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Date : 20100129

Dossier : T-780-08

Référence : 2010 CF 42

Ottawa (Ontario), le 29 janvier 2010

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE ZINN

 

ENTRE :

JANSSEN-ORTHO INC.

et ALZA CORPORATION

demanderesses

 

 

et

 

 

LE MINISTRE DE LA SANTÉ

et NOVOPHARM LIMITED

défendeurs

 

 

MOTIFS PUBLICS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

(Motifs du jugement et jugement confidentiels rendus le 18 janvier 2010)

 

[1]               La présente demande est déposée par Janssen‑Ortho Inc. (Janssen‑Ortho) et Alza Corporation, aux termes de l’article 6 du Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité), DORS/93‑133, tel que modifié (Règlement sur les AC), afin d’obtenir un ordre interdisant au ministre de la Santé d’émettre un avis de conformité (AC) à l’intention de Novopharm Limitée (Novopharm) relativement à son produit à base de méthylphénidate (le produit de Novopharm) jusqu’à l’expiration du brevet canadien n2,264,852 (le brevet 852).

 

[2]               Dans son avis d’allégation (AA) daté du 1er avril 2008, Novopharm alléguait la non‑contrefaçon et l’inscription irrégulière à l’encontre du brevet 852. Aucune requête n’a été présentée en application du paragraphe 6(5) du Règlement sur les AC afin que la présente demande soit rejetée au motif que le brevet 852 avait été irrégulièrement inscrit au registre des médicaments de Santé Canada. Le seul point en litige en l’espèce concerne l’allégation de non‑contrefaçon de Novopharm.

 

[3]               La présente affaire porte sur l’interprétation de l’expression « selon une dose augmentant de façon soutenue », telle qu’elle figure dans les revendications 1, 41 et 78 du brevet 852, à savoir les trois revendications indépendantes en cause. Janssen‑Ortho explique que ces mots se rapportent aux propriétés pharmacocinétiques de la formulation visée par le brevet 852, et plus particulièrement aux concentrations croissantes de méthylphénidate dans le plasma sanguin des patients au cours de la période pertinente. Novopharm affirme plutôt que cette expression ne se rapporte pas du tout à un profil plasmatique, mais plutôt à la quantité précise de méthylphénidate qui est libérée de la forme pharmaceutique au cours d’une période donnée suivant l’administration de la formulation, et plus particulièrement à la tendance croissante de cette quantité au cours de la période pertinente. Novopharm soutient que son produit ne peut contrefaire le brevet 852, car il ne libère pas des concentrations de méthylphénidate qui augmentent en fonction du temps.

 

[4]               Novopharm soutient également qu’il ne peut y avoir contrefaçon, car selon les revendications 1 à 40 et 78 à 119 du brevet 852, la forme pharmaceutique doit être utilisée pour « réguler la tolérance au méthylphénidate » ou pour « compenser une tolérance au méthylphénidate acquise ». Or, d’après Novopharm, l’existence d’une tolérance au méthylphénidate n’a pas été démontrée, et il ne peut par conséquent y avoir de contrefaçon de cet aspect des revendications du brevet 852.

 

[5]               Pour les motifs qui suivent, la demande est rejetée.

 

LES PARTIES

[6]               La demanderesse, Alza Corporation, est la propriétaire du brevet 852. Janssen‑Ortho est une société pharmaceutique innovatrice qui distribue et vend des produits pharmaceutiques. L’un de ces produits est le méthylphénidate, qu’elle commercialise au Canada et ailleurs dans une formulation sous la marque Concerta. Les demanderesses sont la « première personne » au sens du Règlement sur les AC.

 

[7]               La défenderesse Novopharm, qui est la « seconde personne » au sens du Règlement sur les AC, est un fabricant de médicaments génériques. Elle a déposé auprès du ministre une présentation abrégée de drogue nouvelle (PADN) pour le produit de Novopharm. Dans sa PADN, elle compare ce produit avec le Concerta de Janssen‑Ortho. Novopharm devait, selon le Règlement sur les AC, remettre un AA à Janssen‑Ortho, qui avait fait inscrire le brevet 852 au registre des brevets relativement à Concerta, et à Alza Corporation, la propriétaire du brevet.

 

[8]               Après avoir reçu une présentation de drogue et avoir suivi la procédure applicable, le ministre a la responsabilité de délivrer un AC afin de permettre la vente et la distribution de certains médicaments au Canada. Le ministre n’était pas représenté dans la présente instance, bien que les documents nécessaires lui aient été signifiés.

 

LE MÉDICAMENT

[9]               Le méthylphénidate est un médicament utilisé pour traiter le trouble déficitaire de l’attention avec hyperactivité (TDAH). Le TDAH est un trouble neurocomportemental qui affecte à la fois les enfants et les adultes. Les personnes atteintes du TDAH souffrent de problèmes d’inattention, d’hyperactivité et d’impulsivité. Le trouble déficitaire de l’attention (TDA) est un trouble neurocomportemental apparenté caractérisé par les mêmes symptômes que le TDAH, à l’exception de l’hyperactivité. Dans le brevet 852, il est précisé que le méthylphénidate s’est imposé comme le médicament standard utilisé pour la prise en charge du TDA; il n’est fait aucune mention du TDAH. Les parties s’entendent pour dire que cela n’a aucune incidence et que, pour les besoins de la demande en l’espèce, le TDA et le TDAH doivent être considérés comme étant tous deux couramment traités par le méthylphénidate. Par conséquent, dans le présent document, le TDAH englobe également le TDA.

 

[10]           Le méthylphénidate est un léger stimulant qui agit sur le système nerveux central. Son utilisation a été approuvée pour la première fois dans les années 1950, sous la marque nominative Ritalin. Vers le milieu des années 1990, Ritalin s’est imposé comme le traitement standard pour soigner les cas de TDAH. L’efficacité de Ritalin contre les symptômes du TDAH dure de trois à cinq heures, l’effet maximal étant observé dans l’heure ou les deux heures suivant l’administration du médicament. Ainsi, Ritalin était couramment prescrit à une posologie de deux à trois fois par jour.

 

[11]           Ritalin est toujours utilisé de nos jours pour traiter les cas de TDAH; cependant, la formulation initiale de Ritalin posait un certain nombre de problèmes d’ordre pratique, en particulier chez les enfants atteints du TDAH.

 

[12]           À l’origine, Ritalin était offert en formulation à libération immédiate, ce qui signifiait que tout le contenu du comprimé était immédiatement libéré dans l’organisme après ingestion. Pour un traitement efficace du TDAH, le patient devait ingérer de multiples doses de Ritalin par jour, afin que le méthylphénidate soit toujours présent à des concentrations efficaces. Les concentrations de méthylphénidate devaient être maintenues à un niveau optimal pour que le médicament ait l’effet thérapeutique recherché. Chez certains patients, l’efficacité du médicament augmentait puis diminuait progressivement jusqu’à la prise de la dose suivante. Étant donné que le méthylphénidate est une substance contrôlée, son administration à des enfants à l’école posait un certain nombre de problèmes d’ordre pratique. La stigmatisation par les pairs était également un problème chez les enfants et les adolescents traités par ce médicament.

 

[13]           Plus de 20 ans après la commercialisation de Ritalin, les fabricants de Ritalin ont mis au point une nouvelle formulation, Ritalin SR (sustained release), une formulation de méthylphénidate qui libère la substance dans l’organisme de façon prolongée plutôt qu’immédiatement, comme dans le cas dans la première formulation de Ritalin. L’intérêt d’une formulation à libération prolongée est que le comprimé, une fois ingéré, libère le médicament de façon prolongée, ce qui permet au principe actif d’agir plus longtemps et ce qui élimine la nécessité d’administrer de multiples doses du médicament.

 

[14]           Ritalin SR n’a jamais été largement accepté, la formulation s’étant révélée moins efficace que l’administration de doses multiples de Ritalin à libération immédiate. Selon Janssen‑Ortho, cette efficacité moindre dans le traitement du TDAH s’explique par le fait que Ritalin SR crée un phénomène de tolérance aiguë, ou de tachyphylaxie.

 

[15]           Selon Janssen-Ortho, l’invention exprimée dans le brevet 852 était le profil ascendant de la concentration plasmatique associée au produit chez les patients. Le profil de concentration plasmatique indique la quantité de médicament présente dans un volume donné de sang à un moment précis. La première formulation de Ritalin, à libération immédiate, était associée à un profil de concentration plasmatique en dents de scie : la concentration du médicament dans le plasma augmentait après l’ingestion du comprimé, mais diminuait quelques heures plus tard, à mesure que l’organisme excrétait le médicament, rendant ainsi l’effet thérapeutique plus ténu. En revanche, le profil de concentration plasmatique de méthylphénidate associé à Ritalin SR était relativement stable sur une période de plusieurs heures, sans l’effet en dents de scie observé après l’administration de la formulation à libération immédiate.

 

[16]           On parle de tolérance aiguë ou de tolérance lorsque la réponse thérapeutique d’un patient à un médicament donné est amoindrie dans le courant d’une journée ou lors de la période pendant laquelle la dose est censée faire effet. Lorsqu’un phénomène de tolérance apparaît, il devient nécessaire d’administrer des doses accrues pour obtenir un effet thérapeutique équivalent. Un cycle sans fin peut ensuite s’installer, ce qui rendrait le médicament inefficace. Les parties et les experts sont toutefois en désaccord au sujet de l’existence d’un tel phénomène de tolérance au méthylphénidate.

 

[17]           Les demanderesses affirment que la tolérance à Ritalin SR était causée par le caractère constant du profil de concentration plasmatique de méthylphénidate. Après la prise de Ritalin SR, la concentration de méthylphénidate dans le sang augmente pour atteindre un maximum et demeure à ce niveau pendant une longue période, ce qui crée un profil relativement constant. Il est déclaré que la découverte d’Alza Corporation concernant le fait qu’un profil ascendant de concentration plasmatique de méthylphénidate pouvait contrer la tolérance aiguë observée avec Ritalin SR, tout en agissant de façon au moins aussi efficace que l’administration de doses multiples de Ritalin pour traiter les symptômes du TDAH. Il est également allégué qu’Alza Corporation a découvert que l’utilisation d’un profil plasmatique ascendant de méthylphénidate permettait d’obtenir une efficacité comparable avec des concentrations moins élevées de méthylphénidate.

 

[18]           Ces découvertes auraient constitué le fondement du brevet 852 en cause en l’espèce. Janssen‑Ortho soutient que son produit Concerta est régi par le brevet 852; Novopharm prétend que la preuve n’indique pas que Concerta reproduit les enseignements du brevet 852. Quoi qu’il en soit, Concerta est devenu un traitement régulier du TDAH avec des ventes annuelles dépassant les 900 millions de dollars aux États‑Unis.

 

LE BREVET

[19]           Le brevet 852 « Utilisation de méthylphénidate ou d’un sel pharmaceutiquement acceptable correspondant » a été déposé au Canada le 16 septembre 1997 et a été publié le 9 avril 1998. La date pertinente pour l’interprétation du brevet est donc le 9 avril 1998. Le brevet 852 comporte 119 revendications; cependant, seules trois revendications sont indépendantes. Ces trois revendications indépendantes, en litige dans la présente affaire, sont les suivantes :

[traduction]

1.                  Utilisation d’une composition contenant de 100 ng à 500 mg de méthylphénidate ou d’un sel pharmaceutiquement acceptable correspondant, en association avec un excipient pharmaceutiquement acceptable, ladite composition libérant le méthylphénidate ou le sel pharmaceutiquement acceptable correspondant selon une dose augmentant de façon soutenue en fonction du temps, pour la régulation de la tolérance au méthylphénidate ou au sel pharmaceutiquement acceptable correspondant.

 

41.              Utilisation d’une composition contenant de 100 ng à 500 mg de méthylphénidate ou d’un sel pharmaceutiquement acceptable correspondant, en association avec un excipient pharmaceutiquement acceptable, ladite composition libérant le méthylphénidate ou le sel pharmaceutiquement acceptable correspondant selon une dose augmentant de façon soutenue sur une période de plus de six heures et allant jusqu’à 12 heures, pour le traitement du trouble déficitaire de l’attention.

 

78.              Utilisation d’une composition contenant de 100 ng à 500 mg de méthylphénidate ou d’un sel pharmaceutiquement acceptable correspondant, en association avec un excipient pharmaceutiquement acceptable, ladite composition libérant le méthylphénidate ou le sel pharmaceutiquement acceptable correspondant selon une dose augmentant de façon soutenue en fonction du temps, pour le traitement du trouble déficitaire de l’attention et pour la compensation d’une tolérance acquise au méthylphénidate ou au sel pharmaceutiquement acceptable correspondant.

 

LA PREUVE

[20]           Chaque partie a produit le témoignage de cinq experts. Pour appuyer leur demande, les demanderesses ont déposé les affidavits de Martin S. Angst, de Martyn C. Davies, de Kennerly S. Patrick, de Mario A. González et de Declan Quinn. Pour sa part, Novopharm a produit les affidavits de Christopher Rhodes, de Mark Riddle, d’Arthur Straughn, de Stanley Kutcher et de James McCracken.

 

Les experts des demanderesses

A.  Dr Martin S. Angst

[21]           Le Dr Angst est docteur en médecine et professeur agrégé d’anesthésie à la Stanford University School of Medicine. Il travaille en tant qu’anesthésiste et chercheur en pharmacologie clinique. Le DAngst est spécialisé dans la description des profils de concentration plasmatique et du lien entre ces profils et les effets cliniques.

 

[22]           Janssen-Ortho a demandé au DAngst de commenter les qualifications de la personne versée dans l’art pertinente, les indications du brevet 852, la signification des revendications du brevet 852 et les allégations de non‑contrefaçon dans l’avis d’allégation (AA) de Novopharm. Pour formuler ses commentaires, le DAngst a passé en revue l’AA de Novopharm, les documents énumérés dans l’annexe A de l’AA, le brevet 852, ainsi que les productions initiale et subséquente de Novopharm. Comme tous les experts des demanderesses, le DAngst s’est vu remettre un résumé des principes juridiques s’appliquant à l’interprétation des revendications. Ces instructions seront abordées en plus grand détail ci‑après.

