Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Date : 20100317

Dossier : IMM‑3310‑09

Référence : 2010 CF 303

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 17 mars 2010

EN PRÉSENCE DE M. LE JUGE FREDERICK E. GIBSON

ENTRE :

MASHHOUR SALEH

demandeur

 

et

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE

 

Introduction

[1]               Les présents motifs font suite à l’audience, tenue à Toronto le 10 février 2010, d’une demande de contrôle judiciaire visant une décision rendue le 15 juin 2009. Dans cette décision un agent d’immigration a conclu que le demandeur était interdit de territoire au Canada en application de l’alinéa 36(2)a) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés[1] (LIPR) en raison d’une déclaration de culpabilité prononcée contre lui au Canada le 9 mars 2007 relativement à une infraction de vol de moins de 5 000 $ et de l’alinéa 34(1)f) de la LIPR parce qu’il est membre de l’Union Générale des Étudiants de Palestine (GUPS), de la faction Fatah de l’Organisation de libération de la Palestine (OLP) et d’un comité populaire de l’OLP, des organisations dont il y a des motifs raisonnables de croire qu’elles sont, ont été ou seront l’auteur d’actes terroristes visés à l’alinéa 34(1)c) de la LIPR.

 

[2]               La décision selon laquelle le demandeur est interdit de territoire au Canada en raison de sa déclaration de culpabilité au Canada relativement à une infraction de vol de moins de 5 000 $ n’est pas en litige dans le cadre de la présente demande de contrôle judiciaire.

 

[3]               Avant l’audition de la présente demande de contrôle judiciaire, le défendeur a présenté une requête conformément à l’article 87 de la LIPR en vertu de laquelle il sollicite l’interdiction de divulgation de certains renseignements contenus dans le dossier de la Cour dans le cadre de la présente affaire. Dans une ordonnance datée du 1er février 2010, le juge en chef a déclaré que les renseignements qu’on demande d’expurger [traduction] « revêtent peu d’importance, sinon aucune, à l’égard de l’issue de la présente affaire et que certains des renseignements expurgés sont divulgués directement ou indirectement dans la partie non expurgée du dossier de la Cour ». Par conséquent, il a ajourné sine die l’audition de la requête du défendeur. La requête elle‑même et l’issue de la requête n’ont pas été soulevées durant l’audience. La requête du défendeur sera donc accueillie dans la présente ordonnance.

 

Contexte

[4]               Dans son affidavit au soutien de sa demande, le demandeur déclare en partie :

[traduction]

[…]

Je suis né le 26 septembre 1959 au camp de réfugiés d’Ein‑el‑Halwe au Liban. Je suis un réfugié apatride au Liban. En novembre 1993, j’ai quitté le Liban pour le Canada où j’ai présenté une demande d’asile. Ma demande d’asile a été rejetée vers 1996, mais l’ambassade du Liban a jugé que je ne pouvais pas retourner au Liban étant donné que j’étais né de parents palestiniens et que je n’avais pas de statut dans ce pays. J’étais donc un apatride.

 

Je suis toujours célibataire, je ne me suis jamais marié et je n’ai pas d’enfants. Mes parents se trouvent toujours dans les camps de réfugiés palestiniens au Liban, mais mes frères et sœurs vivent en tant que réfugiés en Syrie, à Abu Dhabi, en Arabie saoudite et au Qatar. Aucun d’eux n’a de statut de résident permanent dans ces pays [sic].

 

Pendant que je vivais au Liban, je n’ai jamais été un membre actif d’une quelconque organisation palestinienne ou d’un parti politique. En 1979, j’ai adhéré à l’Union Générale des Étudiants de Palestine (GUPS) dans l’unique but d’obtenir un visa d’étudiant pour aller étudier en Bulgarie. À ce moment, c’était le seul moyen dont je disposais pour quitter le camp palestinien au Liban et pour aller étudier à l’étranger. En 1982, j’ai également adhéré au Fatah afin de recevoir une bourse de leur part me permettant de poursuivre mes études [en fait, le demandeur a reçu une bourse d’études de la Bulgarie, apparemment sur la recommandation du Fatah].

