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Cour fédérale

 

Federal Court

 


 

Date : 20100125

Dossier : IMM-5962-09

Référence : 2010 CF 83

Vancouver (Colombie-Britannique), le 25 janvier 2010

En présence DE MONSIEUR LE juge Shore

 

 

ENTRE :

TEJINDER SINGH KHOSA

demandeur

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION ET LE MINISTRE

DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET

DE LA PROTECTION CIVILE

 

défendeurs

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

I. Aperçu

[1]               M. Khosa a épousé sa répondante en sachant qu’il n’avait aucun statut au Canada, après que les autorités de l’immigration l’eurent remis en liberté sous conditions moyennant un cautionnement de 3000 $. Douze jours après sa remise en liberté, M. Khosa a rencontré son épouse, Lauren Jayne Patricia Baker, une citoyenne canadienne. Le 11 mai 2008, environ un mois et demi après avoir fait connaissance, M. Khosa et Mme Baker se sont épousés et ont commencé à vivre ensemble. Une partie ne peut pas créer les circonstances donnant lieu à un préjudice pour ensuite s'appuyer sur ce préjudice pour demander un sursis (Benedict c. Canada (Solliciteur général), 2004 CF 555, au par. 12).

 

[2]               M. Khosa est au Canada depuis 2005. Depuis cette époque, il a exercé plusieurs recours en droit de l’immigration, notamment en déposant une demande de résidence permanente au titre de la catégorie des aides familiaux résidants et une demande d’examen des risques avant renvoi. Bien que M. Khosa n’ait aucun casier judiciaire au Canada, il n’est pas sans reproche. En effet, M. Khosa a fait fi des lois canadiennes sur l’immigration en exerçant un emploi non autorisé.

 

[3]               Il est bien établi dans la jurisprudence qu’un tribunal est présumé avoir examiné tous les éléments de preuve dont il disposait, à moins que des éléments de preuve clairs et convaincants n’indiquent le contraire. En outre, le décideur n’est pas tenu de mentionner tous les éléments de preuve dans sa décision.

 

[4]               Comme l’affirmait la juge Snider dans Sunil Dutt Sharma c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2009 CF 1131, « [l]’agente a conclu – à juste titre, selon moi – que le mariage n’était pas authentique. Une grande partie de la preuve et des observations portant sur le caractère authentique du mariage sont aussi pertinentes quant à la question de savoir si le mariage visait principalement l’acquisition de la résidence permanente au Canada. Le manque d’authenticité constitue une preuve convaincante que le mariage visait principalement à acquérir un statut. De plus, l’agente était saisie d’éléments de preuve montrant que le demandeur s’était marié seulement après avoir été dénoncé aux agents d’immigration, et qu’il ne respectait pas les règlements en matière d’immigration depuis plus de sept ans. Il s’agissait de considérations pertinentes, qui ont été pondérées par l’agente. »

 

II. Introduction

[5]               Le demandeur, M. Tejinder Singh Khosa, demande une ordonnance provisoire sursoyant à l’exécution de la mesure de renvoi prise contre lui en attendant le contrôle judiciaire de la décision d’une agente d’immigration ayant refusé sa demande de résidence permanente au titre de la catégorie des époux ou conjoints de fait au Canada. Cependant, M. Khosa n’a pas réussi à établir chacun des trois éléments nécessaires pour obtenir un sursis de la mesure de renvoi prise contre lui.

 

[6]               M. Khosa est censé quitter le Canada le 27 janvier 2010. Depuis son arrivée au Canada en septembre 2005, M. Khosa a tenté sans succès d’utiliser le système d’immigration canadien pour éviter d’être renvoyé en Inde.

 

III. Contexte

[7]               Le 29 septembre 2005, M. Khosa est entré au Canada à l’aéroport international de Vancouver. Un permis de travail lui a été délivré qui l’autorisait à travailler comme aide familial résidant dans le cadre du programme des aides familiaux résidants.