 

[23]           Selon le DAngst, la personne versée dans l’art posséderait trois qualifications : 1) un diplôme de médecine, avec au moins deux années d’expérience clinique dans le traitement du TDAH, 2) un diplôme de médecine, avec au moins deux années d’expérience en pharmacologie clinique et 3) un doctorat, avec au moins trois années d’expérience liée aux formulations pharmaceutiques. Le DAngst avoue ne pas posséder la première et la troisième qualification, mais il prétend posséder la deuxième.

 

[24]           Le DAngst passe en revue et reprend une bonne partie de la description du brevet 852. Selon le DAngst, la personne versée dans l’art considérerait que la description du brevet 852 expose l’utilité d’un profil ascendant de concentration plasmatique donné sans chute cliniquement significative durant la période d’augmentation.

 

[25]           En passant en revue les revendications du brevet 852, le DAngst s’attarde aux revendications 1, 10, 41, 47, 78 et 87, et plus particulièrement à la description des compositions fournie dans les revendications. Le DAngst souligne que l’expression « selon une dose augmentant de façon soutenue » est « plutôt imprécise » et se fie par conséquent à l’exposé de l’invention pour interpréter les revendications. Le DAngst en arrive à la conclusion que, en lisant le passage « ladite composition libérant le méthylphénidate […] selon une dose augmentant de façon soutenue en fonction du temps », la personne versée dans l’art comprendrait qu’il est question d’une « libération prolongée visant à permettre au profil de concentration plasmatique d’augmenter en fonction du temps ».

 

[26]           Le DAngst conclut également que la personne versée dans l’art comprendrait que les profils de concentration plasmatique fournis en exemples dans le brevet 852 n’ont pas été générés à partir de données cliniques et que, dans un contexte clinique, une « dose augmentant de façon soutenue » pourrait tout de même être associée à des chutes intermittentes de la concentration de l’ordre de 10 à 15 pour cent. Le DAngst passe ensuite en revue les déclarations formulées dans l’AA de Novopharm et les rejette.

 

[27]           Le DAngst passe en revue une partie des données cliniques fournies à l’appui du produit de Novopharm. Le DAngst n’examine pas les données issues d’une étude menée sur des sujets à jeun, car même si Concerta peut être administré sans nourriture, il est de l’avis que le médicament serait normalement administré aux enfants à l’heure du petit déjeuner, et donc avec des aliments. Le DAngst analyse les données de l’étude fournie par Novopharm, menée chez des sujets non à jeun, et en arrive à la conclusion que [omis] des sujets présentaient un profil ascendant de concentration plasmatique, et que chez [omis] des sujets (en tolérant des chutes intermittentes de la concentration de l’ordre de 10 à 15 pour cent), les profils de concentration plasmatique étaient ascendants sur des périodes de plus de [omis] heures.

 

[28]           En conséquence, le Dr Angst conclut que le produit de Novopharm contrefait le brevet 852.

 

B.  Dr Martyn C. Davies

[29]           Le DDavies a reçu un doctorat en pharmacie de l’University of London. Il est professeur à la School of Pharmacy de l’University of Nottingham. Le DDavies se spécialise dans les domaines des biomatériaux, des produits thérapeutiques à base de polymères et des techniques de libération des substances pharmaceutiques (y compris les technologies de libération contrôlée).

 

[30]           Le DDavies a examiné les mêmes documents que le DAngst et s’est vu confier un mandat semblable. On lui a toutefois demandé de répondre à une question supplémentaire, soit la suivante : « Le 9 avril 1998, soit la date à laquelle a été publié le brevet 852, un formulateur versé dans l’art pouvait‑il, en ayant le brevet en main et en connaissant les propriétés pharmacocinétiques du méthylphénidate, mettre au point, sans expérimentation excessive, une formulation qui libérerait dans l’organisme humain des quantités croissantes de méthylphénidate sur une période de moins de six heures, et qui permettrait également aux concentrations plasmatiques de méthylphénidate d’augmenter de façon soutenue pendant plus de six heures? »

 

[31]           Selon le DDavies, la personne versée dans l’art aurait plusieurs qualifications. Elle aurait tout d’abord un doctorat en médecine. La personne versée dans l’art serait également un formulateur, détiendrait un doctorat en pharmacie, en chimie ou en génie chimique, et aurait au moins trois années d’expérience liée aux formes pharmaceutiques à libération contrôlée.

 

[32]           Le DDavies souligne que l’expression « une dose augmentant de façon soutenue » ne serait pas employée par un formulateur versé dans l’art parce qu’elle désigne habituellement une dose précise à un moment donné. Le DDavies conclut néanmoins que l’expression « une dose augmentant de façon soutenue » signifierait, pour une personne versée dans l’art, que « le médicament est offert dans une formulation à libération contrôlée permettant à la concentration du médicament dans la circulation sanguine d’augmenter de façon soutenue en fonction du temps ». Pour le DDavies, il n’est pas nécessaire, d’après le brevet 852, que le taux de libération du médicament augmente de façon analogue au profil de concentration plasmatique, et toute ambiguïté quant aux revendications peut être levée après l’examen de l’exposé de l’invention.

 

C.  Dr Kennerly S. Patrick

[33]           Le DPatrick a reçu un doctorat en chimie médicinale de l’University of Iowa. Son domaine de spécialité est la pharmacocinétique et la pharmacodynamie du méthylphénidate. Les travaux du DPatrick portent notamment sur des formulations à base de méthylphénidate, y compris Ritalin.

 

[34]           Le DPatrick avait un mandat semblable à celui des Drs Angst et Davies. On lui a toutefois demandé de fournir également un aperçu de l’historique du méthylphénidate. Le DPatrick a passé en revue le brevet 852, une série d’articles scientifiques, deux brevets américains, la monographie de produit de Ritalin, de Ritalin SR et de Concerta, un rapport de la FDA sur les demandes de drogues nouvelles et l’ébauche de monographie de produit de Novopharm. 

 

[35]           Après avoir présenté un historique du méthylphénidate, donné un aperçu des problèmes d’ordre pratique associés à Ritalin et discuté de l’inefficacité relative de Ritalin SR, le DPatrick analyse le brevet 852. Le DPatrick décrit les études menées par le DSwanson pour le compte d’Alza, lesquelles ont permis de découvrir qu’il serait possible de traiter le TDAH au moyen d’une formulation à libération prolongée donnant lieu à un profil de concentration plasmatique ascendant. Le DPatrick explique que, dans les études menées par le DSwanson, on n’a pas prélevé d’échantillons sanguins chez les enfants pour des raisons d’ordre éthique, mais on a plutôt eu recours à une méthodologie dite « de sirotage » (sipping methodology) pour simuler certains profils de concentration plasmatique.

 

[36]           Le DPatrick explique que certains experts considèrent, comme lui, que la tolérance aiguë au méthylphénidate n’est que théorique, car il n’existe pas de données scientifiques qui appuient l’existence d’un tel phénomène. Selon le DPatrick, de telles données n’existent pas, car les études qu’il faudrait mener pour les obtenir exigeraient que l’on prélève de nombreux échantillons sanguins chez les enfants, ce qui serait difficile à justifier à un comité d’éthique. Le DPatrick est toutefois de l’avis qu’une tolérance aiguë peut s’observer cliniquement, comme dans les études du DSwanson.

 

[37]           Le DPatrick conclut que la personne versée dans l’art aurait trois qualifications : 1) ce serait un médecin ayant une expérience du traitement de patients atteints du TDAH et possédant une bonne compréhension de la pharmacologie clinique, 2) ce serait un médecin ayant une expérience des domaines de la pharmacodynamie et de la pharmacocinétique, et 3) ce serait un formulateur.

 

[38]           Selon le DPatrick, la personne versée dans l’art comprendrait à la lecture de l’expression « libérant le méthylphénidate » qu’il est question de la libération de méthylphénidate in vivo, c’est‑à‑dire dans l’organisme. Le DPatrick précise aussi que l’expression « une dose augmentant de façon soutenue » est ambiguë. Selon lui, l’expression « n’est pas formulée dans les termes qu’utiliserait un pharmacologue clinique ou un médecin, car, à vrai dire, une dose orale (précise) est la formule pharmaceutique administrée à un moment précis ». Le DPatrick conclut que la personne versée dans l’art comprendrait, dans le contexte du brevet 852, que cette expression signifie que la concentration augmente de façon soutenue dans la circulation sanguine. Le DPatrick avance également que la personne versée dans l’art comprendrait que l’expression « augmentant de façon soutenue » n’exclurait pas des chutes intermittentes de la concentration de méthylphénidate de l’ordre de 10 à 15 pour cent.

 

[39]           Le DPatrick conclut que la personne versée dans l’art saurait distinguer une tolérance aiguë d’une tolérance chronique, saurait qu’un phénomène de tolérance aiguë était avancé comme explication de l’inefficacité de Ritalin SR et comprendrait que le brevet 852 traite de la tolérance aiguë au méthylphénidate.

 

[40]           Le DPatrick ne se prononce pas sur la question de savoir si la monographie de produit de Novopharm amènerait les médecins à prescrire le produit de Novopharm pour compenser le phénomène de tolérance aiguë. Le DPatrick précise toutefois que le produit de Novopharm contreferait les revendications 1 et 78, car « il s’agit d’une composition à base de méthylphénidate qui fournit une dose de méthylphénidate qui augmente de façon soutenue en fonction du temps ». En ce qui concerne la revendication 41, le DPatrick a passé en revue les données sur les patients fournies par Novopharm et en est arrivé à la conclusion que, tout en tolérant des chutes intermittentes de l’ordre de 10 à 15 pour cent dans la concentration de méthylphénidate, environ [omis] des patients présenteraient un profil de concentration plasmatique ascendant pour une période de plus de [omis] heures. Par conséquent, le DPatrick conclut que le produit de Novopharm contreferait aussi la revendication 41 du brevet 852.

 

D.  DMario A. González

[41]           Le DGonzález a obtenu un doctorat en pharmacocinétique de l’University of California, à San Francisco. Il est président et directeur général de P’Kinetics International, une société d’experts‑conseils offrant des services de recherche et développement au secteur pharmaceutique, et plus particulièrement dans le domaine des formulations orales à libération prolongée et des timbres cutanés (transdermiques). Le DGonzález est également professeur auxiliaire au College of Pharmacy de l’University of Florida. Il connaît bien les formulations à base de méthylphénidate utilisées dans le traitement du TDAH, y compris les formulations à libération prolongée. Il a également corédigé un article scientifique avec le DPatrick.

 

[42]           On a demandé au DGonzález d’examiner les données sur les concentrations plasmatiques fournies par Novopharm, de les commenter et de se prononcer sur la question de savoir si l’on obtiendrait vraisemblablement des données similaires si l’étude était répétée avec le produit de 54 mg de Novopharm. On a également demandé au DGonzález d’expliquer comment, à son avis, un pharmacologue clinicien comptant deux années d’expérience dans le domaine de la pharmacocinétique définirait un profil de concentration plasmatique de méthylphénidate « augmentant de façon soutenue ». On a enfin demandé au DGonzález de commenter certaines des allégations formulées dans l’AA de Novopharm.

 

[43]           Selon le DGonzález, une « concentration plasmatique de méthylphénidate augmentant de façon soutenue » signifie que le profil de concentration plasmatique de méthylphénidate augmente et atteint un maximum (Tmax), mais qu’il peut y avoir des chutes intermittentes de la concentration de l’ordre de 10 à 15 pour cent. Selon le DGonzález, il faudrait interpréter l’expression « augmentant de façon soutenue » comme signifiant « essentiellement croissante ».

 

[44]           D’après le DGonzález, si des chutes de 10 pour cent sont tolérées, [omis] des sujets de Novopharm présentent un profil de concentration plasmatique de méthylphénidate qui augmente de façon soutenue pendant plus de [omis] heures, et si des chutes de 15 pour cent sont tolérées, ce pourcentage augmente à [omis].

 

[45]           Le DGonzález considère que des résultats semblables seraient obtenus si l’on répétait l’étude de Novopharm avec le produit de 54 mg. Pour faire cette prédiction, le DGonzález s’appuie sur la pharmacocinétique linéaire du méthylphénidate.

 

[46]           Selon le DGonzález, on attribuait initialement l’inefficacité relative de Ritalin SR à des questions liées à la formulation, mais un article du DPatrick a réfuté cette hypothèse. Le DGonzález affirme que les articles du DSwanson révèlent l’existence d’une tolérance aiguë à la formulation Ritalin SR. Le DGonzález souligne que la tolérance n’est pas un phénomène régulé, mais plutôt un effet secondaire qui se manifeste chez certains patients. Le DGonzález explique que la FDA n’a pas trouvé suffisamment d’éléments probants pour démontrer l’existence d’une tolérance aiguë, mais il précise que cela ne signifie pas pour autant que l’inefficacité relative de Ritalin SR n’est pas attribuable à une tolérance aiguë. Le DGonzález croit également qu’il serait déraisonnable de mener une étude visant à obtenir des données sur la tolérance aiguë chez les enfants en raison des problèmes d’ordre éthique et méthodologique que poserait la nécessité de prélever de nombreux échantillons sanguins.

 

E.  DDeclan Quinn

[47]           Le DQuinn est un psychiatre spécialisé dans le TDAH. Il a participé à diverses études de pharmacocinétique portant sur des psychostimulants (dont le méthylphénidate). Le DQuinn a participé à l’élaboration des lignes directrices canadiennes en matière de pratique pour le traitement du TDAH et occupe actuellement un poste de professeur à la Royal University Hospital de l’Université de la Saskatchewan.

 

[48]           Le DQuinn a reçu le même mandat que les Drs Angst, Davies et Patrick, et il a dû se prononcer sur la question de savoir « si la monographie de produit de Novopharm induirait les membres de la communauté médicale pertinente (les personnes traitant le TDAH) au Canada […] à utiliser cette formulation à base de méthylphénidate, car elle permettrait de réguler la tolérance au méthylphénidate ». Pour s’acquitter de son mandat, le DQuinn a passé en revue l’AA de Novopharm, les documents énumérés à l’annexe A de l’AA, la monographie de produit de Concerta et le brevet 852. 

 

[49]           Le DQuinn avance que la personne versée dans l’art devrait avoir trois qualifications : 1) ce devrait être un clinicien ou un chercheur ayant une expérience du traitement du TDAH et des connaissances en pharmacocinétique et en pharmacodynamie, 2) ce devrait être un formulateur ayant une expérience du domaine de la pharmacocinétique et 3) ce devrait être un formulateur ayant une expérience de la préparation de formulations à libération contrôlée.