 

Cependant, je n’ai jamais participé activement aux activités de ces groupes ni à aucune autre faction de l’OLP. Je suis resté en Bulgarie à titre d’étudiant pendant neuf ans et je suis ensuite retourné au Liban en 1989. À mon retour, je n’ai entretenu aucun lien avec l’Union Générale des Étudiants de Palestine (GUPS) ni avec la faction Fatah de l’OLP et je considérais que mon appartenance à ces groupes avait pris fin à ce moment.

 

J’ai affirmé qu’à mon retour de la Bulgarie, en 1989, j’ai travaillé dans un hôpital au Liban et que pendant deux ans, j’ai travaillé comme bénévole au sein du comité populaire qui était une branche des affaires sociales de l’OLP participant à la réglementation des affaires palestiniennes dans les camps libanais.

 

Je n’ai jamais été un membre actif d’une organisation politique palestinienne. Je n’ai participé à aucune activité organisée par ces groupes et je n’ai certainement pas participé à des actes de violence. Je suis simplement devenu membre de ces organisations afin de recevoir un visa d’étudiant et une bourse pour étudier en Bulgarie.

 

J’habite au Canada depuis novembre 1993. Au cours des 16 dernières années, j’ai occupé un emploi de façon continue. J’ai créé ma propre entreprise […] en juillet 2000 et j’en suis toujours le gestionnaire. Depuis mon arrivée, j’ai toujours été une personne autonome contribuant à la société canadienne.

 

[…]

 

[5]               À partir du moment où le demandeur est revenu au Liban, après son séjour en Bulgarie, et jusqu’à son départ pour le Canada, il travaillait comme technicien en radiologie dans un camp de réfugiés au Liban.

 

Cadre législatif

[6]               L’article 33, les premiers mots du paragraphe 34(1), les alinéas 34(1)c) et f) et le paragraphe 34(2) de la LIPR sont rédigés comme suit :

33. Les faits ‑ actes ou omissions ‑ mentionnés aux articles 34 à 37 sont, sauf disposition contraire, appréciés sur la base de motifs raisonnables de croire qu’ils sont survenus, surviennent ou peuvent survenir.

Sécurité

 

34. (1) Emportent interdiction de territoire pour raison de sécurité les faits suivants :

 

c) se livrer au terrorisme;

f) être membre d’une organisation dont il y a des motifs raisonnables de croire qu’elle est, a été ou sera l’auteur d’un acte visé aux alinéas a), b) ou c).

 

      (2) Ces faits n’emportent pas interdiction de territoire pour le résident permanent ou l’étranger qui convainc le ministre que sa présence au Canada ne serait nullement préjudiciable à l’intérêt national.

33. The facts that constitute inadmissibility under sections 34 to 37 include facts arising from omissions and, unless otherwise provided, include facts for which there are reasonable grounds to believe that they have occurred, are occurring or may occur.

 

34. (1) A permanent resident or a foreign national is inadmissible on security grounds for

...

 (c) engaging in terrorism;

...

 (f) being a member of an organization that there are reasonable grounds to believe engages, has engaged or will engage in acts referred to in paragraph (a), (b) or (c).

 

      (2) The matters referred to in subsection (1) do not constitute inadmissibility in respect of a permanent resident or a foreign national who satisfies the Minister that their presence in Canada would not be detrimental to the national interest.

 

[7]               La question pertinente en l’espèce, soit la question qu’avait à trancher le décideur dont la décision fait l’objet du présent contrôle judiciaire, est celle de savoir si le demandeur, avant d’arriver au Canada, était membre d’une ou de plusieurs organisations dont il y a des motifs raisonnables de croire qu’elles sont, ont été ou seront l’auteur d’un acte de terrorisme. Les antécédents du demandeur et son appartenance à diverses organisations liées à l’OLP n’étaient essentiellement pas en litige.

 

Motifs de la décision faisant l’objet du contrôle

[8]               Le décideur a conclu que le demandeur a tiré des avantages de son appartenance au GUPS et au Fatah. Il a déclaré ce qui suit :

[traduction]

 

[…]

Durant son interrogatoire, le demandeur a affirmé être devenu membre du GUPS et du Fatah en 1979 et en 1982, respectivement, afin de recevoir une bourse d’études. Le GUPS l’a recommandé afin qu’il soit autorisé à aller étudier en Bulgarie en 1980 ou en 1981. Le demandeur a affirmé qu’il était nécessaire d’obtenir une telle autorisation du mouvement de libération pour étudier en Bulgarie; il a ajouté que le mouvement défendait les Palestiniens. Ce mouvement était l’Organisation pour la libération de la Palestine (OLP) dirigée par Yasir Arafat. Yasir Arafat était à la tête de l’OLP, laquelle était divisée en plusieurs factions. Le demandeur a étudié en Bulgarie à l’Université de Sofia de 1981 à 1983, à Burgas de 1983 à 1985 et à Marmalaiva Brodef de 1984 ou 1985 à 1987.

