Cour fédérale |
|
Federal Court |
Ottawa (Ontario), le 14 décembre 2009
En présence de monsieur le juge Boivin
ENTRE :
demanderesse
et
MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION
MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT
[1] Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire en vertu du paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la loi), d’une décision d’une agente d’immigration (l’agente de visa) du Haut Commissariat du Canada, rendue à Nairobi au Kenya, en Afrique le 17 juin 2009 et reçue le 27 juin 2009, rejetant la demande de visa de résident temporaire du mari de la demanderesse.
Contexte factuel
[2] La demanderesse, Kabasele Ngalamulume, réside à Ottawa et elle est résidente permanente du Canada. Elle est originaire de la République Démocratique du Congo en Afrique et elle est mariée à M. François Kayibadi Ngalamulume, qui est de nationalité congolaise de la République Démocratique du Congo. Au moment de la demande, François Kayibadi Ngalamulume vit et travaille à Kinshasa, au Congo.
[3] La demanderesse et son mari ont trois enfants. Les trois enfants vivent au Canada avec la demanderesse. Ils ont obtenu le statut de résidence permanente après avoir fait une demande de réfugié de l’intérieur du Canada.
[4] En 1997, lorsque la demanderesse est arrivée au Canada, elle a déclaré être séparée de son époux. À cette époque, elle disait que son époux de qui elle était séparé se nommait Kabangu Ngalamulume. Elle a aussi déclaré qu’elle ne savait pas où était son époux et qu’ils avaient un seul enfant. Sur la foi de ces déclarations, la demande de résidence permanente de la demanderesse a été approuvée.
[5] En 2004, la demanderesse a déclaré qu’elle était mariée à François Kayibadi Ngalamulume et qu’ils avaient trois enfants. Elle a aussi déclaré qu’elle est toujours en contact avec son mari qui vit au Congo et qui est propriétaire d’un commerce. Le 8 juillet 2004, en raison des déclarations contradictoires relatives à la composition de sa famille, un rapport d’interdiction en vertu de l’article 44 de la loi a été émis contre la demanderesse.
[6] Lors de son arrivée au Canada, la fille de la demanderesse, Moleka, a déclaré que son père se nommait Tshibuabua Luf Mwanba et que sa mère était Jacqueline Mbuyi Mwamba. En raison de ses déclarations, elle a obtenu la résidence permanente au Canada le 9 juin 1998. Par la suite, en 2004, Moleka a déclaré que la demanderesse était sa mère et que François Kayibadi Ngalamulume était son père. Le 8 juillet 2004, en raison des déclarations contradictoires relatives à la composition de sa famille, un rapport d’interdiction de territoire en vertu de l’article 44 de la loi a été émis contre Moleka.
[7] Le demandeur a fait une demande pour un visa de résidence temporaire en 2007. Les notes de l’agente de visa démontrent des inquiétudes concernant la composition de la famille et la représentation des relations familiales et la demande fut rejetée.
[8] La demanderesse a envoyé une invitation à son mari pour une visite temporaire et, le 6 juin 2009, M. Ngalamulume a fait une demande à l’Ambassade du Canada à Nairobi, Kenya pour visiter le Canada entre le 15 juin 2009 et le 30 juin 2009.
[9] Le 17 juin 2009, une agente de visa à l’Ambassade de Nairobi au Kenya a refusé la demande de visa de résident temporaire de M. Ngalamulume en raison qu’elle n’était pas convaincue que celui-ci quitterait le Canada à la fin de son séjour à titre de résident temporaire. Pour arriver à cette conclusion, elle a considéré plusieurs facteurs, dont particulièrement, ses liens familiaux au Canada et dans son pays de résidence.
[10] La demanderesse conteste cette décision et demande l’autorisation de la Cour pour entamer un contrôle judiciaire de celle-ci.
Questions en litige
[11] Cette demande présente les questions suivantes :
1. Est-ce que la décision de l’agente de visa est motivée?
2. Est-ce que la décision de l’agente de visa est raisonnable?
[12] Pour les raisons qui suivent, la demande de contrôle judiciaire sera rejetée.
Législation pertinente
[13] Le paragraphe 20(1) de la loi impose l’obligation suivante à tout étranger qui cherche à entrer ou à séjourner au Canada :
Obligation à l’entrée au Canada 20. (1) L’étranger non visé à l’article 19 qui cherche à entrer au Canada ou à y séjourner est tenu de prouver :
a) pour devenir un résident permanent, qu’il détient les visa ou autres documents réglementaires et vient s’y établir en permanence;
b) pour devenir un résident temporaire, qu’il détient les visa ou autres documents requis par règlement et aura quitté le Canada à la fin de la période de séjour autorisée. |
Obligation on entry 20. (1) Every foreign national, other than a foreign national referred to in section 19, who seeks to enter or remain in Canada must establish,
(a) to become a permanent resident, that they hold the visa or other document required under the regulations and have come to Canada in order to establish permanent residence; and
(b) to become a temporary resident, that they hold the visa or other document required under the regulations and will leave Canada by the end of the period authorized for their stay. |
[14] L’article 179 du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002-227 (le Règlement) impose l’obligation suivante aux agents de visa qui délivrent des visas de résident temporaire :
Délivrance 179. L’agent délivre un visa de résident temporaire à l’étranger si, à l’issue d’un contrôle, les éléments suivants sont établis :
a) l’étranger en a fait, conformément au présent règlement, la demande au titre de la catégorie des visiteurs, des travailleurs ou des étudiants;
b) il quittera le Canada à la fin de la période de séjour autorisée qui lui est applicable au titre de la section 2;
c) il est titulaire d’un passeport ou autre document qui lui permet d’entrer dans le pays qui l’a délivré ou dans un autre pays;
d) il se conforme aux exigences applicables à cette catégorie;
e) il n’est pas interdit de territoire;
f) il satisfait aux exigences prévues à l’article 30. |
Issuance 179. An officer shall issue a temporary resident visa to a foreign national if, following an examination, it is established that the foreign national
(a) has applied in accordance with these Regulations for a temporary resident visa as a member of the visitor, worker or student class;
(b) will leave Canada by the end of the period authorized for their stay under Division 2;
(c) holds a passport or other document that they may use to enter the country that issued it or another country;
(d) meets the requirements applicable to that class;
(e) is not inadmissible; and
(f) meets the requirements of section 30. |
Norme de contrôle
[15] Suivant la décision de la Cour suprême dans Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 R.C.S. 190, la Cour fédérale applique la norme de contrôle de la décision raisonnable aux décisions d’agents de visa de délivrer un visa de résident temporaire (Dunsmuir; Odicho c. Canada (Ministre de la citoyenneté et de l’immigration), 2008 CF 1039, 341 F.T.R. 18; Obeng c. Canada (Ministre de la citoyenneté et de l’immigration), 2008 CF 754, 330 F.T.R. 196 au par. 21).
[16] La décision de délivrer un visa de résidence temporaire pour venir au Canada est une décision discrétionnaire de l’agente de visa. Un degré de déférence substantiel est accordé aux décisions des agents de visa relatives aux visas de résident temporaire, ces décisions impliquant plus souvent qu’autrement une question de fait. De plus, les agents de visa ont une spécialisation reconnue dans l’analyse et l’évaluation de demandes de visa de résident temporaire (Obeng au par. 21). La Cour doit donc faire preuve de retenue face à cette décision dans le cadre d’une demande de contrôle judiciaire (De la Cruz c. Canada (Ministre de l’emploi et de l’immigration), (1988), 26 F.T.R. 285, 14 A.C.W.S. (3d) 81; Ji c. Canada (Ministre de la citoyenneté et de l’immigration), 2001 CFPI 786, 107 A.C.W.S. (3d) 125).
1. Est-ce que la décision de l’agente de visa est motivée?
[17] La demanderesse soutient que l’agente de visa a injustement pénalisé le demandeur de visa de résident temporaire car elle n’a pas expliqué la raison du refus de la demande. Plus précisément, l’agente de visa n’a pas expliqué quel élément ou quelle composante de ses liens familiaux au Canada et dans son pays de résidence ne satisfait pas à l’étude de son dossier. Bref, pour la demanderesse, il s’agit d’une décision vague et subjective qui ne permet aucune action future de la part du demandeur de visa débouté. La demanderesse soumet que l’agente de visa a aussi erré en droit en basant sa décision sur des faits erronés ou faussement interprétés. Le mari de la demanderesse a fourni tous les renseignements et documents exigés qui répondent aux exigences de visa de résident temporaire de la loi et du Règlement.