 

[8]               Le 10 décembre 2007, Citoyenneté et Immigration Canada (CIC) a reçu la demande de résidence de M. Khosa au titre de la catégorie des aides familiaux résidants.

 

[9]               Le 6 mars 2008, l’Agence des services frontaliers du Canada (l’ASCF) a arrêté M. Khosa au restaurant Supreme Pizza, où il travaillait illégalement, et l’a placé en détention. Lors d’une entrevue avec un agent de l’ASCF, M. Khosa a affirmé qu’il travaillait comme aide-cuisinier au restaurant Supreme Pizza depuis avril 2007, où il gagnait 8,00 $ de l’heure. M. Khosa a aussi affirmé qu’il savait qu’il n’était pas censé travailler au restaurant. M. Khosa a été détenu en vertu de l’article 55 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la LIPR).

 

[10]           Le 7 mars 2008, l’agent de l’ASCF a établi un rapport en vertu de l’article 44 de la LIPR indiquant que M. Khosa était un ressortissant étranger qui était interdit de territoire au motif qu’il n’avait pas respecté des conditions imposées en vertu de la LIPR et du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002-227 (le RIPR). L’agent de l’ASCF a noté que M. Khosa exerçait un emploi qu’il n’était pas autorisé à exercer, pour un employeur au service duquel il n’était pas autorisé à travailler, dans un endroit où il n’était pas autorisé à travailler. Son cas a été renvoyé pour enquête devant la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (la CISR).

 

[11]           Le 10 mars 2008, les autorités de l’immigration ont remis M. Khosa en liberté sous conditions moyennant un cautionnement de 3000 $.

 

[12]           Le 22 mars 2008, M. Khosa a rencontré sa répondante, Mme Lauren Jayne Patricia Baker, citoyenne canadienne.

 

[13]           Le 11 mai 2008, environ un mois et demi après avoir fait connaissance, M. Khosa et Mme Baker se sont épousés et ont commencé à vivre ensemble.

 

[14]           Le 6 juin 2008, CIC a reçu la demande de résidence permanente de M. Khosa au titre de la catégorie des époux ou conjoints de fait au Canada.

 

[15]           Le 22 juillet 2008, M. Khosa a fait l’objet d’une enquête devant la CISR.

 

[16]           Le 31 juillet 2008, la CISR a rendu sa décision au terme de l’enquête relative à M. Khosa. La CISR était convaincue que M. Khosa avait travaillé au restaurant Supreme Pizza, qu’il avait exercé un emploi qu’il n’était pas autorisé à exercer, et qu’il n’avait pas respecté les conditions assortissant son permis de travail. La CISR a ensuite conclu que M. Khosa n’avait pas respecté le paragraphe 29(2) de la LIPR et qu’il était interdit de territoire en vertu de l’article 41 de la LIPR.

 

[17]           Le 31 juillet 2008, une mesure d’exclusion a été prise contre M. Khosa.

 

[18]           Le 1er octobre 2008 ou aux environs de cette date, M. Khosa a présenté une demande d’examen des risques avant renvoi (ERAR). M. Khosa alléguait qu’il était exposé à un risque de sanctions extrajudiciaires parce qu’il pourrait être soupçonné d’être un militant sikh.

 

[19]           Le 4 novembre 2008, la demande de résidence de M. Khosa au titre de la catégorie des aides familiaux résidants a été refusée.

[20]           Le 9 juin 2009, M. Khosa et Mme Baker ont été interviewés ensemble, puis séparément, aux fins de la demande de résidence permanente de M. Khosa au titre de la catégorie des époux ou conjoints de fait au Canada.

 

[21]           Le 3 novembre 2009, une agente d’immigration a refusé la demande de M. Khosa au motif que celui-ci n’avait pas démontré qu’il était un époux au sens de l’article 4 du RIPR, et que le mariage était considéré comme ayant été contracté aux fins de l’acquisition d’un statut en vertu de la LIPR.