 

On a demandé à M. Saleh pourquoi le GUPS et l’OLP l’avaient choisi pour une bourse d’études. Il a expliqué qu’il était tenu d’expliquer ses conditions financières au GUPS dans le cadre du processus de sélection. Le GUPS, en retour, a dressé une liste de candidats pour les bourses d’études et le choix final revenait à l’OLP.

 

On a demandé directement au demandeur pourquoi il avait reçu une bourse d’études du GUPS/OLP pour six (6) ans malgré le fait qu’il n’a pas terminé ses études dans deux des écoles en Bulgarie en raison des difficultés qu’il a éprouvées dans les deux premiers programmes auxquels il était inscrit. Il a répondu en disant que l’OLP n’était pas le réel commanditaire de sa bourse d’études et que c’était plutôt le gouvernement de la Bulgarie qui payait cette bourse. Il a expliqué qu’il existait un programme humanitaire s’adressant aux étudiants qui étaient des réfugiés palestiniens qui était soutenu par les pays du bloc soviétique, comme la Bulgarie, la Russie/URSS, la Roumanie, la République démocratique allemande/GDR et la Yougoslavie.

 

Lorsqu’on l’a interrogé au sujet des arrangements relatifs à la bourse d’études, il a expliqué que le gouvernement de la Bulgarie a payé ses frais de scolarité parce qu’il avait été recommandé par l’OLP.

 

[9]               En ce qui concerne la faction Fatah de l’OLP, le décideur a conclu comme suit :

[traduction]

 

Le Fatah est une organisation fondée par Yasir Arafat, entre autres, à la fin des années 1950. Selon sa doctrine originale, le Fatah rejetait la légitimité de l’État d’Israël et se livrait à des actes de violence pour repousser les Israéliens hors de la Palestine. Le Fatah a dirigé des attaques de commandos de combattants palestiniens clandestines contre Israël. Le Fatah et l’OLP ont déménagé leurs activités au Liban après avoir été expulsés de Jordanie après septembre 1970, qu’on appelle communément « Septembre noir ». Le Fatah et l’OLP ont exercé leurs activités au Liban jusqu’à l’invasion du Liban par Israël en 1982 après quoi ils ont été forcés de se réinstaller ailleurs au Moyen‑Orient et en Afrique du Nord.

 

Au cours des années 1960 et 1970, le Fatah a formé plusieurs terroristes et groupes d’insurgés en Europe, au Moyen‑Orient, en Asie et en Afrique. Durant les années 1970, le Fatah a dirigé lui‑même plusieurs actes terroristes au Moyen‑Orient et en Europe occidentale. Le Fatah a attaqué pour la première fois Israël en janvier 1965 à partir d’une base de l’OLP située au Liban. Malgré les efforts déployés par les autorités libanaises pour supprimer les groupes de guérilla palestiniens situés au Liban durant les années 1960, le Liban est devenu un point central pour les groupes de guérilla palestiniens. Le Fatah est ressorti comme le groupe de libération palestinien dominant, dirigé par Yasir Arafat, et à compter de 1967, il a organisé une lutte armée contre l’occupation d’Israël en Cisjordanie.

 

Le Fatah servait de source d’influence pour Yasir Arafat au sein de l’OLP. Le Fatah a approuvé les actes de violence contre l’État d’Israël jusque dans les années 1990.

 

[10]           Comme il a été dit précédemment, le demandeur est devenu membre d’un comité populaire de l’OLP dès son retour au Liban, ou peu de temps après, suivant son séjour en Bulgarie. En ce qui concerne les comités populaires, lesquels étaient apparemment nombreux, l’agent a écrit ceci :

[traduction]

Les comités populaires étaient des sections locales de l’OLP agissant à titre d’autorité politique dans les camps de réfugiés palestiniens au Liban. Les comités populaires étaient de fait les administrations municipales dans les camps de réfugiés palestiniens et fournissaient l’eau, les installations sanitaires et l’électricité. Les comités populaires ont changé l’administration traditionnelle des villages en remplaçant les aînés des familles par des activistes locaux de l’OLP. Les comités populaires avaient des camps de réfugiés organisés au Liban et coordonnaient la défense militaire des camps durant les attaques en 1976, en 1982 et de 1985 à 1987.

