Cour fédérale |
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Federal Court
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Date : 20100211
Référence : 2010 CF 146
Toronto (Ontario), le 11 février 2010
En présence de monsieur le juge Beaudry
Entre :
et
ET DE L’IMMIGRATION
MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT
[1] Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire présentée en vertu du paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la Loi), d’une décision rendue le 28 mai 2009 par une agente d’examen des risques avant renvoi (l’agente d’ERAR), dans laquelle l’agente d’ERAR a conclu que M. Nickaldo Smith (le demandeur) n’était pas une personne visée par les articles 96 et 97 de la Loi.
[2] Le demandeur est un citoyen de la Jamaïque âgé de 28 ans. Il est arrivé au Canada en 1999, à l’âge de 17 ans; il avait été parrainé par sa mère pour qu’il puisse devenir résident permanent.
[3] Le 10 novembre 2003, le demandeur a été déclaré coupable de voies de fait armées en violation de l’alinéa 267a) du Code criminel du Canada, L.R.C. 1985, ch. C46. Par conséquent, le demandeur a été frappé d’une mesure d’expulsion le 7 avril 2005. Le demandeur a interjeté appel de son expulsion auprès de la Section d’appel de l’immigration de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié. L’appel a été rejeté le 5 avril 2009.
[4] Le demandeur a par la suite présenté une demande d’examen des risques avant renvoi (l’ERAR), qui a été rejetée par l’agente d’ERAR dans une décision rendue le 28 mai 2009. Cette décision est l’objet de la présente demande.
[5] Dans sa demande d’ERAR, le demandeur affirme craindre d’être persécuté en Jamaïque en raison de son orientation sexuelle et du fait qu’il serait une personne expulsée. Dans sa demande, le demandeur ne conteste que la conclusion portant sur le premier de ces risques.
[6] Le demandeur et sa conjointe, Mme Karen Bernard (Mme Bernard), ont commencé à se fréquenter en 2005. Le demandeur a découvert qu’il était bisexuel après que Mme Bernard l’eut encouragé à explorer sa sexualité.
[7] Vers la fin de mars 2007, le demandeur a commencé à avoir des relations sexuelles avec un homme nommé John Diaz (M. Diaz), qui était un ami de Mme Bernard. Cependant, cette relation n’a pas duré parce que le demandeur a été placé en détention en avril 2007, et M. Diaz ne l’a plus vu depuis ce temps. Le demandeur est encore aujourd’hui le conjoint de Karen.
[8] Le 25 juin 2009, il a été ordonné que l’on sursoie à la mesure de renvoi du demandeur du Canada jusqu’à ce que la présente demande soit tranchée.
[9] Dans sa décision, l’agente d’ERAR a apprécié la preuve présentée par le demandeur concernant la situation au pays et elle a affirmé avoir lu l’ensemble de la preuve et en avoir tenu compte. L’agente d’ERAR a conclu que [traduction] « les articles déposés révèlent qu’il y a un problème généralisé de violence et de discrimination fondées sur la préférence sexuelle en Jamaïque et que les personnes expulsées sont généralement mal traitées et blâmées pour des crimes en Jamaïque ».
[10] Par ailleurs, l’agente d’ERAR a conclu que le demandeur ne serait vraisemblablement pas persécuté parce qu’il ne cadre pas avec le profil donné dans une directive opérationnelle de l’Agence des services frontaliers du RoyaumeUni [U.K. Operational Guidance Note]. Les personnes visées principalement par ce profil sont celles considérées comme étant homosexuelles. L’agente d’ERAR a souligné que le demandeur entretenait une relation hétérosexuelle sérieuse depuis quatre ans et qu’il n’avait eu des relations intimes avec M. Diaz que pendant une courte période de temps à la fin de mars 2007. En outre, il n’a jamais été victime de persécution lorsqu’il vivait en Jamaïque.