 

[50]           Le DQuinn explique les diverses complications auxquelles peut faire face un pédopsychiatre lorsqu’il traite des enfants atteints du TDAH.

 

[51]           Le DQuinn fait remarquer que l’expression « une dose augmentant de façon soutenue » dans les revendications du brevet 852 est « quelque peu imprécise », mais il conclut que la personne versée dans l’art lirait les revendications en parallèle avec l’exposé de l’invention et qu’elle comprendrait que ce sont les concentrations plasmatiques de méthylphénidate qui augmentent de façon soutenue.

 

[52]           Selon le DQuinn, il faut comprendre par les termes « régulation » et « compensation » de la tolérance aiguë qu’il est question de contrer le phénomène de tolérance aiguë, mais il précise qu’une personne versée dans l’art n’utiliserait normalement pas ces termes. Selon le DQuinn, la personne versée dans l’art comprendrait que l’on fait référence à une tolérance aiguë et non à une tolérance chronique. Il en arrive également à la même conclusion que le DGonzález en ce qui concerne les commentaires de la FDA sur la tolérance aiguë.

 

[53]           Le DQuinn estime que la monographie de produit de Novopharm amènerait les médecins à utiliser le produit de Novopharm de façon analogue à Concerta. Le DQuinn souligne également que la personne versée dans l’art comprendrait que les revendications du brevet 852 font référence à une concentration croissante in vivo et non in vitro.

 

PREUVES DE NOVOPHARM

A.  DChristopher Rhodes

[54]           Le DRhodes a obtenu son doctorat en pharmacie de l’University of London. Il a enseigné dans de nombreuses universités et est actuellement professeur émérite à l’University of Rhode Island. Le DRhodes a travaillé comme évaluateur pour le compte de la FDA et comme consultant pour des sociétés pharmaceutiques et pour le gouvernement.

 

[55]           Le DRhodes décrit les principales qualifications de la personne versée dans l’art, explique la façon dont cette personne interpréterait les revendications du brevet 852 et se prononce sur la question de savoir si le produit de Novopharm contreferait le brevet 852. On a également demandé au DRhodes de répondre aux affidavits des Drs Davies, Patrick et González, ainsi qu’à l’interprétation des revendications offertes par les Drs Angst et Quinn. Le DRhodes a également passé en revue l’exposé de l’invention fourni par Novopharm le 11 juillet 2008.

 

[56]           Selon le DRhodes, le brevet 852 s’adresse principalement à un formulateur, mais certains aspects s’adressent à un médecin ou à un chercheur œuvrant dans le domaine du TDAH. Le DRhodes considère que le formulateur détiendrait un premier diplôme en pharmacie et compterait au moins deux années d’expérience pertinente, ou qu’il détiendrait un diplôme connexe, par exemple en génie chimique, et qu’il compterait au moins quatre années d’expérience. Le DRhodes ne fournit aucun commentaire sur les connaissances que devrait avoir un médecin ou un chercheur.

 

[57]           Le DRhodes offre un aperçu des divers systèmes de libération de médicaments et décrit les processus d’absorption, de distribution, de métabolisation et d’élimination du méthylphénidate.

 

[58]           Selon le DRhodes, l’expression « une dose augmentant de façon soutenue en fonction du temps » signifierait que le médicament serait libéré selon un taux croissant en fonction du temps. Le terme « dose » dans ce contexte signifierait une quantité précise de médicament, et l’expression « augmentant de façon soutenue » signifierait que ladite quantité augmente de façon constante.

 

[59]           D’après le DRhodes, les termes « pour la régulation de la tolérance au méthylphénidate » signifient que la composition présenterait un avantage thérapeutique par rapport à des compositions caractérisées par un taux de libération constant ou décroissant en fonction du temps. Le DRhodes précise que si la période n’est pas mentionnée de façon spécifique, la personne versée dans l’art comprendrait que cette période ne serait pas inférieure à quatre heures.

 

[60]           Le DRhodes fait remarquer que certaines personnes pourraient trouver l’expression « une dose augmentant de façon soutenue en fonction du temps » « quelque peu obscure », mais il croit que l’exposé de l’invention corrobore sa conclusion quant à la signification de l’expression. Le DRhodes s’attarde particulièrement aux passages de l’exposé de l’invention qui portent sur les problèmes associés aux formulations à libération prolongée antérieures, et il explique que ces formulations « ne sont pas associées à un taux de libération par heure augmentant de façon continue tout au long de l’intervalle posologique ». Selon le DRhodes, il s’agit d’une preuve que les inventeurs avaient l’intention de revendiquer un taux de libération croissant.

 

[61]           Le DRhodes passe en revue les équations mathématiques fournies dans l’exposé de l’invention pour expliquer la « méthode de libération en milligrammes par heure compensant de façon continue le développement d’une tolérance aiguë » décrite dans le brevet 852. Selon le DRhodes, la personne versée dans l’art comprendrait, à la lecture de ces équations, que la formulation libère des concentrations croissantes de médicament dans l’organisme par intervalle de temps, c’est‑à‑dire que c’est le taux de libération de médicament qui est croissant.

 

[62]           Le DRhodes commente les trois méthodes de libération décrites dans l’exposé de l’invention et explique qu’elles sont complexes et non « parmi les méthodes les plus simples et les plus courantes de formuler un système classique de libération de médicament de façon prolongée ». Selon le DRhodes, la personne versée dans l’art comprendrait que cette complexité signifie que c’est le taux de libération qui est croissant, car, dans le cas contraire, l’objectif pourrait être atteint au moyen d’un système de libération plus simple.

 

[63]           Le DRhodes passe en revue les exemples fournis dans le brevet 852 et conclut que l’exemple 1 décrit un taux de libération croissant. Il en arrive à une conclusion similaire en ce qui concerne l’exemple 2.

 

[64]           Le DRhodes est de l’avis qu’il est possible d’utiliser des tests de dissolution in vitro pour simuler la façon dont une formulation libérerait le médicament in vivo. Le DRhodes explique que le produit de Novopharm fait appel à un système de libération beaucoup plus simple que celui qui est décrit dans le brevet 852. 

 

[65]           Le DRhodes examine les profils de dissolution in vitro de Concerta et du produit de Novopharm.  [omis]

 

            Selon le DRhodes, les données associées au produit de Novopharm n’indiquent pas que la dose augmente de façon soutenue, et il croit par conséquent que le produit de Novopharm ne contrefait pas le brevet 852.

 

[66]           Le DRhodes commente ensuite les affidavits déposés à l’appui de la cause des demanderesses. Le DRhodes et les experts des demanderesses s’entendent sur peu de points. Le DRhodes critique tout particulièrement les figures incluses dans le brevet 852 et avance qu’elles ne fourniraient qu’une information limitée à une personne versée dans l’art. Le DRhodes souligne que, de toute façon, il n’est pas question de profils de concentration plasmatique dans le libellé des revendications. Le DRhodes affirme également que le fait de ne pas tenir compte des données de l’étude menée chez des patients à jeun fournies par Novopharm constituerait une erreur, car « il arrive souvent que les patients, et en particulier les enfants, ne prennent pas de repas le matin, soit la période la journée au cours de laquelle il est prévu que le médicament sera administré ».

 

B.  DMark Riddle

[67]           Le DRiddle a obtenu un doctorat en médecine de l’Indiana University. Il détient également une maîtrise en pharmacie et a occupé différents postes dans le domaine de la pédopsychiatrie. Il est actuellement directeur de la division de la psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent à la School of Medicine de la Johns Hopkins University et est professeur au département de psychiatrie et de pédiatrie à Johns Hopkins. Le DRiddle a siégé à de nombreux groupes d’examen pour le compte du National Institute of Mental Health, et a notamment été du comité spécial chargé de l’examen de l’étude portant sur le traitement multimodal du TDAH (Special Review Committee of the Multimodal Treatment Study of ADHD).

 

[68]           Le DRiddle donne son opinion sur la personne versée dans l’art et sur la signification des revendications pertinentes du brevet 852. Selon le DRiddle, la personne versée dans l’art aurait trois qualifications : 1) ce serait un pharmacien, un médecin et/ou un chercheur ayant une expérience de la pharmacologie clinique et une compréhension raisonnable de la conception, de la réalisation et de l’évaluation d’études de biodisponibilité, 2) ce serait un formulateur pharmaceutique ayant un diplôme universitaire supérieur et au moins deux années d’expérience dans la préparation de formulations pharmaceutiques et 3) ce serait un psychiatre ayant une expérience clinique du traitement du TDAH.

 

[69]           Le DRiddle conclut que le brevet 852 porte sur : 1) une formulation libérant du méthylphénidate selon un profil précis, « la quantité de méthylphénidate libérée au cours d’un intervalle de temps donné étant plus élevée qu’au cours de l’intervalle précédent », 2) des profils de concentration plasmatique qui pourraient être observés après l’administration de cette formulation, 3) des méthodes permettant la préparation de telles formulations et 4) le fait que ces formulations sont efficaces face à la tolérance aiguë au méthylphénidate.

 

[70]           Le DRiddle présente son interprétation des revendications 1, 41 et 78. Selon lui, on comprendrait de l’expression « libérant le méthylphénidate » qu’il est question de la libération du médicament contenu dans la forme pharmaceutique et de son absorption dans l’organisme. Le DRiddle précise que le terme « dose » signifie normalement « soit 1) la forme pharmaceutique administrée à un patient ou 2) la quantité de médicament libérée par une forme pharmaceutique donnée ». Selon le DRiddle, c’est cette seconde définition qui est utilisée dans le brevet 852. Le DRiddle fait valoir que le terme « dose » est utilisé d’une façon non ambiguë dans les revendications dépendantes et qu’il faut donc en déduire que le terme est aussi utilisé en ce sens dans les revendications indépendantes. Ainsi, le DRiddle conclut que la personne versée dans l’art comprendrait que l’expression « une dose augmentant de façon soutenue » signifie que « la forme pharmaceutique libère des quantités croissantes de méthylphénidate de façon constante en fonction du temps ». Le DRiddle déclare que la personne versée dans l’art ne comprendrait pas qu’il est question, dans les revendications, des profils de concentration plasmatique prévus.

 

[71]           Le DRiddle affirme que la personne versée dans l’art comprendrait, à la lecture du brevet 852, qu’il est question de la tolérance aiguë, même s’il admet que l’existence d’une tolérance aiguë au méthylphénidate n’était pas démontrée à la date pertinente. Le DRiddle prétend que le produit de Novopharm ne peut contrefaire le brevet 852 puisque l’existence d’une résistance au méthylphénidate n’a pas été établie et que le produit ne peut donc pas être utilisé pour traiter un phénomène inexistant.

 

[72]           Selon le DRiddle, la personne versée dans l’art interpréterait les revendications 1, 41 et 78 de la façon suivante :

[traduction]

a)  Revendication 1 : l’utilisation d’une forme pharmaceutique comprenant le méthylphénidate, ladite forme pharmaceutique libérant le méthylphénidate en quantités croissantes, de façon constante, pendant au moins quatre heures, pour la régulation de la tolérance aiguë aux effets thérapeutiques du méthylphénidate.

 

b)  Revendication 41 : l’utilisation d’une forme pharmaceutique comprenant du méthylphénidate, ladite forme pharmaceutique libérant le méthylphénidate en quantités croissantes, de façon constante, sur une période de six à 12 heures, pour le traitement du TDAH.

 

c)  Revendication 78 : l’utilisation d’une forme pharmaceutique comprenant du méthylphénidate, ladite forme pharmaceutique libérant le méthylphénidate en quantités croissantes, de façon constante, pendant au moins quatre heures, pour le traitement du TDAH et la compensation d’une tolérance aiguë acquise vis‑à‑vis des effets thérapeutiques du méthylphénidate.

 

 

C.  Dr Arthur Straughn

[73]           Le DStraughn détient un doctorat en pharmacie de l’University of Tennessee. Il est actuellement professeur émérite et directeur du laboratoire de recherche sur les médicaments de l’University of Tennessee. Le DStraughn se spécialise dans l’effet du taux de dissolution des formes pharmaceutiques sur les profils de concentration plasmatique. Le DStraughn a corédigé des articles avec les Drs Patrick et González.

 

[74]           On a demandé au DStraughn de décrire les qualifications de la personne versée dans l’art pertinente, d’expliquer le sens des revendications du brevet 852 et de se prononcer sur la question de savoir si Novopharm a contrefait ces revendications. On a également demandé au DStraughn de commenter les affidavits déposés par les experts de Janssen‑Ortho. Pour s’acquitter de son mandat, le DStraughn a passé en revue le brevet 852 et diverses parties de la PADN de Novopharm.

 

[75]           Les conclusions du DStraughn en ce qui concerne la personne versée dans l’art pertinente sont semblables à celles du DRiddle. Le DStraughn fait valoir que les volets « pharmacologie clinique » et « formulation » du brevet 852 sont plus importants que le volet « traitement du TDAH ».

 

[76]           Le DStraughn fournit des renseignements sur les systèmes de libération de médicaments et sur le méthylphénidate. Le DStraughn explique que la formulation Ritalin SR libère du méthylphénidate selon un taux décroissant en fonction du temps. Le DStraughn ne fournit aucun commentaire quant à l’efficacité relative de Ritalin SR.

 

[77]           Le DStraughn en arrive aux mêmes conclusions que le DRiddle quant aux enseignements du brevet 852. Il souligne que les profils de concentration plasmatique fournis dans le brevet 852 n’ont pas été réellement mesurés, mais qu’il s’agit plutôt de prévisions.

 

[78]           Selon le DStraughn, la personne versée dans l’art comprendrait à la lecture de l’expression « une dose augmentant de façon soutenue » qu’il est question de « la libération du méthylphénidate par la forme pharmaceutique en quantités croissantes et de façon constante ». Le DStraughn partage le même avis que le DRiddle en ce qui concerne la définition du terme « dose », à savoir qu’il s’agit de la quantité de médicament qui est libérée à un moment précis.

 

[79]           Le DStraughn conclut que les principaux points des revendications 1, 41 et 78 sont les suivants : l’utilisation d’une forme pharmaceutique comprenant du méthylphénidate, ladite forme pharmaceutique libérant le méthylphénidate en quantités croissantes et de façon constante pendant au moins quatre heures pour a) la régulation de la tolérance (dans le cas de la revendication 1); b) le traitement du trouble déficitaire de l’attention (dans le cas de la revendication 41); ou c) le traitement du trouble déficitaire de l’attention et la compensation d’une tolérance au méthylphénidate qui aurait été acquise (dans le cas de la revendication 78).

