Cour fédérale |
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Federal Court |
Ottawa (Ontario), le 21 septembre 2009
En présence de monsieur le juge Barnes
ENTRE :
demanderesse
et
ET DE L’IMMIGRATION
défendeur
MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT
[1] La présente demande de contrôle judiciaire vise à contester une décision rejetant la demande de visa présentée par la demanderesse à titre de travailleuse qualifiée. La décision faisant l’objet du contrôle a été rendue le 20 octobre 2008 par le haut-commissariat du Canada à New Delhi, en Inde. La décision repose strictement sur l’omission par Mme Kaur et son avocat de fournir des éléments de preuve supplémentaires à l’appui de la demande, y compris une preuve de compétence linguistique ainsi qu’une preuve de soutien familial et financier. La question soulevée dans la présente demande est de savoir qui du défendeur ou Mme Kaur qui doit subir les conséquences du problème apparent de communication entre les deux parties.
I. Contexte
[2] Mme Kaur est une citoyenne de l’Inde. Le 10 octobre 2003, elle a demandé la résidence permanente au titre de la catégorie des travailleurs qualifiés. Elle a joint à sa demande une autorisation permettant au haut-commissariat de traiter avec M. Dalwinder Hayer, son « représentant canadien ». Cette autorisation comprenait l’adresse professionnelle, le numéro de téléphone, le numéro de télécopieur ainsi que l’adresse de courriel de M. Hayer. Ce dernier a fourni des documents supplémentaires au haut‑commissariat, accompagnées de lettres datées du 29 septembre 2003 et du 28 mars 2004. Ces lettres contenaient les mêmes coordonnées que l’autorisation antérieure, dont l’adresse de courriel de M. Hayer. Le 20 septembre 2007, M. Hayer a envoyé un message par télécopieur au haut-commissariat, pour lui fournir la nouvelle adresse postale de son bureau. La page de télécopie indiquait le numéro de téléphone et le numéro de télécopieur de M. Hayer, qui n’avaient pas changé, mais ne contenait pas de renseignements au sujet d’une adresse de courriel.
[3] Le 13 mai 2008, le haut-commissariat a envoyé un long message à l’adresse de courriel de
M. Hayer. Le courriel indiquait que de nombreux renseignements additionnels étaient demandés, et se terminait avec la mise en garde suivante :
[traduction]
Notre bureau doit recevoir l’information sollicitée dans les 90 jours suivant la date de la présente lettre. Si nous ne recevons pas les documents sollicités au cours de la période susmentionnée, nous allons rendre une décision sur votre demande à partir des renseignements et des documents que nous avons déjà à notre disposition. Nous ne demanderons pas de documentation supplémentaire à l’appui de votre demande. Vous devez par conséquent fournir des documents et des renseignements complets et détaillés cette fois-ci.
[souligné dans l’original]
La demande de visa de Mme Kaur a été rejetée vu que celle-ci n’a pas répondu à la demande.
[4] Mme Kaur affirme que ni elle, ni M. Hayer n’ont reçu le courriel. Dans son affidavit, elle déclare que l’adresse de courriel qu’a utilisé le haut-commissariat « ne fonctionne pas », mais elle n’a pas fourni de détails précisant depuis quand, ni pourquoi il en était ainsi. La preuve fournie par les témoins du défendeur indique que la demande a été envoyée à la dernière adresse de courriel connue de M. Hayer et qu’aucun avis de défaut de livraison n’a été reçu par la suite.
II. Question en litige
[5] Le haut-commissariat a-t-il commis une erreur lorsqu’il a utilisé la dernière adresse de courriel connue de M. Hayer pour communiquer avec lui afin de lui envoyer la demande de renseignements supplémentaires?
III. Analyse
[6] La présente affaire soulève le problème relativement courant de l’omission par un demandeur de répondre à une demande de renseignements additionnels causée par ce qui semble être un problème de communication. La Cour doit déterminer quelle partie doit subir les conséquences de ce problème. Comme l’a fait valoir de manière très éloquente M. Garvin, selon la jurisprudence, « cela dépend ». Je suis prêt à considérer de façon purement hypothétique que la question en est une d’équité procédurale, qui devrait faire l’objet d’un examen selon la norme de la décision correcte.
[7] Il a été soutenu, au nom de Mme Kaur, que l’élément de preuve du défendeur qui confirmait l’envoi du courriel de la part du haut-commissariat n’est pas fiable et ne devrait pas être acceptée. Cependant, il n’est possible de tirer qu’une seule inférence logique de la preuve présentée devant moi : le courriel de demande du haut-commissariat a été envoyé à la dernière adresse de courriel connue de M. Hayer. Il ne serait que conjecture de suggérer quoique ce soit d’autre. Si l’on accepte la preuve de Mme Kaur voulant que l’adresse de courriel de M. Hayer n’existait plus, il est probable que la communication n’ait jamais été reçue et, par conséquent, qu’on y ait jamais répondu. C’est en tenant compte de ce contexte factuel que l’on doit étudier la jurisprudence pertinente.