[11] L’agente d’ERAR a ainsi conclu :
[traduction]
La preuve présentée par le demandeur n’étaye pas l’allégation selon laquelle la protection de l’État ne serait pas assurée à l’égard du demandeur. Elle n’établit pas que la protection du demandeur ne serait pas assurée par les autorités de la Jamaïque parce qu’il est bisexuel ou une personne expulsée. Si la police ne s’acquittait pas de son mandat, le demandeur pourrait exercer d’autres recours en s’adressant à des autorités haut placées ou à des organismes non gouvernementaux. Je conclus que le demandeur ne s’est pas acquitté du fardeau d’établir qu’il serait exposé à plus qu’une simple possibilité de persécution ou que, selon toute vraisemblance, il serait exposé à un risque de torture, à une menace à sa vie ou à un risque de traitements ou peines cruels ou inusités.
[12] La décision de l’agente d’ERAR concernant la protection de l’État constitue une question mixte de fait et de droit et la norme applicable à cette question est la raisonnabilité (Hinzman c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), et Hughey c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2007 CAF 171, 362 N.R. 1, paragraphe 38; Perea c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2009 CF 1173, [2009] A.C.F. no 1472 (QL), paragraphe 23). Lorsqu’elle procède à un tel contrôle, la Cour examine la justification, la transparence et l’intelligibilité de la décision ainsi que son appartenance aux issues acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit (Dunsmuir c. NouveauBrunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 R.C.S. 190, paragraphe 47).
[13] Il est clair que la protection de l’État ne doit être qu’« adéquate », et non « parfaite » (Blanco c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 1487, [2005] A.C.F. no 1826 (QL); Mejia c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2009 CF 354, [2009] A.C.F. no 438 (QL)). On ne peut pas s’attendre à ce que la police réussisse à protéger les personnes dans toutes les situations, par conséquent, il suffit que l’État fasse de sérieux efforts.
[14] En l’espèce, le défendeur convient que l’agente d’ERAR a fait une erreur en mentionnant l’organisme non gouvernemental JFLAG (page 4 de la décision). La citation qui se trouve à la page 239 du dossier du demandeur confirme qu’il s’agit d’une erreur (l’erreur portait sur l’accessibilité à des groupes de soutien ou à des groupes de défense). La Cour estime que l’erreur de l’agente d’ERAR n’est pas décisive. L’agente d’ERAR ne s’est pas fondée sur cette erreur pour conclure que le demandeur ne serait pas exposé à des risques s’il retournait en Jamaïque.
[15] La Cour est également d’avis que l’agente d’ERAR a raisonnablement expliqué pourquoi elle n’était pas convaincue que le demandeur ne cadrait pas avec le profil visant les personnes homosexuelles. L’agente d’ERAR a noté que les documents présentés ne portaient pas précisément sur la situation personnelle du demandeur. Ces conclusions ne sont pas déraisonnables.
[16] L’intervention de la Cour n’est pas justifiée.
[17] Aucune question n’a été proposée aux fins de certification, et l’affaire n’en soulève aucune.
JUGEMENT
LA COUR ORDONNE que la demande de contrôle judiciaire soit rejetée. Aucune question n’est certifiée.
Juge
Traduction certifiée conforme
Jean-François Martin, LL.B., M.A.Trad.jur.
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : IMM314409
INTITULÉ : NICKALDO SMITH
c.
MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ
ET DE L’IMMIGRATION
LIEU DE L’AUDIENCE : TORONTO (ONTARIO)
DATE DE L’AUDIENCE : LE 11 FÉVRIER 2010
MOTIFS DU JUGEMENT
ET JUGEMENT : LE JUGE BEAUDRY
DATE DES MOTIFS : LE 11 FÉVRIER 2010
COMPARUTIONS :
Aviva Basman POUR LE DEMANDEUR
Bradley Gotkin POUR LE DÉFENDEUR
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Refugee Law Office POUR LE DEMANDEUR
Toronto (Ontario)
John H. Sims, c.r. POUR LE DÉFENDEUR
Sousprocureur général du Canada