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Cour fédérale

 

 

Federal Court


 

Date : 20100219

Dossier : IMM-5477-08

Référence : 2010 CF 183

Ottawa (Ontario), le 19 février 2010

En présence de monsieur le juge Near

 

 

ENTRE :

BO WU LIN

demandeur

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire de la décision (la décision) de la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (la Commission) datée du 20 novembre 2008, dans laquelle la Commission a statué que le demandeur est ni un réfugié au sens de la Convention, ni une personne à protéger au sens des articles 96 et 97 de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27.

 

[2]               Pour les motifs qui suivent, la demande sera rejetée.

 

I.          Le contexte

 

[3]               Le demandeur, âgé de 29 ans, est citoyen de la Chine. Selon ses dires, il était membre d'une église clandestine illégale en Chine et avait aidé un ami à distribuer des dépliants religieux. Après que son ami eut été arrêté par les autorités chinoises pour violation des règlements en matière de religion, le demandeur s'est caché. Le demandeur prétend que les autorités sont venues à deux reprises à son domicile pour l'arrêter, et lui ont laissé une assignation à comparaître. Le demandeur est entré au Canada et a présenté une demande d'asile en février 2007.

 

[4]               Selon des diagnostics, le demandeur souffre de calvitie totale, de dépression et de trouble de stress post-traumatique en raison de sa persécution en Chine. Il déclare que ses symptômes de dépression se sont manifestés autour de son arrivée au Canada. L'audience initiale du demandeur a été péremptoirement reportée en raison de son état de santé, et du fait qu'il devait recevoir des soins médicaux. Il avait reçu ces soins au moment de sa deuxième audience. Lors de la deuxième audience, la Commission a conclu que le demandeur était une personne vulnérable et a jugé que les Directives sur les procédures concernant les personnes vulnérables qui comparaissent devant la Commission de l'immigration et du statut de réfugié du Canada (les Directives 8) étaient applicables.

 

[5]               Dans cette décision, la Commission a conclu que le demandeur n'était pas crédible, et que sa crainte de persécution de l'État en Chine ne reposait sur aucun fondement objectif.

 

II. La norme de contrôle

 

[6]               Les questions soulevées dans la présente affaire ne se rapportent pas à l'équité procédurale, et seront évaluées selon la norme de la raisonnabilité (voir Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 R.C.S. 190; Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c. Khosa, 2009 CSC 12; [2009] 1 R.C.S. 339). Les questions concernant l'équité procédurale seront examinées selon la norme de la décision correcte.

 

[7]               Comme il a été énoncé dans Dunsmuir et Khosa, précités, le caractère raisonnable tient à la justification de la décision, à la transparence et à l'intelligibilité du processus décisionnel, ainsi qu’à l’appartenance de la décision aux issues acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit.  

 

[8]               La Cour doit faire preuve d'une grande retenue envers les décisions de la Commission portant sur des questions de crédibilité et d'appréciation de la preuve (voir Camara c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2008 CF 362; [2008] A.C.F. no 442, paragraphe 12).

 

III. Questions en litige

 

[9]               Le demandeur prétend que la Commission a ignoré, mal interprété ou écarté la preuve, qu’elle a mal appliqué la définition de réfugié au sens de la Convention ou de personne à protéger, et qu’elle a commis des erreurs de droit en parvenant à sa décision que le demandeur n'est pas un réfugié au sens de la Convention ou une personne à protéger.

 

[10]           Plus précisément, le demandeur prétend que la Commission a commis une erreur en conduisant l’audience en dépit de l’état psychologique du demandeur, qu'elle n'a pas tenu compte de son état mental à son arrivée au Canada et qu'elle n'a pas attribué le bon poids aux assignations à comparaître prétendument délivrées par les autorités chinoises.

 

[11]           Le défendeur soutient que le demandeur n'a pas réussi prouver une erreur susceptible de contrôle judiciaire.

 

A         Conduite de l'audience

 

[12]           Le demandeur prétend que lors de l'audience, il a eu beaucoup de difficultés à témoigner et qu'il s'était plaint de maux de tête, de nausées et de problèmes de concentration.

 

[13]           Le demandeur prétend que la Commission a commis une erreur en déclarant qu'il n'y pas eu de demande de suspension de l'audience. Il prétend que la déclaration aurait dû être modifiée, car aucun ajournement ne pouvait être demandé, puisque l'audience était péremptoire.

 

[14]           Bien qu'il soit possible que la Commission n'ait pas reconnu qu'une audience antérieure ait été reportée, cela ne signifie pas que la Commission a commis une erreur. La Commission a reconnu que le demandeur était aux prises avec des problèmes psychologiques et a donné au conseil de celui-ci une pause, afin qu'elle puisse consulter son client. Le demandeur a déclaré qu'il souhaitait que l'audience reprenne. Il n'y a pas eu d'erreur de procédure, et la décision de la Commission était raisonnable.