 

[80]           Le DStraughn analyse les données sur la dissolution du produit de Novopharm et en arrive à la conclusion que le produit présente une dose [omis] en fonction du temps. Le DStraughn avance, sur la foi de cette observation, que Novopharm ne contrefait pas le brevet 852 patent.

 

[81]           Le DStraughn est en désaccord avec les déclarations des experts de Janssen‑Ortho. Le DStraughn souligne en particulier que leur définition d’« une dose augmentant de façon soutenue » est erronée, car Ritalin SR est également associé à un profil de concentration plasmatique qui augmente de façon soutenue pendant quatre heures, et sans doute pendant plus de cinq heures. Selon le DStraughn, la figure 9 présentée dans l’exposé de l’invention démontre que les inventeurs reconnaissaient qu’il y avait de multiples façons d’atteindre un profil de concentration plasmatique augmentant de façon soutenue, mais qu’ils croyaient qu’un taux de libération croissant procurerait un effet thérapeutique particulièrement bénéfique.

 

D.  DStanley Kutcher

[82]           Le DKutcher détient un doctorat en médecine de l’Université McMaster, de même qu’un diplôme en pédopsychiatrie de l’Université de Toronto. Il est associé du Collège royal des médecins et professeur de psychiatrie à l’Université Dalhousie. Le DKutcher a une longue expérience du diagnostic, du traitement et de l’étude du TDAH. Il a également déjà mené des travaux portant sur le méthylphénidate.

 

[83]           On a demandé au DKutcher de définir le terme « tolérance », de façon générale et dans le contexte du traitement du TDAH, de déterminer si la monographie de produit de Novopharm vise la compensation d’une tolérance acquise et de déterminer si la monographie de Concerta vise la compensation d’une tolérance acquise. On a également demandé au DKutcher d’examiner l’affidavit déposé par le DQuinn et de le commenter.

 

[84]           Le DKutcher fournit des renseignements généraux sur la tolérance et plus particulièrement sur la tolérance au méthylphénidate. Le DKutcher fait valoir que la tolérance au méthylphénidate n’a pas été entièrement démontrée :

[traduction]

À mon avis, les preuves de l’existence d’une tolérance aiguë au méthylphénidate sont fondées sur des suppositions, et l’existence d’un tel phénomène n’a jamais été démontrée dans les contextes cliniques habituels. Par conséquent, je peux dire que je n’ai jamais observé de tolérance aiguë au méthylphénidate chez des patients. Selon mon expérience, cet avis est aussi partagé par les médecins traitant des patients atteints du TDAH.

 

 

[85]           Le DKutcher conclut que la monographie de produit de Novopharm ne vise pas la compensation d’une tolérance aiguë (même si un tel phénomène existait) et que la seule référence à la tolérance concernerait la possibilité de l’apparition d’une dépendance vis‑à‑vis du méthylphénidate. Le DKutcher en arrive à la même conclusion en ce qui concerne la monographie de Concerta. Le DKutcher est en désaccord avec les déclarations formulées dans l’affidavit du DQuinn.

 

E.  DJames McCracken

[86]           Le DMcCracken est psychiatre et se spécialise dans la psychiatrie de l’adulte et de l’enfant. Il est actuellement directeur de la division de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent au département de psychiatrie et de sciences du comportement de l’University of California, à Los Angeles. Les travaux du DMcCracken portent sur l’étude de traitements pharmacologiques nouveaux contre les troubles neuropsychiatriques chez les enfants, notamment le TDAH.

 

[87]           Le DMcCracken a reçu le même mandat que les Drs Riddle et Straughn. Ses conclusions en ce qui concerne la personne versée dans l’art et la signification des revendications du brevet 852 sont semblables à celles des Drs Riddle et Straughn.

 

[88]           Le DMcCracken ne partage pas l’avis des experts de Janssen‑Ortho. Le DMcCracken fait notamment valoir que la personne versée dans l’art connaîtrait les profils de concentration plasmatique associés à Ritalin et à Ritalin SR et qu’elle ne donnerait pas des revendications du brevet 852 une interprétation telle que les médicaments susmentionnés seraient visés par le brevet. Selon le DMcCracken, la courbe pharmacocinétique de Ritalin montre « un profil de concentration plasmatique de méthylphénidate qui augmente de façon soutenue » pendant presque deux heures, et la courbe de Ritalin SR montre « un profil de concentration plasmatique de méthylphénidate qui augmente de façon soutenue » pendant au moins quatre heures et, dans un cas, pendant près de six heures. Le DMcCracken ajoute qu’à son avis, « il n’est pas raisonnable de donner des revendications du brevet 852 une interprétation telle qu’elles viseraient une forme pharmaceutique antérieure bien connue ».

 

QUESTION EN LITIGE

[89]           Comme je l’ai mentionné précédemment, la seule question en litige en l’espèce consiste à savoir si le produit de Novopharm contrefait les revendications 1, 41 ou 78 du brevet 852.

 

ANALYSE

[90]           Les parties s’entendent sur le fait qu’il incombe à la partie qui allègue la contrefaçon dans un AC – Janssen‑Ortho en l’espèce – de prouver cette allégation : Pfizer Canada Inc. c. Canada (Ministre de la Santé), 2007 CAF 209; Abbott Laboratories c. Canada (Ministre de la Santé), 2005 CF 1332, conf. par 2007 CAF 153.

 

[91]           Les brevets ne s’adressent pas au grand public, mais aux personnes versées dans l’art. La Cour suprême a adopté, dans Free World Trust c. Électro Santé Inc., 2000 CSC 66 [Free World Trust], au paragraphe 44, la définition suivante de la personne versée dans l’art formulée par le Dr Fox :

 

[traduction] [Une personne versée dans l’art] un être fictif ayant des compétences et des connaissances usuelles dans l’art dont relève l’invention et un esprit désireux de comprendre la description qui lui est destinée. Cette notion de la personne fictive a parfois été assimilée à celle de l’« homme raisonnable » retenue en matière de négligence.  On suppose que cette personne va tenter de réussir, et non rechercher les difficultés ou viser l’échec.

 

 

[92]           La première étape de toute analyse en matière de contrefaçon consiste à déterminer qui est cette personne versée dans l’art dans les circonstances du brevet en cause. Les experts des deux parties ont témoigné sur cette question. Respectant fidèlement l’idée qu’une personne versée dans l’art est un être fictif, tous les experts ont déclaré que cette personne est un mélange de plusieurs personnes, c’est‑à‑dire que le brevet 852 s’adresse à trois types de personnes, dont aucune ne possède nécessairement toute l’expérience pertinente. Dans l’ensemble, les experts s’entendent sur les compétences que la personne versée dans l’art possède, mais non sur le poids relatif de ces compétences et sur la question de savoir lesquelles sont plus pertinentes ou plus importantes lorsqu’on interprète les revendications du brevet.

 

[93]           Dans les circonstances du brevet 852, et à la lumière du témoignage des experts, je considère que la personne versée dans l’art serait une personne qui posséderait les caractéristiques suivantes (sans ordre de préférence) :

a.       un médecin comptant au moins deux années d’expérience clinique dans le traitement du TDAH;

b.      un médecin ayant une bonne connaissance de la pharmacologie, y compris de la pharmacodynamie et de la pharmacocinétique; et

c.       un formulateur ayant un diplôme universitaire supérieur pertinent et au moins deux années d’expérience pertinente, y compris avec des formulations à libération prolongée.

 

INTERPRÉTATION DES REVENDICATIONS

[94]           Le droit relatif aux principes d’interprétation des revendications contenues dans un brevet est exposé de manière détaillée dans deux arrêts de la Cour suprême du Canada : Free World Trust et Whirlpool Corp. c. Camco Inc., 2000 CSC 67 [Whirlpool]. Les dispositions de l’ancienne Loi sur les brevets s’appliquaient dans ces deux affaires parce que les brevets avaient été délivrés avant le 1er octobre 1989. Le brevet 852 en cause dans la présente instance ayant été délivré après le 1er octobre 1989, ce sont les dispositions pertinentes de la nouvelle loi, la Loi sur les brevets, L.R.C. 1985, ch. P‑4, qui s’appliquent. Les principes énoncés par la Cour suprême du Canada continuent toutefois de s’appliquer pleinement malgré ces modifications législatives.

 

[95]           Si les deux parties souscrivent aux principes énoncés par la Cour suprême du Canada, chacune fait ressortir des aspects différents de ces principes pour appuyer son interprétation du brevet 852. Leurs divergences sont résumées dans les paragraphes qui suivent.

 

[96]           Les demanderesses affirment que Novopharm n’a pas lu le brevet avec un esprit désireux de comprendre, n’a pas pris en considération le concept inventif du brevet et n’a pas tenu compte de l’ensemble de la divulgation dans son interprétation. En outre, elles accusent Novopharm de préconiser ce qu’elles appellent une [traduction] « interprétation trop textuelle » au lieu de l’interprétation téléologique qui doit être employée à l’égard des revendications d’un brevet.

 

[97]           Pour sa part, Novopharm affirme que les demanderesses ont fait abstraction du libellé clair des revendications et ont ainsi élargi la portée de l’invention, qu’elles se sont servi d’une approche fondée sur l’[traduction] « esprit de l’invention » au lieu du libellé des revendications et que, pour interpréter les revendications, elles ont emprunté des mots et des expressions à la divulgation et les ont ajoutés aux revendications. Elle accuse aussi les demanderesses de privilégier une interprétation tellement élastique qu’elle pousse à ses limites l’invention qui est réellement revendiquée dans le brevet.

 

[98]           Le litige fondamental entre les parties peut être perçu comme l’opposition de deux maximes juridiques apparemment contraires qui font partie du droit des brevets depuis plus de 100 ans. D’une part, il y a la règle selon laquelle un brevet [traduction] « doit être lu par un esprit désireux de comprendre, et non pas par un esprit désireux de ne pas comprendre » : Lister c. Norton Brothers and Co. (1886), 3 R.P.C. 199 (Ch. D.), page 203. D’autre part, il y a la règle voulant qu’une revendication contenue dans un brevet ne doive pas être traitée [traduction] « comme un nez de cire que l’on peut tourner ou tordre dans toutes les directions, par simple renvoi au mémoire descriptif, afin qu’elle vise une chose supplémentaire ou différente de ce que ses mots expriment » : White c. Dunbar, 119 U.S. 47 (1886), pages 51 et 52. Ces deux règles ont été citées par la Cour suprême dans Whirlpool. S’appuyant sur la première règle, Janssen‑Ortho soutient que les experts de Novopharm n’ont pas été correctement informés au sujet de l’interprétation juridique des revendications et que, en conséquence, ils ne se sont pas acquittés de leur tâche avec un esprit désireux de comprendre. Pour sa part, Novopharm s’appuie sur la deuxième règle et prétend que Janssen‑Ortho utilise de manière inappropriée la divulgation du brevet 852 pour déformer ses revendications de telle sorte que le produit de Novopharm soit visé par le brevet.

 

[99]           Il convient d’analyser très brièvement les principes fondamentaux de l’interprétation des revendications contenues dans un brevet afin d’être en mesure d’interpréter correctement le brevet 852.

 

[100]       La tâche d’un inventeur consiste à traduire en mots les éléments essentiels de son invention – une tâche qui peut être plus exigeante que l’étincelle de génie qui a donné lieu à l’invention. Henry Ward Beecher aurait fait observer que [traduction] « les mots sont des crochets auxquels suspendre des idées ». Cette observation est particulièrement pertinente dans le cas des mots d’une revendication contenue dans un brevet.

 

[101]       La protection assurée par un brevet a été décrite comme un marché conclu entre l’inventeur et le public : Free World Trust, paragraphe 13. En ce sens, le brevet est comme un contrat; l’inventeur divulgue son invention au public en échange d’un monopole d’une durée limitée pendant laquelle il est le seul à pouvoir exploiter l’avantage commercial de son invention. Les revendications d’un brevet sont d’abord rédigées par l’inventeur, la seule personne à savoir ce qui a été créé. Elles peuvent ensuite être revues par un examinateur de brevets avant que le commissaire aux brevets considère qu’elles décrivent correctement l’invention. C’est toutefois à l’inventeur qu’il incombe au bout du compte de veiller à ce que le libellé des revendications décrive les éléments essentiels de l’invention à l’égard de laquelle il veut détenir un monopole.

 

[102]       Le mémoire descriptif de l’invention contenu dans le brevet est constitué de deux grandes parties : la description – ou divulgation – et les revendications. Les paragraphes 27(3) et (4) de la Loi sur les brevets prévoient les éléments qui doivent se trouver dans le mémoire descriptif d’une manière qui fait ressortir l’importance des mots employés dans les revendications :

(3) Le mémoire descriptif doit :

 

a) décrire d’une façon exacte et complète l’invention et son application ou exploitation, telles que les a conçues son inventeur;

 

b) exposer clairement les diverses phases d’un procédé, ou le mode de construction, de confection, de composition ou d’utilisation d’une machine, d’un objet manufacturé ou d’un composé de matières, dans des termes complets, clairs, concis et exacts qui permettent à toute personne versée dans l’art ou la science dont relève l’invention, ou dans l’art ou la science qui s’en rapproche le plus, de confectionner, construire, composer ou utiliser l’invention;

 

c) s’il s’agit d’une machine, en expliquer clairement le principe et la meilleure manière dont son inventeur en a conçu l’application;

 

 

 

d) s’il s’agit d’un procédé, expliquer la suite nécessaire, le cas échéant, des diverses phases du procédé, de façon à distinguer l’invention en cause d’autres inventions.

 

(4) Le mémoire descriptif se termine par une ou plusieurs revendications définissant distinctement et en des termes explicites l’objet de l’invention dont le demandeur revendique la propriété ou le privilège exclusif.

(3) The specification of an invention must

(a) correctly and fully describe the invention and its operation or use as contemplated by the inventor;

 

(b) set out clearly the various steps in a process, or the method of constructing, making, compounding or using a machine, manufacture or composition of matter, in such full, clear, concise and exact terms as to enable any person skilled in the art or science to which it pertains, or with which it is most closely connected, to make, construct, compound or use it;

 

 

(c) in the case of a machine, explain the principle of the machine and the best mode in which the inventor has contemplated the application of that principle; and

 

(d) in the case of a process, explain the necessary sequence, if any, of the various steps, so as to distinguish the invention from other inventions.

