TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE
Vancouver (Colombie-Britannique), le 5 mars 2010
En présence de Monsieur le juge Kelen
ENTRE :
MARIA GUADALUPE MENDOZA CORNEJO
et
ET DE L’IMMIGRATION
MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT
[1] Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire d’une décision rendue par la Section de la protection des réfugiés (la SPR) de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (la Commission) en date du 18 août 2009, décision qui ne reconnaît à la demanderesse ni la qualité de réfugiée au sens de la Convention ni celle de personne à protéger en raison de son appartenance à un groupe social, conformément aux articles 96 et 97 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés (LIPR), L.C. 2001, ch. 27.
LES FAITS
Le contexte
[2] La demanderesse est une citoyenne du Mexique âgée de 33 ans. Elle est arrivée au Canada le 4 octobre 2007 et a présenté une demande d’asile le 3 avril 2008.
[3] La demanderesse exerce la profession de psychologue. Son travail à l’unité des enfants brûlés de l’un des hôpitaux du Mexique lui occasionnait beaucoup de tension. Elle a pris des vacances au Canada en novembre 2005 et y a rencontré le futur père de son enfant en suivant des cours d’anglais. Elle a ensuite entrepris une relation amoureuse avec lui. La demanderesse est retournée au Mexique en juillet 2006 et a repris son travail à l’unité des enfants brûlés. Elle est revenue au Canada le 4 octobre 2007 pour échapper aux tensions de son travail. La relation de la demanderesse a repris à son retour. La demanderesse s’est rendue compte qu’elle était enceinte en mars 2008 et elle a décidé de poursuivre sa grossesse malgré sa rupture d’avec le père. La demanderesse a fait une demande d’asile le 3 avril 2008 et a donné naissance à son enfant canadien peu après son audition devant la SPR.
[4] La demanderesse est membre de Camino Neocatechumenate (le « Chemin »), une secte catholique chrétienne fondamentaliste, depuis l’âge de 21 ans, alors que son père lui a demandé d’adhérer à la secte. Le Chemin entend ramener le culte chrétien à ce qu’il était dans les premières communautés chrétiennes en mettant l’accent sur l’adhésion à un mode de vie rigoureusement catholique au moyen de réunions bimensuelles en petits groupes de 20 personnes, au cours desquelles les membres doivent révéler publiquement leur vie privée, puis faire face au jugement des autres membres. La demanderesse fait valoir que les dirigeants du Chemin exerceront de la pression sur son père pour qu’il utilise la violence physique à l’endroit de la demanderesse et de son enfant à titre de rétribution pour avoir commis le péché de donner naissance à un enfant hors mariage. Sa demande d’asile se fonde sur la persécution qu’elle prévoit subir du fait de son adhésion au Chemin.
La décision visée par le contrôle
[5] Le 18 août 2009, la SPR a rejeté la demande d’asile de la demanderesse.
[6] La demanderesse a fait valoir une crainte subjective de persécution parce qu’elle était membre du groupe social formé des femmes qui sont devenues enceintes hors mariage et dont la famille fait partie du Chemin.
[7] La demanderesse a témoigné qu’elle a grandi dans une famille très stricte. Sa mère la frappait à l’aide d’un bâton en bois et son père la battait au moyen d’un fouet pour les chevaux. La demanderesse prétendait que si elle retournait au Mexique, les dirigeants du Chemin exigeraient que son père lui inflige des corrections en la battant. La demanderesse a communiqué avec sa famille par téléphone. Le témoignage de la demanderesse à cet égard se résume comme suit :
1. la mère de la demanderesse croit que la demanderesse a « trahi » sa famille;
2. le père de la demanderesse pense que la demanderesse s’est rendue au Canada pour se comporter de manière inappropriée et, en conséquence, ne tient aucunement à la revoir.
[8] La demanderesse a fait valoir que les membres de sa famille élargie feraient du mal à son enfant parce qu’il représente la preuve de son « péché ». La demanderesse a identifié quelques parentes qui sont devenues enceintes hors mariage et qui ont été expulsées de leur domicile familiale ou contraintes de fuir. L’une d’entre elles a été victime de violence physique.
