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Date : 20091211

Dossier : T-1402-09

Référence : 2009 CF 1265

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 11 décembre 2009

En présence de monsieur le juge Pinard

ENTRE :

MICHAEL DAGG

demandeur

et

 

MINISTRE DE L’INDUSTRIE

défendeur

 

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE

 

  • [1] Le 26 novembre 2009, le demandeur a présenté une requête de jugement déclaratoire et pour dépens en vertu de la règle 359 des Règles des Cours fédérales. L’affaire a été entendue le 1er décembre 2009.

 

  • [2] La demande de contrôle judiciaire sous-jacente a été déposée le 21 août 2009 en vertu de l’article 41 de la Loi sur l’accès à l’information, L.R.C, 1985, ch. A-1, (la Loi) visant une prétendue décision par Industrie Canada refusant le droit à l’accès aux documents demandés en vertu du paragraphe 4(1) de la Loi.

Questions en litige et analyse

(1) Compétence : Le défendeur a-t-il refusé de communiquer les documents demandés par le demandeur de telle sorte que la Cour fédérale avait la compétence d’examiner l’affaire en vertu de l’article 41 de la Loi lorsque la demande a été présentée?

 

  • [3] Trois conditions doivent être remplies pour que cette Cour soit habilitée à examiner la décision du responsable d’une institution fédérale de rejeter une demande en vertu de l’article 41 de la Loi :

  1. Une partie s’est vu refuser communication totale ou partielle d’un document demandé en vertu de la Loi;

  2. La partie a déposé une plainte au sujet du refus devant le Commissaire à l’information;

  3. Le compte rendu du Commissaire a été présenté au demandeur conformément au paragraphe 37(2).

 

 

 

  • [4] À partir de la date de la réception du compte rendu du Commissaire à l’information, le demandeur peut, dans un délai de 45 jours, exercer un recours en révision de la décision dans cette affaire.

 

  • [5] Dans la présente requête, seule la première condition, à savoir si le défendeur a refusé la communication d’un document, est contestée par les parties.

 

  • [6] Le 15 janvier 2008, le demandeur a présenté une demande d’accès à l’information au défendeur, Industrie Canada, qui a été reçue le 6 février 2008. Conformément à l’article 7 de la Loi, le défendeur doit aviser le demandeur de sa décision dans les 30 jours. Le défendeur a invoqué son pouvoir discrétionnaire en vertu du paragraphe 9(1) de la Loi de proroger le délai. Le 13 mars 2008, le défendeur a informé le demandeur que le traitement de la demande nécessiterait 150 jours de plus, décision à laquelle le demandeur ne s’est pas opposé. Le 27 octobre 2008, quelque deux mois suivant l’expiration du délai de 150 jours supplémentaires, le demandeur a déposé une plainte auprès du Commissariat à l’information (le Commissariat) concernant le fait que le défendeur n’ait pas communiqué les documents demandés.

 

  • [7] Le Commissariat a procédé à une enquête relativement à la plainte et, neuf mois plus tard, le 10 juillet 2009, il a informé le demandeur que, de fait, le défendeur ne pouvait invoquer aucune [traduction] « justification licite » pour n’avoir pas respecté le délai de 180 jours, plaçant ainsi le demandeur devant un refus présumé de communication en vertu du paragraphe 10(3) de la Loi. Le Commissariat a informé le demandeur que le défendeur avait présenté au Commissariat un plan de travail et une date à laquelle il s’engageait à répondre à la demande : [traduction] « [l’intimé] fait tout en son pouvoir pour répondre à votre demande d’ici le 28 septembre 2009 ». Sur la base de la date prévue et du plan de travail, le Commissariat a considéré que la plainte avait été réglée.

 

  • [8] Dans la conclusion de son rapport à l’intention du demandeur, le Commissariat a décrit deux voies potentielles de recours que le demandeur pourrait choisir selon les circonstances :

[traduction] Si vous ne recevez pas une réponse définitive à la date prévue ou avant, vous pourriez déposer une nouvelle plainte relative au retard auprès du Commissariat. Ou, si vous n’êtes pas d’accord avec notre évaluation voulant que l’engagement pris par IC et dont il nous a fait part constitue un règlement raisonnable de votre plainte, vous pouvez, bien entendu, choisir une autre voie de recours. Comme vous avez reçu le rapport de notre enquête, vous avez le droit en vertu de l’article 41 de la Loi de présenter à la Cour fédérale une demande de contrôle judiciaire de la décision d’Industrie Canada de refuser de vous communiquer les documents demandés. Cette demande doit nommer le ministre de l’Industrie comme défendeur et elle doit être déposée auprès de la Cour dans les 45 jours suivant la réception de la présente lettre.