 

(4) The specification must end with a claim or claims defining distinctly and in explicit terms the subject-matter of the invention for which an exclusive privilege or property is claimed.

 

 

 

[103]       L’étendue de la protection assurée par un brevet doit être « équitable » et « raisonnablement prévisible » : Whirlpool, paragraphe 49. « La prévisibilité est assurée du fait que les revendications lient le breveté; l’équité résulte de l’interprétation des  revendications de façon éclairée et en fonction de l’objet » : Free World Trust, paragraphe 43.

 

[104]       Il faut interpréter le brevet avant d’examiner les allégations de contrefaçon ou d’invalidité. L’interprétation ne doit pas être axée sur les résultats, et il ne faut pas interpréter un brevet en fonction de l’antériorité lorsqu’il est question de validité, ni en fonction du mécanisme que l’on prétend contrefait, ni en fonction de l’objet qui aurait été fabriqué en conformité avec le brevet. La personne versée dans l’art limite son interprétation au brevet et se sert des connaissances générales qu’elle possède à l’époque pertinente.

 

[105]       Les demanderesses soutiennent que l’interprétation des revendications par Novopharm, en particulier de la revendication 41, ne peut être correcte parce que, si elle l’était, le produit Concerta ne serait pas visé par le brevet, ce qui serait absurde. Or, cette prétention n’est pas valable pour deux raisons. En premier lieu, comme je l’ai mentionné précédemment, le brevet doit être interprété sans qu’il soit tenu compte du produit qui aurait été fabriqué grâce à ses enseignements. En deuxième lieu, comme Novopharm le fait remarquer, la Cour ne dispose d’aucune preuve en l’espèce qui démontre que le produit Concerta est fabriqué grâce aux enseignements du brevet 852.

 

[106]       Ayant ces principes généraux d’interprétation à l’esprit, j’analyserai maintenant certains des points sur lesquels les parties ne s’entendent pas et qui doivent être réglés avant que je procède à l’interprétation des revendications du brevet 852.

 

[107]       Chaque partie reconnaît que le brevet s’adresse à la personne versée dans l’art et que le rôle des experts consiste non pas à interpréter les revendications du brevet, mais à faire en sorte que la Cour soit en mesure de le faire de façon éclairée : Whirlpool, paragraphe 57. Cela étant dit, les experts des parties ont fait part de leur propre interprétation des revendications du brevet. Les demanderesses affirment que les points de vue de leurs experts doivent être retenus parce que, contrairement aux experts de Novopharm, ils ont été informés sur la façon de procéder à l’interprétation des revendications.

 

[108]       L’extrait suivant de l’affidavit du Dr Angst illustre l’information qui a été donnée aux experts des demanderesses (paragraphe 13) :

[traduction] Les avocats des demanderesses m’ont dit que les revendications d’un brevet doivent être interprétées « en fonction de leur objet », c’est‑à‑dire qu’il faut lire leur libellé en tenant compte des compétences d’une [personne normalement versée dans l’art], et que l’on peut se fonder sur l’ensemble du brevet (les revendications et la « divulgation », c.‑à‑d. la partie du brevet précédant les revendications) pour comprendre les termes utilisés dans une revendication, à la condition de ne pas élargir ou restreindre la portée de la revendication. Les avocats m’ont aussi dit de tenir compte des principes d’interprétation des brevets énoncés à l’annexe A du présent affidavit.

 

L’annexe A en question constitue l’annexe A des présents motifs.

 

[109]       Parce que le rôle de l’expert consiste « non pas à interpréter les revendications du brevet, mais à faire en sorte que le juge de première instance soit en mesure de le faire de façon éclairée » [Whirlpool, paragraphe 57], il est douteux que l’information sur l’interprétation des brevets donnée à un expert donne lieu à une opinion qui doit être préférée à celle d’un expert tout aussi qualifié qui n’a pas reçu la même information. Les demanderesses laissent entendre que les experts de Novopharm, n’ayant pas été informés des principes régissant l’interprétation des brevets, n’ont pas lu le brevet avec un esprit désireux de comprendre. Or, je ne dispose d’aucune preuve corroborant cette prétention.

 

[110]       C’est le juge Chitty qui a employé la première fois l’expression « esprit désireux de comprendre » dans Lister c. Norton Brothers and Co., précitée, à la page 203. Je suis d’accord avec Novopharm lorsqu’elle dit que l’expression doit être interprétée en tenant compte du contexte dans lequel elle a été employée. L’expression signifie seulement que la revendication doit être interprétée d’une manière qui est équitable pour l’inventeur dont l’expertise n’est pas la rédaction, mais la science qui sous‑tend l’invention. Cela ressort clairement du jugement du juge Chitty.

[traduction] Il ne faut pas l’interpréter avec malveillance; je n’irais pas jusqu’à dire qu’il faille le faire avec bienveillance, mais avec honnêteté. Il doit être lu par un esprit désireux de comprendre, et non par un esprit désireux de ne pas comprendre. Les inventeurs et leurs assistants sont rarement des linguistes; il ne faut pas s’attarder aux maladresses de style lorsque la signification du texte est assez claire. Les destinataires particuliers du mémoire descriptif sont les personnes familières avec le domaine auquel se rapporte l’invention. Le mémoire descriptif suffit si une personne ordinairement compétente et d’intelligence moyenne travaillant dans le domaine concerné peut en comprendre les instructions et les mettre immédiatement en pratique. Le mémoire descriptif doit définir en termes compréhensibles la portée de l’invention et avertir loyalement le public sur quelle invention porte le monopole revendiqué.

 

 

[111]       Le deuxième point sur lequel les parties ne s’entendent pas concerne la question de savoir s’il faut tenir compte de la divulgation dans le cadre de l’interprétation des revendications d’un brevet. Novopharm soutient que les revendications sont claires et non ambiguës. Elle fait valoir que l’interprétation des revendications consiste à examiner d’abord les revendications en cause, puis les revendications qui en dépendent et, finalement, la divulgation s’il y a une quelconque ambiguïté ou incertitude quant au sens des revendications. Les demanderesses affirment toutefois que cette façon de procéder n’est pas correcte. Selon elles, les revendications doivent être examinées en tenant compte du brevet dans l’ensemble et la Cour doit prendre en considération la divulgation, y compris les exemples et les dessins qu’elle renferme.

 

[112]       Les deux méthodes semblent avoir reçu l’aval des tribunaux. Les demanderesses invoquent le passage suivant du paragraphe 52 de Whirlpool au soutien de leur thèse selon laquelle il faut interpréter les revendications en tenant compte de la divulgation.

 

J’ai déjà exposé les raisons qui m’incitent à conclure que, dans la mesure où les appelantes préconisent une méthode consistant à s’en tenir au dictionnaire pour interpréter le sens des mots utilisés dans les revendications du brevet 803, cette méthode doit être rejetée. Dans l’arrêt Western Electric Co. c. Baldwin International Radio of Canada, [1934] R.C.S. 570, notre Cour a cité des décisions antérieures portant sur le mot [traduction] « conduit » utilisé dans une revendication de brevet. À la page 572, le juge en chef Duff a souscrit à la proposition selon laquelle [traduction] « [i]l faut consulter non pas le dictionnaire pour y vérifier le sens du mot “conduit”, mais plutôt le mémoire descriptif pour vérifier le sens dans lequel les brevetés ont utilisé ce mot ». Comme nous l’avons vu, le juge Dickson a estimé, dans l’arrêt Consolboard, précité, qu’il fallait considérer l’ensemble du mémoire descriptif (y compris la divulgation et les revendications) « pour déterminer la nature de l’invention » (p. 520). L’énoncé du juge Taschereau, dans l’arrêt Metalliflex Ltd. c. Rodi & Wienenberger Aktiengesellschaft, [1961] R.C.S. 117, à la p. 122, va dans le même sens :

 

[traduction] On doit naturellement interpréter les revendications en se reportant à l’ensemble du mémoire descriptif, qui peut donc être consulté pour faciliter la compréhension et l’interprétation d’une revendication, mais on ne peut pas permettre que le breveté élargisse la portée de son monopole décrit expressément dans les revendications « en empruntant tel ou tel élément à d’autres parties du mémoire descriptif ».

 

Plus récemment, Hayhurst, loc. cit., à la p. 190, a prévenu que [traduction] « [l]es mots doivent être interprétés dans leur contexte, de sorte qu’il est risqué, dans bien des cas, de conclure que le sens d’un mot est clair et net sans avoir examiné attentivement le mémoire descriptif ».  J’estime que le juge de première instance pouvait parfaitement examiner le reste du mémoire descriptif, y compris le dessin, pour comprendre le sens du mot « ailette » utilisé dans les revendications, mais non pour élargir ou restreindre la portée de la revendication telle qu’elle était écrite et, ainsi, interprétée.

 

[113]       De son côté, Novopharm s’appuie sur le passage suivant tiré du paragraphe 30 de Dableh c. Ontario Hydro, [1996] 3 C.F. 751 :

Il est établi en droit (1) que l’on peut se reporter à la partie divulgation du mémoire descriptif pour mieux comprendre les termes employés dans les revendications; (2) qu’il n’est pas nécessaire de s’y référer lorsque l’énoncé de la revendication est clair et non équivoque; et (3) que l’on ne peut à bon droit y avoir recours pour modifier la portée des revendications. Il est également clair que si les mots employés dans les revendications sont clairs et non équivoques, ils ne doivent pas être réduits ou restreints à la configuration optimale d’un brevet.                                                                          [Renvois omis.]

 

[114]       Novopharm a attiré l’attention de la Cour sur de nombreux autres passages d’autres décisions, notamment le passage suivant tiré de Martinray Industries Ltd. c. Fabricants National Dagendor Manufacturing Ltd. (1991), 41 C.P.R. (3d) 1 (C.F. 1re inst.), aux pages 31 et 32 :

[…] un brevet se limite à ce que stipulent les revendications, sans s’étendre à ce qui est décrit au mémoire descriptif et les tribunaux n’ont pas à réécrire les revendications d’un brevet, l’inventeur devant subir les inconvénients d’une mauvaise rédaction. De plus, dans l’interprétation des revendications d’un brevet, s’il est permis de recourir au mémoire descriptif pour comprendre les termes utilisés dans les revendications, il n’est pas nécessaire d’y recourir si la revendication est rédigée en des termes ne comportant aucune ambiguïté et il sera alors tout à fait inapproprié d’avoir recours au mémoire descriptif afin de modifier l’étendue ou la portée des revendications […] [Non souligné dans l’original.]

 

 

[115]       À mon avis, l’ensemble du mémoire descriptif (la divulgation et les revendications) peut être examiné afin de déterminer la nature de l’invention. Lorsque le libellé des revendications est clair et sans équivoque et qu’il ne peut être interprété que d’une seule façon par une personne versée dans l’art, il est inutile de recourir à la divulgation. Cela ne signifie pas que la personne qui interprète les revendications ne devrait pas consulter la divulgation. À mon avis, elle devrait le faire, mais avec prudence. La divulgation pourrait être utilisée pour confirmer l’interprétation à laquelle elle arrive à la suite de l’examen des revendications ou pour révéler une ambiguïté dans le libellé des revendications qui ne serait pas évidente autrement. Le breveté ne peut cependant pas étendre le monopole ressortant explicitement des revendications en empruntant des expressions à la divulgation et en les ajoutant au libellé des revendications.

 

[116]       Je suis d’accord avec Novopharm : si on regarde au‑delà du libellé des revendications, il faut d’abord consulter les revendications dépendantes afin pour interpréter les revendications indépendantes, avant de recourir à la divulgation.

 

[117]       L’importance des revendications dépendantes aux fins de l’interprétation des revendications indépendantes ressort clairement des remarques suivantes formulées par le juge Pelletier dans Halford c. Seed Hawk Inc., 2004 CF 88, au sujet du rapport entre les revendications dépendantes et les revendications indépendantes.

90. L’article 24 des Règles sur les brevets, C.R.C. 1978, c. 1250, en vigueur à la date à laquelle le brevet a été délivré, se lit comme suit :

24. Les revendications doivent être complètes, indépendamment de toute référence à un document quelconque qui peut être faite dans l’exposé; une revendication plus étendue doit précéder une revendication plus limitée, et toute caractéristique supplémentaire décrite dans une revendication limitée doit être ajoutée à celles décrites dans une revendication plus étendue en indiquant le numéro de celle‑ci.

Il est évident qu’une revendication « plus étendue » est une revendication indépendante par rapport à une revendication « plus limitée », qu’elle incorpore et qui en dépend. Le rapport entre les revendications dépendantes et indépendantes est traité de manière plus explicite à l’article 87 des Règles sur les brevets en vigueur DORS/96-423, qui, à mon avis, explicitent bien ce qui est implicite dans les anciennes règles :

 

87.(1) Sous réserve du paragraphe (2), la revendication qui inclut toutes les caractéristiques dune ou de plusieurs autres revendications (appelée « revendication dépendante » au présent article) renvoie au numéro de ces autres revendications et précise les caractéristiques additionnelles revendiquées.

(2) La revendication dépendante peut seulement renvoyer à une ou plusieurs revendications antérieures.

(3) La revendication dépendante comporte toutes les restrictions contenues dans la revendication à laquelle elle renvoie ou, si elle renvoie à plusieurs revendications, toutes les restrictions figurant dans la revendication ou les revendications avec lesquelles elle est prise en considération.

 

91. Il est clair, à la lecture de l’article 87 des Règles sur les brevets, qu’une revendication dépendante comprend toutes les caractéristiques et toutes les restrictions de la revendication à laquelle elle renvoie. C’est pourquoi l’interprétation d’une revendication indépendante ne doit pas être en contradiction avec les revendications qui en dépendent. Mon collègue le juge Campbell a adopté ce raisonnement dans Heffco Inc. c. Dreco Energy Services Ltd. (1997), 73 C.P.R. (3d) 284, à la page 298.