[9] La SPR a jugé le témoignage de la demanderesse concernant les événements auxquels elle a pris part et le traitement qu’elle a subi crédibles et dignes de foi, mais elle a décidé que le témoignage de la demanderesse sur ses craintes de persécution reposait sur des spéculations. La SPR a statué aux paragraphes 21 et 22 de la décision que la demanderesse ne pouvait établir la persécution :
¶21 J’estime que ce que décrit la demandeure d’asile comme étant de la persécution n’est pas assimilable à de la persécution au sens de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés (LIPR), mais plutôt à du harcèlement et à de l’ostracisme. Il n’y a pas eu de communication entre la demandeure d’asile et les policiers, qui sont fréquemment décrits comme ceux qui persécutent les femmes au Mexique. Jusqu’à maintenant, la demandeure d’asile n’a déposé aucune plainte auprès d’une autorité gouvernementale.
¶22 La demandeure d’asile a vécu dans un milieu familial sévère, mais où régnait l’amour. La demandeure d’asile a exagéré en décrivant le comportement des membres de sa famille, de la communauté néocatéchuménale et de la société mexicaine en général. Elle se considère comme le centre d’attention dans un pays de 110 millions d’habitants.
[10] La SPR a décidé que la demanderesse ne pouvait pas prouver sa crainte subjective de persécution sur la base des expériences vécues par ses parentes enceintes parce que contrairement à elles, la demanderesse a déjà donné naissance à un enfant et que la violence à son endroit ne pouvait pas causer de fausse couche, résultat que visent souvent les auteurs de la violence dans de tels cas.
[11] La SPR a décidé que le père âgé de 64 ans de la demanderesse n’est pas susceptible de lui infliger une correction, mais qu’il sera plutôt enclin à l’ignorer comme l’indique leur dernière communication téléphonique. Rien ne prouvait non plus que le père ferait du mal à l’enfant. La SPR a jugé qu’aucune preuve n’indiquait une tendance du Chemin à agir de manière mesquine et cruelle de sorte que la demanderesse serait suivie et amenée devant son père pour faire l’objet de violence.
[12] La SPR a également statué qu’il n’y avait pas de preuve que la demanderesse serait exposée à de la torture ou serait personnellement exposée à une menace à sa vie ou au risque de traitements ou peines cruels et inusités. Les menaces de violence ou de discrimination alléguées par la demanderesse étaient générales et ne pourraient constituer le fondement d’une demande d’asile. La demande d’asile de la demanderesse a donc été rejetée.
LES DISPOSITIONS LÉGALES
[13] L’article 96 de la LIPR protège les réfugiés au sens de la Convention :
96. A qualité de réfugié au sens de la Convention — le réfugié — la personne qui, craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un groupe social ou de ses opinions politiques :
a) soit se trouve hors de tout pays dont elle a la nationalité et ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de chacun de ces pays;
b) soit, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle, ne peut ni, du fait de cette crainte, ne veut y retourner.
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96. A Convention refugee is a person who, by reason of a well-founded fear of persecution for reasons of race, religion, nationality, membership in a particular social group or political opinion,
(a) is outside each of their countries of nationality and is unable or, by reason of that fear, unwilling to avail themself of the protection of each of those countries; or
(b) not having a country of nationality, is outside the country of their former habitual residence and is unable or, by reason of that fear, unwilling to return to that country. |
[14] L’article 97 de la LIPR protège certaines catégories de personnes :
97. (1) A qualité de personne à protéger la personne qui se trouve au Canada et serait personnellement, par son renvoi vers tout pays dont elle a la nationalité ou, si elle n’a pas de nationalité, dans lequel elle avait sa résidence habituelle, exposée :
a) soit au risque, s’il y a des motifs sérieux de le croire, d’être soumise à la torture au sens de l’article premier de la Convention contre la torture;
b) soit à une menace à sa vie ou au risque de traitements ou peines cruels et inusités dans le cas suivant : (i) elle ne peut ou, de ce fait, ne veut se réclamer de la protection de ce pays, (ii) elle y est exposée en tout lieu de ce pays alors que d’autres personnes originaires de ce pays ou qui s’y trouvent ne le sont généralement pas, (iii) la menace ou le risque ne résulte pas de sanctions légitimes — sauf celles infligées au mépris des normes interna-tionales — et inhérents à celles-ci ou occasionnés par elles, (iv) la menace ou le risque ne résulte pas de l’incapacité du pays de fournir des soins médicaux ou de santé adéquats. |
97. (1) A person in need of protection is a person in Canada whose removal to their country or countries of nationality or, if they do not have a country of nationality, their country of former habitual residence, would subject them personally
(a) to a danger, believed on substantial grounds to exist, of torture within the meaning of Article 1 of the Convention Against Torture; or
(b) to a risk to their life or to a risk of cruel and unusual treatment or punishment if (i) the person is unable or, because of that risk, unwilling to avail themself of the protection of that country, (ii) the risk would be faced by the person in every part of that country and is not faced generally by other individuals in or from that country, (iii) the risk is not inherent or incidental to lawful sanctions, unless imposed in disregard of accepted international standards, and (iv) the risk is not caused by the inability of that country to provide adequate health or medical care. |
LES QUESTIONS EN LITIGE
[15] La demanderesse soulève les questions suivantes :