  (Non souligné dans l’original)

 

 

 

  • [9] Le demandeur n’a pas attendu que le défendeur se conforme dans le délai prévu qui devait s’écouler quelque 35 jours après l’expiration du délai de 45 jours noté dans le rapport. Le demandeur a plutôt choisi, le 21 août 2009, de déposer une demande de contrôle judiciaire afin de respecter le délai de 45 jours prévu. Fait important, le défendeur a finalement acquiescé à la demande d’accès à des documents le 28 septembre 2009. Les documents ont été envoyés par courrier ordinaire et le demandeur les a reçus au début d’octobre 2009.

 

  • [10] Le demandeur a choisi de ne pas abandonner la demande, mais plutôt à demander une déclaration voulant que sa demande soit devenue caduque et à réclamer les dépens relatifs à cette demande conformément à l’article 53 de la Loi et de la règle 400 des Règles des Cours fédérales pour le motif que, n’eût été le retard illégal pris par le défendeur, le demandeur n’aurait pas présenté une demande en vertu de l’article 41 et engagé les frais juridiques connexes.

 

  • [11] L’objectif de la Loi est de procurer un droit d’accès à l’information, sur demande, à tout document relevant d’une institution fédérale assujettie à d’autres articles de la Loi (voir les articles 2 et 4). La Loi fixe les échéances que le gouvernement doit respecter pour aviser la partie qui fait une demande de ce qu’il sera donné ou non communication des documents demandés (voir les articles 7 et 9). Toutes sortes de renseignements, à l’exception des exemptions et des exclusions prévues dans la Loi, peuvent être communiqués (voir les articles 13 à 26). Le paragraphe 10(3) prévoit une présomption de refus qui s’applique lorsqu’une institution n’accorde pas l’accès à l’information dans les délais prévus par la Loi :

 10. (3) Where the head of a government institution fails to give access to a record requested under this Act or a part thereof within the time limits set out in this Act, the head of the institution shall, for the purposes of this Act, be deemed to have refused to give access.

 

 10. (3) Le défaut de communication totale ou partielle d’un document dans les délais prévus par la présente loi vaut décision de refus de communication.

 

 

Il y a trois décisions qui fournissent une discussion enrichissante sur la portée juridique d’une présomption de refus.

 

  • [12] Dans X c Canada (Ministre de la Défense nationale) (1990), 41 FTR 16 (ci-après X(1)), le juge Dubé a interprété le paragraphe 10(3) comme étant une preuve de l’intention du législateur voulant que la Loi ne soit pas « contrecarrée par l’inaction bureaucratique : lambiner équivaut à un refus ». La Cour a exposé ses motifs comme suit au paragraphe 8 :

[traduction]

 L’objectif de la Loi sur l’accès à l’information, énoncé dans l’article 2, est d’élargir l’accès à l’information dans les documents qui relèvent d’une institution fédérale en consacrant le principe du droit du public à leur communication. En conformité avec cette intention générale, le paragraphe 10(3) prévoit que le défaut de communication des renseignements demandés par le responsable d’une institution fédérale dans les délais prévus par la Loi équivaut à une décision de refus de communication. Ainsi, selon la formulation de la Loi, son intention est manifestement de faire en sorte que la demande d’accès à l’information d’un demandeur ne soit pas contrecarrée par l’inaction bureaucratique : lambiner équivaut à un refus.

 

 

 

  • [13] Le juge Dubé a refusé de rendre jugement parce que l’accès aux documents avait été accordé au moment de l’audience et il a refusé également de rendre un jugement déclaratoire. Ainsi, la Cour a rejeté la demande, mais elle a ordonné néanmoins que les dépens juridiques [traduction] « qui auraient été engagés par le demandeur » et qui sont payables par le défendeur soient taxés.

