Cour fédérale |
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Federal Court |
Montréal (Québec), le 17 novembre 2009
En présence de monsieur le juge Harrington
ENTRE :
SEMPERTEGUI
et
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ
ET DE L’IMMIGRATION
défendeur
MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE
[1] Immédiatement après l’audience, j’ai mentionné que j’accueillerais la demande de contrôle judiciaire, et j’ai brièvement exposé les motifs de ma décision. Les voici, dans une version quelque plus détaillée.
[2] Mme Sempertegui est une citoyenne de la Bolivie. Elle est dans la vingtaine, n’est pas mariée et n’a pas d’enfants; ces facteurs ont joué un rôle dans la décision de l’agente des visas de refuser de lui délivrer un visa de résidente temporaire afin de lui permettre de suivre des cours de français à Montréal.
[3] Il y a de cela sept ou huit ans, elle est devenue amie avec une Canadienne qui était en Bolivie pour un voyage éducatif. À la fin de 2006, le frère de celle-ci et son épouse avaient besoin d’une aide familiale pour leurs trois jeunes enfants. Mme Sempertegui a été contactée, et elle a présenté une demande au début 2007 pour venir au Canada à titre d’aide familiale. Sa demande de permis de travail a été refusée, parce qu’elle ne satisfaisait pas à l’exigence d’une année d’expérience pertinente énoncée dans le règlement.
[4] Ce problème a été résolu à l’automne 2008, et une deuxième demande de permis de travail a été présentée. Elle a aussi été refusée, cette fois, en raison d’un échec à l’examen de langue, le français dans son cas.
[5] La présente demande de contrôle judiciaire découle d’une troisième demande présentée par Mme Sempertegui. Il s’agissait cette fois d’une demande de permis d’études visant à étudier le français, dans le but à long terme avoué de demander à nouveau un permis de travail à titre d’aide familiale.
[6] L’agente des visas a donné deux motifs pour expliquer son refus. Premièrement, elle n’était pas convaincue que la demanderesse avait les moyens financiers et, deuxièmement, elle n’était pas convaincue que Mme Sempertegui quitterait le Canada lorsque son visa de résidente temporaire serait échu. Ces deux motifs ont été examinés de manière assez détaillée au stade de la demande d’autorisation. Ce n’est qu’après que l’autorisation fut octroyée, lorsque l’agente a dû produire le dossier du tribunal, qu’elle a réalisé qu’elle avait commis une erreur. Il existe, semble-t-il, un modèle qui dresse une liste de cinq motifs pour lesquels une demande de ce genre peut être refusée. L’agente des visas avait l’intention de ne donner qu’un seul motif : elle n’était pas convaincue que Mme Sempertegui quitterait le Canada lorsque son permis d’études serait échu. Cela ne démontre pas grand chose, à l’exception d’un manque de souci du détail.
[7] En effet, les notes de l’agente laissent entendre qu’il pouvait y avoir une autre raison. L’agente soupçonnait Mme Sempertegui de vouloir travailler ici de manière illégale alors qu’elle suivrait ses cours de français. Puisque le modèle contient aussi une case « autres motifs », il est possible de se demander si l’agente avait l’intention d’ajouter le travail illégal comme motif additionnel pour refuser de délivrer un visa
[8] À part le fait que Mme Sempertegui est une femme célibataire dans la vingtaine, aucune autre raison n’a été donnée pour justifier le soupçon qu’elle ne quittera pas le Canada à l’expiration de son visa. Bien qu’il soit possible qu’elle ait une double intention, le paragraphe 22(2) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés prévoit expressément qu’il ne s’agit pas d’un motif de rejeter une demande.
[9] Certes, il incombe au demandeur de convaincre l’agent, mais certains agents ne se laisseront jamais convaincre, peu importe la situation. Mme Sempertegui a un père veuf et deux sœurs qui vivent en Bolivie. Les notes consignées par l’agente au STIDI ne font pas état pas ce fait. Les doutes de l’agente des visas n’étaient pas fondés sur des inférences raisonnables tirées des faits connus, et la décision est donc déraisonnable.
[10] Ses liens avec la Bolivie n’ont pas été expliqués, pas plus que le fait qu’on a amplement démontré que Mme Sempertegui et ses répondants respectent les règles. La décision n’a aucun fondement objectif.
ORDONNANCE
LA COUR ORDONNE que :
1. Le contrôle judiciaire est accueilli.
2. L’affaire est renvoyée à un autre agent pour nouvelle décision.
3. Il n’y a pas de question grave de portée générale à certifier.
« Sean Harrington »
Traduction certifiée conforme
Maxime Deslippes, LL.B., B.A. Trad.
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : IMM-2176-09
INTITULÉ : Graciela Serrudo Sempertegui c.
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ
ET DE L’IMMIGRATION
LIEU DE L’AUDIENCE : Montréal (Québec)
DATE DE L’AUDIENCE : Le 17 novembre 2009
MOTIFS DE L’ORDONNANCE
ET ORDONNANCE : Le juge Harrington
DATE DES MOTIFS
ET DE L’ORDONNANCE : Le 17 novembre 2009
COMPARUTIONS :
Jean-François Bertrand
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POUR LE DEMANDEUR |
Mireille-Anne Rainville |
POUR LE DÉFENDEUR |
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AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Bertrand, Deslauriers Montréal (Québec)
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POUR LE DEMANDEUR |
John H. Sims, c.r. Sous-procureur général du Canada Montréal (Québec) |
POUR LE DÉFENDEUR |