Cour fédérale |
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Federal Court |
Ottawa (Ontario), le 7 mai 2010
En présence de monsieur le juge Phelan
ENTRE :
SANDRA LUZ LOPEZ MIJANGOS
et
ET DE L’IMMIGRATION
MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT
I. Introduction
[1] Le demandeur principal (le demandeur) et son épouse ont fui le Mexique, disant craindre un baron de la drogue qui a été arrêté par le demandeur, puis relâché à la suite de la décision d’un juge. La Commission de l’immigration et du statut de réfugié (la Commission) a rejeté la demande d’asile en se fondant sur l’absence de lien entre la situation des demandeurs et un des motifs prévus dans la Convention. Elle a également conclu que les demandeurs n’avaient pas réfuté la présomption de protection de l’État au Mexique.
II. Faits
[2] Le demandeur était un policier municipal à Tampico. Il a arrêté M. Gomez pour trafic de drogue. Lors de la comparution de ce dernier devant la justice, le juge a relâché M. Gomez et déconseillé au demandeur de s’ingérer dans les affaires de Gomez et de son entourage. Le chef des forces policières du demandeur avait aussi émis une telle mise en garde.
[3] Peu de temps après l’incident, le demandeur a reçu des menaces de mort par l’entremise d’appels auxquels ont répondu des membres de sa famille. Le demandeur a démissionné de son poste dix jours plus tard, puis est parti pour le Canada trois semaines après sa démission. En résumé, environ trois semaines se sont écoulées entre les menaces de morts et la démission, puis trois autres semaines se sont écoulées avant qu’il quitte le Mexique sans signaler les menaces ni les commentaires du juge à une organisation, gouvernementale ou autre.
[4] Le demandeur a soutenu n’avoir signalé l’incident à aucune organisation policière parce qu’il ne leur faisait pas confiance. Il pensait la même chose de tous les autres organisations ou organismes auprès desquels il aurait pu se plaindre.
[5] La Commission a déterminé que faire partie d’un groupe de policiers ne constituait pas une appartenance à un groupe social au sens où ces termes sont employés à l’article 96 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés.
[6] L’analyse que la Commission a faite en application de l’article 97 était limitée à la question de la protection de l’État. La Commission a examiné les mesures qui ont été prises (ou non) et conclu que des éléments de cette histoire de menaces n’étaient pas crédibles. Elle a également remarqué que le demandeur, tout en reconnaissant le mandat de certaines agences fédérales de s’occuper de la corruption policière, n’avait pas cherché à obtenir la protection de l’État.
[7] La Commission a également reconnu que le Mexique avait des problèmes internes et que la corruption était répandue. Toutefois, les mesures du demandeur se révélaient insuffisantes, même dans le contexte de certains des problèmes au Mexique.
III. Analyse
[8] Le demandeur n’a présenté aucune observation sur la question de la norme de contrôle applicable. Toutefois, la norme qui s’applique à une conclusion sur la protection de l’État est celle de la décision raisonnable (Eler c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’immigration), 2008 CF 334). L’interprétation qu’a donnée la Commission aux groupes sociaux visés par l’article 96 constituait une question de droit et, par conséquent, elle doit faire l’objet d’un contrôle selon la norme de la décision correcte. L’application du critère aux faits est assujettie à la décision raisonnable.
[9] La Commission a correctement interprété l’article 96. Les problèmes du demandeur n’ont pas été causés par son statut, mais par ses actes. Comme le prévoit Canada (Procureur général) c. Ward, [1993] 2 R.C.S. 689, les groupes, au sens où ce terme est employé à l’article 96, sont déterminés en fonction des principes de base sous-jacents à la Convention relative au statut des réfugiés (par exemple, la non-discrimination). J’ai retenu l’analyse du juge de Montigny dans Chekhovskiy c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’immigration), 2009 CF 970, au paragraphe 19.
[10] La conclusion de la Commission que le demandeur, en sa qualité de policier, n’était pas visé par la notion de groupe social pour l’application de l’article 96 est maintenue.
[11] La conclusion de la Commission relative à la protection de l’État et à l’omission du demandeur de s’en prévaloir sans raison valable est raisonnable dans les circonstances. La Commission a conclu que le demandeur n’avait pas réfuté la présomption de la protection de l’État.
[12] La Cour a fait récemment de nombreux commentaires sur la question de la protection de l’État au Mexique. Le demandeur se fonde sur certaines décisions pour prétendre que la présomption de protection de l’État au Mexique était pratiquement écartée. Selon mon interprétation, des décisions telles que Zepeda et al. c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’immigration), 2008 CF 491, et Capitaine c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’immigration), 2008 CF 98 n’établissement pas que cette présomption a été écartée. Je ne crois pas non plus que la Cour soit tenue de mener une analyse politique sur un pays afin de déterminer dans quelle catégorie il se situe en ce qui a trait à la protection de l’État.
[13] La présomption de protection de l’État n’est rien de plus qu’une présomption réfutable. Le fardeau de réfuter la présomption incombe au demandeur, et la preuve de l’existence de corruption n’est qu’un élément de l’analyse qui vise à déterminer si la protection de l’État existe. Les facteurs tels que la démocratie, les institutions judiciaires et les organismes efficaces de lutte contre la corruption font partie des nombreux facteurs à évaluer. Le fardeau de cette évaluation incombe à la Commission, et le caractère raisonnable de cette évaluation relève de la Cour.
[14] La description brève, mais générale, que la Commission a faite des problèmes au Mexique suffisait en l’espèce. La Commission peut difficilement conjecturer les mesures que pourrait mettre en place chacune des organisations auxquelles le demandeur a la possibilité de se plaindre en l’absence de tentative de la part de ce dernier. La Commission a ciblé les institutions fédérales comme des organismes à qui le demandeur peut raisonnablement s’adresser, et ce dernier n’a produit aucune preuve montrant qu’il ne s’agissait pas d’une solution viable, autre qu’une crainte généralisée.
[15] L’argument du demandeur que l’urgence l’empêchait de déposer une plainte auprès d’autres organismes est contredit par le fait que six semaines se sont écoulées entre le premier incident (les commentaires du juge et du chef des forces policières) et son départ, et cinq semaines depuis les menaces de mort.
[16] La conclusion de la Commission sur la question de la protection de l’État est raisonnable.
IV. Conclusion
[17] En
conséquence, la présente demande de contrôle judiciaire sera rejetée. Il n’y a
aucune question à certifier.
JUGEMENT
LA COUR STATUE que la demande de contrôle judiciaire est rejetée.
Traduction certifiée conforme
David Aubry, LL.B.
Cour fÉdÉrale
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : IMM-3708-09
INTITULÉ : JUAN MANUEL ESCOBAR MARTINEZ
SANDRA LUZ LOPEZ MIJANGOS
c.
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ
ET DE L’IMMIGRATION
LIEU DE L’AUDIENCE : Toronto (Ontario)
DATE DE L’AUDIENCE : Le 4 mai 2010
MOTIFS DU JUGEMENT
DATE DES MOTIFS
ET DU JUGEMENT : Le 7 mai 2010
COMPARUTIONS :
J. Byron M. Thomas
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David Cranton
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AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
J. Bryon M. Thomas Avocat Toronto (Ontario)
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Myles J. Kirvan Sous-procureur général du Canada Toronto (Ontario) |