Cour fédérale |
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Federal Court |
Montréal (Québec), le 29 octobre 2009
En présence de monsieur le juge Beaudry
ENTRE :
LUCROSSE SERMOT
demanderesses
et
ET DE L'IMMIGRATION
MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT
[1] Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire en vertu du paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, c. 27 (la Loi) à l’encontre de la décision de la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (le tribunal) rendue le 13 février 2009, selon laquelle Mildrede Sermot (la demanderesse), n’est pas une réfugiée au sens de la Convention tel que défini à l’article 96 de la Loi et n’est pas une personne à protéger selon l’article 97 de la Loi.
[2] La demanderesse est une citoyenne d’Haïti qui allègue avoir participé à des activités pacifiques contre le gouvernement de Jean Bertrand Aristide en novembre 2003. Elle quitte son pays pour se rendre aux États-Unis car elle aurait été battue lors de la manifestation et sa maison aurait été visitée par des chimères. Sa demande d'asile est refusée. En avril 2007, elle arrive au Canada et demande l'asile pour elle et sa fille mineure.
[3] La décision négative du tribunal est basée sur le manque de crédibilité et les contradictions dans le témoignage de la demanderesse. Après avoir analysé la preuve documentaire, le tribunal considère que la crainte alléguée par la demanderesse découle d'un risque généralisé.
[4] La norme de la décision raisonnable s'applique dans des circonstances semblables (Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 R.C.S. 190).
[5] La Cour doit déterminer si cette décision est justifiée et fondée sur la preuve présentée. La Cour doit aussi se demander si la conclusion du tribunal peut être acceptée comme une issue possible pouvant se justifier au regard des faits et du droit (Dunsmuir, au paragraphe 47).
[6] La demanderesse ne conteste pas les conclusions du tribunal quant à sa détermination au sujet de l’identité de sa fille et le rejet de sa demande. Elle ne conteste pas non plus les conclusions négatives au sujet de sa crédibilité.
[7] La seule question à trancher est celle de savoir si le tribunal a rendu une décision déraisonnable en concluant que la demanderesse n'était pas persécutée à cause de son appartenance au groupe social « femmes » en Haïti.
[8] La Cour est satisfaite que le tribunal a effectivement compris les motifs de persécution allégués par la demanderesse et a procédé à l’analyse de cette crainte. Voici ce qu'écrit le tribunal à ce sujet au paragraphe 18 :
Selon la preuve documentaire, la situation politique à Haïti est considérée comme stable depuis les élections de 2006, et la plupart des forces politiques acceptent les nouvelles règles du jeu et collabore avec Préval et le premier ministre. Seulement un faible pourcentage des partisans d'Aristide réclament encore aujourd'hui son retour en maintenant l’insécurité et la violence. Ceci est également confirmé par la pièce P-2, (Rapport d'Amnistie Internationale 2008), dans lequel on mentionne que les violences politiques sont demeurées relativement rares et l'agitation sociale et la violence étant plutôt la conséquence du taux de chômage élevé, de la pauvreté massive, et du trafic de drogue. Rien n’indique dans la preuve que la demandeure pourrait faire l’objet de violences spécifiques ou être persécutée pour son appartenance politique antérieure ou son appartenance au groupe social « femmes ». La preuve documentaire indique que le risque d’être victime de violence à Haïti par des gangs armés est un risque qu’on pourrait décrire comme un risque généralisé et qui ne serait pas lié à ces deux variables ci-dessus mentionnées. Le tribunal conclut donc que la demandeure n’a pas démontré objectivement sa crainte et qui serait liée à ses activités politiques ou son appartenance à un groupe social.
[9] Il est du ressort du tribunal d’apprécier l’ensemble de la preuve et de la jauger. Lorsque la détermination est raisonnable comme c'est le cas dans la cause ici, la Cour ne doit pas réévaluer la preuve lors de la demande d’un contrôle judiciaire (Singh c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2008 CF 408, [2008] A.C.F. no 547 au paragraphe 17 (QL); Malagon c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2008 CF 1068, [2008] A.C.F. no 1586 au paragraphe 44 (QL)).
[10] De plus, cet argument a été soulevé récemment et le juge Lagacé y a répondu de la façon suivante dans l'arrêt Soimin c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2009 CF 218, [2009] A.C.F. no 246 (QL), au paragraphe 14 :
La violence crainte par la demanderesse résulte de l'activité criminelle et généralisée ayant cours en Haïti et non pas d'un ciblage discriminatoire des femmes en particulier. Le préjudice craint est de nature criminelle sans aucun lien avec la définition de réfugié au sens de la Convention. Il faut distinguer le risque généralisé d’une situation dans un pays et le risque probable d'une personne en raison d'une situation qui lui est propre.
[11] La Cour croit que cet obiter s'applique ici.
[12] La demanderesse pose la question suivante pour être certifiée :
Est-ce que la Convention s'applique pour les femmes là où il y a un contexte de violence généralisée et où elles se font violer?
[13] Le défendeur s'oppose à cette question. La Cour considère que cette question est trop générale.
JUGEMENT
LA COUR ORDONNE que la demande de contrôle judiciaire soit rejetée. Aucune question n'est certifiée.
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : IMM-1638-09
INTITULÉ : MILDREDE SERMOT
LUCROSSE SERMOT
et LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ
ET DE L'IMMIGRATION
LIEU DE L’AUDIENCE : Montréal (Québec)
DATE DE L’AUDIENCE : le 28 octobre 2009
MOTIFS DU JUGEMENT
DATE DES MOTIFS : le 29 octobre 2009
COMPARUTIONS :
Claudette Menghile
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POUR LA PARTIE DEMANDERESSE |
Émilie Tremblay
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POUR LA PARTIE DÉFENDERESSE |
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Claudette Menghile Montréal (Québec)
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POUR LA PARTIE DEMANDERESSE |
John H. Sims Sous-procureur général du Canada Montréal (Québec) |
POUR LA PARTIE DÉFENDERESSE |