 

Le comité populaire du camp de réfugiés d’Ayn al‑Huywah dans le sud du Liban a condamné la Syrie en 1985 qui tentait de confisquer les fusils et les armes des camps de réfugiés dans le sud du Liban. Le comité populaire a fait valoir qu’il avait besoin de fusils pour protéger des forces extérieures les Palestiniens dans les camps. Le Baghdad Voice de l’OLP s’est exprimé en arabe le 22 juillet 1985 au sujet du comité populaire et de la présence des armes :

 

Le comité populaire a mis en garde contre le déclenchement d’une guerre contre les camps de Palestiniens dans la région du Sidon, similaire à la guerre lancée contre les camps de Palestiniens à Beirut.

 

Dans cette déclaration, on répète que des groupes de Palestiniens se rallient à l’OLP et à leurs commandants légitimes et que les Palestiniens demeurent convaincus que les fusils représentent une mesure nécessaire pour protéger la vie des Palestiniens dans les camps.

 

La déclaration souligne que les groupes de Palestiniens dans le camp d’Ayn al‑Hulwah sont déterminés à se défendre, qu’ils ne se départiront pas de leurs armes et qu’ils dénonceront tout complot organisé sous faux pavillon.

 

        [En italique dans l’original, les variantes orthographiques du nom du camp dans cette citation et dans la citation du paragraphe [4] sont directement tirées des originaux.]

 

 

 

[11]           L’agent a souligné qu’on rapporte qu’à compter de 1968, la faction Fatah de l’OLP aurait commis des actes terroristes contre des compagnies aériennes, des entreprises, des missions diplomatiques, des installations gouvernementales, des installations militaires, des médias et des simples citoyens. Il a ensuite énuméré certains de ces actes et a ensuite noté que l’OLP, à titre d’organisation, a renoncé au terrorisme en 1993, en signant l’accord de paix d’Oslo, soit la même année où le demandeur a quitté le Liban pour venir au Canada.

 

[12]           L’agent a conclu que le demandeur avait été membre du GUPS, de la faction Fatah de l’OLP et d’un comité populaire de l’OLP; cette conclusion n’est pas en litige. L’agent a ajouté que le demandeur a tiré un [traduction] « important avantage matériel » de son appartenance au GUPS et à la faction Fatah de l’OLP, soit la possibilité d’aller étudier à l’étranger. Bien qu’il ait admis les déclarations du demandeur selon lesquels l’implication de ce dernier dans les deux groupes était minime, l’agent a indiqué de nouveau qu’il craignait que le demandeur ait tiré un avantage important de son appartenance à ces deux organisations. De plus, l’agent a conclu, et cette conclusion n’a essentiellement pas été contestée, que le demandeur avait été membre d’un comité populaire de l’OLP, à titre de bénévole, à son retour au Liban après son séjour en Bulgarie.

 

[13]           Enfin, en ce qui concerne la question liée au fait de « se livrer au terrorisme », les activités du demandeur au sein du GUPS, de la faction Fatah de l’OLP et du comité populaire de l’OLP, à titre de membre de ces organisations, équivalaient à être membre d’organisations dont il y a des motifs raisonnables de croire qu’elles sont, ont été ou seront l’auteur d’un acte de terrorisme.

 

Questions en litige

[14]           Dans l’exposé des arguments déposé pour le compte du demandeur, l’avocat de ce dernier soulève deux questions dans le cadre de la présente demande de contrôle judiciaire :

1.      L’agent a‑t‑il commis une erreur en concluant que le simple fait d’être membre de l’OLP serait déterminant pour conclure à une interdiction de territoire en application du paragraphe 34(1) de la LIPR?

2.      L’agent a‑t‑il commis une erreur en concluant que l’appartenance du demandeur au GUPS et au comité populaire est décisive quant à son implication dans des groupes liés à l’OLP qui se livrent à des actes de terrorisme?

 

Évidemment, il est nécessaire de trancher la question relative à la norme de contrôle. Je me pencherai donc tout d’abord brièvement sur celle‑ci.

