Cour fédérale |
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Federal Court |
Vancouver (Colombie‑Britannique), le 13 avril 2010
En présence de monsieur Roger R. Lafrenière, protonotaire
ENTRE :
et
LES PRODUCTEURS D’ŒUFS DU CANADA (anciennement connus sous le nom
D’OFFICE CANADIEN DE COMMERCIALISATION DES ŒUFS)
défendeurs
MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE
[1] La demanderesse a fait l’objet d’une ordonnance datée du 25 janvier 2010 lui enjoignant de fournir, avant le 25 février 2010, un cautionnement de 50 000 $ pour les dépens des défendeurs, à défaut de quoi les défendeurs auraient la possibilité de demander le rejet de l’instance. La demanderesse a tenté d’exécuter l’ordonnance en présentant une lettre de crédit le 19 février 2010. Le 26 février 2010, on a donné des directives rejetant le document présenté par la demanderesse pour le motif qu’une lettre de crédit de durée limitée ne peut constituer un cautionnement valable pour les dépens des défendeurs. Le 1er mars 2010, l’avocat de la demanderesse a écrit à la Cour pour demander l’autorisation de fournir un cautionnement sous une autre forme.
[2] La demanderesse a par la suite demandé, par voie de requête, une ordonnance approuvant la forme de cautionnement proposée, tel qu’exposé à l’annexe « A » de son avis de requête. Les défendeurs ont également présenté une requête visant à faire rejeter l’instance pour le motif que la demanderesse n’avait pas respecté les termes clairs de l’ordonnance datée du 25 janvier 2010.
[3] Il n’est pas contesté que la lettre de crédit présentée initialement par la demanderesse n’était pas satisfaisante puisqu’elle expirait après un an, si un avis à cet effet était donné par la Banque Toronto Dominion. En outre, la demanderesse n’avait pas demandé l’autorisation préalable de la Cour de fournir un cautionnement sous une forme autre qu’en espèces. Il demeure néanmoins que la demanderesse a essayé de respecter l’ordonnance datée du 25 janvier 2010 avant l’expiration du délai et a réagi rapidement après avoir été avisée que la lettre de crédit de durée limitée avait été rejetée. En l’absence de préjudice apparent causé aux défendeurs, j’estime qu’il est dans l’intérêt de la justice d’accorder à la demanderesse une prorogation du délai octroyé pour qu’elle fournisse un cautionnement valable.
[4] L’article 418 des Règles des Cours fédérales dispose que les deux seules formes de cautionnement acceptables sont la consignation de la somme requise ou le dépôt d’un cautionnement. Étant donné que le demandeur sollicite l’autorisation de fournir un cautionnement sous la forme d’une lettre de crédit, il est nécessaire d’examiner s’il existe des différences pratiques entre un dépôt de cautionnement et une lettre de crédit qui sont importantes dans les circonstances de la présente affaire.
[5] La différence entre le dépôt d’un cautionnement et une lettre de crédit est examinée de façon approfondie dans le chapitre 12 de K.P. McGuinness, The Law of Guarantee: A Treatise on Guarantee, Indemnity and the Standby Letter of Credit, 2e éd., Toronto, Carswell, 1996. Malgré l’existence d’une caractéristique qui permet de distinguer le dépôt de cautionnement, un document revêtu d’un sceau, d’une lettre de crédit, ces deux documents sont très semblables, comme le reconnaissent les défendeurs. En fait, certains disent que les lettres de crédit offrent même un certain nombre d’avantages : voir The Law of Guarantee, page 838 :
[traduction]
Du point de vue du créancier dans une opération donnée, on constate habituellement que la lettre de crédit offre une forme de protection qui est plus simple sur le plan administratif que le dépôt d’un cautionnement et c’est probablement cette simplicité qui explique la popularité des lettres de crédit stand-by. La simplicité relative des lettres de crédit stand-by comporte plusieurs aspects. Par exemple, les cautions peuvent invoquer toute une gamme de moyens de défense qui découlent des rapports entre le créancier et le débiteur principal ainsi que des rapports entre les cautions accessoires et le créancier. L’émetteur d’une lettre de crédit n’est pas en mesure d’invoquer ces moyens de défense. Les moyens de défense dont dispose une caution peuvent être exclus par contrat, mais il n’est pas nécessaire de rédiger habilement un contrat de cautionnement lorsqu’il est possible de remplacer un dépôt de cautionnement par une lettre de crédit stand-by. Une autre facette de la simplicité des lettres de crédit est qu’elles prévoient le paiement d’une somme déterminée et non le versement d’un montant à titre de préjudice ou de dommage. Le paiement prévu par une lettre de crédit n’exige pas que soit apportée la preuve des dommages subis, ce qui supprime une cause de différend entre l’émetteur de la lettre et le créancier au sujet du montant dû aux termes de la lettre de crédit.
[6] Le cautionnement pour dépens a pour but de protéger le défendeur lorsqu’il existe une raison de croire que le demandeur risque de ne pas pouvoir exécuter l’ordonnance de dépens rendue contre lui. Correctement libellée, la lettre de crédit est aussi sûre qu’une somme d’argent consignée au tribunal.
[7] La forme de cautionnement proposée par la demanderesse est une lettre de crédit irrévocable émise par TD Canada Trust pour la somme de 50 000 $. Le formulaire de la lettre de crédit mentionne qu’elle peut être encaissée et les fonds consignés au tribunal dans le cas où la lettre de crédit ne serait pas renouvelée et où la demande de contrôle judiciaire ne ferait pas l’objet d’une décision sur le fond. À mon avis, la lettre de crédit proposée émise par une institution financière de bonne réputation accorde aux défendeurs une protection suffisante pour le paiement des dépens des défendeurs au cas où la demande serait rejetée. La demanderesse sera donc autorisée à fournir un cautionnement sous la forme proposée, sans préjudice du droit des défendeurs de demander, par voie de requête, un cautionnement plus sûr, au cas où les circonstances le justifieraient.
ORDONNANCE
LA COUR ORDONNE:
1. La demanderesse est autorisée à fournir un cautionnement pour les dépens, en exécution de l’ordonnance du 25 janvier 2010, sous la forme d’une lettre de crédit déposée au greffe sous la forme décrite à l’annexe A de son avis de requête.
2. La lettre de crédit doit être envoyée immédiatement et au plus tard le 21 avril 2010.
3. La requête des défendeurs est rejetée.
4. il n’y aura pas d’ordonnance concernant les dépens relatifs aux requêtes des parties.
« Roger R. Lafrenière »
Traduction certifiée conforme
David Aubry, LL.B.
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : T‑1475‑09
INTITULÉ : HIGHLAND PRODUCE LTD. c.
LES PRODUCTEURS D’ŒUFS DU
CANADA (anciennement connus sous le nom
D’OFFICE CANADIEN DE COMMERCIALISATION DES ŒUFS)
REQUÊTE EXAMINÉE SUR DOSSIER SANS COMPARUTION PERSONNELLE DES PARTIES
MOTIFS DE L’ORDONNANCE
ET ORDONNANCE : LE PROTONOTAIRE LAFRENIÈRE
DATE DES MOTIFS
ET DE L’ORDONNANCE : LE 13 AVRIL 2010
OBSERVATIONS ÉCRITES :
M. Kenneth Fitz
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POUR LA DEMANDERESSE |
M. Colin Feasby
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POUR LES DÉFENDEURS |
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
McLennan Ross LLP Edmonton (Alberta)
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POUR LA DEMANDEURESSE |
Osler, Hoskin & Harcourt LLP Calgary (Alberta)
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POUR LES DÉFENDEURS |