[…]

95. Le corollaire de ce principe est que les revendications indépendantes doivent être interprétées d’une manière compatible avec les revendications qui en dépendent. Dans Southwall Technologies c. Cardinal I.G. Co., 54 F. 3d 1570 (U.S.C.A. Fed. Cir. 1995), la Cour a dit, à la page 1579 :

[traduction] L’interprétation d’un mot ou d’une expression d’une revendication contestée exige non seulement le renvoi au mémoire descriptif et à l’historique de la poursuite, mais aussi aux autres revendications [...] Le fait qu’il faut examiner les autres revendications utilisant le même mot ou la même expression lorsque l’on interprète un mot ou une expression d’une revendication invoquée exige que le mot ou l’expression soit interprété d’une manière uniforme dans toutes les revendications [...] (examen de l’emploi du mot « standard » dans des revendications non invoquées pour interpréter le même mot dans des revendications invoquées.)

 

96. Cela ne s’étend pas uniquement à l’utilisation uniforme des mots et des expressions, mais aussi à l’uniformité interne entre les revendications indépendantes et dépendantes […]

                                                               [Non souligné dans l’original.]

 

[118]       Si on consulte la divulgation avant les revendications dépendantes, on risque de se forger une opinion quant à l’interprétation des revendications indépendantes en se fondant sur la teneur de la divulgation, alors que cette interprétation n’est pas appuyée par les revendications dépendantes ou peut en fait être contraire à celles‑ci.

 

[119]       Je ne pense pas que la Cour suprême du Canada ait dit que, dans tous les cas, la divulgation doit être examinée avant que l’on procède à l’interprétation des revendications du brevet. J’estime plutôt qu’elle a indiqué, dans Whirlpool et Free World Trust, qu’il ne faut pas tirer une conclusion définitive concernant le sens des termes employés dans les revendications sans avoir d’abord vérifié le bien‑fondé de l’interprétation initiale à l’aide de la divulgation. Il convient alors de recourir au sens attribué aux termes dans la divulgation si celle‑ci semble suggérer une autre interprétation des termes contenus dans les revendications, à la condition cependant que l’invention qui est protégée soit bien ce qui est décrit dans les revendications et que la divulgation n’y ajoute rien. Comme le juge Taschereau l’a dit dans Metalliflex Ltd. c. Rodi & Wienenberger Aktiengesellschaft, [1961] R.C.S. 117, à la page 122 :

[traduction] On doit naturellement interpréter les revendications en se reportant à l’ensemble du mémoire descriptif, qui peut donc être consulté pour faciliter la compréhension et l’interprétation d’une revendication, mais on ne peut pas permettre que le breveté élargisse la portée de son monopole décrit expressément dans les revendications « en empruntant tel ou tel élément à d’autres parties du mémoire descriptif ». [Non souligné dans l’original.]

 

L’un des avocats de Novopharm, Me Stainsby, a énoncé ce principe de manière plus imagée lorsqu’il a dit, au cours de sa plaidoirie, que [traduction] « la jurisprudence ne permet pas à une partie de se servir de la divulgation comme un cheval partant à l’aventure, la bride sur le cou et sans cavalier ». Je suis aussi de cet avis.

 

[120]       L’interprétation des revendications a pour but, au bout du compte, de déterminer ce qui se trouve dans le jardin entouré de la clôture construite par l’inventeur. Se balader loin du jardin pour cueillir des tournesols et des pétunias, puis affirmer que le jardin en est un de fleurs, alors que quiconque se trouve dans le jardin ne voit que des zinnias rouges, montre pourquoi on doit d’abord avoir une idée de l’étendue du jardin à partir de l’intérieur avant de se promener dans les champs avoisinants pour obtenir la confirmation de la nature du jardin ou pour mieux connaître celle‑ci. Sans une vue initiale du jardin, on pourrait se servir des fleurs qui poussent à l’extérieur de celui‑ci pour décrire ce qui pousse à l’intérieur. En résumé, on ne devrait pas se servir de la divulgation comme un cheval partant à l’aventure, la bride sur le cou et sans cavalier; il faut disposer d’un guide que l’on obtient en examinant d’abord toutes les revendications du brevet.

 

[121]       J’estime qu’aucune des interprétations proposées par les experts n’est correcte en l’espèce. Les experts des demanderesses ne se font pas fait une idée sur le sens des revendications avant de consulter la divulgation, en grande partie, à mon avis, à cause de l’information qu’ils ont reçue et du fait qu’ils n’ont quasiment accordé aucune considération aux revendications dépendantes du brevet. En conséquence, ils ont pensé que le mot « dose » employé dans la divulgation désignait la « concentration plasmatique », alors qu’ils ont admis, lors du contre‑interrogatoire, que le mot « dose » utilisé ailleurs dans les revendications dépendantes désignait la « quantité ». Or, les termes, en particulier les termes techniques, qui sont employés dans un brevet sont présumés avoir le même sens, sauf si le contexte exige le contraire. Par conséquent, j’accorde peu de poids à l’interprétation donnée par ces experts aux revendications du brevet.

 

[122]       Les experts de Novopharm, à l’exception de M. Rhodes, n’ont pas du tout consulté la divulgation pour interpréter les termes contestés. Aussi, je considère leur interprétation des revendications du brevet 852 avec une grande prudence.

 

[123]       Les demanderesses soutiennent que leurs experts sont plus crédibles et que, en conséquence, un plus grand poids devrait être accordé à leurs opinions. Elles soulignent que les experts de Novopharm ont appris qu’ils devaient s’intéresser aux trois revendications indépendantes et non à la divulgation. J’accepte cette observation et, comme il a été mentionné précédemment, la Cour examinera donc leurs opinions avec prudence. Les demanderesses soutiennent également que le libellé de certaines parties des affidavits des experts de Novopharm reprend le libellé de l’affidavit d’un autre expert. Elles ont attiré l’attention de la Cour sur des décisions antérieures où l’indépendance des témoins experts a été évaluée à la lumière de l’emploi des mêmes termes : Merck & Co. Inc. c. Apotex Inc., 2004 CF 567, paragraphe 16; Lundbeck Canada Inc. c. Genpharm ULC, 2009 CF 146, paragraphe 75; Eli Lilly Canada Inc. c. Apotex Inc., 2007 CF 455, paragraphes 203 à 205. 

 

[124]       Chacun des experts de Novopharm contre‑interrogés au sujet de ces similitudes a dit qu’il souscrivait aux déclarations contenues dans son affidavit qui étaient mises en doute. Les témoins de Novopharm ont admis avec franchise qu’ils avaient rédigé la version finale de leurs affidavits en collaboration avec les avocats de la société. Dans certains cas, l’expert a rédigé une première ébauche de l’affidavit; dans d’autres cas, il semble que l’avocat ait rédigé une première version après avoir discuté avec l’expert de son opinion sur les questions sur lesquelles il devait se prononcer. Les experts n’ont jamais, au cours de leur contre‑interrogatoire, été confrontés à la possibilité, évoquée à l’audience, que les opinions exprimées dans leurs affidavits n’étaient pas les leurs, compte tenu de la similitude des mots employés dans certaines parties des affidavits.

 

[125]       La Cour d’appel fédérale a résumé dans les termes suivants, au paragraphe 25 de Green c. Canada (Conseil du Trésor), [2000] A.C.F. no 379 (C.A.F.) (QL), le principe énoncé dans Browne c. Dunn (1893), 6 R. 67 (C.L.) :

La jurisprudence Brown v. Dunn pose pour règle de preuve que dans le cas où la crédibilité d’un témoin est mise en doute à la lumière d’éléments de preuve qui contredisent son témoignage, il faut lui donner la pleine possibilité d’expliquer cette contradiction. Il s’agit là d’une règle fondée sur la justice et la raison. Son application est fonction des circonstances de la cause. Le juge des faits est toujours habilité à mettre en doute ou à rejeter tout témoignage rendu (J. Sopinka, S.N. Lederman et A.W. Bryant, The Law of Evidence in Canada, 2e éd. (Toronto : Butterworths, 1999), pages 954 à 957).

 

 

[126]       La règle de Browne c. Dunn ne s’applique pas parfaitement en l’espèce car les demanderesses ne s’appuient pas sur une preuve contradictoire qui n’a pas été présentée aux témoins. Néanmoins, l’équité et la raison exigent que, lorsqu’une partie a l’intention de prétendre que les mots contenus dans un affidavit sont ceux d’un autre et ne traduisent pas l’opinion du déposant, elle doit soumettre la question au déposant afin qu’il puisse y répondre.

 

[127]       Bien que le libellé employé dans les affidavits des experts de Novopharm comporte certaines similitudes, celles‑ci ne sont pas suffisantes pour m’amener à douter de la bonne foi des opinions de ces experts, compte tenu des facteurs décrits précédemment.

 

[128]       Enfin, avant de procéder à l’interprétation des revendications, je traiterai d’une prétention présentée par chacune des deux parties selon laquelle l’autre partie a modifié sa thèse concernant la nature du brevet 852.

 

[129]       Les demanderesses renvoient à la page 6 de l’AA de Novopharm et avancent qu’il est clair que, pour Novopharm, l’expression « une dose augmentant de façon soutenue » se rapporte à la quantité de méthylphénidate que la composition libère en fonction du temps, c’est‑à‑dire son « taux de libération » ou son profil de dissolution, alors que Novopharm laisse entendre dans son mémoire que le terme « dose » signifie « quantité ». Les demanderesses ont attiré l’attention de la Cour sur les passages suivants de l’AA :

[traduction]

Il est clair, à la lecture des revendications et en particulier à la lumière de l’utilisation des termes « composition », « libérant » et « dose », que cet élément essentiel des revendications renvoie à la quantité de méthylphénidate libérée par la composition en fonction du temps, c’est‑à‑dire son profil de dissolution.

 

Toutes les revendications du brevet 852 exigent que le taux de libération de méthylphénidate à partir de la composition augmente de façon soutenue en fonction du temps, tel que décrit précédemment.

 

Par conséquent, une personne versée dans l’art comprendrait, à la date de publication du brevet 852, que l’ensemble des revendications porte sur l’utilisation d’une composition ou d’une forme pharmaceutique qui libère une dose de méthylphénidate augmentant de façon soutenue en fonction du temps. Ainsi, la personne versée dans l’art comprendrait que la forme pharmaceutique revendiquée libérerait des quantités croissantes de méthylphénidate au fil du temps, par exemple dans des études de dissolution in vitro.

 

[…]

 

Par conséquent, le libellé des revendications décrit le taux selon lequel la composition libérerait le méthylphénidate.

 

[130]       Novopharm soutient que l’AA est rédigé dans des termes généraux, car il est confiné aux allégations qui y sont formulées. Novopharm renvoie au passage suivant de la page 5 de l’AA et soutient avoir adopté clairement la même position dans son mémoire.

[traduction]

Toutes les revendications du brevet 852 revendiquent l’utilisation d’une forme pharmaceutique qui libère du méthylphénidate ou un sel pharmaceutiquement acceptable correspondant dans des quantités progressivement croissantes. Autrement dit, la quantité de méthylphénidate libérée par la composition au cours d’un intervalle de temps donné (p. ex. une heure) sera inférieure à la quantité libérée par la composition au cours de l’intervalle suivant.

 

Par exemple, si la composition libérait 1,2 mg de méthylphénidate en une heure, elle devrait libérer plus de 1,2 mg (p. ex. 1,3 mg) au cours de l’heure suivante pour que l’on puisse affirmer que la dose augmente de façon soutenue en fonction du temps.

 

 

[131]       Je suis convaincu que la position adoptée par Novopharm dans son AA concorde avec la position exposée devant la Cour, à savoir que l’expression « une dose augmentant de façon soutenue » utilisée dans le brevet 852 renvoie à la quantité de méthylphénidate libérée par la forme pharmaceutique, ou la composition, dans des intervalles de temps successifs.

 

[132]       De façon analogue, Novopharm soutient que les demanderesses ont changé leur caractérisation de la portée du brevet 852 après avoir reçu l’information détaillée au sujet du produit de Novopharm. Novopharm fait valoir que la position des demanderesses a changé et que celles‑ci n’alléguaient plus qu’il s’agissait d’un brevet portant sur une composition et sur l’utilisation de la composition. Novopharm renvoie au paragraphe 10 de l’Avis de demande, où les demanderesses allèguent ce qui suit :

[traduction]

L’invention du brevet 852 porte sur des compositions nouvelles à base d’hydrochlorure de méthylphénidate et sur leur utilisation dans le traitement du trouble déficitaire de l’attention.

 

[133]       Au paragraphe 32 de leur mémoire, les demanderesses avancent ce qui suit :

[traduction]

Le brevet 852 revendique une utilisation nouvelle d’un composé à base de méthylphénidate qui libère du méthylphénidate de telle manière que la concentration plasmatique résultante augmente en fonction du temps, ce qui permet de réguler la tolérance au méthylphénidate.

 

[134]       À mon avis, on ne peut affirmer que la position des demanderesses a changé d’un document à l’autre. Je crois qu’il serait plus précis de dire que la position générale des demanderesses, telle qu’elle est présentée dans leur Avis de demande, était formulée de façon plus spécifique dans le mémoire des arguments.

 

[135]       Par conséquent, je n’accorde aucun poids à la prétention de chaque partie selon laquelle l’autre partie a modifié son interprétation des revendications du brevet 852.

 

INTERPRÉTATION DES REVENDICATIONS DU BREVET 852

[136]       Les trois revendications indépendantes du brevet 852, à savoir les revendications 1, 41 et 78, sont formulées de façon très semblable. Pour faciliter la consultation de ces revendications, elles sont reproduites ci‑dessous.

 

[traduction]

1.         Utilisation d’une composition contenant de 100 ng à 500 mg de méthylphénidate ou d’un sel pharmaceutiquement acceptable correspondant, en association avec un excipient pharmaceutiquement acceptable, ladite composition libérant le méthylphénidate ou le sel pharmaceutiquement acceptable correspondant selon une dose augmentant de façon soutenue en fonction du temps, pour la régulation de la tolérance au méthylphénidate ou au sel pharmaceutiquement acceptable correspondant.

 

41.       Utilisation d’une composition contenant de 100 ng à 500 mg de méthylphénidate ou d’un sel pharmaceutiquement acceptable correspondant, en association avec un excipient pharmaceutiquement acceptable, ladite composition libérant le méthylphénidate ou le sel pharmaceutiquement acceptable correspondant selon une dose augmentant de façon soutenue sur une période de plus de six heures et allant jusqu’à 12 heures, pour le traitement du trouble déficitaire de l’attention.