1. La Commission a-t-elle fait erreur en tirant des conclusions fondées sur des hypothèses?
2. La Commission a-t-elle tiré à tort des conclusions qui ne reposent pas sur la preuve dont elle était saisie?
3. La Commission a-t-elle fait erreur en ne fournissant pas des motifs adéquats?
LA NORME DE CONTRÔLE
[16] Dans l’arrêt Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, 372 N.R. 1, la Cour suprême du Canada a statué au paragraphe 62 que la première étape à franchir dans l’analyse de la norme de contrôle consiste à « vérifie[r] si la jurisprudence établit déjà de manière satisfaisante le degré de déférence correspondant à une catégorie de questions en particulier » : voir également Khosa c. Canada (MCI), 2009 CSC 12, motifs du juge Binnie, au paragraphe 53.
[17] Les questions à trancher en l’espèce sont des questions de fait et des questions mixtes de fait et de droit. Il est clair qu’à la suite des arrêts Dunsmuir et Khosa, ces questions doivent être examinées à la lumière de la norme du caractère raisonnable. Des décisions récentes ont réitéré que la norme de contrôle servant à déterminer si un demandeur a établi une crainte subjective de persécution et si une personne a qualité de personne à protéger est la norme du caractère raisonnable : Butt c. Canada (MCI), 2010 CF 28, motifs du juge Pinard, aux paragraphes 6 et 7. Les questions concernant le caractère adéquat des motifs sont examinées d’après la norme de la décision correcte : Via Rail Canada Inc. c. Canada (Office national des transports), [2001] 2 C.F. 25 (C.A.).
[18] Dans le cadre de la révision de la décision de la Commission au moyen de la norme du caractère raisonnable, la Cour doit examiner si la décision « tient principalement à la justification de la décision, à la transparence et à l’intelligibilité du processus décisionnel » et si elle appartient « aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit » : Dunsmuir, précité, au paragraphe 47; Khosa, précité, au paragraphe 59.
ANALYSE
Question no 1 : La Commission a-t-elle fait erreur en tirant des conclusions fondées sur des hypothèses?
[19] La demanderesse soutient que la SPR a tiré une conclusion de fait fondée sur des hypothèses lorsqu’elle a statué au paragraphe 28 que le père de la demanderesse n’avait pas corrigé physiquement celle-ci auparavant et qu’il ne le ferait pas. Le passage pertinent du paragraphe est reproduit ci-après :
¶28 J’ai du mal à imaginer que le père, âgé de 64 ans, puisse « corriger » physiquement sa fille de 33 ans.
[20] La demanderesse prétend que des témoignages crédibles établissent que son père lui a par le passé infligé des corrections alors qu’elle était adulte et qu’il est susceptible de le faire de nouveau dans l’avenir. La demanderesse ajoute que la conclusion de la SPR est contredite par la preuve objective sur la situation au pays qui révèle un degré élevé de violence faite aux femmes au Mexique.
[21] Considéré isolément, le passage énoncé ci-dessus est hypothétique. Ce n’est pas le cas s’il est pris en contexte. Tout de suite après le libellé contesté, la SPR fournit les motifs suivants :
¶28 […] La demandeure d’asile semble elle aussi avoir du mal à imaginer que son père puisse se résoudre à la punir de cette façon. Lorsque je lui ai demandé d’expliquer ce qu’elle voulait dire par « correction » et de quelle façon son père s’y prendrait, la demandeure d’asile, après avoir expliqué qu’il s’agirait d’une « correction » en public en présence du groupe néocatéchuménal, a expliqué que, si son père n’avait pas l’intention de lui infliger une telle correction, il se ferait dire de le faire. Selon la demandeure d’asile, son père n’aurait pas d’autre choix que de le faire.