 

[22]           Le 4 novembre 2009, un agent d’ERAR a refusé la demande de M. Khosa au motif qu’il n’y avait aucune possibilité sérieuse que M. Khosa soit persécuté au sens de l’article 96 de la LIPR ni qu’il soit exposé personnellement à une menace à sa vie ou au risque de traitements ou peines cruels et inusités au sens de l’article 97 de la LIPR. L’agent d’ERAR a noté que les autorités en Inde ne s’intéresseraient vraisemblablement pas à M. Khosa si celui-ci était renvoyé.

 

[23]           M. Khosa est censé quitter le Canada pour Delhi, en Inde, le 27 janvier 2010, à 0 h 45. Il doit se présenter au Centre canadien d’immigration à l’aéroport international de Vancouver à 20 h 45 le 26 janvier 2010 pour obtenir son titre de voyage et satisfaire aux exigences relatives à son départ. Il voyagera au moyen d’un passeport indien valide

 

 

 

IV. Question à trancher

[24]           Dans le contexte de la présente requête en sursis, la Cour doit statuer sur la question de savoir si M. Khosa a satisfait au critère à trois volets applicable au sursis de la mesure de renvoi du Canada en démontrant :

a.       que la décision de l’agente d’immigration soulève une question sérieuse à juger;

 

b.      qu’il subira un préjudice irréparable si la demande de sursis est refusée; et

 

c.       que la prépondérance des inconvénients penche en faveur du sursis de la mesure de renvoi.

 

(Toth c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration) (1988), 86 N.R. 302, 11 A.C.W.S. (3d) 440 (C.A.F.)).

 

[25]           La Cour est en parfait accord avec la position des défendeurs.

 

C. Analyse

A. Dispositions législatives pertinentes

[26]           Pour obtenir un visa de résident permanent au titre de la catégorie des époux ou conjoints de fait au Canada, M. Khosa devait satisfaire aux exigences énoncées dans la LIPR et le RIPR.

 

[27]           Le paragraphe 12(1) de la LIPR est ainsi rédigé :

12.      (1) La sélection des étrangers de la catégorie « regroupement familial » se fait en fonction de la relation qu’ils ont avec un citoyen canadien ou un résident permanent, à titre d’époux, de conjoint de fait, d’enfant ou de père ou mère ou à titre d’autre membre de la famille prévu par règlement.

12.      (1) A foreign national may be selected as a member of the family class on the basis of their relationship as the spouse, common-law partner, child, parent or other prescribed family member of a Canadian citizen or permanent resident.

 

 

[28]           L’article 4 du RIPR définit comme suit l’époux :

4. Pour l’application du présent règlement, l’étranger n’est pas considéré comme étant l’époux, le conjoint de fait, le partenaire conjugal ou l’enfant adoptif d’une personne si le mariage, la relation des conjoints de fait ou des partenaires conjugaux ou l’adoption n’est pas authentique et vise principalement l’acquisition d’un statut ou d’un privilège aux termes de la Loi.

 

4. For the purposes of these Regulations, a foreign national shall not be considered a spouse, a common-law partner, a conjugal partner or an adopted child of a person if the marriage, common-law partnership, conjugal partnership or adoption is not genuine and was entered into primarily for the purpose of acquiring any status or privilege under the Act.

 

[29]           L’article 124 définit comme suit l’appartenance à la catégorie des époux ou conjoints de fait au Canada :

124. Fait partie de la catégorie des époux ou conjoints de fait au Canada l’étranger qui remplit les conditions suivantes :

 

a) il est l’époux ou le conjoint de fait d’un répondant et vit avec ce répondant au Canada;

 

b) il détient le statut de résident temporaire au Canada;

 

c) une demande de parrainage a été déposée à son égard.