[8] M. Hayer prétend que le défendeur doit assumer le risque dans les circonstances, parce que le haut-commissariat a toujours utilisé la poste régulière pour communiquer avec lui, et qu’il a raisonnablement tenu pour acquis que celui-ci continuerait à communiquer avec lui de cette façon. Il prétend aussi qu’il était déraisonnable pour l’agent des visas du haut‑commissariat de présumer que son adresse de courriel était toujours opérationnelle, étant donné que son dernier changement d’adresse ne faisait pas référence à une adresse de courriel. La présente affaire, dit‑il, ne se distingue pas de Dhoot c. Canada, (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 1295, 57 Imm. L.R. (3d) 153, laquelle portait sur une tentative avortée de communication par télécopieur de la part d’un agent des visas. L’on a alors conclu que l’omission du demandeur de se présenter à l’entrevue était imputable au défendeur.
[9] Le défendeur a renvoyé aux décisions rendues par la juge Judith Snider dans Shah c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2007 CF 207, 155 A.C.W.S. (3d) 656,
et Sawnani c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2007 CF 206, 60 Imm. L.R. (3d) 154, lesquelles énonçaient les principes suivants :
En général, il incombe aux agents d’immigration postés dans les bureaux des visas à l’étranger de s’assurer qu’un avis d’entrevue est envoyé. La Cour doit être convaincue que l’avis a bien été envoyé (décisions Herrara, Ilahi et Dhoot, précitées). La preuve doit être examinée dans chaque cas, mais si la réception de la télécopie au numéro fourni par un demandeur ou par son conseiller est établie, alors cette preuve suffit en principe. Si personne n’est présent pour recevoir la télécopie, s’il y a un mauvais fonctionnement de l’équipement de réception, ou encore s’il se produit des erreurs administratives, lorsque par exemple un conseiller a négligé d’informer son client, il s’agit là de problèmes dont les agents d’immigration ne sauraient être tenus responsables.
Voir Shah, précitée, au paragraphe 9.
[10] Il me semble que la juge Snider a conclu à juste titre que la jurisprudence est uniforme. Dans Dhoot, précité, la preuve portant que l’agent des visas n’avait pas correctement envoyé la lettre au demandeur était « écrasante ». En l’espèce, la situation est différente, parce que le courriel a été envoyé à une adresse que l’agent croyait valide et qu’aucun avis contraire n’avait été donné au haut-commissariat.
[11] La croyance de M. Hayer que le haut-commissariat continuerait de communiquer avec lui par la poste régulière était plutôt hasardeuse, comme en attestent les faits. Il n’était pas raisonnable pour lui de s’attendre à ce que le haut-commissariat infère, à partir de l’absence de mention d’une adresse de courriel dans sa dernière lettre, que son adresse de courriel ne soit plus en fonction. Mme Kaur et M. Hayer auraient pu éviter ce risque simplement en mentionnant au haut‑commissariat que l’adresse de courriel répertoriée précédemment n’était plus valide, exactement comme l’avait fait M. Hayer pour son adresse postale. Après tout, le courriel est un moyen de communication professionnel courant : il est rapide, efficace et fiable, et il n’était pas déraisonnable ou injuste de la part du haut-commissariat de s’y être fié. Dans les circonstances, l’envoi avorté du courriel n’était attribuable qu’à la croyance injustifiée de M. Hayer ainsi qu’à son omission de fournir des coordonnées personnelles complètes et précises au haut‑commissariat.
[12] En résumé, lorsqu’une lettre est envoyée correctement par un agent des visas à une adresse (électronique ou autre) fournie par un demandeur, que cette adresse n’a pas fait l’objet d’une révocation ou d’une révision, et qu’on a reçu aucun indice de la possibilité que la communication ait échoué, le risque de défaut de livraison repose sur les épaules du demandeur, et non du défendeur. Par conséquent, la présente demande doit être rejetée.
[13] Aucune des parties n’a proposé de question à certifier, et aucune question de portée générale ne découle du dossier.
JUGEMENT
LA COUR STATUE QUE la présente demande de contrôle judiciaire est rejetée.
« R. L. Barnes »
Juge
Traduction certifiée conforme
Maxime Deslippes, LL.B., B.A. Trad.
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : IMM-5726-08
INTITULÉ : KAUR
c.
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ
ET DE L’IMMIGRATION
LIEU DE L’AUDIENCE : Calgary (Alberta)
DATE DE L’AUDIENCE : Le 15 septembre 2009
MOTIFS DU JUGEMENT
DATE DES MOTIFS
ET DU JUGEMENT : Le 21 septembre 2009
COMPARUTIONS :
Dalwinder S. Hayer 403-235-4197
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POUR LE DEMANDEUR |
Rick Garvin 780-495-4317
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POUR LE DÉFENDEUR |
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Dalwinder S. Hayer Avocat Calgary (Alberta)
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POUR LE DEMANDEUR
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John H. Sims, c.r. Sous-procureur général du Canada
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POUR LE DÉFENDEUR |