¶29 La demandeure d’asile insiste sur le fait que son père n’aura pas le choix, ce qui, à mon avis, semble indiquer qu’elle n’est pas du tout convaincue que son père soit résolu à la corriger. Je crois que l’attitude du père cadre plutôt avec les paroles prononcées à son épouse lorsque celle‑ci parlait au téléphone avec la demandeure d’asile; il a affirmé que la demandeure d’asile était venue au Canada pour se comporter comme une putain et que, en ce qui le concerne, elle n’existe plus. Il s’agit d’une attitude très différente de celle d’une personne qui prévoit d’infliger une correction; c’est de l’indifférence totale plutôt qu’une violente agression. [Non souligné dans l’original.]
[22] La SPR a appuyé sa décision sur le témoignage de la demanderesse :
[TRADUCTION]
Commissaire : Avez-vous parlé à vos parents au téléphone, après avoir parlé à d’autres membres de votre famille?
Demanderesse : Oui.
[…]
Commissaire : « Ma mère a dit que j’ai trahi la confiance qu’ils m’avaient accordée. J’ai parlé à mon père et il a dit que je suis venue au Canada pour me comporter comme une putain. »
[…]
Demanderesse : […] Il ne voulait pas me parler. Ma sœur m’a dit que mon père a affirmé que pour lui, j’étais morte.
[…]
Commissaire : Qu’avez-vous compris des propos de votre père lorsque votre sœur vous a dit que dans la mesure où il était concerné, vous étiez morte?
Demanderesse : Qu’il ne voulait plus jamais me voir.
La sœur de la demanderesse n’a ni laissé entendre ni affirmé que le père « corrigerait » physiquement la demanderesse.
[23] La SPR avait raisonnablement le droit d’accorder plus de poids à certains éléments de preuve qu’à d’autres. La demanderesse a conclu qu’elle serait victime de mauvais traitements de la part de son père si elle retournait au Mexique en raison d’expériences factuelles antérieures non liées entre elles et des expériences de certaines de ses cousines. Il était raisonnablement loisible à la SPR de statuer que la preuve qui lui a été soumise ne révélait pas de violence physique probable de la part du père de la demanderesse. La Cour doit s’en remettre à la conclusion de la SPR sur cette preuve et n’a pas le droit de lui accorder une nouvelle valeur.
Question no 2 : La Commission a-t-elle tiré à tort des conclusions qui ne reposent pas sur la preuve dont elle était saisie?
[24] La demanderesse fait valoir que la même conclusion de fait mentionnée précédemment n’est pas fondée sur la preuve dont la Commission était saisie, en particulier la description faite par la SPR du Chemin. La demanderesse prétend que la SPR ne s’est pas montrée sensible aux Directives no 4 – Revendicatrices du statut de réfugié craignant d’être persécutées en raison de leur sexe (Directives concernant la persécution fondée sur le sexe) de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié.
[25] La demanderesse cherche à réfuter la description que fait la SPR du Chemin. La Cour convient que la SPR a peut-être fait erreur en décrivant certains aspects du Chemin; toutefois, aucune de ces erreurs, prises individuellement ou globalement, n’équivaut à une erreur susceptible de révision.
[26] La SPR a conclu de façon raisonnable que le Chemin n’est pas une organisation malveillante et cruelle qui délaisse les enseignements catholiques de base comme le pardon. La demanderesse croit peut-être sincèrement que sa famille élargie la retracerait n’importe où au Mexique et l’amènerait à son père et aux dirigeants du Chemin pour qu’elle soit « corrigée » physiquement, mais la preuve objective ne corrobore pas ce qu’elle pense. Aucune preuve au dossier n’indique que le Chemin incite à retracer les membres errants et à les ramener devant les dirigeants du Chemin pour qu’ils soient punis. La SPR a invoqué raisonnablement l’absence de soutien objectif des allégations de la demanderesse lorsqu’elle a jugé que cette dernière ne pouvait pas établir une menace sérieuse de persécution au Mexique : Adu c. Canada (MEI), [1995] A.C.F. no 114 (C.A.F.), motifs du juge Hugessen.
[27] En ce qui a trait aux Directives concernant la persécution fondée sur le sexe, la Cour a jugé précédemment qu’il incombe néanmoins à la demanderesse de prouver sa prétention. Les Directives concernant la persécution fondée sur le sexe ne corroborent pas un quelconque élément de preuve étayant la thèse de la violence fondée sur le sexe, de sorte que le seul fait de témoigner suffise à prouver la véracité des propos tenus : Karanja c. Canada (MCI), 2006 CF 574, motifs du juge Pinard, au paragraphe 5.
