Liyanagamage c. Canada (M.C.I.) (1994), 176 N.R. 4; Thanabalasingham c. Canada (M.C.I.) (2006), 345 N.R. 388, et Succession Deng c. Le ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile, 2009 CAF 59.

 

[17]      La question proposée par le demandeur n’est donc pas certifiée.

 

 

 

 

JUGEMENT

 

            La demande de contrôle judiciaire visant la décision rendue le 21 juillet 2009 par un agent d’examen des risques avant renvoi rejetant la demande fondée sur des considérations humanitaires d’obtenir la permission de demander le statut de résident permanent de l’intérieur du Canada est rejetée.

 

 

« Yvon Pinard »

Juge

 

 

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        IMM-5042-09

 

INTITULÉ :                                       Kok Hung WONG c. LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 21 avril 2010

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              Le juge Pinard

 

DATE DES MOTIFS :                      Le 1er juin 2010

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Me Michel Le Brun                              POUR LE DEMANDEUR

 

Me Mireille-Anne Rainville                   POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Michel Le Brun                                                             POUR LE DEMANDEUR

Lasalle (Québec)

 

Myles J. Kirvan                                                            POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

 

 

 

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