Federal Court |
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Cour fédérale |
Date : 20090629
Dossier : IMM‑5203‑08
Référence : 2009 CF 677
Ottawa (Ontario), le 29 juin 2009
En présence de monsieur le juge de Montigny
ENTRE :
demandeur
et
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION
défendeur
MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE
[1] Le demandeur sollicite, en application de l’article 72 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la LIPR), le contrôle judiciaire d’une décision, datée du 29 octobre 2008, de la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada (la Commission), décision par laquelle la Commission a conclu que le demandeur n’était ni un réfugié au sens de la Convention ni une personne à protéger.
RÉSUMÉ DES FAITS
[2] M. Chen est originaire de la province du Fujian en République populaire de Chine (Chine). Il est âgé de 46 ans, il est marié et il a deux enfants. Il est arrivé au Canada pour affaires le 16 septembre 2006, et son retour était prévu pour le 23 septembre 2006. Il a présenté une demande d’asile pendant qu’il était au Canada, au motif qu’il craignait d’être persécuté en Chine en raison de sa religion.
[3] Dans l’exposé circonstancié de son Formulaire de renseignements personnels (le FRP), le demandeur a expliqué qu’un ami l’avait initié au christianisme en Chine. Le 15 mai 2005, il a commencé à fréquenter la célébration du dimanche d’une église clandestine et parfois il y assistait en tant que guetteur. Il a été baptisé en Chine le 16 avril 2006.
[4] Le 22 septembre 2006, un jour avant l’expiration de son visa de visiteur, le demandeur a téléphoné à son épouse en Chine. Elle lui a dit que l’église clandestine qu’il fréquentait avait été découverte par le Bureau de la sécurité publique (BSP) la veille (le 21 septembre 2006), et que deux membres de l’Église avaient été arrêtés. Son épouse lui a aussi dit que les représentants du BSP étaient venus le chercher chez eux relativement à ses activités religieuses illégales.
[5] Au lieu de retourner en Chine, M. Chen est resté à Toronto et il a présenté une demande d’asile le 25 septembre 2006. Il demeure au Canada depuis et il allègue que les représentants du BSP continuent de se rendre chez lui, en Chine.
[6] Le demandeur déclare qu’il se rend régulièrement aux célébrations de l’Église dénommée Living Water Assembly Church [l’Église de l’assemblée de l’eau vive] à Toronto, en Ontario. Il y a été baptisé par le pasteur David Ko le 25 décembre 2006.
[7] Une audience relative à la demande d’asile s’est tenue à Toronto le 16 juillet 2008. Le demandeur était représenté par un avocat et la langue de l’interprétation était le mandarin. Le demandeur avait de la difficulté à comprendre l’interprète et il a déclaré préférer avoir une interprétation en dialecte fuzhou. L’audience relative à sa demande d’asile a été ajournée au 17 septembre 2008. Lors de cette audience, M. Chen était représenté par un avocat et il a témoigné par l’entremise d’un interprète qui parlait fuzhou.
LA DÉCISION CONTESTÉE
[8] Par une décision datée du 29 octobre 2008, la Commission a conclu que le demandeur n’était ni un réfugié au sens de la Convention ni une personne à protéger. La question décisive portait sur son manque de crédibilité.
[9] Dans son FRP, le demandeur a déclaré que les représentants du BSP étaient allés le chercher chez lui. Dans son témoignage lors de l’audience, il a déclaré que les représentants du BSP s’étaient rendus chez lui vingt fois depuis la découverte de l’église clandestine qu’il fréquentait. Il a aussi admis qu’il devait obtenir la permission du gouvernement chinois avant de pouvoir quitter la Chine pour se rendre au Canada. La Commission a estimé qu’il était invraisemblable que les autorités chinoises aillent le chercher chez lui puisqu’elles savaient qu’il n’était pas encore revenu du Canada. Le demandeur a expliqué que les représentants du BSP se sont rendus chez lui pour menacer son épouse afin de l’inciter à se rendre. Lorsqu’on a demandé au demandeur pourquoi il n’avait pas fait une telle déclaration au début, le demandeur a répondu que la question ne lui avait pas été posée. De cette contradiction dans le témoignage du demandeur, la Commission a tiré une conclusion défavorable et elle a conclu que, selon la prépondérance de la preuve, les représentants du BSP ne s’étaient pas rendus chez le demandeur, en Chine, à sa recherche et qu’ils n’avaient pas non plus menacé son épouse.