[28]
Les
Directives concernant la persécution fondée sur le sexe ne sont d’aucune aide
pour la demanderesse. La SPR a reconnu le degré élevé de violence
fondée sur le sexe au Mexique et la violence physique déjà commise par le père
de la demanderesse à l’égard de cette dernière. La décision de la SPR repose
sur le témoignage clair de la demanderesse elle-même qui mentionne que son père
n’est pas du tout intéressé à la revoir. La SPR pourrait
décider de façon raisonnable que la preuve n’appuie pas les allégations de la
demanderesse selon lesquelles son père chercherait à la retracer, puis à
utiliser la violence à son endroit sur ordre du Chemin. Il était
raisonnablement loisible à la SPR de tirer cette conclusion.
Question no 3 : La Commission a-t-elle fait erreur en ne fournissant pas des motifs adéquats?
[29] La demanderesse soutient que la SPR a fait erreur en ne procédant pas à une analyse assez nuancée et en omettant de présenter des motifs, notamment en ce qui concerne la demande d’asile reposant sur l’alinéa 97(1)b) de la LIPR.
[30] Dans l’arrêt Via Rail Canada Inc. c. Canada Canada (Office national des transports), [2001] 2 C.F. 25 (C.A.), le juge Sexton a énoncé au paragraphe 22 le contenu de l’obligation de donner des motifs :
¶22 On ne s'acquitte pas de l'obligation de donner des motifs suffisants en énonçant simplement les observations et les éléments de preuve présentés par les parties, puis en formulant une conclusion. Le décideur doit plutôt exposer ses conclusions de fait et les principaux éléments de preuve sur lesquels reposent ses conclusions. Les motifs doivent traiter des principaux points en litige. Il faut y retrouver le raisonnement suivi par le décideur et l'examen des facteurs pertinents.
[31] La SPR a décidé aux paragraphes 40 et 41 des motifs, après avoir cité la documentation objective sur la situation du pays, que les menaces soulevées par la demanderesse sont générales.
[32] Une menace générale de violence dans le pays d’origine de la demanderesse ne justifie pas, en soi, une demande d’asile en vertu de l’alinéa 97(1)b) de la LIPR : voir ma décision dans Michaud c. Canada (MCI), 2009 CF 886, au paragraphe 41; Prophète c. Canada (MCI), 2008 CF 331, motifs de la juge Tremblay-Lamer, au paragraphe 17.
[33] La demanderesse a donné suffisamment de preuves de violence générale fondée sur le sexe, mais n’a pas donné de preuve de risque personnel dont la SPR a accepté la probabilité. Le risque général de violence fondée sur le sexe est une réalité regrettable pour de nombreuses femmes au Mexique. Certaines, comme la demanderesse, ont pu être victimes auparavant et craignent donc encore davantage ce climat de violence. La Cour éprouve de la sympathie face à une telle situation, mais ce risque ne suffit pas pour justifier une demande fondée sur l’alinéa 97(1)b). La Cour n’a aucun doute quant à la justification de la décision défavorable rendue par la SPR à l’égard des motifs portant sur la violence générale. Considérés globalement, les motifs de la SPR constituent une justification et un raisonnement adéquats pour étayer cette décision.
QUESTION À CERTIFIER
[34] Les deux parties ont informé la Cour que cette affaire ne soulève aucune question sérieuse d’importance générale qui devrait être certifiée en vue d’un appel. La Cour est d’accord.
JUGEMENT
La demande de contrôle judiciaire est rejetée.
Traduction certifiée conforme
Evelyne Swenne, traductrice
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : IMM-4398-09
INTITULÉ : MARIA GUADALUPE MENDOZA CORNEJO c. LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION
LIEU DE L’AUDIENCE : OTTAWA (ONTARIO)
DATE DE L’AUDIENCE : LE 22 FÉVRIER 2010
DATE DES MOTIFS : LE 5 MARS 2010
COMPARUTIONS :
Jamie Liew
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Holly LeValliant
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AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Jamie Liew Galldin Liew, LLP Ottawa (Ontario)
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John H. Sims, c.r. Sous-procureur général du Canada Ottawa (Ontario) |