124. A foreign national is a member of the spouse or common-law partner in Canada class if they

 

 

(a) are the spouse or common-law partner of a sponsor and cohabit with that sponsor in Canada;

 

(b) have temporary resident status in Canada; and

 

 

(c) are the subject of a sponsorship application.

[30]           En l’espèce, M. Khosa n’a pas convaincu l’agente d’immigration qu’il satisfaisait aux deux exigences de l’article 4 du RIPR, à savoir : (1) que le mariage était authentique; et (2) qu’il n’avait pas contracté le mariage pour pouvoir demeurer au Canada.

 

B. Question sérieuse

[31]           L’argument de M. Khosa selon lequel l’agente d’immigration n’aurait pas suffisamment motivé sa décision au regard des deux volets du critère de l’article 4 du RIPR est dénué de tout fondement. En effet, une lecture des motifs de l’agente d’immigration pris dans leur ensemble démontre que l’agente s’est interrogée quant à savoir si le mariage était authentique ou s’il n’était qu’une mascarade à des fins d’immigration (da Silva c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2007 CF 1138, 161 A.C.W.S. (3d) 974 aux par.11 et 12).

 

[32]           Il existe un lien étroit entre les deux volets du critère. Plus précisément, la Cour a jugé que l’absence d’authenticité était une forte indication que la relation avait été engagée pour acquérir un statut. C’est à M. Khosa qu’incombe le fardeau de preuve au regard des deux volets du critère (Sharma c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2009 CF 1131, [2009] A.C.F. no 1595 (QL) aux par. 16 à 18; Huang c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2001 CFT 771, 107 A.C.W.S. (3d) 117 au par. 7).

 

[33]           En l’espèce, les éléments de preuve que l’agente d’immigration a examinés pour conclure que la relation conjugale n’était pas authentique sont les mêmes que ceux qui l’ont convaincue que la relation avait été engagée principalement pour obtenir le statut de résident permanent au Canada. Il convient de noter que l’agente d’immigration a conclu que M. Khosa manquait de crédibilité. Il convient aussi de noter qu’elle a vu un lien de cause à effet entre, d’une part, le moment de l’arrestation de M. Khosa et le rapport d’interdiction de territoire en vertu de l’article 44, et le mariage subséquent peu de temps après.

 

[34]           L’agente d’immigration a conclu que le mariage n’était pas authentique sur la foi des éléments de preuve suivants :

a)      M. Khosa a affirmé qu’il n’avait pas donné de bague à son épouse lorsqu’il l’avait demandée en mariage, tandis que son épouse a affirmé le contraire;

b)      M. Khosa a affirmé que lui et son épouse avaient payé les bagues ensemble, tandis que son épouse a affirmé que c’était M. Khosa qui les avait payées;

c)      M. Khosa a affirmé que son épouse utilisait des pilules contraceptives, tandis que son épouse a affirmé qu’ils utilisaient uniquement des condoms;

d)      M. Khosa et son épouse ont donné des réponses contradictoires quant à la fréquence des communications entre M. Khosa et sa famille;

e)      M. Khosa et son épouse ont donné des réponses contradictoires concernant leur literie et ce que chacun portait au lit;

f)        M. Khosa et son épouse ont donné des réponses contradictoires quant au nombre de téléviseurs qu’ils possédaient à la maison.

 

[35]           La logique qui sous-tend la vérification par l’agente de ces différents points qui ont révélé des contradictions importantes et le tableau général qui s’est dégagé des entrevues avec M. Khosa et son épouse, en plus du manque de crédibilité de M. Khosa tel que démontré, indiquent que l’authenticité et le but du mariage ont tous deux été examinés, comme le démontrent d’autres exemples que j’examinerai plus loin.

