Ottawa (Ontario), le 19 novembre 2009
En présence de madame la juge Tremblay-Lamer
ENTRE :
demandeur
et
ET DE L’IMMIGRATION
MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT
[1] Il s’agit d’un appel par Karim Oueida (« l’appelant ») en vertu du paragraphe 14(5) de la Loi sur la citoyenneté, L.R.C. 1985, ch. C-29 (la « Loi »), d’une décision du juge de citoyenneté, rendue le 5 décembre 2007, rejetant la demande de citoyenneté présentée par l’appelant.
[2] L’appelant est un citoyen du Liban. Il a été admis au Canada à titre de résident permanent en novembre 1998. Il s’est inscrit au collège Dawson en août 2001 et par la suite à l’université Concordia.
[3] Il a présenté sa demande de citoyenneté le 8 novembre 2004, alléguant avoir été absent du Canada pour une durée totale de 262 jours durant la période de référence (du 8 novembre 2000 au 8 novembre 2004). Il disait donc avoir un nombre amplement suffisant de jours de résidence pour obtenir sa citoyenneté.
[4] Le juge de citoyenneté a conclu que l’appelant n’avait pas démontré à sa satisfaction qu’il était effectivement au Canada de novembre 2000 à août 2001, et a rejeté sa demande.
[5] Le juge de citoyenneté a noté que l’appelant lui a déclaré n’avoir absolument rien fait durant cette période. L’appelant n’a également présenté aucun document démontrant qu’il était au Canada pendant ce temps – pas de relevés bancaires ou de cartes de crédit, pas de relevés d’emploi (l’appelant n’a, en fait, jamais travaillé), pas de factures (celles qu’il a soumises commençaient justement en septembre 2001), pas de bail.
[6] Le juge de citoyenneté a également accordé beaucoup de poids à une déclaration de l’appelant, qu’il n’a pas trouvé plausible, à l’effet que celui-ci habitait un logement de trois pièces et demie (dont une chambre) avec ses parents. Selon le juge de citoyenneté, cela était impensable, d’autant plus que l’appelant a affirmé que sa famille n’était pas sans moyens financiers.
[7] En somme, le juge de citoyenneté a trouvé que l’appelant n’avait pas présenté de preuves suffisantes pour démontrer qu’il avait vécu au Canada les 1095 jours requis par la Loi, et a donc rejeté sa demande.
[8] L’appelant soutient principalement que le juge de citoyenneté a omis de prendre en considération certains éléments de preuve qui démontraient sa présence au Canada pendant la période en question. Il est établi en jurisprudence que le juge de citoyenneté n’a pas à mentionner tous les éléments de preuve (Cheng c. Canada (ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2000] A.C.F. no 614 (QL). Cependant, lorsque la preuve est pertinente et appuie les prétentions d’un demandeur, le fait de ne pas mentionner un élément de preuve important peut entacher la décision d’un juge de citoyenneté.
[9] En l’espèce, les passeports du demandeur ainsi que son rapport d’impôt 2000 sont, selon moi, de tels éléments. Le juge de citoyenneté n’y fait pas allusion dans ses motifs, mais les visas dans les passeports du demandeur correspondent exactement aux périodes d’absence qu’il a déclarées, ce qui constitue prima facie une preuve matérielle de sa présence au Canada pendant la période de novembre 2000 à août 2001.
[10] De plus, l’importance qu’accorde le juge de citoyenneté à l’affirmation du demandeur que celui-ci habite un petit appartement avec ses parents, ce qui semble lui faire croire que le demandeur ne se trouvait peut-être pas au Canada pendant toute la période de référence, me paraît difficilement compréhensible.
[11] Qui plus est le juge de citoyenneté accepte que le demandeur se trouvait au Canada de septembre 2001 à novembre 2004, ainsi que par la suite, alors qu’il habitait toujours ce même petit appartement. Les doutes du juge de citoyenneté concernant la période de novembre 2000 à août 2001 me paraissent donc difficilement intelligibles dans la mesure où ils sont fondés sur cette situation. Encore une fois, les passeports étaient là en preuve ainsi que le rapport d’impôt 2000 et appuyaient les affirmations du demandeur. Le juge de citoyenneté est silencieux quant au poids qu’il accordait à cette preuve. De ce fait, je suis d’avis que sa décision manque de justification, de transparence et d’intelligibilité (Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 R.C.S. 190, au par. 47) et n’est donc pas raisonnable.
[12] En conséquence, l’appel est accueilli et l’affaire est renvoyée à un autre juge de citoyenneté pour une nouvelle étude.
JUGEMENT
LA COUR ORDONNE ET ADJUGE que :
L’appel est accueilli. Le dossier est retourné à un autre juge de citoyenneté pour une nouvelle étude.
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : T-1327-08
INTITULÉ : OUEIDA KARIM c. MCI
LIEU DE L’AUDIENCE : Montréal (Québec)
DATE DE L’AUDIENCE : le 17 novembre 2009
ET JUGEMENT : LE JUGE TREMBLAY-LAMER
DATE DES MOTIFS : le 19 novembre 2009
COMPARUTIONS :
Anthony Karkar
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POUR LE DEMANDEUR |
Suzanne Trudel
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POUR LE DÉFENDEUR |
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Anthony Karkar Montréal (Québec)
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POUR LE DEMANDEUR |
John H. Sims, c.r. Sous-procureur général du Canada Montréal (Québec)
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POUR LE DÉFENDEUR |