 

  • [14] Le même demandeur que dans X(1), précitée, a présenté une autre requête contre le ministère de la Défense nationale voulant que la Cour examine le caractère raisonnable de la décision du Ministère d’invoquer l’article 9 de la Loi et de proroger le délai pour accorder l’accès dans les 270 jours (X c Canada (Ministre de la Défense nationale), [1991] 1 CF 670, citée ci-après comme X(2)). Le défendeur a soutenu que la Cour n’avait pas compétence pour entendre la demande parce que le rôle de la Cour est d’entendre les demandes des personnes à qui l’accès à un document a été refusé. Avant l’audience, il y a eu divulgation des documents et la divulgation a eu lieu avant le délai que le défendeur s’est imposé en vertu de l’article 9 de la Loi.

 

  • [15] Dans X(2), le juge Strayer a rejeté la demande parce qu’il était clair pour la Cour que la décision d’une institution gouvernementale d’invoquer le paragraphe 9(1) ne peut pas faire l’objet d’un contrôle judiciaire par la Cour fédérale en vertu de l’article 41 de la Loi :

[traduction] […] une prorogation du délai de réponse par le responsable d’une institution fédérale ne constitue pas un refus de communication. Il ne s’agit manifestement pas, à première vue, d’un refus de communication. Elle mène seulement à une « présomption de refus » en vertu du paragraphe 10(3) si aucune décision n’est prise au cours de la période prolongée et qu’aucun document n’est communiqué.

 

 

  • [16] La Cour a reconnu que les décisions prises par des responsables d’institutions fédérales ne sont pas toutes assujetties au contrôle judiciaire. Le juge Strayer a conclu que la Cour fédérale avait autorisé un contrôle de portée limitée en vertu de la Loi, aux pages 677 et 678 :

[traduction] Cet historique et ce cadre confirment la portée quelque peu étroite des nouveaux pouvoirs qui sont conférés spécifiquement à la Cour fédérale : en vertu de l’article 41, elle peut entendre la demande d’une personne (ou, en vertu de l’article 42, celle du Commissaire à l’information) s’il y a eu une décision de refus effectif ou présumé de communication d’un document; et, en vertu de l’article 44, elle peut entendre la demande d’une « tierce partie » qui s’oppose à la divulgation par le responsable d’une institution fédérale d’un document qui pourrait avoir une incidence sur la tierce partie. Dans ce cas, le demandeur ne relève pas de l’article 41, le seul article qui s’applique à la présente situation et celui sur lequel il repose puisque l’accès ne lui a pas été refusé : l’accès a été reporté, mais, en fait, lui avait été accordé depuis longtemps et dans le délai prévu par la loi. Cela étant, il ne peut y avoir de réparation accordée en vertu des articles 49 ou 50, les articles qui autorisent des ordonnances de la Cour, parce que ces pouvoirs de réparation ne peuvent s’exercer que lorsque la Cour conclut à un refus de communication d’un document. […]

  (Non souligné dans l’original)

 

En conséquence, une présomption de refus constitue l’un de deux motifs pouvant être invoqués pour demander le contrôle judiciaire : l’autre c’est un refus réel. Dans X(2), la Cour a conclu qu’il n’y avait [traduction] « ni refus de communication, ni une présomption de refus parce que l’accès a été accordé avant même que la moitié du délai de prorogation se soit écoulée ». Le délai de prorogation fait référence à la prorogation en vertu de l’article 9 que le ministre a invoqué dans ce cas. Les seules mesures de réparation prévues par les articles 49 et 50 ont trait à la communication du document. La demande a été rejetée en conséquence.

 

  • [17] Le troisième cas qui aborde la question de la compétence de la Cour d’entendre une requête dans une situation de présomption de refus est la décision récente du juge de Montigny dans Statham c. Société Radio-Canada, 2009 CF 1028. Dans Statham, il est significatif que la Cour interprète la Loi comme accordant au Commissariat à l’information le pouvoir de remédier à un refus présumé à la conclusion de son enquête. Cette conclusion a pour effet d’empêcher le demandeur de présenter une requête à la Cour fédérale en vertu de l’article 41 de la Loi si le Commissariat a approuvé une date ultérieure à laquelle l’institution fédérale s’engage à répondre à la demande.