 

78.       Utilisation d’une composition contenant de 100 ng à 500 mg de méthylphénidate ou d’un sel pharmaceutiquement acceptable correspondant, en association avec un excipient pharmaceutiquement acceptable, ladite composition libérant le méthylphénidate ou le sel pharmaceutiquement acceptable correspondant selon une dose augmentant de façon soutenue en fonction du temps, pour le traitement du trouble déficitaire de l’attention et pour la compensation d’une tolérance acquise au méthylphénidate ou au sel pharmaceutiquement acceptable correspondant.

 

[137]       Je partage l’avis des demanderesses au sujet de la revendication 1, à savoir que les éléments essentiels de ladite revendication sont les suivants :

a.       l’utilisation d’une composition

b.      contenant de 100 ng à 500 mg de méthylphénidate

c.       en association avec un excipient pharmaceutiquement acceptable

d.      ladite composition libérant le méthylphénidate

e.       selon une dose augmentant de façon soutenue en fonction du temps

f.        pour la régulation de la tolérance au méthylphénidate.

 

[138]       Les éléments essentiels de la revendication 41 sont les suivants :

a.       l’utilisation d’une composition

b.      contenant de 100 ng à 500 mg de méthylphénidate

c.       en association avec un excipient pharmaceutiquement acceptable

d.      ladite composition libérant le méthylphénidate

e.       selon une dose augmentant de façon soutenue sur une période de plus de six heures et allant jusqu’à 12 heures

f.        pour le traitement du trouble déficitaire de l’attention.

 

[139]       Les éléments essentiels de la revendication 78 sont les suivants :

a.       l’utilisation d’une composition

b.      contenant de 100 ng à 500 mg de méthylphénidate

c.       en association avec un excipient pharmaceutiquement acceptable

d.      ladite composition libérant le méthylphénidate

e.       selon une dose augmentant de façon soutenue en fonction du temps

f.        pour le traitement du trouble déficitaire de l’attention et pour la compensation d’une tolérance acquise au méthylphénidate.

 

[140]       Ces éléments essentiels des trois revendications en cause en l’espèce doivent être lus en tenant compte de l’état de la technique le 9 avril 1998.

 

[141]       Les preuves présentées par les experts des deux parties en ce qui concerne l’état de la technique à cette date ne sont pas contradictoires. Les preuves pertinentes déposées devant la Cour en ce qui concerne l’état de la technique à cette date peuvent être résumées par les énoncés suivants :

1.      Le méthylphénidate était connu au moins depuis les années 1950 et son utilisation était répandue.

2.      Avant le brevet 852, le méthylphénidate, commercialisé sous la marque nominative Ritalin, était le traitement standard contre le TDAH.

3.      Ritalin était initialement offert dans une présentation à libération immédiate; ainsi, tout le principe actif était libéré dans les minutes suivant l’ingestion du comprimé. La forme pharmaceutique, une fois ingérée, se dissolvait dans les liquides gastriques et intestinaux. Après la libération du principe actif dans le tractus gastro‑intestinal, le médicament transite par le foie puis atteint la circulation sanguine. Une fois dans la circulation sanguine, le médicament atteint le système nerveux central, où il exerce l’action prévue chez les patients atteints du TDAH.

4.      La quantité de méthylphénidate présente dans le plasma sanguin des patients augmente rapidement après l’ingestion de comprimés de Ritalin à libération immédiate, puis diminue à mesure que le médicament est éliminé de l’organisme. L’effet de Ritalin sur les symptômes du TDAH se faisait ressentir pendant trois à cinq heures, l’efficacité étant maximale au cours de la première heure ou des deux premières heures. Les patients devaient ensuite prendre un autre comprimé de Ritalin afin que le médicament continue d’agir sur ses symptômes. La plupart des patients prenaient entre deux et trois comprimés par jour. La courbe de la concentration de méthylphénidate dans le plasma sanguin des patients était caractérisée par des pics et des creux, la concentration atteignant un maximum après l’ingestion de chaque comprimé.

5.      On a par la suite mis au point un comprimé de Ritalin à libération prolongée, Ritalin SR, lequel pouvait être pris une fois par jour plutôt qu’à plusieurs reprises comme dans le cas de la formulation de Ritalin à libération immédiate.

6.      La formulation à libération prolongée était conçue de façon à ralentir la libération du médicament et à l’étaler sur plusieurs heures, afin qu’elle ne se produise pas immédiatement après l’ingestion.

7.      Ritalin SR libère du méthylphénidate pendant plusieurs heures, et le taux de libération de médicament diminue ou décroît en fonction du temps. Cependant, la concentration de méthylphénidate dans le plasma sanguin demeure relativement constante.

8.      Ritalin SR s’est révélé moins efficace que Ritalin à libération immédiate dans le traitement du TDAH.

 

[142]       Après cet aperçu des antériorités, et en tenant compte du fait que Ritalin SR, administré une fois par jour, ne permettait pas un traitement efficace des symptômes du TDAH, j’interpréterai maintenant les revendications en litige.

 

[143]       Comme je l’ai mentionné, les demanderesses soutiennent que les revendications décrivent une concentration ascendante de méthylphénidate dans le plasma. Selon les experts des demanderesses, une personne versée dans l’art comprendrait qu’une telle concentration serait réputée augmenter de façon soutenue même si elle diminuait quelque peu au cours de l’intervalle pertinent, pour autant que la diminution soit inférieure à 10 à 15 pour cent. 

 

[144]       La personne versée dans l’art comprendrait des trois revendications indépendantes du brevet 852 qu’elles décrivent un élément nouveau, qui n’existait pas auparavant, pour le traitement du TDAH. Selon le DStraughn, si l’on interprétait les revendications comme le font les demanderesses, elles ne décriraient pas nécessairement un élément nouveau. Le DStraughn formule cette opinion dans les passages suivants de son affidavit.

[traduction]

124. Les profils pharmacocinétiques produits par ces taux de libération de méthylphénidate, associés aux comprimés de Ritalin et de Ritalin SR, sont présentés dans le graphique ci‑dessous, tiré de : K. Patrick, A. Straughn, et coll., The Absorption of Sustained-Release Methylphenidate Formulations Compared to an Immediate-Release Formulation, Biopharmaceutics & Drug Disposition, Vol. 10, 165-171 (1989).

 

Concentration plasmatique de méthylphénidate (ng/ml)

Plasma Methylphenidate (ng/ml)

Dose no 2

Dose #2

Temps (n)

Time (n)

Figure 2. . Profils concentration‑temps moyens (= 18) des trois formulations de méthylphénidate : produit 1, produit 2, produit 3

Figure 2 The mean concentration- time profiles (n = 18) for the three formulations of methylphenidate: Product 1, Product 2, Product 3

 

125. Le graphique ci‑dessus montre le profil pharmacocinétique associé à l’administration de deux doses de Ritalin, au temps zéro puis après cinq heures (carrés blancs). Comme on peut le constater, la première dose de Ritalin provoque une augmentation rapide de la concentration plasmatique, qui atteint un sommet juste avant deux heures puis diminue rapidement jusqu’à l’administration de la deuxième dose de Ritalin. Selon la définition de « concentration plasmatique de méthylphénidate augmentant de façon soutenue », adoptée par les Drs Patrick, Angst, Davies et Quinn, la concentration plasmatique de méthylphénidate augmente de façon soutenue pendant près de deux heures (le pic associé à la première dose de Ritalin).

 

126. Le graphique ci‑dessus montre également le profil pharmacocinétique associé à Ritalin SR et à un générique de Ritalin SR. Les deux courbes sont très semblables.

 

127. Comme on peut le lire dans cet article paru en 1989, les deux formes pharmaceutiques à libération prolongée de méthylphénidate ont provoqué une « augmentation soutenue de la concentration plasmatique de méthylphénidate » pendant environ quatre heures, comme l’on définit les Drs Patrick, Angst, Davies et Quinn. En fait, il semble que la courbe du dessus atteint un pic après quatre heures, puis que la concentration diminue de l’ordre de 10 à 15 pour cent à la cinquième heure, alors on peut effectivement parler d’une « augmentation soutenue de la concentration plasmatique de méthylphénidate » jusqu’à cinq heures après l’administration en se fondant sur les paramètres adoptés par les Drs Patrick, Angst, Davies et Quinn.

 

128. Par conséquent, et en se fondant sur l’article paru en 1989, l’on pourrait facilement avancer que les formes pharmaceutiques à libération prolongée antérieures sont visées par les revendications 1 et 78 si l’on considère qu’il est question, dans ces revendications, de l’augmentation soutenue du profil de concentration plasmatique de méthylphénidate, comme l’ont interprété les Drs Patrick, Angst, Davies et Quinn.
                                                                [Non souligné dans l’original]

 

[145]       Les preuves qu’il a fournies sur ce point n’ont pas été réfutées. Bien que l’on ait fait valoir au DStraughn lors du contre‑interrogatoire que le profil montré à la figure 2, entre deux et six heures, était constant et non ascendant, car la variation était inférieure à 10 à 15 pour cent au cours de cet intervalle, il a refusé de souscrire à cette proposition. Il a affirmé qu’il ne décrirait pas ce profil comme étant constant. Je considère que la figure 2 montre que le profil de concentration plasmatique de méthylphénidate augmente de façon soutenue pendant au moins les six premières heures suivant l’administration de Ritalin SR et du générique. 

 

[146]       Le DPatrick, l’expert des demanderesses, coauteur de l’article en question avec le DStraughn, a également subi un contre‑interrogatoire au sujet de la figure 2. Selon les preuves qu’il a fournies, si la revendication est interprétée de la façon proposée par les demanderesses, Ritalin SR est une formulation associée à une libération augmentant de façon soutenue.

[traduction]

837 Q. On peut y voir [c.‑à‑d. à la figure 2] les profils associés à la formulation à libération immédiate, dont nous avons parlé, et à deux formulations à libération prolongée, est‑ce exact?

 

R. C’est exact.

 

838 Q. Et nous pouvons constater, en ce qui concerne les deux formulations à libération prolongée, que le taux de libération augmente, au moins pendant trois heures, et dans un cas pendant quatre heures, est‑ce exact?

 

R. C’est exact.

 

839 Q. Alors peut-on dire que le taux de libération augmente de façon soutenue pendant cet intervalle?

 

R. C’est ce que je dirais.

 

[147]       Lorsqu’on lui demande plus précisément si Ritalin SR contrefait la revendication 1, le DPatrick affirme que non, car Ritalin SR n’a pas été conçu « dans le but » de réguler une tolérance. Cependant, selon le DAngst, à qui on a montré la même figure 2 (quoique dans un article différent), et selon sa définition d’un profil de concentration plasmatique augmentant de façon soutenue, la figure 2 montre bel et bien que le profil de concentration plasmatique associé à Ritalin SR augmente de façon soutenue pendant un intervalle d’au moins six heures. Il ne fait aucun doute que Ritalin SR a été mis au point pour le traitement du TDAH. Ainsi, si l’on acceptait l’interprétation des demanderesses, cela signifierait que Ritalin SR serait au moins partiellement visé par les revendications du brevet 852. À cet égard, le brevet ne décrirait rien de nouveau. À mon avis, lorsqu’un brevet peut être interprété de deux façons mais que seule l’une d’entre elles donne lieu à une invention nouvelle, c’est cette dernière interprétation qu’il faut privilégier. Bien qu’il ne soit pas impossible qu’un brevet divulgue un élément déjà couvert par les antériorités, il faut privilégier, dans la mesure du possible, une interprétation qui évite ce résultat.

 

[148]       À mon avis, une personne versée dans l’art qui examinerait seulement les revendications indépendantes les interpréterait, compte tenu de l’état de la technique, comme si elles signifiaient que le méthylphénidate est libéré de la composition en quantités augmentant de façon soutenue en fonction du temps. J’arrive à cette conclusion pour les motifs qui suivent.

 

[149]       Tout d’abord, il est question, dans le libellé des revendications du brevet, « d’une composition libérant le méthylphénidate […] selon une dose augmentant de façon soutenue en fonction du temps »; par conséquent, on met l’accent sur ce qui est libéré de la composition et sur la façon dont s’opère cette libération plutôt que sur les répercussions que le méthylphénidate ainsi libéré aura sur le plasma sanguin du patient.

 

[150]       Ensuite, cette interprétation distingue l’invention du brevet 852 des deux formes pharmaceutiques antérieures, car ni Ritalin à libération immédiate ni Ritalin SR (à libération prolongée) ne libèrent du méthylphénidate en quantités augmentant de façon soutenue en fonction du temps : la première formulation libère le méthylphénidate immédiatement, et la seconde libère des quantités décroissantes de méthylphénidate en fonction du temps.

 

[151]       En dernier lieu, il n’est nullement fait mention, dans les revendications indépendantes, de la concentration dans le plasma sanguin. Ce concept et cette interprétation possible ne sont évoqués que dans l’exposé de l’invention visée par le brevet.

 

[152]       J’examinerai maintenant les revendications dépendantes du brevet sous l’angle de cette interprétation initiale. À mon avis, ces revendications renforcent l’interprétation initiale. Comme l’a souligné Novopharm, la quasi‑totalité des revendications dépendantes porte sur la formulation de la composition. La revendication 21 sert d’illustration. Le libellé de la revendication 21 se lit comme suit : [traduction] « L’utilisation définie dans l’une ou l’autre des revendications 19 ou 20, où lesdites billes renferment des doses croissantes de méthylphénidate ou d’un sel pharmaceutiquement acceptable correspondant, soit 1 mg, 2 mg, 5 mg et 10 mg, et augmentant jusqu’à 40 mg. » Ici, le terme « doses » fait référence à la quantité de méthylphénidate contenue dans la formulation.

 

[153]       La revendication 10 est encore plus révélatrice et appuie davantage l’interprétation de Novopharm. À la lecture de la revendication 10, il est clair et sans équivoque que le terme « dose » renvoie à la quantité de méthylphénidate libérée par la composition et non à la concentration dans le plasma sanguin. Le libellé de la revendication se lit comme suit : [traduction] « L’utilisation définie dans l’une ou l’autre des revendications 1 à 9, où ladite composition libère du méthylphénidate ou un sel pharmaceutiquement acceptable correspondant selon une dose initiale suivie par une augmentation soutenue de la dose en fonction du temps » (non souligné dans l’original). La dose correspond à ce qui est libéré de la composition et non à ce que l’on peut mesurer dans la circulation sanguine.

