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Cour fédérale

Federal Court


Date : 20100316

Dossier : T-367-09

 

Référence : 2010 CF 302

 

Ottawa (Ontario), le 16 mars 2010

En présence de monsieur le juge Mandamin

 

ENTRE :

PROVINCIAL AIRLINES LIMITED

demanderesse

et

 

 

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

défendeur

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]           Il s’agit d’un recours en révision exercé par Provincial Airlines Limited relativement à la décision du directeur adjoint de la Direction de l’accès à l’information et de la protection des renseignements personnels de Travaux publics et Services gouvernementaux Canada (TPSGC) de divulguer certains documents en réponse à une demande présentée en vertu de la Loi sur l’accès à l’information, L.R.C. 1985, ch. A-1 (la Loi).

 

[2]          Selon le paragraphe 44(1) de la Loi, le tiers que le responsable d’une institution fédérale est tenu d’aviser de la communication d’un document peut exercer un recours en révision devant la Cour.

 

[3]          La demanderesse affirme que les documents réclamés par la Direction de l’accès à l’information et de la protection des renseignements personnels renferment des renseignements confidentiels relatifs à la demanderesse dont la divulgation est interdite par l’article 20 de la Loi.

 

LE CONTEXTE

[4]          La demanderesse fournit des services de surveillance aérienne maritime au ministère des Pêches et des Océans (MPO) aux termes d’un marché qui lui a été adjugé en mars 2004. Elle maintient et exploite une flotte de quatre avions Beechcraft bimoteurs postés tant sur la côte est que sur la côte ouest du Canada.

 

[5]          Parmi les services offerts par la demanderesse, il y a lieu de mentionner les vols à basse altitude servant à saisir des données de surveillance dans des zones spécifiques des côtes et des océans canadiens, notamment en surveillant et en contrôlant l’emplacement des navires. Parmi les renseignements qui sont recueillis pour être ensuite transmis au MPO, mentionnons des données électroniques, des renseignements obtenus par radar, des photos, des graphiques et des rapports destinés à servir à la gestion des pêches et à l’application de la loi. Ces renseignements sont également communiqués au ministère de la Défense nationale (MDN), à la GRC et à d’autres organismes en vue de détecter la pêche illégale, les infractions en matière de stupéfiants et, de façon générale, pour assurer la défense nationale.

 

[6]          Le marché du MPO a fait l’objet d’un nouvel appel d’offres en 2008 au moyen d’une demande de propositions. La demanderesse satisfaisait aux exigences en matière de cote de sécurité plus élevée et le marché lui a été adjugé. La cote de sécurité plus élevée l’obligeait à obtenir une attestation de sécurité de la Direction de la sécurité industrielle canadienne (DSIC). Le Manuel de la sécurité industrielle de la DSIC interdit aux organismes qui ont obtenu une attestation du Programme de sécurité industrielle (PSI) de divulguer leur cote de sécurité.

 

[7]          TPSGC avait demandé au cabinet d’expertise comptable et de consultation Deloitte et Touche [traduction] « […] d’examiner la possibilité d’atteintes réelles ou éventuelles à la sécurité dans 355 dossiers actifs de TPSGC […] ». Le rapport du cabinet Deloitte et Touche comprend à son annexe D deux pages où l’on trouve des renseignements au sujet des cotes de sécurité que détenait alors la demanderesse, un avis au sujet du niveau de sécurité de la demanderesse et une analyse de la demande formulée par la demanderesse en vue de faire relever sa cote de sécurité en prévision de la reconduction de son contrat.

 

[8]          Le rapport du cabinet Deloitte et Touche faisait suite à une demande présentée à TPSGC en vertu de la Loi en vue d’obtenir :

 

 

 

[traduction]

La révision par un tiers des dossiers actifs de TPSGC pour s’assurer que la procédure prévue par le Programme de la sécurité industrielle a été suivie, conformément à ce qui est prévu à la page 43 du Rapport sur les plans et les priorités du Ministère pour 2008-2009.