[10] La Commission a aussi conclu qu’il était déraisonnable que le demandeur, une semaine avant son voyage au Canada, pour ce qu’il décrivit comme étant une « occasion d’affaires rentable », s’exposât au risque d’être arrêté pour avoir assisté à une célébration d’une église clandestine. Le demandeur a répliqué qu’un tel risque n’était pas un facteur à prendre en considération parce qu’il croyait en Jésus et que c’était la seule chose qu’il avait à l’esprit.
[11] Lors de l’audience, la commissaire a demandé au demandeur si le fait que le BSP a découvert l’église clandestine deux jours avant l’expiration de son visa de visiteur au Canada et que les représentants du BSP se soient rendus chez lui à sa recherche le jour où son visa a expiré était une coïncidence. La seule explication que le demandeur a pu fournir était que « c’était ce qui était arrivé ». La Commission a conclu que, selon la prépondérance de la preuve, cette coïncidence était invraisemblable.
[12] La Commission a fait référence aux documents produits à l’appui de la demande du demandeur, à savoir une lettre du pasteur Ko qui confirmait que le demandeur fréquentait l’église depuis le 24 septembre 2006 et une copie de son acte de baptême. La Commission a aussi admis que le demandeur avait une connaissance de base du christianisme. Bien que la commissaire ait admis que le demandeur fréquentait une église chrétienne au Canada, elle a conclu que, selon la prépondérance de la preuve, le demandeur avait acquis cette connaissance du christianisme au Canada pour appuyer sa demande inventée, et non pas parce qu’il est bien engagé dans la religion chrétienne. La Commission a conclu que la demande du demandeur n’avait pas été faite de bonne foi.
[13] Après avoir conclu que le demandeur n’est pas, et n’a jamais été, membre d’une église clandestine en Chine et qu’il n’est pas un véritable chrétien au Canada, la Commission a conclu que le demandeur pouvait retourner en Chine sans crainte de persécution. La Commission a aussi conclu que, si le demandeur voulait devenir chrétien et pratiquer sa foi en Chine, il pouvait le faire librement dans une église enregistrée. La Commission a cité des éléments de preuve documentaire à l’appui de cette conclusion.
[14] La Commission a aussi fait observer que l’allégation du demandeur selon laquelle les représentants du BSP s’étaient rendus à son domicile en Chine avait eu un effet négatif sur sa famille. Le demandeur a déclaré que ses enfants, qui sont étudiants à l’université, supportent de lourds fardeaux parce qu’ils doivent travailler après l’école pour subvenir à leurs propres besoins et que son épouse est malade. La Commission a déclaré qu’il s’agit d’une pratique courante pour les étudiants de tous les pays de travailler pendant leurs études.
LES QUESTIONS EN LITIGE
[15] Deux questions sont soulevées dans le cadre du présent contrôle judiciaire :
a. La Commission a‑t‑elle commis une erreur dans son évaluation de la crédibilité du demandeur?
b. La Commission a‑t‑elle commis une erreur lorsqu’elle a conclu que le demandeur n’était pas, qu’il n’est toujours pas un chrétien et qu’il ne serait donc pas exposé à un risque s’il retournait en Chine?
ANALYSE
[16] Dans Dunsmuir c. Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9, la Cour suprême du Canada a conclu qu’il n’est pas nécessaire de procéder à une analyse relative à la norme de contrôle dans chaque affaire. Lorsque la norme de contrôle applicable à la question particulière dont la cour est saisie est bien établie par la jurisprudence, la cour de révision peut adopter cette norme.
[17] La question principale qui se pose en l’espèce a trait aux conclusions de la Commission relatives à la crédibilité. La jurisprudence récente établit que la raisonnabilité est la norme de contrôle appropriée pour de telles conclusions de fait : voir, par exemple, Sun c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 1255, au paragraphe 3; Chen c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 1168, au paragraphe 12.
[18] Lorsque la Cour contrôle une décision selon la raisonnabilité, son analyse doit tenir à la justification de la décision, à la transparence et à l’intelligibilité du processus décisionnel, ainsi qu’à l’appartenance de la décision aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit (arrêt Dunsmuir, précité, au paragraphe 47).