 

[15]           Le demandeur prétend aussi que la déclaration de la Commission concernant le comportement évasif du demandeur démontre que le commissaire n'a pas tenu compte de la pertinence éventuelle de l'état psychologique du demandeur, et de l’incidence de cet état sur ses gestes. Comme il a précédemment été mentionné, la retenue s'impose à l'égard de l'évaluation de la crédibilité faite par la Commission. La transcription de l'audience démontre que la décision de la Commission concernant le comportement du demandeur était raisonnable et qu'elle tenait compte de son état mental.

 

B.         État mental au moment de l'arrivée au Canada

 

[16]           Le demandeur s'oppose à l'évaluation de la crédibilité qu’a faite la Commission en se fondant sur les incohérences entre son entrevue initiale et l'audience. Selon le demandeur, la Commission savait que son état mental et les médicaments qu'il devait prendre avaient changé, et que celle-ci aurait dû tenir compte de ces changements.

 

[17]           Les incohérences décelées par la Commission se rapportaient surtout aux déclarations du demandeur portant sur le moment où il s’est converti au catholicisme et sur ses demandes d'entrée antérieures au Canada. Le demandeur prétend que les incohérences reposent sur l'interprétation de la terminologie chrétienne. Le demandeur prétend que le commissaire n'a pas fait mention de l'explication donnée par le demandeur pour les incohérences, et que cela constitue une erreur.

 

[18]           Comme il est énoncé dans les motifs, la Commission était non seulement préoccupée par les incohérences entre l'entrevue initiale du demandeur et l'audience, mais aussi par le fait que le demandeur semblait être capable de se souvenir d'événements survenus lors de son entrée au Canada, mais non lorsqu'il était en Chine. Le Conseil a aussi mentionné que le demandeur prenait de longues pauses avant de répondre aux questions.   

 

[19]           Le demandeur prétend que la Commission aurait pu tirer d'autres inférences. Cependant, cela n'est pas suffisant pour justifier un contrôle judiciaire dans le cas de conclusions négatives en matière de crédibilité. Comme l'a mentionné la juge Judith Snider dans la décision Sinan c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2004 CF 87; [2004] A.C.F no 188, au paragraphe 10, ce n'est pas parce qu'un demandeur donne une explication que celle-ci doit être acceptée par la Commission, et il est loisible à la Commission d'examiner la réponse ou l'explication pour ensuite décider si elle est suffisante.

 

C.        L'importance à attribuer aux prétendues assignations à comparaître

 

[20]           Le demandeur a produit une assignation à comparaître qui, selon lui, émanait des autorités chinoises compétentes. Dans les motifs, la Commission a mentionné qu’il n’y avait pas d’autres éléments de preuve étayant l’authenticité de l’assignation, et que les documents sur les conditions dans le pays indiquent que de faux documents sont couramment produits en Chine. Le demandeur prétend que la Commission a conclu qu’il devait y avoir une preuve à l’appui de l’authenticité des documents, sinon ceux-ci seraient présumés frauduleux.

 

[21]           Comme il a été mentionné dans Camara, précitée, la retenue s’impose à l’égard de l’évaluation de la preuve par la Commission. Bien qu’il n’y ait pas de présomption de fraude si aucune autre preuve relatif à l’authenticité d’un document n’est produite, la Commission a le droit de se fonder sur sa connaissance de la possibilité de se procurer des faux documents dans une région donnée pour mettre en doute la valeur probante des documents en question (voir Gasparyan c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2003] A.C.F. no 1103; 2003 CF 863, au paragraphe 7). Il incombe au demandeur d’étayer sa revendication du statut de réfugié et de fournir la documentation nécessaire (voir Wang c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2001] A.C.F. no 911, 2001 CFPI 590, au paragraphe 21; Gasparyan, précitée, au paragraphe 9). Par conséquent, la Cour fera preuve de retenue à l’égard de cette partie de la décision de la Commission, et la considérera raisonnable.


 

JUGEMENT

 

            LA COUR STATUE que :

1.                  la présente demande de contrôle judiciaire est rejetée;

2.                  aucuns dépens ne sont adjugés.

 

 

« D. G. Near »

Juge

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Maxime Deslippes, LL.B., B.A. Trad.


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        IMM-5477-08

 

INTITULÉ :                                       LIN c.

                                                            LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

                                                            ET DE L’IMMIGRATION

 

 

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 1er février 2010

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              Le juge Near

 

DATE DES MOTIFS

ET DU JUGEMENT :                       Le 19 février 2010

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Ann Crawford

 

POUR LE DEMANDEUR

Ladan Shahrooz

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Ann Crawford

Kranc Associates

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DEMANDEUR

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

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