 

 

[9]          TPSGC a identifié les renseignements demandés et a respecté les obligations que la Loi mettait à sa charge, dont celle de faire parvenir aux intéressés un avis au sujet des renseignements à communiquer et celle de leur offrir la possibilité de contester cette décision. TPSGC a consulté le MDN, le MPO et le Bureau de projet (BP) au sujet de la communication envisagée et aucun d’eux ne s’y est opposé. La Loi oblige par ailleurs TPSGC à aviser les tiers qui ont pu transmettre des renseignements au ministre sous le sceau de la confidentialité pour obtenir leur renonciation afin de permettre la divulgation de ces renseignements ou pour leur accorder la possibilité de formuler des observations afin de s’opposer à leur divulgation.

 

[10]      Le 20 janvier 2009, TPSGC a informé la demanderesse de la demande de documents susceptibles de renfermer des renseignements dont la communication pouvait être refusée en vertu de l’article 20 de la Loi. TPSGC a invité la demanderesse, conformément à l’article 27, à lui soumettre des observations par écrit au sujet de l’opportunité de communiquer ces documents. Le 10 février 2009, la demanderesse a, conformément à l’article 28 de la Loi, soumis à TPSGC des observations écrites dans lesquelles elle soutenait que les documents ne devaient pas être communiqués parce qu’ils étaient visés par le paragraphe 20(1) et qu’ils ne devaient par ailleurs pas être communiqués en raison des articles 15 et 16.

 

[11]        Le 19 février 2009, TPSGC a informé la demanderesse de sa décision de divulguer les documents intégralement sans motiver sa décision.

 

[12]      Les documents contestés ont été fournis à la Cour. Ils font l’objet d’une ordonnance de confidentialité.

 

LA QUESTION EN LITIGE

[13]       La question en litige dans la présente demande est celle de savoir si les documents contestés doivent être soustraits à la divulgation en application des alinéas 20(1)b), c) ou d) de la Loi.

 

LES DISPOSITIONS LÉGISLATIVES APPLICABLES

[14]      Les citoyens canadiens ont droit à l’accès aux documents relevant d’une institution fédérale. L’article 4 prévoit la communication des renseignements contenus dans les documents du gouvernement :

4. (1) Sous réserve des autres dispositions de la présente loi mais nonobstant toute autre loi fédérale, ont droit à l’accès aux documents relevant d’une institution fédérale et peuvent se les faire communiquer sur demande :

a) les citoyens canadiens;

b) les résidents permanents au sens du paragraphe 2(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés.

4. (1) Subject to this Act, but notwithstanding any other Act of Parliament, every person who is

(a) a Canadian citizen, or

(b) a permanent resident within the meaning of subsection 2(1) of the Immigration and Refugee Protection Act,

has a right to and shall, on request, be given access to any record under the control of a government institution.

 

[15]      On trouve à l’article 20 de la Loi les exceptions revendiquées par la demanderesse, en particulier l’alinéa 20(1)b) (renseignements confidentiels), l’alinéa 20(1)c) (renseignements dont la divulgation risquerait de causer des pertes ou de nuire) et l’alinéa 20(1)d) (renseignements dont la divulgation risquerait vraisemblablement d’entraver des négociations en vue de contrats ou à d’autres fins). Ces alinéas sont ainsi libellés :

20. (1) Le responsable d’une institution fédérale est tenu, sous réserve des autres dispositions du présent article, de refuser la communication de documents contenant :

 

b) des renseignements financiers, commerciaux, scientifiques ou techniques fournis à une institution fédérale par un tiers, qui sont de nature confidentielle et qui sont traités comme tels de façon constante par ce tiers;

 

c) des renseignements dont la divulgation risquerait vraisemblablement de causer des pertes ou profits financiers appréciables à un tiers ou de nuire à sa compétitivité;

 

 

d) des renseignements dont la divulgation risquerait vraisemblablement d’entraver des négociations menées par un tiers en vue de contrats ou à d’autres fins.

 

20. (1) Subject to this section, the head of a government institution shall refuse to disclose any record requested under this Act that contains

 

 

(b) financial, commercial, scientific or technical information that is confidential information supplied to a government institution by a third party and is treated consistently in a confidential manner by the third party;

 

 (c) information the disclosure of which could reasonably be expected to result in material financial loss or gain to, or could reasonably be expected to prejudice the competitive position of, a third party; or

 

(d) information the disclosure of which could reasonably be expected to interfere with contractual or other negotiations of a third party.

 

LA NORME DE CONTRÔLE

[16]       Il n’est pas toujours nécessaire de se livrer à une analyse formelle en matière de norme de contrôle. Lorsque la norme de contrôle applicable à une question en particulier soumise à la cour de révision est bien arrêtée par la jurisprudence, la cour de révision peut adopter cette norme de contrôle (Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, au par. 57).

 

[17]       Dans Société canadienne des postes c. Canada (Ministre des Travaux publics et des Services gouvernementaux), 2004 CF 270, la juge Elizabeth Heneghan a conclu que la norme de contrôle applicable à la dispense de communication prévue à l’article 20 de la Loi est celle de la décision correcte. Je conclus que cette norme est celle qui convient dans le cas qui nous occupe.

 

[18]      Comme la norme de contrôle applicable est celle de la décision correcte, il n’y a pas lieu de faire preuve de retenue envers l’auteur de la décision. Lorsque la Cour est saisie d'un recours en révision, son rôle « consiste à examiner l'affaire de nouveau et à procéder au besoin à une révision détaillée de chacun des documents en litige » (Air Atonabee Ltd. c. Canada (Ministre des Transports), [1989] A.C.F. no 453).

 

L’ANALYSE

[19]       Suivant la Loi sur l’accès à l’information, la communication des documents est la règle, et non l’exception, de sorte que la charge de la preuve incombe à celui qui cherche à soustraire des documents à la divulgation (Conseil canadien des fabricants des produits du tabac c. Canada (Ministre du Revenu national), 2003 CF 1037, aux paragraphes 32, 34 et 35 (Conseil canadien des fabricants des produits du tabac)).

 

[20]      La demanderesse affirme que les documents sont visés par l’exception prévue à l’alinéa 20(1)b) étant donné qu’ils contiennent des renseignements commerciaux de nature confidentielle que la demanderesse a fournis au gouvernement à titre confidentiel.

 

[21]      L’alinéa 20(1)b) dispose :

Le responsable d’une institution fédérale est tenu, sous réserve des autres dispositions du présent article, de refuser la communication de documents contenant :

 

[…] des renseignements […] commerciaux […] fournis à une institution fédérale par un tiers, qui sont de nature confidentielle et qui sont traités comme tels de façon constante par ce tiers; […]

 

 

[22]      La demanderesse affirme que les renseignements sont « commerciaux » au sens de la Loi. Elle possède diverses attestations de sécurité dont elle a besoin pour pouvoir exercer ses activités aux termes des marchés commerciaux qu’elle signe avec le MPO. Elle ajoute que les renseignements relatifs à sa cote de sécurité et aux raisons pour lesquelles elle a demandé que sa cote de sécurité soit relevée, ainsi que les renseignements se rapportant à la question de savoir si elle traite des renseignements « protégés », sont des renseignements confidentiels. La demanderesse affirme enfin que sa cote de sécurité constitue un renseignement confidentiel étant donné que le Manuel de la sécurité industrielle de la DSIC lui interdit de divulguer sa cote de sécurité.

[23]       La question que nous devons examiner est celle de savoir si les renseignements sont commerciaux, s’ils sont de nature confidentielle et s’ils ont été fournis au gouvernement par la demanderesse.

 

[24]      Dans l’arrêt Commissaire à l’information du Canada c. Directeur exécutif du Bureau canadien d’enquête sur les accidents de transport et de la sécurité des transports, 2006 CAF 157, la Cour d’appel fédérale a interprété l’article 20 en recourant à un dictionnaire pour trouver le sens du mot « commercial ». Voici ce qu’elle écrit :

Le bon sens et l’aide des dictionnaires (Air Atonabee Ltd c. Canada (Ministre des Transports), (1989), 37 Admin. L.R. 245 [1989] A.C.F. no 453 (1re inst.) (QL) (Air Atonabee), au paragraphe 35 nous enseignent que le mot « commercial », appliqué à un renseignement, intéresse en soi le commerce.

 

 

[25]      Dans le jugement Brainhunter (Ottawa) Inc. c. Procureur général du Canada et Canada (Ministre des Travaux publics et Services gouvernementaux), 2009 CF 1172, la Cour a jugé que les renseignements qui se rapportent à la façon dont une entreprise satisfait aux exigences d’une demande de propositions ne constituent pas des renseignements qui sont nécessairement de nature commerciale.

 

[26]      À mon avis, l’habilitation de sécurité octroyée par le gouvernement ne se rapporte pas en soi au commerce; elle vise plutôt à conserver des renseignements et non à se livrer au commerce.

 

[27]      De plus, au paragraphe 69 de l’arrêt Bureau d’enquête sur la sécurité, la Cour d’appel fédérale a établi une distinction entre les renseignements obtenus dans le cadre de l’exploitation d’une entreprise et les renseignements « commerciaux » :

Il ne s'ensuit pas que, du seul fait que les activités de NAV CANADA consistent à fournir, contre rémunération, des services de navigation aérienne, les renseignements recueillis durant un vol peuvent être qualifiés de « commerciaux ».

 

 

[28]      J’estime également que les attestations de sécurités délivrées par le gouvernement constituent des renseignements qui portent sur la capacité d’une entreprise d’assurer la confidentialité plutôt que sur la conduite des affaires. Une attestation de sécurité ne constitue pas en soi un renseignement commercial au sens où l’entend l’alinéa 20(1)b) de la Loi.

 

[29]      La demanderesse affirme qu’en plus de l’habilitation de sécurité, il y a deux autres types de renseignements qui constituent des renseignements commerciaux. En premier lieu, la demanderesse avait proposé que sa cote de sécurité soit relevée en vue du marché à conclure avec le MPO. Il ne s’agit toutefois pas de renseignements commerciaux puisqu’il s’agit simplement d’une suggestion adressée au gouvernement en vue de faire relever la cote de sécurité relativement au futur marché à conclure avec le MPO. Dans le second cas, il s’agit d’une demande de parrainage adressée à la DSIC pour l’obtention des attestations de sécurité plus complètes en vue du marché qui devait être conclu. Ces derniers renseignements n’établissent pas un lien explicite entre la demanderesse et la demande en question mais surtout, comme les attestations de sécurité ne constituent pas en elles-mêmes des renseignements commerciaux, une demande d’attestation de sécurité n’en constitue pas non plus.

[30]      La demanderesse affirme que les attestations sont confidentielles. Il est acquis aux débats que l’attestation de sécurité de la demanderesse est un renseignement que la demanderesse traite comme un renseignement confidentiel. Le Manuel de la sécurité industrielle de la DSIC interdit à la demanderesse de publier des renseignements au sujet de sa cote de sécurité. Mais l’analyse ne saurait se terminer ici.

 

[31]      Dans le jugement Société Gamma c. Canada (Secrétariat d’État), (1994) 79 F.T.R. 42, au paragraphe 8, le juge Barry Strayer écrit :

l'entrepreneur éventuel qui cherche à se faire adjuger un contrat par le gouvernement ne doit pas s'attendre que les conditions selon lesquelles il est prêt à contracter — entre autres celles touchant la capacité de rendement de son entreprise —, échappent totalement à l'obligation de divulgation incombant au gouvernement du Canada par suite de son devoir de rendre compte aux électeurs.

 

 

[32]      Dans l’arrêt Société canadienne des postes c. Canada (Ministre des Travaux publics et des Services gouvernementaux), 2004 CF 270, la Cour fait observer au paragraphe 40 qu’un soumissionnaire éventuel pour un marché public devrait savoir que, lorsqu'il soumet des documents en réponse à un appel d’offres, il ne peut généralement s'attendre à ce que ces documents échappent totalement à l'obligation de divulgation incombant au gouvernement par suite du devoir de ce dernier de rendre compte des fonds publics dépensés.