[19] Je suis d’accord avec le demandeur que certaines des conclusions de la Commission relatives à la crédibilité sont déraisonnables. Par exemple, la Commission a émis des réserves sur la crédibilité du demandeur en raison des incohérences dans ses déclarations quant aux tentatives du BSP de le trouver. Dans son FRP, le demandeur a déclaré que le BSP le cherchait, mais dans son témoignage lors de l’audience relative à sa demande d’asile, il a déclaré que les représentants du BSP, pour menacer son épouse afin qu’il se rende, s’étaient rendus chez lui vingt fois depuis que l’église clandestine qu’il fréquentait avait été découverte.
[20] Selon moi, l’information ajoutée par le demandeur lors de son audience n’est pas incohérente avec l’exposé circonstancié dans son FRP, mais il s’agit d’un nouvel élément de preuve dont il ne disposait pas lorsqu’il a rédigé son FRP. Selon ma lecture de la transcription, la façon selon laquelle la Commission a interrogé le demandeur relativement à ces déclarations était injuste. Il m’appert que le demandeur a fourni une explication logique pour ce que la Commission a qualifié d’incohérence. Ainsi, j’estime que la conclusion de la Commission sur cet aspect est déraisonnable.
[21] Il en va de même pour la conclusion de la Commission selon laquelle il était illogique que le demandeur, une semaine avant son voyage au Canada pour ce qu’il a estimé être « une occasion d’affaires rentable », assiste à une célébration à son église clandestine. L’explication du demandeur à ce sujet, d’après laquelle il devait rester fidèle à ses croyances malgré les conséquences auxquelles il pouvait être exposé, était parfaitement raisonnable de son point de vue. Son explication ne sortait certainement pas de ce qu’on peut raisonnablement s’attendre à ce que des croyants pratiquants fassent en cas d’adversité. Plutôt, il est presque insultant de donner à penser qu’un profit personnel potentiel tiré d’un voyage d’affaires au Canada aurait dû empiéter sur sa foi.
[22] Cela étant dit, je suis convaincu que les autres conclusions de la Commission, relatives à la crédibilité, sont raisonnables et qu’elles sont étayées par la preuve. Cela est vrai, par exemple, pour ce qui est de la conclusion de la Commission selon laquelle il est invraisemblable que les représentants du BSP continuent à se rendre chez le demandeur (vingt fois depuis la découverte de l’église clandestine), si les représentants du BSP savaient qu’il n’était pas encore revenu du Canada. Ce que je considère encore plus troublant c’est le fait que le BSP ait découvert l’église clandestine fréquentée par le demandeur deux jours avant l’expiration de son visa de visiteur au Canada, ou le fait que les représentants du BSP sont allés le chercher chez lui le même jour où son visa a expiré. Pourtant, la seule explication du demandeur était que « c’était ce qui était arrivé ». Ce n’était clairement pas une explication très convaincante, et la Commission pouvait raisonnablement conclure que, selon la prépondérance de la preuve, cette coïncidence était invraisemblable.
[23] Comme je l’ai dit ci‑dessus, il n’appartient pas à la Cour d’apprécier de nouveau les éléments de preuve et d’y substituer son propre point de vue. Bien que je ne sois pas d’accord avec chaque conclusion tirée par la Commission, et malgré le fait que certaines des conclusions sont clairement déraisonnables, je ne suis pas prêt à conclure que la décision, interprétée dans son ensemble, est déraisonnable ou qu’elle n’est pas étayée par la preuve.
[24] Il est vrai que, dans certaines affaires, une erreur déraisonnable peut entraîner la rupture de la chaîne des arguments et faire planer le doute sur le résultat : voir, par exemple, Song c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 1321. Néanmoins, ce n’est pas le cas en l’espèce. Dans la présente affaire, les conclusions ne sont ni déraisonnables au point d’éclipser les autres conclusions ni si intimement liées aux autres conclusions qu’elles en diminuent la force. Pour ces motifs, je ne suis pas prêt à annuler la décision et à renvoyer l’affaire pour nouvel examen sur cette seule base.