 

  • [18] Les faits de l’espèce Statham sont semblables à ceux de la présente affaire. M. Statham a présenté une requête à la Cour fédérale en vertu de l’article 41 de la Loi lui demandant d’ordonner au président de la SRC de communiquer les documents demandés et de déclarer que la SRC avait agi déraisonnablement au cours des événements ayant conduit à la requête. M. Statham a présenté environ 400 demandes d’accès à l’information à la SRC entre le 1er septembre 2007 et le 12 décembre 2007. La SRC n’a pas accusé réception de ces demandes dans le délai de 30 jours que prévoit l’article 7 de la Loi. Contrairement à la présente affaire, elle n’a pas demandé de prorogation de délai en vertu de l’article 9 de la Loi. En l’absence de réponse, M. Statham a déposé de nombreuses plaintes auprès du Commissariat à l’information. Le Commissariat a entrepris une enquête de la SRC le 9 janvier 2008. La Cour a souligné que la SRC a omis à plusieurs reprises de fournir un plan d’action au Commissariat et a changé fréquemment la date à laquelle elle s’était engagée pour répondre aux demandes. Au paragraphe 7, la Cour a conclu que, lors de la rencontre entre des représentants du Commissariat et la SRC le 28 mars 2008, le Commissariat a « proposé la date du 1er avril 2009, ce qui semblait un objectif raisonnable et réaliste », date à laquelle la SRC serait tenue de répondre à chaque demande en suspens.

 

  • [19] Le 31 mars 2008, le Commissariat a envoyé trois lettres à M. Statham pour rendre compte des résultats de l’enquête sur ses plaintes. Comme en l’espèce, le Commissariat a affirmé dans la troisième lettre que le fait que la SRC n’ait pas répondu aux demandes faisait en sorte qu’elle se trouvait [traduction] « en situation de refus présumé en application du paragraphe 10(3) de la Loi ». Comme il est énoncé dans Statham au paragraphe 8, le Commissariat à l’information a employé un langage semblable pour expliquer pourquoi il avait conclu que la plainte avait été réglée :

[…] la SRC a assuré notre service qu’elle ferait de son mieux pour répondre à toutes les demandes […] au plus tard le 1er avril 2009. […] J’estime qu’il s’agit là d’un engagement raisonnable de la part de la SRC en vue du traitement de toutes les demandes énumérées.

 

Tout en estimant que vos plaintes sont fondées, je conclus qu’elles sont réglées du fait que la SRC s’est engagée à répondre à chacune de vos demandes au plus tard le 1er avril 2009. Vous conservez évidemment le droit, garanti par l’article 31 de la Loi, de porter plainte auprès de notre service à propos de chacune des réponses que la SRC vous communiquera dans les prochains mois.

 

Conformément à l’alinéa 30(1)a) et au paragraphe 37(5) de la Loi, nous vous avisons que, ayant maintenant reçu le compte rendu des résultats de notre enquête sur ces refus présumés de communication de documents sollicités en vertu de la Loi, l’article 41 de celle-ci vous confère le droit d’exercer devant la Cour fédérale un recours en révision de la décision présumée de la Société Radio-Canada de vous refuser communication des documents que vous avez demandés. Votre demande de révision, si vous en déposez une, devrait nommer le président de la Société Radio-Canada comme défendeur et doit être déposée devant la Cour dans les 45 jours suivant la réception de la présente.

 

 

  • [20] Comme le montrent les faits de l’espèce, M. Statham n’a pas attendu pour savoir si la SRC respecterait le délai convenu, choisissant de déposer une requête de contrôle judiciaire le 18 mai 2008 conformément au délai de 45 jours prévu pour déposer une requête auprès de la Cour fédérale, qui entre en jeu à la réception du rapport du Commissariat à l’information. Aussi semblable à la présente espèce (ainsi qu’à X(1), précitée, et X(2), précitée), l’institution avait répondu à toutes les demandes au moment de l’audience.

 

  • [21] Le juge de Montigny a conclu que l’affaire était devenue caduque en raison de la communication et il a exercé ses pouvoirs discrétionnaires pour entendre la demande néanmoins (Statham, au paragraphe 30).