 

[36]           Il est bien établi dans la jurisprudence qu’un tribunal est présumé avoir examiné tous les éléments de preuve dont il disposait, à moins que des éléments de preuve clairs et convaincants n’indiquent le contraire. Le décideur n’est pas tenu de mentionner tous les éléments de preuve dans sa décision. (Florea c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1993] A.C.F. no 598 (C.A.F.) (QL))

 

[37]           En l’espèce, l’agente d’immigration a affirmé expressément qu’elle avait examiné tous les renseignements que M. Khosa avait communiqués et toutes les observations qu’il avait présentées. L’agente d’immigration a accordé plus de poids : au manque de crédibilité de M. Khosa et à l’absence de biens détenus en copropriété; au moment où M. Khosa et son épouse s’étaient rencontrés; aux contradictions entre les réponses de M. Khosa et celles de son épouse à l’entrevue; et aux présentations inexactes des faits de M. Khosa au sujet de son adresse et de ses antécédents professionnels. M. Khosa demande essentiellement à la Cour d’accorder plus de poids à l’élément de preuve indiquant que son épouse est bénéficiaire à 50 % de sa police d’assurance-vie et aux photos qu’il a produites. Or, il ne revient pas à la Cour d’apprécier à nouveau les éléments de preuve (Kengkarasa c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2007 CF 714, 158 A.C.W.S. (3d) 973 aux par. 35 et 38; Singh c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 673, 170 A.C.W.S. (3d) 147 au par. 10; Daniel c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2007 CF 392, 156 A.C.W.S. (3d) 1144 aux par. 16 et 17).

 

[38]           Est également dénuée de fondement la prétention de M. Khosa selon laquelle l’agente d’immigration a erré dans ses conclusions relatives à la crédibilité parce qu’elle a mal interprété les éléments de preuve. Plus précisément, M. Khosa affirme que l’agente d’immigration a mal compris les éléments de preuve relatifs à son adresse dans sa demande et à l’approbation de son mariage par ses parents. Au contraire, des éléments de preuve étayent les conclusions de l’agente d’immigration au sujet de ces contradictions.

 

[39]           Un examen de la Demande de résidence permanente présentée au Canada de M. Khosa (la demande) fait ressortir la contradiction relative à son adresse. En effet, à la case 14 de l’annexe 1 de la demande, M. Khosa affirme qu’il a vécu au 2488, av. McLeod de septembre 2005 à octobre 2007. Cependant, sur le Formulaire de mise à jour de l’historique du client, que M. Khosa a rempli le 14 juillet 2008, il affirme qu’il a vécu au 2488, av. McLeod de septembre 2005 à juin 2008. L’agente d’immigration n’a donc pas commis d’erreur lorsqu’elle a conclu que M. Khosa avait donné des renseignements contradictoires relativement à son adresse.

 

[40]           L’agente d’immigration n’a pas mal interprété les éléments de preuve concernant l’approbation du mariage par les familles. En effet, dans la déclaration de M. Khosa intitulée [TRADUCTION] « Évolution de notre relation », jointe à la demande, il a affirmé que les membres de sa famille et de celle de son épouse n’approuvaient pas le mariage et avaient refusé d’y assister. Cependant, à l’entrevue, M. Khosa a affirmé que ses parents avaient offert des bijoux et des saris à son épouse en guise de cadeaux de noces. Aussi, compte tenu de ces éléments de preuve, il n’était pas déraisonnable pour l’agente d’immigration de conclure que les affirmations de M. Khosa étaient contradictoires.

 

[41]           En outre, les conclusions de l’agente d’immigration quant à la crédibilité se fondaient en partie sur l’omission de M. Khosa de divulguer son emploi au restaurant Supreme Pizza dans la demande. L’agente d’immigration a noté que cet exercice illégal d’un emploi avait mené à l’établissement d’un rapport d’interdiction de territoire en vertu de l’article 44, avant que M. Khosa fasse la demande de statut de résident permanent.

 

[42]           À la suite de l’entrevue, l’agente d’immigration a conclu que M. Khosa n’avait pas communiqué avec franchise certains renseignements demandés. Cette conclusion se fondait sur l’observation de l’agente selon laquelle :

a)         M. Khosa avait donné des réponses vagues et confuses concernant sa situation au plan de l’immigration au Canada et les motifs de la mesure d’exclusion prise contre lui;

b)         M. Khosa avait affirmé que son épouse était parfaitement au courant de sa situation au plan de l’immigration, tandis que son épouse avait affirmé qu’elle savait peu de choses au sujet de la situation et de l’historique de M. Khosa au plan de l’immigration.

 

[43]           L’allégation de M. Khosa selon laquelle l’agente d’immigration aurait dû demander des explications concernant les contradictions entre les affirmations de M. Khosa et celles de son épouse n’est pas étayée (Dasent c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (1996), 107 F.T.R. 80, 61 A.C.W.S. (3d) 570 au par. 5; autorisation de pourvoi à la C.S.C. refusée, [1996] A.C.S.C. no 141; Oppong c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (1996), 193 N.R. 306, 60 A.C.W.S. (3d) 1217 au par. 3; autorisation de pourvoi à la C.S.C. refusée, [1996] A.C.S.C. no 140).

 

[44]           Il y a lieu de faire preuve de retenue à l’égard des conclusions relatives à la crédibilité. Or, en l’espèce, la conclusion de l’agente d’immigration quant à la crédibilité est pleinement étayée par les contradictions et les incohérences que comportent les éléments de preuve de M. Khosa (Kengkarasa, précité, aux paragraphes 1 et 19).

 

[45]           M. Khosa n’a pas réussi à démontrer que la décision de l’agente d’immigration soulevait une question sérieuse.

 

C. Préjudice irréparable

[46]           Contrairement à ce que prétend M. Khosa, lorsqu’il existe une question sérieuse à juger, il ne s’ensuit pas nécessairement un préjudice irréparable. En effet, si la Cour conclut qu’il y a une question sérieuse à juger, il incombe à M. Khosa de prouver de manière claire et convaincante (et non en s’appuyant sur des hypothèses ou sur une série de possibilités) qu’il subira un préjudice irréparable s’il est renvoyé en Inde à ce stade-ci. Or, il ne l’a pas fait (Diallo c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2009 CF 84, [2009] A.C.F. no 126 (QL) au par. 27; Daniel, précité, au par. 24).

 

[47]           M. Khosa prétend qu’il subira un préjudice irréparable parce qu’il sera séparé de son épouse. Or, il est bien établi dans la jurisprudence que la séparation d’un conjoint ne constitue pas un préjudice irréparable. Pareil préjudice n’est pas plus grave que les inconvénients personnels habituels qu’occasionne un renvoi. Une expulsion cause inévitablement certaines difficultés psychologiques et émotionnelles. Comme l’a affirmé la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Selliah c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CAF 261, 132 A.C.W.S. (3d) 547 :

[13]      Le renvoi de personnes qui sont demeurées au Canada sans statut bouleversera toujours le mode de vie qu'elles se sont donné ici. Ce sera le cas en particulier de jeunes enfants qui n'ont aucun souvenir du pays qu'ils ont quitté. Néanmoins, les difficultés qu'entraîne généralement un renvoi ne peuvent à mon avis constituer un préjudice irréparable au regard du critère exposé dans l'arrêt Toth, car autrement il faudrait accorder un sursis d'exécution dans la plupart des cas dès lors qu'il y aura une question sérieuse à trancher […] [Je souligne].

 

(L’arrêt Daniel, précité, est également cité.)

 

[48]           M. Khosa a épousé sa répondante en sachant qu’il n’avait pas de statut au Canada. Or, une partie ne peut pas créer les circonstances donnant lieu à un préjudice pour ensuite s'appuyer sur ce préjudice pour demander un sursis (Benedict c. Canada (Solliciteur général), 2004 CF 555, 130 A.C.W.S. (3d) 822 au par. 12).