[25] Toutefois, la deuxième question soulevée par le demandeur est plus grave. La Commission a admis que le demandeur fréquentait une église chrétienne au Canada, mais elle a conclu qu’il n’était pas un véritable chrétien. La Commission a déclaré que le témoin manquait de crédibilité, et, en conséquence, elle a conclu qu’il avait acquis ses connaissances sur le christianisme au Canada pour appuyer une demande d’asile inventée et non pas parce qu’il était bien engagé dans la religion chrétienne. Sur cet aspect, la Commission a déclaré ce qui suit :
Le demandeur d’asile a fourni au tribunal une lettre datée du 27 janvier 2008 d’un pasteur au Canada ainsi qu’une autre lettre datée du 30 juin 2008 qui confirmait sa présence à l’église à partir du 24 septembre 2006. Le demandeur d’asile a indiqué qu’il avait demandé au pasteur une lettre afin d’appuyer sa demande d’asile. Il a fourni au tribunal un certificat de baptême daté du 25 décembre 2006 et délivré par son église au Canada. Le demandeur a été capable de répondre à des questions sur des renseignements de base au sujet du christianisme. J’admets qu’il va à une église chrétienne au Canada. Il est loisible au tribunal de conclure que le demandeur d’asile a qualité de réfugié au sens de la Convention parce que celui-ci ne pourrait pas pratiquer sa foi chrétienne s’il retournait en Chine. Toutefois, comme le tribunal estime que le demandeur d’asile n’est pas un témoin crédible, le tribunal a conclu, selon la prépondérance des probabilités, que le demandeur d’asile avait acquis ses connaissances du christianisme au Canada pour appuyer une demande d’asile inventée, et non pas parce que le demandeur d’asile est bien engagé dans la religion chrétienne.
[26] Cette conclusion attire des réserves parce qu’elle n’explique pas vraiment pourquoi la Commission ne croit pas que le demandeur est un véritable chrétien. La Commission pouvait raisonnablement conclure, sur la base du manque de crédibilité du demandeur, que le demandeur n’était pas membre d’une église clandestine en Chine. Toutefois, au vu de sa connaissance personnelle de la foi chrétienne, de son acte de baptême et de la lettre fournie par son pasteur, qui attestait qu’il fréquentait une église sur une base régulière, la Commission devait fournir une explication sur la raison pour laquelle elle estimait que le demandeur n’était pas un véritable chrétien, du moins depuis qu’il est au Canada. En fait, je pense que la présente affaire ressemble à la décision rendue par le juge Lagacé dans Yonghai Jiang c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 635. Dans cette affaire, de façon semblable, le demandeur avait soumis un acte de baptême de même qu’une lettre d’un pasteur canadien qui attestait que le demandeur était un membre actif de la même congrégation. Lorsqu’il est arrivé à la conclusion que le manquement de la Commission d’examiner ces éléments de preuve pertinents constituait une erreur susceptible de contrôle, le juge Lagacé a écrit ce qui suit :
[24] Certes, la Commission pouvait fort bien ne pas croire que le demandeur était un véritable adepte de la foi chrétienne et ne pas admettre les éléments qui confirmaient les dires du demandeur, mais, si tel était le cas, elle aurait dû aborder la question et se prononcer clairement. Il ne semble pas, au vu de sa décision, qu’elle a considéré la preuve qui confirmait les dires du demandeur sur cet aspect.
[25] Lorsque la Commission écrit dans sa décision que « [t]oute connaissance que le demandeur d’asile possède du christianisme [aurait pu] facilement avoir été acquise ici au Canada », cela ne suffit pas, ni ne règle la question […].
[27] Cette erreur a mené à une autre erreur : la Cour n’a pas déterminé si le demandeur devrait être considéré comme un réfugié sur place. Quel que soit le motif qui a conduit le demandeur à se convertir au christianisme, la Commission avait l’obligation de mener une analyse significative pour déterminer s’il pouvait être exposé à un risque en cas de renvoi en Chine. Sur cet aspect, je suis entièrement d’accord avec mon collègue le juge Blanchard dans Ejtehadian c. Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration, 2007 CF 158, lorsqu’il a déclaré ce qui suit au paragraphe 11 :
Dans le cadre d’une demande d’asile sur place, la preuve crédible des activités d’un demandeur au Canada susceptibles d’attester le risque d’un préjudice dès son retour doit être expressément prise en considération par la CISR, même si la motivation derrière ces activités n’est pas sincère : Mbokoso c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] A.C.F. no 1806 (QL). La décision défavorable de la CISR est fondée sur la conclusion que la conversion du demandeur n’est pas authentique et est « seulement une solution pour demeurer au Canada et demander l’asile ». La CISR a reconnu que le demandeur s’est converti et qu’il a même été ordonné prêtre de la confession mormone. La CISR a aussi accepté la preuve documentaire voulant que les apostats sont persécutés en Iran. En évaluant les risques auxquels le demandeur pourrait faire face à son retour, dans le cadre d’une demande d’asile sur place, il est nécessaire de tenir compte de la preuve crédible de ses activités au Canada, indépendamment des motifs derrière sa conversion. Même si les motifs de conversion du demandeur ne sont pas authentiques, tel que l’a conclu la CISR en l’espèce, l’imputation possible d’apostasie à l’égard du demandeur par les autorités iraniennes peut néanmoins être suffisante pour qu’il réponde aux exigences de la définition de la Convention.
