Cour fédérale |
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Federal Court |
T-372-08
Toronto (Ontario), le 20 janvier 2010
En présence de monsieur le juge Hughes
ENTRE :
ASTRAZENECA CANADA INC. et
ASTRAZENECA AKTIEBOLAG
et
APOTEX INC. et
LE MINISTRE DE LA SANTÉ
défendeurs
Dossier : T-372-08
ET ENTRE :
ASTRAZENECA CANADA INC. et
ASTRAZENECA AB
demanderesses
et
APOTEX INC. et
LE MINISTRE DE LA SANTÉ
défendeurs
MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE
[1] Il s’agit d’une requête présentée par les demanderesses, AstraZeneca et al., à titre d’appel de l’ordonnance rendue le 18 décembre 2009 par le protonotaire Aalto dans les deux instances. Plus particulièrement, les demanderesses demandent l’annulation de l’ordonnance, dans laquelle :
1. Le protonotaire a refusé de radier l’affidavit de John Hems et certains éléments de la preuve d’Apotex contenus à l’annexe A, ou, à titre subsidiaire, d’accorder aux demanderesses le droit de débattre la légitimité de cette preuve au moment de l’instruction des deux demandes;
2. Le protonotaire a refusé que les demanderesses versent au dossier un nouvel affidavit de M. Stephen Davies, à titre de contre‑preuve, pour chacune des deux instances.
[2] À ces égards, le protonotaire a appuyé sa décision sur huit pages de motifs.
[3] En ce qui a trait aux appels de cette nature, il est bien entendu que la Cour ne doit modifier l’ordonnance d’un protonotaire que si cette ordonnance porte sur une question ayant une influence déterminante sur l’issue du principal, ou qu’elle est entachée d’erreur flagrante, en ce sens que le protonotaire s’est fondé sur un mauvais principe ou une mauvaise appréciation des faits (Merck & Co. c. Apotex inc., (2003) 30 C.P.R. (4th) 40 (C.A.F.)).
[4] En ce qui concerne les faits, les demanderesses ont décidé de ne présenter au protonotaire que l’affidavit d’un technicien juridique, auquel étaient jointes des copies de lettres échangées entre les avocats des parties ainsi que des copies de certains documents versés au dossier de la Cour dans les présentes instances. Les demanderesses n’ont déposé aucun affidavit relatif au fond qui attesterait des faits justifiant la radiation de l’affidavit de M. Hems ou leur permettant de déposer un autre affidavit de M. Davies. Pour fonder la demande de radiation de l’affidavit de M. Hems et de dépôt de celui de M. Davies, les avocates des demanderesses s’appuient sur des arguments ainsi que sur des déductions tirés à partir du dossier des présentes affaires.
[5] Pour ce qui est du droit, il n’y a pas de disposition comme telle dans les Règles des Cours fédérales qui permette de radier des éléments de preuve avant l’audition d’une demande ou d’ajouter des contre‑preuves au dossier de la demande en réponse à un élément de preuve présenté par un défendeur. De telles ordonnances ont déjà été accordées dans des affaires semblables, mais il doit être établi dans chaque cas qu’il existe des raisons exceptionnelles de le faire.
[6] Premièrement, en ce qui a trait à la radiation de l’affidavit de M. Hems et des parties connexes de la preuve d’Apotex, les demanderesses sont d’avis, nonobstant les arguments complexes des avocats, que ces parties correspondent à un retrait de certaines déclarations faites par Apotex dans son avis d’allégation, et que cette situation porte en un sens préjudice à AstraZeneca, particulièrement si les évènements devaient tourner d’une certaine manière et qu’Apotex souhaitait présenter une demande en vertu de l’article 8 du Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité), DORS/93-133, tel que modifié. La situation est essentiellement la suivante : dans son avis d’allégation, Apotex a déclaré qu’elle achèterait l’ingrédient essentiel de son médicament du fournisseur A ou du fournisseur B, deux fournisseurs ayant des méthodes de production de l’ingrédient en question quelque peu différentes. Dans son affidavit, M. Hems affirme qu’Apotex n’essaiera pas d’acheter cet ingrédient auprès du fournisseur A, mais seulement du fournisseur B.
[7] Les demanderesses font valoir qu’elles n’auraient « peut-être » pas entamé la présente procédure si B était le fournisseur de l’ingrédient et que, si elles devaient persister dans la présente instance uniquement à l’égard du fournisseur B, il se pourrait qu’elles n’aient pas gain de cause et qu’elles soient exposées à une demande présentée en vertu de l’article 8. Il s’agit de pures conjectures, qui ne reposent sur aucune preuve. Apotex ne modifie pas son avis d’allégation; elle se contente de retirer un des motifs qu’elle a allégués au sujet de la non-contrefaçon. Les demanderesses et la Cour auront moins de questions à étudier; il ne s’agira pas d’une affaire différente, mais juste d’une affaire moins dense. Toute ramification relative à l’article 8 pourra être alléguée plus tard, si nécessaire. Je souscris aux conclusions du protonotaire, à la page 5 de ses motifs :
[traduction]
Je le dis en toute déférence, le Règlement ne contient aucune disposition empêchant une partie de modifier un fait tel que celui‑ci. En effet, Apotex simplifie le dossier et réduit le nombre de questions. En poussant le raisonnement d’AstraZeneca jusqu’au bout, Apotex serait tenue de présenter à l’audience des faits sur lesquels elle ne s’appuie plus et de présenter ses arguments comme si elle voulait faire appel à Nosch comme fournisseur. Ce serait une perte de temps. Apotex a maintenant adopté une position à l’égard des produits de Nosch et ne peut plus faire marche arrière. Si AstraZeneca subit un préjudice du fait qu’elle a fait établir des affidavits d’experts en partant du fait qu’Apotex allait utiliser les produits de Nosch, un tel préjudice pourra être compensé par l’adjudication des dépens au moment de l’audience.