 

Analyse

            Norme de contrôle

[15]           Dans Ugbazghi c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration)[2], la juge Dawson, alors juge de la Cour fédérale, s’est exprimée comme suit au paragraphe [36] de ses motifs :

L’appréciation de la qualité de « membre » à l’alinéa 34(1)f) de la Loi faisait habituellement l’objet d’une révision selon la norme de la décision raisonnable simpliciter. Voir : Poshteh c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2005] 3 R.C.F. 487 (C.A.F.), au paragraphe 23. Cette norme de contrôle reflétait l’élément factuel présent dans les questions relatives à la qualité de membre et l’expertise que démontrent les agents lorsqu’ils évaluent les demandes au regard du critère de l’interdiction de territoire prévu au paragraphe 34(1) de la Loi. À mon avis, à la suite de la décision de la Cour suprême du Canada dans Dunsmuir c. Nouveau‑Brunswick, [2008] 1 R.C.S. 190, il convient de continuer à faire preuve de retenue et la norme de contrôle applicable est celle de la raisonnabilité. Voir : Dunsmuir, aux paragraphes 51 et 53.

 

[16]           Je souscris sans aucune réserve à la brève analyse et à la conclusion suivantes :

[traduction]

 

« Membre » et interdiction de territoire


« Membre » de l’OLP par l’entremise de l’appartenance à la section Fatah de l’OLP, membre du GUPS et membre d’un comité populaire

 

[17]           Le demandeur a reconnu son appartenance à la faction Fatah de l’OLP, au GUPS et, à son retour de Bulgarie, à un comité populaire de l’OLP, tout en soulignant qu’il avait des motifs louables pour devenir membre de ces organisations, que son implication était minime, du moins dans la faction Fatah de l’OLP et dans le GUPS, et qu’il ne s’était jamais livré à des actes de violence.

 

[18]           L’avocat du demandeur a fait valoir que le simple fait d’être un membre officiel d’une organisation ne devrait pas inévitablement équivaloir au fait d’être « membre » d’une organisation aux fins de l’alinéa 34(1)f) de la LIPR. Il a cité au soutien de son argument les propos de la juge Layden‑Stevensen dans la décision Khalil c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration)[3] dans laquelle la savante juge, alors juge à la Cour fédérale, a écrit au paragraphe 327 de ses motifs que « tous les Palestiniens ne sont pas déclarés interdits de territoire [au Canada] lorsqu’ils sollicitent la résidence permanente au Canada » et qu’on ne lui a jamais signalé de cas où un membre de la Société du Croissant‑Rouge (apparemment une organisation membre de l’OLP) avait été frappé d’interdiction de territoire.

 

[19]           Avec tout le respect que je dois à l’avocat du demandeur, le poids de la jurisprudence de la Cour et de la Cour d’appel fédérale semble aller dans le sens inverse. En somme, si une personne est « membre » d’une organisation, elle est « membre » aux fins de l’alinéa34(1)f) avec toutes les conséquences que comporte une telle appartenance, toute exception à cette règle étant à la discrétion du ministère de la Couronne en vertu du paragraphe 34(2) de la LIPR et non à la discrétion des agents d’immigration ou de la Cour. On trouve un exemple de cette interprétation dans les motifs de mon collègue, le juge de Montigny, qui s’est exprimé comme suit au paragraphe [31] de la décision Tjiueza c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration)[4] :

Encore là, je ne pense pas que la SI [Section d’immigration] a commis une erreur dans son interprétation de l’al. 34(1)f) de la Loi. Cette disposition fait en sorte qu’un étranger est interdit de territoire en raison de son appartenance à une organisation; elle n’exige pas une participation active. S’il était nécessaire de jouer un rôle actif, l’al. 34(1)f) serait redondant parce que participer activement à des actes visant au renversement d’un gouvernement par la force est un motif d’interdiction de territoire en vertu de l’al. 34(1)b) de la LIPR. Les alinéas 34(1)b) et 34(1)f) sont des " motifs distincts qui se chevauchent " » […]

 

                  [Renvois omis.]

 

Je suis convaincu qu’on pourrait dire précisément la même chose en l’espèce en ce qui concerne la décision de l’agent faisant l’objet du présent contrôle judiciaire et de la corrélation entre l’alinéa 34(1)f) et l’alinéa 34(1)c) d’un part et le paragraphe 34(2) de la LIPR d’autre part.