Voir aussi : Guobao Huang c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 132, au paragraphe 8; YanLing Li c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 266, aux paragraphes 24 et 25.
[28] La seule chose que la Commission ait dite à ce sujet était que, si le demandeur voulait pratiquer sa religion en Chine, il pourrait le faire librement dans une église reconnue « car un nombre de plus en plus grand de citoyens chinois le font sans crainte de persécution ». Non seulement une telle conclusion n’est pas appropriée, mais elle est aussi inexacte. Il n’appartient pas à la Commission de dicter comment le demandeur devrait pratiquer sa foi. Comme cela ressort de la preuve documentaire (et en particulier de la Réponse aux demandes d’information datée du 27 avril 2007), certains groupes religieux en Chine choisissent de demeurer non enregistrés parce que l’enregistrement entraîne une surveillance par le gouvernement, et parfois le gouvernement interfère dans les décisions de doctrine des groupes religieux enregistrés. Il est parfaitement légitime que le demandeur choisisse de ne pas adhérer aux Églises enregistrées, s’il estime que c’est la seule façon de demeurer fidèle à sa foi. Il ressort de divers rapports que le gouvernement de la Chine ne permet pas à l’Église catholique enregistrée de reconnaître l’autorité du Vatican, et que le gouvernement nie plusieurs des dogmes fondamentaux de la foi catholique comme la résurrection et le concept de salut individuel. Il était donc déraisonnable que la Commission conclue que les différences entre l’Église patriotique et l’Église clandestine chrétienne n’avaient pas de conséquence, et que la Commission se concentre sur l’usage de la même bible pour conclure que les deux églises, dans l’ensemble, sont les mêmes. Non seulement la preuve est loin d’être adéquate sur cet aspect, mais en matière de foi, les choix personnels devraient prévaloir.
[29] Enfin, la Commission a conclu que les groupes chrétiens non enregistrés ne sont pas encouragés, mais tolérés. Toutefois, une lecture attentive du document sur lequel la Commission s’est fondée pour arriver à cette conclusion (Réponse aux demandes d’information CHN100387.EF) est beaucoup plus nuancée que cette simple affirmation. Il appert que l’application des règlements sur la religion est beaucoup plus stricte dans les régions urbaines que dans les régions rurales et que les fonctionnaires régionaux ont un grand pouvoir discrétionnaire pour déterminer si les maisons‑églises contreviennent aux règlements. En outre, le demandeur a présenté de nombreux documents établissant que la persécution religieuse et les descentes du gouvernement dans les églises clandestines sont toujours une réalité. La Commission n’a pas tenu compte de tous ces éléments de preuve contradictoire.
[30] Pour tous les motifs exposés ci‑dessus, je suis donc d’avis que la présente demande de contrôle judiciaire devra être accueillie et que l’affaire devra être renvoyée pour nouvel examen. Aucune question de portée générale n’est certifiée.
ORDONNANCE
LA COUR ORDONNE : la présente demande de contrôle judiciaire est accueillie. Aucune question n’est certifiée.
Traduction certifiée conforme
Laurence Endale, LL.M., M.A. Trad.jur.
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
Dossier : IMM-5203-08
INTITULÉ : HANQI CHEN
c.
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION
LIEU DE L’AUDIENCE : Toronto (Ontario)
DATE DE L’AUDIENCE : Le 7 mai 2009
MOTIFS DE L’ORDONNANCE
ET ORDONNANCE : LE JUGE de MONTIGNY
DATE DES MOTIFS : LE 9 JANVIER 2009
COMPARUTIONS :
Mary Keyork |
POUR LE DEMANDEUR HANQI CHEN
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Brand Gotkin |
POUR LE DÉFENDEUR LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION |
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Elliott Law Firm 602‑90, Promenade Allstate Markham (Ontario) L3R 6H3 905‑305‑8809
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POUR LE DEMANDEUR HANQI CHEN
|
Ministère de la Justice Section du contentieux des affaires civiles 130, rue King Ouest Bureau 3400, C.P. 36 Toronto (Ontario) M5X 1K6 416‑354‑8982 |
POUR LE DÉFENDEUR LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION |