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Cour fédérale

 

Federal Court

 

Date : 20100312

Dossier : T-737-08

Référence : 2010 CF 293

Montréal (Québec), le 12 mars 2010

En présence de Me Richard Morneau, protonotaire

 

ENTRE :

EUROCOPTER

(société par actions simplifiée)

Plaintiff/Defendant
by Counterclaim

and

 

BELL HELICOPTER TEXTRON CANADA LIMITÉE

Defendant/Plaintiff
by Counterclaim

MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE

 

  • [1] Il s’agit en l’espèce d’une requête de la défenderesse et demanderesse reconventionnelle Bell Helicopter Textron Canada Limitée (ci-après Bell) pour faire trancher des objections.

  • [2] Cette requête se loge dans le cadre d’une action en contrefaçon du brevet numéro 2,205,787 (ci-après le « brevet ‘787 ») instituée en mai 2008 par la demanderesse et défenderesse reconventionnelle Eurocopter (ci-après Eurocopter) à l’encontre de laquelle Bell a fait valoir une demande reconventionnelle recherchant pour divers motifs l’invalidité du brevet ‘787.

Contexte et analyse

  • [3] Le contexte général du présent dossier fut déjà rappelé dans le passé dans le cadre de diverses ordonnances rendues par le soussigné, ou par un juge en appel, à l’été et à l’automne de 2009 à la faveur de requêtes, ces fois-là, d’Eurocopter pour faire également trancher des objections. Il en est de même des principes généraux de droit ou jurisprudentiels applicables à une requête telle la présente.

  • [4] Ceci dit, Bell soulève l’invalidité du brevet ‘787 en alléguant une série de motifs qu’elle résume ainsi au paragraphe 5 de ses représentations écrites :

  • a) Eurocopter lacks standing to bring or maintain the within action because the named inventors of the ‘787 Patent did not execute a valid assignment in favour of Eurocopter;

  • b) certain elements of the claims of the ‘787 Patent are essential (for example, “chacun desdits patins présente à l’avant une zone de transition incline à double couverture s’orientant transversalement auxdites plages longitudinales d’appui au sol”);

  • c) the subject-matter of claims 1 to 16 of the ‘787 Patent was obvious to a person skilled in the art at the claim date (June 5, 1997 or June 10, 1996);

  • d) the subject-matter of each of claims 1 to 16 of the ‘787 Patent was disclosed by Eurocopter so as to make it available to the public prior to June 5, 1996, contrary to sections 28.2(1)(a) and 28.2(1)(b) of the Patent Act;

  • e) claims 1 to 16 of the ‘787 Patent include within their scope a large number of configurations which lack the promised utility (lack of actual utility);

  • f) the alleged named inventors of the subject-matter of claims 1 to 16 of the ‘787 Patent did not and could not have had a sound basis for predicting the utility across the breadth of claims 1 to 16 of the ‘787 Patent, nor was this properly disclosed in the patent specification;

  • g) the specification of the ‘787 Patent is insufficient and contrary to section 27(3) of the Patent Act; in particular, the specification fails to explain the best mode thereof contrary to section 27(3)(c);

  • h) claims 1 to 16 fail to define distinctly and explicitly the subject-matter of the invention, contrary to section 27(4) of the Patent Act;

  • i) certain terms in the claims of the ‘787 Patent are ambiguous;

  • j) claims 1 to 16 are covetous and broader than the invention made by the alleged inventors and broader than the alleged invention disclosed in the ‘787 Patent.

  • [5] Ces motifs d’invalidité ont constitué la toile de fond de la première ronde des interrogatoires au préalable que Bell a conduits en France du 14 au 18 septembre 2009 à l’égard du représentant d’Eurocopter, M. Bernard Certain, ainsi qu’auprès de deux des trois inventeurs associés au brevet ‘787, soit Messieurs Pierre Prud’homme Lacroix et Joseph Mairou. Le troisième inventeur, un Monsieur H.P.L. Barquet étant décédé par le passé.