 

[33]      Dans le jugement Air Atonabee, le juge McKay fait remarquer, au paragraphe 37 :

Des renseignements ont été jugés non confidentiels, même si le tiers les considérait comme tels, lorsque le public y avait accès par une autre source (Canada Packers Inc. c. Ministre de l'Agriculture, [1988] 1 C.F. 483 (C.F. 1re inst.) et la jurisprudence connexe, appel rejeté pour d'autres motifs à [1989] 1 C.F. 47 (C.A.F.)), ou lorsqu'ils pouvaient être obtenus antérieurement ou sous une autre forme de l'administration (Canada Packers Inc., précité, Merck Frosst Canada Inc., précité). Les renseignements ne sont pas confidentiels s'ils peuvent être obtenus par observation, quoiqu'avec plus d'efforts de la part de l'auteur de la demande (Noël, précité).

 

 

[34]      Il ressort de la preuve du défendeur que le dossier d’appel d’offres envoyé à la demanderesse en vue de la reconduction du marché avec le MPO exposait les habilitations de sécurité exigées et précisait que le soumissionnaire devait « détenir une attestation de sécurité en bonne et due forme au niveau SECRET ». Comme la demanderesse a réussi à obtenir la reconduction de son contrat, sa cote de sécurité a implicitement été dévoilée.

 

[35]      Je n’oublie pas non plus que les organismes gouvernementaux intéressés, à savoir TPSGC, le MPO, le MDN et le BP, ne se sont pas opposés à la divulgation de l’habilitation. Bien que le Manuel de la sécurité industrielle de la DSIC interdit à la demanderesse de divulguer publiquement sa cote de sécurité, le Manuel ne peut empêcher le gouvernement de publier ce renseignement lorsqu’il décide de le faire en se conformant à l’obligation que lui en fait la Loi.

 

[36]      Une attestation de sécurité est attribuée à la suite de l’évaluation que le gouvernement fait de la sécurité de l’intéressé. Dans l’arrêt Canada Packers Inc. c. Canada (Ministre de l’Agriculture), [1989] 1 C.F. 47, au paragraphe 12, la Cour d’appel fédérale déclare :

[…] aucun des renseignements contenus dans les rapports n'a été fourni par l'appelante. Ces rapports sont plutôt des jugements que les inspecteurs gouvernementaux ont portés sur ce qu'ils ont eux-mêmes observé. À mon avis, aucune autre interprétation raisonnable soit de cet alinéa soit des faits n'est possible, et l'alinéa 20(1)b) n'est donc pas pertinent dans les présentes affaires. (Non souligné dans l’original)

[37]      Les attestations de sécurité en question ont été attribuées à la demanderesse par le gouvernement. Le processus par lequel la demanderesse a informé TPSGC de sa cote de sécurité ne change rien au fait que toute attestation de sécurité émane du gouvernement lui-même. Les renseignements que la demanderesse fournit au sujet de sa cote de sécurité ne font tout au plus que confirmer le fait que le gouvernement a procédé à une évaluation de sa sécurité.

 

[38]      Je conclus que les renseignements portant sur les attestations de sécurité de la demanderesse ne constituent pas des renseignements commerciaux confidentiels fournis par un tiers au gouvernement. L’alinéa 20(1)b) de la Loi ne s’applique donc pas et ces renseignements ne sont donc pas soustraits à la divulgation.

 

[39]      La demanderesse affirme que ces documents contiennent des renseignements qui sont soustraits à la divulgation en vertu des alinéas 20(1)c) et 20(1)d) de la Loi au motif que leur divulgation lui causera des pertes financières appréciables, nuira à sa compétitivité ou entravera des négociations en vue d’un contrat.

 

[40]      L’alinéa 20(1)c) soustrait à la communication les renseignements dont la divulgation risquerait vraisemblablement de causer des pertes ou profits financiers appréciables à un tiers ou de nuire à sa compétitivité. La demanderesse affirme qu’elle fournit à d’autres clients des services de surveillance aérienne maritime et qu’elle traite des renseignements délicats. Elle estime qu’il est raisonnablement probable que la divulgation des documents portera atteinte à son achalandage et à sa réputation dans l’industrie de la surveillance aérienne maritime, ce qui nuira à sa compétitivité et lui causera des pertes financières appréciables.

 

[41]      La demanderesse affirme également que la divulgation de sa cote de sécurité et des renseignements contenus dans les documents l’exposera à des tentatives d’infiltration. Elle fait valoir que la divulgation fournira de l’information à des personnes susceptibles de constituer une menace en ce qui concerne le genre de renseignements délicats qu’elle traite. De plus, des renseignements qui, selon ce qu’elle allègue, sont inexacts nuiraient à sa réputation auprès de ses clients actuels et éventuels.

 

[42]      Les arguments de la demanderesse au sujet d’une éventuelle infiltration ne sont que pure conjecture. Il lui incombe de prouver que les renseignements tombent sous le coup de l’alinéa 20(1)c). Le défendeur souligne que la demanderesse publie ses activités sur son site Internet et qu’elle y parle notamment du fait que le MPO, la Garde côtière, le MDN, la GRC et l’Agence des services frontaliers du Canada bénéficient de son programme de surveillance aérienne. À mon avis, la communication des renseignements contestés n’aggraverait pas le risque d’infiltration auquel la demanderesse doit déjà faire face vu la nature de son entreprise.

 

[43]      De plus, mon examen des documents contestés n’appuie pas l’interprétation négative que lui donne la demanderesse. La demanderesse a nécessairement affaire à une clientèle sophistiquée qui n’est pas susceptible de mal interpréter les renseignements au sujet desquels la elle a exprimé ses préoccupations.

 

[44]      Je conclus que la demanderesse ne s’est pas acquittée du fardeau qui lui incombait d’établir que la divulgation des renseignements risquerait vraisemblablement de nuire à sa compétitivité au point de justifier l’application de l’exception prévue à l’alinéa 20(1)c).

 

[45]      La demanderesse soutient enfin que tout doute portant à croire qu’elle ne satisfait pas aux exigences contractuelles ou que, dans le passé, elle ne s’est pas conformée aux attestations de sécurité requises pourrait l’empêcher d’obtenir d’autres nouveaux contrats, notamment du MPO.

 

[46]       La réponse à cette dernière objection est simple : le gouvernement avait en mains les renseignements en question et ces renseignements n’ont pas empêché la demanderesse d’obtenir la reconduction de son contrat. La demanderesse n’offre d’ailleurs aucun élément de preuve pour appuyer son allégation que les renseignements en question entraveraient les négociations relatives à la mise à exécution du contrat qui feraient suite à l’adjudication du marché.

 

[47]      Je conclus que la demanderesse n’a démontré aucune raison qui justifierait de soustraire les renseignements à la divulgation en vertu de l’exception prévue à l’alinéa 20(1)d).

 

DISPOSITIF

[48]      Le recours exercé en vertu de l’article 44 de la Loi est rejeté et les dépens sont adjugés au défendeur.


JUGEMENT

LA COUR ORDONNE :

1.      Le recours exercé en vertu de l’article 44 de la Loi sur l’accès à l’information est rejeté;

2.      Le présent jugement et les présents motifs du jugement sont communiqués aux parties et ne seront publiés qu’une fois que le délai d’appel sera expiré et qu’aucune demande d’appel n’aura été présentée;

3.      Les dépens sont adjugés au défendeur.

 

 

                    « Leonard S. Mandamin »      

                                                                                                                        Juge

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Linda Brisebois, LL.B.


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                        T-367-09

INTITULÉ :                                       PROVINCIAL AIRLINES LIMITED c.

                                                            PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 ST. JOHN’S (TERRE-NEUVE)

DATE DE L’AUDIENCE :               LE 14 JANVIER 2010

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              LE JUGE MANDAMIN

 

DATE DES MOTIFS :                      LE 16 MARS 2010

COMPARUTIONS :

STACEY O’DEA

POUR LA DEMANDERESSE

 

SCOTT McCROSSIN

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

McINNES COOPER

Avocats

St. John’s (Terre-Neuve)

 

POUR LA DEMANDERESSE

JOHN H. SIMS, c.r.

Sous-procureur général du Canada

Halifax (Nouvelle-Écosse)

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

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