 

  • [22] Je constate, premièrement, que le juge de Montigny semble avoir restreint la portée de la révision des refus par la Cour fédérale de telle sorte qu’une présomption de refus en vertu du paragraphe 10(3) ne constitue pas un refus pour l’application de l’article 41. Les paragraphes suivants de la décision Statham, supra, sont importants :

[39] […] Il me semble qu’il n’était pas permis au demandeur de présenter une demande devant la Cour pendant que la SRC respectait encore le délai fixé par le Commissaire. Ce dernier aurait pu décider d’ouvrir son enquête, à la suite de la plainte du demandeur, comme s’il y avait eu refus explicite. Cependant, tout comme dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Commissaire à l’information du Canada c Ministre de la Défense nationale, précité, il a plutôt décidé de scinder son enquête et d’essayer d’obtenir une réponse de l’institution, remettant à une seconde étape l’examen du bien-fondé de la réponse, quelle qu’elle soit, qui serait donnée. Par conséquent, il n’était pas permis au demandeur d’exercer un recours devant la Cour avant le 1er avril 2009 puisqu’on ne pouvait dire avant cette date, qui marquait l’expiration du délai accordé par le Commissaire, que la SRC lui avait refusé communication des documents en cause.

 

[40] L’article 41 de la Loi dispose que la personne qui s’est vu refuser communication d’un document et qui a déposé une plainte à ce sujet devant le Commissaire peut exercer un recours en révision de ce refus devant la Cour. Il ressort clairement de l’ensemble de la Loi et du libellé de cet article que la Cour a compétence sur les cas où la communication partielle ou totale a été refusée. Cette interprétation est compatible avec l’article 37 de la Loi, qui est axé sur la teneur de la réponse donnée par l’institution fédérale et sa conformité avec la Loi.

 

[41] Évidemment, le Commissaire aurait pu ouvrir son enquête en faisant comme s’il y avait eu refus explicite, sans proroger le délai de réponse de la SRC. Dans cette hypothèse, le demandeur aurait pu exercer un recours en révision devant la Cour si la SRC ne s’était pas conformée aux conclusions et recommandations du Commissaire. Mais ce n’est pas la démarche qu’a choisie le Commissaire. En conséquence, il était prématuré de s’adresser à la Cour avant le 1er avril 2009. Autrement dit, je ne pense pas que la Cour soit compétente pour contrôler judiciairement une prorogation du délai de réponse à des demandes [de communication] que le CIC a approuvée dans l’exercice des pouvoirs que lui confère la Loi.

 

[42] Je n’ai pu trouver aucun précédent portant précisément sur cette question, mais il est arrivé à quelques reprises qu’un demandeur ait déposé une demande de contrôle judiciaire devant la Cour après qu’une institution fédérale eut laissé expirer sans réponse la prorogation qu’elle avait pourtant demandée. Dans la première décision, la Cour a conclu qu’elle avait compétence pour instruire une demande [de] contrôle judiciaire même si la réponse avait été donnée avant l’audience : Canada (Commissaire à l’information) c. Canada (Minist[re] des Affaires extérieures), reflex, [1990] 3 C.F. 514. Cette interprétation a cependant été rejetée dans deux décisions ultérieures, soit X c. Canada (Ministre de la Défense nationale), reflex, (1990) 41 F.T.R 16, et X c. Canada (Ministre de la Défense nationale), reflex, [1991] 1 C.F. 670 (C.F. 1re inst.). Dans cette dernière décision, le juge Strayer, souscrivant explicitement au point de vue adopté par le juge Dubé dans la décision précédente, a conclu que, « à moins que le refus de communication ne soit réel et continu et qu’il ne soit, par conséquent, possible de rendre une ordonnance de communication ou une ordonnance en ce sens, la Cour ne peut accorder de redressement ».

 

[43] Je me trouve donc ainsi conforté dans mon opinion que la Cour n’a pas compétence pour instruire la demande présentée par le demandeur. Même si la SRC se trouvait à l’origine en situation de refus présumé, le demandeur ne pouvait invoquer au moment de l’audience un refus de communication réel et continu. En outre, il semble en découler naturellement que le demandeur ne pouvait non plus invoquer un tel refus pendant la prorogation accordée à la SRC pour répondre à ses demandes [de communication].

  (Non souligné dans l’original)

 

 

  • [23] Il semble que le juge de Montigny s’appuie sur la décision du juge Strayer dans X(2) selon laquelle « à moins que le refus de communication ne soit réel et continu », la Cour n’aura pas compétence en vertu de l’article 41 de la Loi. Toutefois, à mon avis, le juge Strayer distinguait d’un délai invoqué en vertu de l’article et le libellé n’était pas censé s’appliquer à une situation de refus présumé. Précédemment dans ses motifs, il affirme qu’un « refus présumé » est l’un de deux motifs qu’un demandeur peut invoquer pour présenter une demande à la Cour en vertu de l’article 41 de la Loi.

 

  • [24] Toutefois, cela n’est pas déterminant en l’espèce puisqu’il y a une autre question de droit qui n’a pas été examinée dans X(1), précitée, et X(2), précitée, et qui est importante pour la présente requête.

 

 

  • [25] Dans ses motifs, le juge de Montigny a conclu que le paragraphe 37(1) de la Loi confère au Commissariat à l’information le pouvoir de formuler des recommandations qu’il juge indiquées pour régler de telles plaintes. Ce pouvoir « comprend le droit de fixer à l’institution le délai » de telle sorte que l’article 9 ne s’applique plus. « C’est au Commissaire qu’il appartient dès lors d’évaluer les circonstances et de fixer une prorogation raisonnable pour la mise en œuvre de ses recommandations » (Statham, au paragraphe 36). L’effet concret de ce pouvoir est que le Commissariat à l’information peut remédier à un refus présumé en approuvant un « délai convenu ». Ainsi, le délai convenu devient le délai prévu dans la Loi à laquelle se réfère le paragraphe 10(3). Si cette interprétation est appliquée en l’espèce, le défendeur ne pouvait donc pas se trouver dans une situation de refus présumé lorsque le demandeur a déposé sa demande de contrôle judiciaire et la Cour n’aurait donc pas compétence. En conséquence, compte tenu de cette interprétation, je rejetterais la requête.

 

  • [26] L’avocat du demandeur a présenté des arguments solides et intéressants selon lesquels la conclusion dans Statham mine le but de la Loi d’assurer l’accès aux documents en temps opportun. Je note que le demandeur dans Statham a déposé un avis d’appel de la décision le 12 novembre 2009 auprès de la Cour d’appel fédérale.

 

  • [27] Dans les circonstances, il convient de pencher pour l’interprétation de mon collègue du paragraphe 37(1) de la Loi tel qu’énoncée dans Statham, précitée, et de l’appliquer aux faits de la présente requête. Par conséquent, le Commissariat à l’information a remédié au refus présumé lorsqu’il a approuvé un nouveau délai expirant le 28 septembre 2009 pour que le défendeur donne suite à la demande. La demande de contrôle judiciaire du demandeur était prématurée puisqu’il n’y avait pas eu de refus aux fins de l’article 41.

 

(2) Pouvoir discrétionnaire pour adjuger des dépens : La Cour devrait-elle exercer son pouvoir discrétionnaire en vertu de l’article 53 de la Loi et de la règle 400 des Règles des Cours fédérales pour adjuger des dépens?

 

  • [28] Puisque j’ai conclu, en me fondant sur Statham, précitée, que cette Cour n’avait pas compétence pour entendre la demande sous-jacente de contrôle judiciaire en vertu de l’article 41 de la Loi, et que le droit dans ce domaine n’a pas encore été déterminé par la Cour d’appel, je n’adjuge aucuns dépens contre l’une ou l’autre des parties.

 

 

 

ORDONNANCE

 

  La requête est rejetée sans frais. Le demandeur est libre de déposer un avis de désistement relativement à la demande sous-jacente fondée sur l’article 41 de la Loi sur l’accès à l’information.

 

 

« Yvon Pinard »

juge

 

 

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :  T-1402-09

 

INTITULÉ :    MICHAEL DAGG c MINISTER OF INDUSTRY

 

LIEU DE L’AUDIENCE :  Ottawa (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :  Le 1er décembre 2009

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :    Pinard J.

 

DATE DES MOTIFS :  Le 11 décembre 2009

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

M. Kris Klein  POUR LE DEMANDEUR

M. Shaun Brown

 

M. Brian Harvey  POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

The Law Office of Kris Klein  POUR LE DEMANDEUR

Ottawa (Ontario)

 

John H. Sims, c.r.  POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

 

 

 

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