 

 

D. Prépondérance des inconvénients

[49]           En soi, une question sérieuse qui démontre un préjudice irréparable n’établit pas que la prépondérance des inconvénients penche en faveur du demandeur. Il doit être satisfait individuellement à chacun des trois volets du critère (Daniel, précité, aux paragraphes 29 à 31; Ahmed c. Canada (Solliciteur général), 2004 CF 686, 131 A.C.W.S. (3d) 304 au par. 4).

 

[50]           En vertu de la LIPR, le ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile doit maintenir et protéger la sécurité de la société canadienne et l’intégrité du processus canadien concernant les immigrants et les réfugiés. C’est ainsi que le ministre doit notamment exécuter les mesures de renvoi dès que les circonstances le permettent afin de préserver l’intégrité du processus canadien concernant les immigrants et les réfugiés (LIPR aux paragraphes 3(2) et 48(2); Jama c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 374, 166 A.C.W.S. (3d) 297 au par. 7; Dugonitsch c. Canada (Ministre de l’Immigration), (1992), 53 F.T.R. 314, 32 A.C.W.S. (3d) 1135 au par. 15).

 

[51]           Le fait que la personne qui demande une ordonnance de sursis n’ait aucun casier judiciaire, qu’elle ne soit pas une menace pour la sécurité ou qu’elle soit socialement intégrée au Canada ne constitue pas une prépondérance des inconvénients qui penche en faveur du prononcé d’une ordonnance de sursis. En effet, une intégration réussie à la société canadienne ne prime pas l’intérêt public à préserver l’intégrité de l’application des lois canadiennes sur l’immigration (Selliah, précité, aux par. 21 et 22).

 

[52]           M. Khosa est au Canada depuis 2005. Depuis cette époque, il a exercé plusieurs recours en droit de l’immigration, notamment en présentant une demande de résidence permanente au titre de la catégorie des aides familiaux résidants et une demande d’ERAR. Bien que M. Khosa n’ait aucun casier judiciaire au Canada, il n’est pas sans reproche. En effet, M. Khosa a fait fi des lois canadiennes sur l’immigration en travaillant sans permis. (Ksiezopolski c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CF 1402, 134 A.C.W.S. (3d) 682 aux par. 7 et 8).

 

[53]           Ce n’est que dans des cas exceptionnels que l’intérêt d’un demandeur l’emportera sur l’intérêt public. Or, M. Khosa n’a pas fait la preuve d’un cas exceptionnel qui justifierait de retarder le moment où le ministre de la SPPC s’acquittera de son devoir de veiller à la réalisation des objectifs de la LIPR (Dugonitsch, précité, au paragraphe 15; Selliah, précité, au par. 22).

 

VI. Conclusion

[54]           M. Khosa n’a pas réussi à établir les trois éléments requis pour que la Cour prononce une ordonnance de sursis de l’exécution de la mesure de renvoi.

 

[55]           Pour tous ces motifs, la demande de sursis à l’exécution de la mesure de renvoi du demandeur est refusée.


 

JUGEMENT

LA COUR ORDONNE que la demande de sursis d’exécution de la mesure de renvoi du demandeur soit refusée.

 

« Michel M.J. Shore »

Juge

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Colette Dupuis


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        IMM-5962-09

                                                           

 

INTITULÉ :                                       TEJINDER SINGH KHOSA

                                                            c. LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION ET LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Vancouver (Colombie-Britannique)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 25 janvier 2010

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              LE JUGE SHORE

 

DATE DES MOTIFS :                      Le 25 janvier 2010

 

 

COMPARUTIONS :

 

Baldev S. Sandhu

 

POUR LE DEMANDEUR

Charmaine de los Reyes

 

POUR LES DÉFENDEURS

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Baldev S. Sandhu

Avocat

Surrey (Colombie-Britannique)

 

POUR LE DEMANDEUR

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

Vancouver (Colombie-Britannique)

POUR LES DÉFENDEURS

 

 

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