 

[154]       Les demanderesses font valoir que, lorsqu’on examine le reste du mémoire descriptif, on relève d’innombrables références à la concentration plasmatique et que quiconque lirait le mémoire descriptif avec « un esprit désireux de comprendre » cette invention verrait que l’invention concerne en fait l’augmentation de la concentration de méthylphénidate dans le sang en fonction du temps.

 

[155]       Il est évident que l’on fait référence à la concentration plasmatique dans le reste du mémoire descriptif, à savoir dans le libellé, les exemples et les graphiques. Cependant, à la lecture du mémoire descriptif dans son intégralité, on peut constater que le brevet indique que l’effet, dans l’organisme, d’une composition qui libérerait du méthylphénidate dans des quantités qui augmenteraient de façon soutenue serait de provoquer une augmentation correspondante de la concentration de méthylphénidate dans le plasma sanguin. À mon avis, cette conclusion est évidente à la lecture du passage suivant du mémoire descriptif.

[traduction]

[…] En conformité avec la pratique associée à cette invention, dans une réalisation, il a également été établi qu’une certaine méthode rendait possible l’administration d’un médicament oral destiné au traitement du trouble déficitaire de l’attention chez l’humain, en fonction du temps, de façon à produire la concentration désirée de médicament en fonction du temps. On entend par la « concentration du médicament » la dose du médicament, en milligrammes par heure, qui est libérée par unité de temps (heures) en vue d’une absorption dans la circulation générale. La méthode de l’invention offre une méthode unique permettant de maintenir l’effet médicamenteux désiré en ajustant continuellement le taux de libération de médicament lorsque l’effet thérapeutique diminue par suite d’une tolérance aiguë acquise.

 

                                                                [Non souligné dans l’original]

 

 

[156]       La différence entre l’invention du brevet 852 et la formulation de Ritalin à libération prolongée antérieure, telle qu’elle est décrite dans le brevet, fait également ressortir l’impact fondamental de l’invention du brevet 852, en ce sens qu’il s’agit d’une composition qui libère un médicament selon un profil ascendant en fonction du temps. L’antériorité de Ritalin SR est décrite de la façon suivante dans la section du brevet décrivant l’historique de l’invention.

[traduction]

Il existe également, dans les réalisations antérieures, une autre forme pharmaceutique permettant d’administrer un médicament, à savoir une forme pharmaceutique à libération prolongée. Le médicament libéré par une telle forme pharmaceutique peut augmenter initialement, mais cette augmentation ne s’échelonnerait pas sur l’intervalle posologique entier, et il pourrait même y avoir une baisse au fil du temps. Autrement dit, ces formes pharmaceutiques à libération prolongée libèrent un médicament selon un profil non ascendant en fonction du temps, car le taux de libération par heure n’augmente pas de façon continue tout au long de l’intervalle posologique. Il est également possible que cette forme pharmaceutique n’agisse pas pendant la période requise et qu’elle ne produise pas le profil plasmatique approprié. Lorsque des médicaments qui agissent sur le système nerveux central, comme le méthylphénidate, sont administrés au moyen d’une forme pharmaceutique à libération prolongée non ascendante, il arrive souvent que les patients développent une tolérance aiguë au médicament, caractérisée par une réduction de la durée et de l’intensité de l’effet thérapeutique nécessaires. La méthode de libération prolongée antérieure ne permet également pas de compenser les lacunes inhérentes à cet égard.

 

La présentation ci‑dessus révèle qu’il existe un besoin criant de formes pharmaceutiques nouvelles et de méthodes d’administration nouvelles permettant de combler les lacunes connues des réalisations antérieures. On sent depuis longtemps le besoin d’une forme pharmaceutique et d’une méthode qui permettraient 1) d’administrer le médicament selon un taux augmentant de façon soutenue et, simultanément, de réduire ou d’éliminer la fréquence de la posologie quotidienne; 2) d’administrer le médicament selon une dose compensatrice soutenue pour compenser substantiellement la tolérance aiguë au médicament et d’assurer le maintien d’une réponse clinique prédéterminée; 3) d’administrer le médicament selon un profil augmentant de façon soutenue indiqué pour la prise en charge du trouble déficitaire de l’attention; et 4) d’administrer le médicament au début de la journée tout en assurant le maintien d’un profil augmentant de façon soutenue pendant la durée entière de la journée scolaire.

 

                                                                [Non souligné dans l’original]

 

[157]       Le besoin ci-dessus, exposé dans le brevet 852, concernait une forme pharmaceutique nouvelle et une méthode nouvelle d’administration du médicament. Il est question dans les deux cas d’une composition qui libère du méthylphénidate en quantités croissantes en fonction du temps. Bien que cette formulation ait également l’avantage d’entraîner une augmentation de la concentration de méthylphénidate dans le plasma sanguin au fil du temps, cet aspect n’a pas été précisé dans les revendications du brevet et le fait de l’importer du reste du mémoire descriptif serait à mon avis trop favorable à l’égard de l’inventeur. Cela serait injuste pour le public et conférerait à l’inventeur un monopole qu’il n’a pas revendiqué dans le brevet.

 

[158]       Pour ces raisons, je rejette l’interprétation du brevet 852 avancée devant la Cour par les demanderesses et je suis d’avis que l’interprétation fournie par Novopharm est correcte.

 

[159]       Comme le produit de Novopharm ne libère pas le méthylphénidate selon une dose augmentant de façon soutenue en fonction du temps, il ne contrefait pas le brevet 852.

 

[160]       Bien que cela soit suffisant pour me permettre de statuer sur cette demande, je fournirai quelques commentaires sur l’argument selon lequel il ne peut y avoir de contrefaçon puisque la tolérance, telle qu’elle est protégée par le brevet, n’existe pas.

 

[161]       Les experts de Janssen-Ortho font valoir que la tolérance aiguë est observée dans un contexte clinique, bien que son existence ne soit pas prouvée sur le plan scientifique. Les experts de Novopharm répondent que la tolérance aiguë au méthylphénidate n’est ni observée dans un contexte clinique ni prouvée sur le plan scientifique et que Janssen-Ortho pourrait avoir mené des études pour prouver l’existence d’une tolérance aiguë au méthylphénidate.

 

[162]       La revendication 1 fait référence à « la régulation de la tolérance ». La revendication 78 fait référence à « la compensation d’une tolérance acquise ». À la lecture de ces revendications, la personne versée dans l’art comprendrait que les inventeurs revendiquent l’utilisation d’une composition destinée à traiter le TDAH qui présente l’avantage additionnel d’atténuer le phénomène de tolérance. La personne versée dans l’art saurait que la tolérance avait été proposée comme l’une des explications possibles de l’inefficacité relative de Ritalin SR.

 

[163]       J’accorde peu de poids à l’affirmation de Novopharm selon laquelle il serait facile d’obtenir des données cliniques sur la tolérance aiguë. La tolérance se mesure par une diminution de l’efficacité d’un médicament en fonction du temps. Dans le cas du méthylphénidate, l’efficacité du médicament est la mesure dans laquelle il agit sur les symptômes du TDAH. Les preuves tendent à démontrer que le prélèvement de multiples échantillons sanguins chez les enfants ne serait vraisemblablement pas approuvé sur le plan médical, sans compter que cela serait très désagréable pour les enfants (ou les adultes) en cause. Cela complique donc l’obtention de données scientifiques sur la tolérance aiguë au méthylphénidate.

 

[164]       L’article de Swanson (la pièce K de l’affidavit du DPatrick) mentionne que l’inefficacité relative de Ritalin SR pourrait s’expliquer par un phénomène de tolérance aiguë. Je préfère l’opinion des experts des demanderesses sur la question de savoir si la tolérance aiguë au méthylphénidate est un phénomène cliniquement observé. À mon avis, il n’est pas nécessaire pour Janssen‑Ortho de prouver une telle utilisation revendiquée au moyen de données scientifiques. Janssen‑Ortho a démontré, selon la prépondérance des probabilités, que selon l’avis des personnes qui participent directement au traitement de patients, et par conséquent les personnes les plus susceptibles d’observer un effet de tolérance, croient de façon générale que le phénomène existe.

 

[165]       Pour ces motifs, la demande est rejetée.

 

[166]       La défenderesse Novopharm a droit aux dépens. J’espère que les avocats expérimentés qui représentaient les parties dans la présente instance seront capables de s’entendre sur le montant des dépens. Je demeure saisi de l’affaire et je rendrai une nouvelle ordonnance s’ils sont incapables de parvenir à un accord sur cette question. Faute d’accord, ils disposeront de 15 jours ouvrables à compter de la date des présents motifs pour me présenter des observations écrites concernant les dépens.

 


JUGEMENT

 

            LA COUR ORDONNE :

1.                  que la demande soit rejetée;

2.                  que les dépens soient adjugés à Novopharm; je demeure saisi de l’affaire à cet égard si les parties ne parviennent pas à s’entendre sur la question des dépens.

 

« Russel W. Zinn »

Juge

 

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Christiane Bélanger, LL.L.


Dossier : T-780-08

ANNEXE A

 

ANNEXE A

PRINCIPES D’INTERPRÉTATION DES BREVETS

 

Interprétation téléologique

 

Pour qu’il soit donné effet aux véritables intentions dans le cadre de l’interprétation d’un brevet, le mémoire descriptif doit recevoir une interprétation téléologique plutôt que l’interprétation purement littérale découlant du genre d’analyse terminologique méticuleuse que les avocats sont trop souvent tentés de faire en raison de leur formation. 

 

            Whirlpool Corp c. Camico Inc., 2000 2 R.C.S. 1067 (Whirlpool)

 

            Catnic Componments Ltd. c. Hill & Smith Ltd., 1982 R.P.C. 183, page 243 (C.L.)

 

En outre, la Cour suprême a statué que :

 

[…] une règle fondamentale d’interprétation des revendications a toujours voulu que les revendications reçoivent une seule et même interprétation à toutes les fins.

 

Whirlpool, précité, paragraphe 149

 

L’interprétation d’un brevet est une question de droit pour la Cour. L’interprétation devrait toutefois être effectuée avec les connaissances d’une personne versée dans l’art, dans la mesure où ces connaissances sont révélées par le témoignage d’un expert au procès.

 

            Whirlpool, précité, paragraphe 147

Free World Trust c. Electro Santé Inc. (2000), 9 C.P.R. (4th) 168 (C.S.C.), page 192 (Free World)

Beecham Canada c. Proctor & Gamble Co. (1982), 61 C.P.R. (2nd) 1, page 9

(C.A.F.)

 

Le rejet de l’« interprétation téléologique » signifierait l’adoption d’une méthode non fondée sur l’objet visé qui ne tiendrait pas compte du contexte des mots et du sens qui leur est donné.

 

            Whirlpool, précité, paragraphe 149

 


L’interprétation téléologique n’excède pas les limites du mémoire descriptif. Le juge du procès peut examiner le reste du mémoire descriptif, y compris le dessin, pour comprendre le sens d’un mot particulier utilisé dans la revendication, mais non pour élargir ou restreindre la portée de la revendication telle qu’elle est écrite et, ainsi, interprétée.

 

            Whirlpool, précité, paragraphe 152

 

Personne versée dans l’art

Une personne versée dans l’art est :

 

[traduction] un être fictif ayant des compétences et des connaissances usuelles dans l’art dont relève l’invention et un esprit désireux de comprendre la description qui lui est destinée. Cette notion de la personne fictive a parfois été assimilée à celle de l’« homme raisonnable » retenue en matière de négligence. On suppose que cette personne va tenter de réussir, et non rechercher les difficultés ou viser l’échec.

 

Free World Trust, précité, page 189, citant Fox, H.G. The Canadian Patent Law and Practice Relating to Letters Patent for Inventions, 4th ed. (Toronto, Carswell, 1969), page 184

 

 

Autres principes généraux d’interprétation des revendications

 

Un brevet doit être lu par un esprit désireux de comprendre, et non pas par un esprit désireux de ne pas comprendre. Un esprit désireux de comprendre prête nécessairement une grande attention au but et à l’intention de l’auteur. La Cour ne devrait pas être trop rusée ou formaliste et elle devrait chercher à donner effet à l’interprétation qui accordera à l’inventeur l’exclusivité de ce qu’il a inventé de bonne foi.

 

            Whirlpool, précité, paragraphe 149

            Consolboard Inc. c. MacMillan Bloedel (1981), 56 C.P.R. (2d) 145, page 157

            (C.S.C.)

 

La méthode du dictionnaire ne doit pas être utilisée pour interpréter des revendications. Cette méthode suppose le recours à des éléments de preuve qui excèdent les limites du mémoire descriptif. En outre, cette méthode revient à examiner les mots du point de vue du grammairien ou de l’étymologiste plutôt que du point de vue et à la lumière des connaissances de la personne versée dans l’art.

 

            Whirlpool, précité, paragraphe 153

 

Chacune des revendications du brevet doit être examinée séparément, mais elle ne doit pas être interprétée indépendamment des autres revendications et du reste du brevet.

 

Biovail Corporation (exerçant son activité sous dénomination de Biovail Pharmaceuticals Canada) c. Le ministre de la Santé nationale et du Bien‑être social, 2006 CAF 105, paragraphe 7


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                                    T-780-08

 

INTITULÉ :                                                   JANSSEN-ORTHO INC. et
ALZA CORPORATION c.
LE MINISTRE DE LA SANTÉ et
NOVOPHARM LIMITED

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                             Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                           Du 16 au 19 novembre 2009

 

MOTIFS PUBLICS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                                          LE JUGE ZINN 

 

DATE DES MOTIFS :                                  Le 29 janvier 2010

 

COMPARUTIONS :   

 

Neil R. Belmore

Lindsay Neidrauer

Greg Beach

Marian Wolanski

 

POUR LES DEMANDERESSES

Jonathan Stainsby

Andrew Skodyn

Julian Worsley  

 

POUR LA DÉFENDERESSE

NOVOPHARM

Aucun

POUR LE DÉFENDEUR

LE MINISTRE DE LA SANTÉ

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :    

 

Belmore McIntosh Neidrauer LLP

Toronto (Ontario)

 

POUR LES DEMANDERESSES

Heenan Blaikie LLP

Toronto (Ontario)

 

POUR LA DÉFENDERESSE

NOVOPHARM

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

POUR LE DÉFENDEUR

LE MINISTRE DE LA SANTÉ

 

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