  • [6] De façon marquée, Bell cherche à attaquer le manque d’utilité démontrée pour l’ensemble des revendications du brevet ‘787 et l’absence chez les inventeurs d’Eurocopter d’une prédiction valable quant à l’utilité des mêmes revendications. Ce point est souligné comme suit par Bell aux paragraphes 63 et 64 de ses représentations écrites :

  1. The principles established by the Supreme Court of Canada in Apotex v. Wellcome Foundation direct that an inventor must have either established the actual utility of the subject-matter of his invention at the Canadian filing date. If the actual utility across the breadth of the claim has not been established by the Canadian filing date, then the inventor must have a sound basis for predicting the utility of the subject-matter, bearing in mind the three components of the sound prediction test.

  • Apotex Inc. v. Wellcome Foundation Ltd., [2002] 4 S.C.R. 153, 2002 SCC 77 at paras. 51, 70, 73, 75

  • Eli Lilly Canada Inc. v. Apotex Inc., 2009 FCA 97 at paras. 12 ff

  1. As a pleaded issue which is contested, Bell Helicopter is entitled to receive answers to two of the questions sought in order to establish whether the Eurocopter inventors had demonstrated utility across the breadth of the patent claim as of the Canadian filing date. Bell Helicopter is also entitled to probe whether the inventors had a sound basis for predicting the utility of the patent claims.

  • [7] Pour chercher à établir ces positions, Bell recherche des calculs, analyses et tests que M. Lacroix, entre autres, aurait conduits. Elle a souscrit à cet effet un affidavit daté du 17 février 2010 d’un dénommé Robert Gardner, qui se trouve à être responsable « (…) for all technical issues related to the structural design, development, testing and certification, manufacturing, flight test and continued airworthiness of airframe components used in all commercial models developed and manufactured at BHTC [Bell] ».

  • [8] Aux paragraphes 6 et 11 de son affidavit, M. Gardner soutient que :

  1. Mr. Gratton [un des procureurs agissant pour Bell] advised me that Mr. Prud’homme Lacroix testified that he carried out a number of calculations in the mid to late 1990s to generate data and analyses as to the expected characteristics of the landing gears that were part of, and led up to, the EC120 development project and its stable mate helicopter, the EC130. I understand that Eurocopter takes the position that the EC120 landing gear falls within the claims of the ‘787 Patent. The landing gear on the EC130 is also a sleigh type landing gear like the EC120.

(…)

  1. The data, analyses, tests and related documents requested by BHTC [Bell] as described above are meaningful and important to the question of whether landing gear that is within the claims of the ‘787 Patent are useful as promised by the patent. It is also meaningful and important as to whether the inventors could soundly predict that all of these configurations would be useful as the patent describes.

  • [9] Néanmoins, dans bien des situations, l'équilibrage auquel réfère la Cour dans Reading & Bates Construction Co. et al v. Baker Energy Resources Corp. et al (1988) 24 C.P.R. (3rd) 66, en pages 70-72, au point 5, s'imposera.

  • [10] En effet, tel que mentionné dans l'arrêt Faulding Canada Inc. v. Pharmacia S.p.A. (1999), 3 C.P.R. (4th) 126, page 128 :

[...] the general tendency of the courts to grant broad discovery must be balanced against the tendency, particularly in industrial property cases, of parties to attempt to engage in fishing expeditions which should not be encouraged.

  • [11] La règle 242 des Règles des Cours fédérales contient un avertissement à cet effet. En effet, les alinéas 242(1)b) à d) des règles se lisent :

242. (1) A person may object to a question asked in an examination for discovery on the ground that

 

 

(…)

(b) the question is not relevant to any unadmitted allegation of fact in a pleading filed by the party being examined or by the examining party;

(c) the question is unreasonable or unnecessary; or

(d) it would be unduly onerous to require the person to make the inquiries referred to in rule 241.

242. (1) Une personne peut soulever une objection au sujet de toute question posée lors d’un interrogatoire préalable au motif que, selon le cas :

(…)

b) la question ne se rapporte pas à un fait allégué et non admis dans un acte de procédure déposé par la partie soumise à l’interrogatoire ou par la partie qui l’interroge;

c) la question est déraisonnable ou inutile;

d) il serait trop onéreux de se renseigner auprès d’une personne visée à la règle 241.

  • [12] L'équilibrage qui doit s'effectuer d'une part entre la valeur d'une information et, d'autre part, le trouble et les inconvénients associés à cette production fut particulièrement rappelé par le juge Strayer dans les arrêts Smith Kline and French Laboratories Ltd. v. Canada (A.G.)(1984), 1 C.P.R. (3d) 268, page 271 et Westinghouse Electric Corp. v. Babcock & Wilcox Industries Ltd.(1987), 15 C.P.R. (3d) 447.

  • [13] Il demeure sous la requête à l’étude un nombre fort appréciable d’objections ou questions à trancher. Tel que requis par cette Cour, les parties ont produit un tableau conjoint qui reflète aux yeux de la Cour l’essentiel des motifs favorisant ou non une réponse à toute question à être adjugée.

  • [14] Ainsi, la Cour a repris ce tableau et l’a intitulé le « Tableau relatif à la requête de la défenderesse ».

  • [15] Après avoir considéré les dossiers de requêtes des parties et avoir écouté leurs procureurs et ayant en tête les principes jurisprudentiels pertinents, dont ceux cités plus avant ainsi que ceux soulevés par les parties, la Cour a noté au Tableau relatif à la requête de la défenderesse par un trait double («  ») dans la marge à l’égard de tout ou partie du raisonnement d’une partie pour chaque question à être adjugée si, en bout de course, cette question devait ou non être répondue. Le trait dans la marge se retrouve ainsi dans l’une ou l’autre des deux dernières colonnes du Tableau relatif à la requête de la défenderesse (le Tableau).

  • [16] Ainsi la requête de Bell est accueillie en partie comme suit et Eurocopter devra donc répondre par écrit le ou avant le 1er avril 2010 aux questions listées au Tableau, sauf les questions retirées et sauf les questions suivantes :

15     

20     

29 à 48     

51

52

55 à 89

111 à 160

167

168

170 à 173

175 à 177

179 à 190

  • [17] Quant aux questions suivantes qui tombent dans la catégorie des questions à être répondues, les parties doivent tenir compte des paramètres suivants :

    • - Les questions 16 à 19 n’auront pas à contenir de l’information portant sur Singapore Aerospace;

    • - Certaines réponses seront couvertes par le degré de protection CEO, et ce, pour les motifs se retrouvant aux paragraphes [25] à [28] ci-après;

    • - Les questions 54, 92, 93, 97 et 110 sont à répondre mais dans la mesure indiquée par Eurocopter quant aux vols pertinents.

  • [18] Vu la longueur du Tableau, ce Tableau est réputé faire partie des présents motifs de l’ordonnance et ordonnance mais sera transmis sous pli séparé par le greffe aux procureurs des parties par courriel classé confidentiel.

  • [19] Par ailleurs, il retourne que simplement cinq (5) jours ouvrables avant la date prévue pour les interrogatoires, Bell aurait signifié aux procureurs d’Eurocopter une assignation à comparaître énumérant une série de documents qu’elle souhaitait voir produire à l’interrogatoire.

  • [20] Au prix d’efforts certains, Eurocopter aurait réussi à assembler près de quatre (4) boîtes de documents et aurait remis deux (2) jours avant le début de l’interrogatoire au préalable de M. Lacroix deux des quatre boîtes de documents.

  • [21] Eurocopter aurait accepté d’autre part de remettre en début d’interrogatoire les deux boîtes restantes (ci-après les documents retenus) que si Bell s’engageait à ce que les documents retenus soient traités sur une base « counsel’s eyes only » (CEO).

  • [22] Il ressort que par le passé Bell aurait requis ce degré de protection à l’égard de documents et que de plus la juge Tremblay-Lamer a ordonné un tel degré de protection à l’égard de certains documents à produire par Bell, et ce, suite à une suggestion des procureurs d’Eurocopter. Bell a refusé cette exigence puisque l’ordonnance de confidentialité du 29 décembre 2008 ne contient pas un tel niveau de protection. Bell n’a donc pu voir les documents retenus et poser des questions à leur égard lors des interrogatoires au préalable.

  • [23] Il est sûr que cette mésentente quant à la demande de traiter certains documents sous la protection CEO aurait pu être soupesée et fort possiblement résolue entre les parties (du moins cela aurait été espéré dans l’esprit de l’Avis du 1er mai 2009) si au départ la citation à comparaître à l’origine de cette mésentente avant été signifiée beaucoup plus tôt.

  • [24] Dans le cadre de son dossier de réponse, Eurocopter a produit deux affidavits pour soutenir un tel degré de protection à l’égard de catégories de documents ou d’informations particulières.

  • [25] Dans cette mesure, la Cour lit l’affidavit de Pierre Prud’homme Lacroix daté du 1er mars 2010 comme cherchant à protéger des calculs qui recouvrent des méthodes et des paramètres. De façon similaire, la Cour lit l’affidavit de Bernard Certain daté du 2 mars 2010 comme cherchant à protéger la liste des clients et la liste des questions posées en relation avec ce que les parties appellent le ECAT meeting.

  • [26] Bien que par ces affidavits Bell fasse essentiellement l’objet d’une requête indirecte pour modifier l’ordonnance de protection émise le 29 décembre 2008 et qu’elle n’ait pas ou pu produire d’affidavits pour contrer les affidavits d’Eurocopter, j’accorde néanmoins en bout de course et de manière à couper court à ce débat interlocutoire le degré de protection CEO recherché par Eurocopter mais uniquement à l’égard des documents ou informations mentionnés au paragraphe précédent et en autant que de tels documents ou informations soient visés par une ou des questions à répondre.

  • [27] Je considère en effet que les affidavits de Pierre Prud’homme Lacroix et de Bernard Certain établissent des circonstances inusuelles recherchées en jurisprudence pour un tel degré de protection (voir l’arrêt Merck & Co. v. Brantford Chemicals Inc. (2005) 43 C.P.R. (4th) 233). De plus, Bell a concédé à l’audition que la liste des clients et la liste des questions pouvaient bénéficier de la protection CEO.

  • [28] Quant aux questions à répondre impliquées, il est difficile pour la Cour d’identifier, outre les questions 24, 26 et 28, les autres questions à répondre (entre les questions 90 à 109 fort possiblement) dont la réponse pourrait être visée ici. La Cour compte fortement sur la collaboration entre les parties et les procureurs pour s’entendre sur cet aspect.

  • [29] Par ailleurs, après avoir soupesé les arguments oraux et écrits des parties, je ne considère pas que cet imbroglio à l’égard de la protection CEO, ou toute autre raison, doive amener un changement de lieu quant à la deuxième ronde des interrogatoires au préalable de messieurs Certain, Lacroix et Mairou.

  • [30] La deuxième ronde d’interrogatoires de messieurs Certain, Lacroix et Mairou et devant porter sur toute question qui découle raisonnablement des réponses et documents à être produits par Eurocopter le ou avant le 1er avril 2010 se déroulera donc durant la semaine du 12 avril 2010 en France, soit au même lieu que la première ronde.

  • [31] Par ailleurs, la Cour a apprécié à son poids relatif l’affidavit de Robert Gardner et elle n’entend toutefois pas en ordonner la radiation tel qu’exigé par Eurocopter.

  • [32] Tout autre remède recherché par l’une ou l’autre des parties est rejeté.

  • [33] Enfin, vu que le succès sur la présente requête est partagé, aucuns dépens ne sont adjugés sur la requête à l’étude.

 

 

« Richard Morneau »

Protonotaire


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :  T-737-08

 

INTITULÉ :  EUROCOPTER (société par actions simplifiée)

and

BELL HELICOPTER TEXTRON

CANADA LIMITÉE

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :  Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :  10 mars 2010

 

MOTIFS DE L'ORDONNANCE :  LE PROTONOTAIRE MORNEAU

 

DATE DES MOTIFS :  12 mars 2010

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Marek Nitoslawski

David Turgeon

 

POUR LA DEMANDEERESSE/

DÉFENDERESSE RECONVENTIONNELLE

 

Louis Gratton

Judith Robinson

POUR LA DÉFENDERESSE/

DEMANDERESSE RECONVENTIONNELLE

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Fasken Martineau DuMoulin

Montréal (Québec)

 

POUR LA DEMANDERESSE/

DÉFENDERESSE RECONVENTIONNELLE

 

Ogilvy Renault

Montréal (Québec)

 

POUR LA DÉFENDERESSE/

DEMANDERESSE RECONVENTIONNELLE

 

 

 

 

 

 

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