 

[20]           Pour les brefs motifs qui précèdent, je suis convaincu, selon la norme de la décision raisonnable, qu’il était raisonnablement loisible à l’agent d’arriver à la décision qu’il a rendue, soit celle faisant l’objet du présent contrôle judiciaire, en ce sens qu’elle tient à la justification, à la transparence et à l’intelligibilité du processus décisionnel, et qu’elle appartient aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits en l’espèce et du droit applicable dans le cadre de la présente affaire[5].

 

Conclusion

[21]           Par conséquent, la présente demande de contrôle judiciaire sera rejetée.

 

Question à certifier

[22]           À la fin de l’audience, les avocats ont été informés de la décision de la Cour. À la demande de l’avocat du demandeur, les avocats ont eu l’occasion de présenter des observations écrites au sujet de la certification d’une question. L’avocat du demandeur a demandé la certification de la question suivante :¸

[traduction]

Le fait d’être un membre officiel d’une organisation qui s’est livrée à des actes de terrorisme est‑il déterminant quant à la question de savoir si une personne doit être interdite de territoire conformément à l’alinéa 34(1)f) de la LIPR?

 

[23]           L’avocat du défendeur s’est opposé à la certification de cette question au motif qu’elle ne répond pas au critère ou aux principes régissant la certification d’une question énoncés dans Liyanagamage c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration)[6] et repris dans Carrasco Varela c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration)[7].

 

[24]           Comme il a été mentionné précédemment, l’avis de la Cour est quelque peu divisé. La juge Layden‑Stevenson, maintenant juge de la Cour d’appel, a écrit que tous les Palestiniens ne sont pas déclarés interdits de territoire, même lorsqu’ils ont appartenu à une organisation membre de l’OLP. À l’opposé, le juge de Montigny, cité ci‑dessus au paragraphe [19], est d’avis que le simple fait d’être membre d’une composante d’une organisation comme l’OLP est suffisant pour conclure qu’une personne est interdite de territoire peu importe si cette personne a joué un « rôle actif » dans l’organisation.

 

[25]           Dans les circonstances, la question que l’avocat propose de certifier pour le compte de l’appelant sera certifiée.

 


 

 

 

 

ORDONNANCE

 

LA COUR ORDONNE :

  1. La requête présentée au nom du défendeur conformément à l’article 87 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés visant à faire expurger certains renseignements contenus dans le dossier de la Cour, laquelle avait été ajournée sine die par une ordonnance du juge en chef, est accordée suivant les conditions s’y rapportant.
  2.  La demande de contrôle judiciaire est rejetée.
  3. La question suivante est certifiée à titre de question grave de portée générale qui serait déterminante dans le cadre d’un appel interjeté à l’encontre de la présente décision :

[traduction]

Le fait d’être un membre officiel d’une organisation qui s’est livrée à des actes de terrorisme est‑il déterminant quant à la question de savoir si une personne doit être interdite de territoire conformément à l’alinéa 34(1)f) de la LIPR?

 

 

« Frederick E. Gibson »

Juge suppléant

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Mélanie Lefebvre, LL.B.


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                                    IMM‑3310‑09            

 

 

INTITULÉ :                                                   MASHHOUR SALEH c.

                                                                        LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                             Toronto (Ontario)

 

 

DATE DE L’AUDIENCE :                           Le 10 février 2010

 

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                                   LE JUGE SUPPLÉANT GIBSON

 

 

DATE DES MOTIFS :                                  Le 17 mars 2010         

 

 

COMPARUTIONS :

 

Lorne Waldman

POUR LE DEMANDEUR

 

Marianne Zoric, Alex C. Kam

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Waldman & associates

Avocats

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DEMANDEUR

JOHN H. SIMS, c.r.

Sous‑procureur général du Canada

POUR LE DÉFENDEUR

 

 



[1]               L.C. 2001, ch. 27.

[2]               [2009] 1 R.C.F. 454, 30 mai 2008.

[3]               [2007] A.C.F. no 1221, 18 septembre 2007.

 

[4]               2009 CF 1260, 10 décembre 2009.

[5]               Dunsmuir c. Nouveau‑Brunswick, [2008] 1 R.C.S. 190, paragraphe [47].

 

[6]               (1994), 176 N.R. 4 (C.A.F.).

[7]               2009 CAF 145, paragraphes 22 à 29.

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.