[8] En ce qui a trait à l’affidavit rédigé par M. Davies à titre de contre-preuve, les avocates des demanderesses soutiennent que cet affidavit porte sur deux points. Le premier a trait à la légitimité de certains tests, réputés répliquer l’état de la technique, et qu’Apotex a déposés en preuve; le second point porte sur la question qui a été qualifiée de [traduction] « pureté optique »; AstraZeneca affirme qu’Apotex ne l’a pas évoquée dans son avis d’allégation.
[9] En ce qui concerne la légitimité de la reproduction de certaines inventions par les déposants d’Apotex, les demanderesses affirment avoir été prises par surprise et soutiennent qu’elles n’auraient pas pu s’attendre à ce que cet élément de preuve soit déposé quand elles ont présenté leur preuve principale. Il y a deux raisons pour lesquelles cette affirmation n’est pas pertinente. Premièrement, l’ordre dans lequel les parties étaient censées fournir les éléments de preuve a fait l’objet d’une ordonnance antérieure du protonotaire, que la Cour a confirmée en appel. Les demanderesses savaient très bien comment la preuve devait être présentée et dans quel ordre. Deuxièmement, si les demanderesses ont été prises par surprise, le protonotaire ne disposait d’aucun élément le démontrant. Par conséquent, le protonotaire n’a pas commis d’erreur quand il a conclu, à la page 7 de ses motifs :
[traduction]
[1] Étant donné que les trois affidavits ne sont pas radiés, AstraZeneca a‑t‑elle le droit de présenter des contre‑preuves? Les critères permettant d’établir s’il y a lieu d’autoriser les contre‑preuves sont bien connus :
a) ces éléments de preuve vont dans le sens des intérêts de la justice;
b) ces éléments de preuve aideront la Cour;
c) ces éléments de preuve ne causeront pas de préjudice grave à la partie adverse;
d) ces éléments de preuve n’étaient pas disponibles avant.
(Voir l’arrêt Atlantic Engraving c. Lapointe Rosenstein (2002), 23 C.P.R. (4th) 5 (C.A.F.))
En l’espèce, je ne suis pas certain que des arguments convaincants ont été avancés prouvant que ces critères ont été respectés. Il n’y a rien de nouveau dans les affidavits présentés par Apotex, aucun élément inattendu ou qui n’aurait pas pu être examiné plus tôt, sans compter qu’aucun des éléments de preuve n’aidera la Cour. AstraZeneca ne peut raisonnablement croire qu’après avoir demandé à ses cliniciens de mener les tests des exemples 4 et 5, Apotex ne s’efforcerait pas de présenter des éléments de preuve similaires. Même s’il est relativement succinct, le témoignage de M. Davies contenu dans l’affidavit que la demanderesse souhaite déposer en contre‑preuve est largement conjectural et revient sur des informations déjà versées au dossier ou qui peuvent être examinées lors du contre‑interrogatoire. Je suis d’avis qu’une contre-preuve ne s’impose pas en l’espèce.
[10] Pour ce qui est de la question de savoir si Apotex est allée au-delà des allégations contenues dans son avis d’allégation, les demanderesses sont libres d’avancer cet argument, si elles le jugent approprié au moment de l’audition des présentes demandes sur le fond. L’affidavit de M. Davies est inutile à cet égard, dans la mesure où il s’agit d’un argument de droit.
[11] L’appel sera par conséquent rejeté et les dépens seront adjugés à Apotex. Le ministre de la Santé n’a pas comparu et aucuns dépens ne lui seront adjugés ou ne devront être payés par lui.
ORDONNANCE
LA COUR ORDONNE que :
1. La requête des demanderesses, présentée à titre d’appel de la décision rendue par le protonotaire Aalto le 18 décembre 2009, est rejetée;
2. Les dépens de la requête sont adjugés à Apotex dans chaque dossier.
« Roger T. Hughes »
Traduction certifiée conforme
Alya Kaddour-Lord, traductrice
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIERS : T-371-08 et T-372-08
INTITULÉ : AstraZeneca Canada inc. et al.
c.
Apotex inc. ET le ministre de la Santé
LIEU DE L’AUDIENCE : Toronto (Ontario)
DATE DE L’AUDIENCE : Le 18 janvier 2010
MOTIFS DE L’ORDONNANCE
ET ORDONNANCE : Le juge Hughes
DATE DE L’ORDONNANCE : Le 20 janvier 2010
COMPARUTIONS :
Yoon Kang Tracey Stott
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POUR LES DEMANDERESSES |
Andrew Brodkin Daniel Cappe
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POUR LA DÉFENDERESSE APOTEX INC. |
s.o. |
POUR LE DÉFENDEUR LE MINISTRE DE LA SANTÉ |
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Smart & Biggar Avocats Toronto (Ontario)
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POUR LES DEMANDERESSES |
Goodmans LLP Avocats Toronto (Ontario)
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POUR LA DÉFENDERESSE APOTEX INC. |
John H. Sims, c.r. Sous-procureur général du Canada |
POUR LE DÉFENDEUR LE MINISTRE DE LA SANTÉ |