Cour fédérale |
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Federal Court |
Ottawa (Ontario), le 23 mars 2010
En présence de monsieur le juge Phelan
ENTRE :
LA SOCIÉTÉ CANADIENNE DE PERCEPTION DE LA COPIE PRIVÉE
et
COMPUTER ULTRA CORPORATION et
COMPUTER ULTRA DISTRIBUTION INC.
Dossier : T-1241-09
ET ENTRE :
LA SOCIÉTÉ CANADIENNE DE PERCEPTION DE LA COPIE PRIVÉE
demanderesse
et
BURN N LEARN INC., faisant affaire sous le nom de blankmedia.ca,
THOMAS RICHER, faisant affaire sous le nom de Bits N PCs Computer et blankmedia.ca, et
HEATHER RICHER, faisant affaire sous le nom de Bits N PCs Computer et blankmedia.ca
défendeurs
MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE
[1] Dans les deux dossiers, les défendeurs ont demandé la même réparation à l’encontre de la demanderesse, essentiellement pour les mêmes motifs. L’ordonnance demandée est en fait une sorte d’ordonnance imposant le secret qui interdirait à la demanderesse de communiquer avec les clients des défendeurs, qui peuvent détenir des éléments de preuve liés au présent litige, sans obtenir au préalable l’accord des défendeurs ou une ordonnance de la Cour.
[2] La Société canadienne de perception de la copie privée (la SCPCP) est un organisme créé par une loi afin de cueillir et d’administrer les redevances lors de la vente de supports vierges (par exemple, un CD ou une cassette vierges). Les frais sont prévus dans un tarif. Les défendeurs ont fait l’objet de poursuites pour avoir failli à leur devoir de percevoir et de transférer des redevances pour les supports vierges vendus.
[3] À la suite de la divulgation préalable, les défendeurs, après avoir été quelque peu réticents et avoir invoqué des faux-fuyants, ont finalement produit les noms des clients qui ont possiblement acheté des produits auxquels s’appliquait le tarif.
[4] La demanderesse a écrit à un certain nombre de ces clients pour les informer de l’existence du litige et pour leur souligner qu’ils étaient peut-être en possession d’éléments de preuve concernant l’affaire. La demanderesse a ensuite demandé aux clients de garder ces éléments et de les lui rendre accessibles au besoin.
[5] Les défendeurs se sont opposés à cette forme de communication avec leurs clients; ils prétendaient que cela équivalait à de l’intimidation et que ça minait la relation d’affaires qu’avaient les clients avec les défendeurs respectifs.
[6] Les défendeurs ont concédé que la lettre même n’était pas un geste à condamner, mais y voyaient un motif illégitime de la part de la demanderesse – soit de détruire leur entreprise avant l’instruction.
[7] La demanderesse a expliqué l’envoi de la lettre, de nature inoffensive et nécessaire, par la destruction de certains documents des défendeurs. Les défendeurs ont affirmé que la destruction des documents s’était faite dans le cadre de l’élimination régulière des documents périmés, et non pour un motif inavoué.
[8] L’ordonnance visée est inhabituelle; elle s’apparente à une injonction. Donc, les principes applicables à une mesure injonctive étaient pertinents aux fins des présentes requêtes. Les requêtes ont été, par conséquent, débattues en tenant compte de ce fait. Il est question, ci‑dessous, des aspects du critère à trois volets énoncé dans l’arrêt RJR-Macdonald Inc. c. Canada (Procureur général), [1994] 1 R.C.S. 311.
I. UNE QUESTION SÉRIEUSE À JUGER
[9] Outre le fait qu’ils affirmaient avoir une défense et satisfaire ainsi à cet élément du critère à trois volets, les défendeurs ont reconnu qu’ils ne pouvaient pas présenter un précédent ou une disposition législative qui justifiait ou appuyait le type de réparation visé en l’espèce.
[10] Il n’est pas surprenant qu’il n’y ait eu aucun précédent, puisque la nature de l’ordonnance visée allait à l’encontre du principe bien établi « qu’un témoin n’appartient à personne », comme lord Denning l’a déclaré dans Harmony Shipping Co. c. Davis, [1979] 3 All E.R. 177, à la page 181 (C.A.).
[11] Rien n’indique que la demanderesse a brisé l’engagement implicite de l’enquête préalable, soit que les faits révélés ne peuvent être utilisés qu’aux fins du litige. En fait, la lettre de la demanderesse vise clairement à recueillir des éléments de preuve pour le procès.
[12] Par conséquent, les défendeurs n’ont pas rempli le premier volet du critère. Ce seul fait était suffisant pour rejeter la requête, mais la Cour formulera des commentaires sur les autres éléments du critère à trois volets.
II. LE PRÉJUDICE IRRÉPARABLE
[13] Les défendeurs n’ont pas pu établir de préjudice, encore moins de préjudice irréparable. L’inquiétude d’un défendeur et l’affidavit de l’avocat des défendeurs ne suffisent pas pour satisfaire à ce préalable. Il n’y a aucune preuve d’une chute ou d’une modification des ventes, ni de plaintes exprimées pas des clients, ni même de quelque autre élément qui aurait pu être présenté dans une affaire commerciale où il est allégué qu’un préjudice a été causé, ou qu’il est raisonnablement probable qu’il soit causé (comme dans la présente affaire, où la réparation demandée est semblable à une injonction préventive).
III. LA PRÉPONDÉRANCE DES INCONVÉNIENTS
[14] Le protonotaire Milczynski a déjà réglé la question qui a trait à l’allusion qu’il s’agit d’une recherche à l'aveuglette de la part de la demanderesse.
[15] L’ordonnance visée altérerait la capacité de la demanderesse à mener ses activités préalables à l’instruction et pendant celle‑ci, et ce, sans l’intervention des défendeurs.
[16] Le fardeau de la preuve repose sur les épaules de la demanderesse. L’instance doit suivre les règles habituelles et se dérouler d’une manière efficace. Les besoins d’une instance régulière et efficace prédominent sur l’intérêt des défendeurs d’isoler leur clients. Les droits de la demanderesse sur ce point prévalent sur les intérêts des défendeurs.
[17] Les requêtes seront rejetées avec dépens.
ORDONNANCE
LA COUR ORDONNE que les requêtes soient rejetées avec dépens.
Traduction certifiée conforme
Christian Laroche LL.B.
Réviseur
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : T-79-07
INTITULÉ : LA SOCIÉTÉ CANADIENNE DE PERCEPTION DE LA COPIE PRIVÉE
c.
BLUE MEDIA GROUP INC., COMPUTER ULTRA CORPORATION et COMPUTER ULTRA DISTRIBUTION INC.
ET
DOSSIER : T-1241-09
INTITULÉ : LA SOCIÉTÉ CANADIENNE DE PERCEPTION DE LA COPIE PRIVÉE
c.
BURN N LEARN INC., faisant affaire sous le nom de blankmedia.ca,
THOMAS RICHER, faisant affaire sous le nom de Bits N PCs Computer, et blankmedia.ca, et
HEATHER RICHER, faisant affaire sous le nom de Bits N PCs Computer and blankmedia.ca
LIEU DE L’AUDIENCE : TORONTO (ONTARIO)
DATE DE L’AUDIENCE : LE 15 MARS 2010
MOTIFS DE L’ORDONNANCE
ET ORDONNANCE : LE JUGE PHELAN
DATE DES MOTIFS ET
DE L’ORDONNANCE : LE 23 MARS 2010
COMPARUTIONS :
Randy Sutton
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POUR LA DEMANDERESSE |
Orie Niedzviecki
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POUR LES DÉFENDEURS |
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Ogilvy Renault, s.r.l. Avocats Toronto (Ontario)
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POUR LA DEMANDERESSE |
Ellyn Law LLP Avocats Toronto (Ontario) |
POUR LES DÉFENDEURS |