[18] Le défendeur allègue au contraire que la décision de l’agente de visa est raisonnable compte tenu de la documentation et de l’information devant elle, notamment le fait que l’épouse et les enfants du demandeur de visa vivent au Canada et que la femme et les enfants du demandeur de visa ont obtenu la résidence permanente au Canada en faisant une demande de réfugié de l’intérieur du Canada. De plus, il existe des rapports d’interdiction du territoire contre la demanderesse et l’une de ses filles, car elles ont fait des représentations fausses et contradictoires relatives à la composition de leur famille, afin d’obtenir la résidence permanente au Canada.
[19] Le défendeur soutient qu’il existe une présomption que l’agente de visa a évalué et a considéré toutes les preuves qui lui sont présentées, à moins que le contraire ne soit établi, ce qui n’est pas le cas en l’espèce (Florea c. Canada (Ministre de l’emploi et de l’immigration), [1993] A.C.F. no 598 (QL) (C.A.F.) au par. 1).
[20] Il est de jurisprudence constante qu’un agent de visa doit motiver ses décisions de façon minimale en refusant une demande de visa de résident temporaire (Da Silva c. Canada (Ministre de la citoyenneté et de l’immigration), 2007 CF 1138, 161 A.C.W.S. (3d) 974; Obeng au par. 39; Singh v. Canada (Minister of Citizenship and Immigration), 2009 FC 621, [2009] F.C.J. no. 798 (QL) au par. 9; Jesuorobo v. Canada (Minister of Citizenship and Immigration), 2007 FC 1092, 163 A.C.W.S. (3d) 126 au par. 11).
[21] En l’espèce, l’agente de visa a en effet motivé sa décision à l’aide des notes du STIDI et les motifs sont fondés sur la preuve au dossier. L’agente de visa a résumé la preuve qu’elle avait devant elle et l’a évaluée en mettant en exergue notamment l’historique des fausses déclarations antérieures et les forts liens familiaux qui existent au Canada pour le mari de la demanderesse. Les notes suffisent à communiquer au demandeur les raisons pour lesquelles sa demande de visa de résidence temporaire a été refusée (Mendoza c. Canada (Ministre de la citoyenneté et de l’immigration), 2004 CF 687, 131 A.C.W.S. (3d) 323 au par. 4). Comme le soulignait mon collègue le juge Lagacé : « Un demandeur ne saurait espérer d’un agent des visas le genre de décision que les cours de justice rendent généralement » (Obeng au par. 39).
[22] À la suite d’une lecture des documents en question, la Cour est d’avis que la décision de l’agente en l’espèce, jumelée aux notes du STIDI, établissent de façon claire la raison pour laquelle la demande de visa de résident temporaire de M. Ngalamulume a été refusée. Compte tenu des critères jurisprudentiels ci-haut mentionnés, la décision de l’agente est donc suffisamment motivée.
3. Est-ce que la décision de l’agente de visa est raisonnable?
[23] La demanderesse soutient que l’agente de visa a erré en droit en décidant que le demandeur de visa de résident temporaire ne remplit pas les conditions légales et réglementaires et en basant sa décision sur des faits erronés ou faussement interprétés pour arriver à sa décision de refuser la demande.
[24] Selon le défendeur, une revue des notes STIDI démontre que l’agente de visa a effectué une analyse complète et approfondie de la demande de visa de résident temporaire de M. Ngalamulume. Après avoir considéré les documents fournis à l’appui de la demande, l’agente de visa n’a pas été convaincue que M. Ngalamulume quitterait le Canada après son séjour autorisé. Par conséquent, en vertu de la loi et du Règlement, l’agente de visa devait refuser la demande de résident temporaire de M. Ngalamulume. Le défendeur soutient que cette décision était ouverte à l’agente de visa, notamment car la preuve dans le dossier démontre que M. Ngalamulume a des liens de parenté plus forts au Canada qu’au Congo, étant donné que sa femme et ses enfants vivent au Canada.
[25] Il existe une présomption légale selon laquelle l’étranger qui cherche à entrer au Canada est présumé être un immigrant et il lui appartient de réfuter cette présomption. Par conséquent, il incombait à M. Ngalamulume de prouver à l’agente de visa, et ce, en présentant les documents pertinents à l’appui de sa demande, qu’il n’était pas un immigrant et qu’il quitterait le Canada à la fin de la période autorisée. M. Ngalamulume n’a pas réfuté cette présomption (Obeng au par. 20; Danioko c. Canada (Ministre de la citoyenneté et de l’immigration), 2006 CF 479, 292 F.T.R. 1).
[26] L’agente a examiné l’ensemble de la preuve devant elle et la Cour est d’avis qu’elle n’a pas tiré de conclusion de fait erronée ou non pertinente. Le demandeur de visa devait fournir les documents requis à l’appui de sa demande pour convaincre l’agente que sa visite était crédible et temporaire et qu’il retournerait au Congo à la fin du séjour accordé.
[27] A l’audience, le défendeur a porté à l’attention de la Cour certains documents à l’appui de des prétentions de la demanderesse (voir le paragraphe 15 de l’affidavit de Kabasele Ngalamulume ainsi que les relevés de comptes de la Banque Royale du Canada en date du 17 octobre 2009). Il est important de noter que les documents en question ne faisaient pas partie du dossier déposé devant l’agente et en vertu duquel cette dernière a statué. La Cour note aussi que ces documents sont absents du dossier déposé à la Cour. En conséquence, les documents ci-haut mentionnés à l’appui des prétentions du demandeur n’ont pas été constitués en preuve et sont donc écartés par la Cour.
[28] Ainsi, après avoir considéré l’ensemble des éléments de preuve soumis par le demandeur de visa, l’agente de visa n’était pas convaincue que ce dernier s’était acquitté de son fardeau de démontrer qu’il satisfaisait aux exigences de la loi et du Règlement. En particulier, la preuve au dossier démontre que la femme et les enfants de M. Ngalamulume avaient fait des déclarations fausses et contradictoires relatives à la composition de leur famille afin d’obtenir la résidence permanente au Canada. L’agente de visa a raisonnablement conclu que la preuve n’établissait pas que M. Ngalamulume quitterait le Canada à la fin de son séjour (Obeng au par. 36).
[29] Il apparaît clairement que le refus de l’agente de visa s’expliquait par le fait, qu’à la lumière des documents dont elle disposait pour prendre sa décision, elle ne croyait pas que le demandeur de visa avait l’intention de retourner au Congo.
[30] Dans les circonstances, l’agente de visa n’a pas erré en droit et il n’appartient pas à la Cour de substituer son jugement au sien ou d’analyser différemment les documents à l’appui d’une demande (Obeng au par. 40).
[31] La demande de contrôle judiciaire est donc rejetée. Les parties n’ont pas soulevé de question à certifier et ce dossier n’en contient aucune.
JUGEMENT
LA COUR ORDONNE ET ADJUGE que la demande de contrôle judiciaire est rejetée. Aucune question n’est certifiée.
« Richard Boivin »
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : IMM-3411-09
INTITULÉ : Kabasele Ngalamulume c. MCI
LIEU DE L’AUDIENCE : Ottawa, Ontario
DATE DE L’AUDIENCE : Le 7 décembre 2009
MOTIFS DU JUGEMENT : LE JUGE BOIVIN
DATE DES MOTIFS : Le 14 décembre 2009
COMPARUTIONS :
Dr. Séverin Ndema-Moussa
|
POUR LA DEMANDERESSE |
Me Agnieszka Zagorska
|
POUR LE DÉFENDEUR |
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Ndmea-Moussa Law Office Ottawa, Ontario
|
POUR LA DEMANDERRESSE |
John H. Sims, c.r. Sous-procureur général du Canada
|
POUR LE DÉFENDEUR |