Cour fédérale |
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Federal Court |
Ottawa (Ontario), ce 29e jour d’octobre 2009
En présence de l’honorable juge Pinard
ENTRE :
Partie demanderesse
et
ET DE L’IMMIGRATION
MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT
[1] Il s’agit ici d’une demande de contrôle judiciaire, en vertu du paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. (2001), ch. 27 (la Loi), d’une décision rendue par la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (la SPR) le 5 janvier 2009, rejetant la demande de protection du demandeur.
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[2] Monsieur Selvin Manrique Villeda Mejia (le demandeur) est citoyen de l’Honduras. Il demande l’asile sur la base de l’article 96 et de l’alinéa 97(1)b) de la Loi.
[3] Il a quitté le Honduras le 5 juin 2007 et a passé par le Guatemala, le Mexique et les États-Unis pour arriver au Canada le 30 septembre 2007 et demander l’asile au Canada à cette même date.
[4] Le demandeur allègue que sa vie est en danger au Honduras. Il prétend qu’à son retour chez lui après une journée de travail le 29 mai 2007, il a été attaqué et battu brutalement par trois hommes qu’il dit ne pas connaître. Le demandeur soutient que ces hommes sont liés aux Maras (un gang) et qu’ils lui auraient demandé de l’argent qu’il ne leur aurait pas donné.
[5] Son beau-frère l’aurait accompagné au poste de police pour déposer une plainte. Un policier l’aurait faussement accusé d’être lui-même un membre des Maras. L’officier l’aurait longuement questionné sur ses activités et l’aurait laissé partir sans rien faire pour lui.
[6] Plus tard, vers 18 h 30 le même jour, le demandeur se trouvait chez sa cousine quand trois hommes armés seraient allés chez sa sœur pour le chercher. Ces hommes seraient restés dehors jusqu’à passé 21 heures. La sœur du demandeur lui aurait dit de ne pas entrer à la maison. Le soir même, il serait parti pour Masica où ses parents habitent.
[7] Le 2 juin 2007, ces mêmes hommes seraient arrivés à sa recherche à Masica. Parce qu’ils ne savaient pas où habitaient ses parents, un ami d’enfance a pu en temps aviser ces derniers. Le demandeur aurait alors quitté la maison et se serait caché.
[8] Les hommes auraient trouvé la maison et auraient dit à la mère du demandeur que celui-ci était déjà un homme mort. Selon le demandeur, porter plainte contre eux serait considéré comme une trahison contre « l’Organisation » et celle-ci ne le lui pardonnerait pas.
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[9] Dans sa décision, la SPR a relevé les anomalies suivantes dans la version des faits du demandeur :
§ Le demandeur témoigne ne pas connaître les individus qui l’ont attaqué lors de son agression du 29 mai 2007. De plus, le demandeur n’a pas fourni d’explications pourquoi il a mentionné dans son Formulaire de renseignements personnels (« FRP ») que la date d’agression serait plutôt celle du 29 mars.
§ Le demandeur a mentionné dans son FRP avoir été brutalement battu, mais il a témoigné n’avoir subi que des ecchymoses.
[10] Le tribunal n’ayant reçu aucun document corroborant les allégations du demandeur, a conclu que celui-ci n’avait pas démontré la véracité de son récit selon la prépondérance des probabilités.
[11] Même si le tribunal n’a pas explicitement déclaré que le demandeur n’était pas crédible, il ne l’a manifestement pas cru; il a conclu qu’il ne s’était pas déchargé de son fardeau de démontrer qu’il a une crainte bien fondée de persécution au Honduras ou qu’il serait exposé aux risques et menaces allégués.
[12] Le tribunal a en outre conclu être en présence d’un cas de criminalité, que le demandeur n’était pas visé personnellement, qu’il y a un risque de criminalité généralisée au Honduras et que le demandeur n’a pas démontré qu’il était exposé à un risque différent d’autres personnes originaires de ce pays. Le tribunal a donc jugé qu’il ne s’agissait pas d’un cas d’opinion politique imputée.
[13] Enfin, le tribunal n’en est pas venu à une conclusion sur la capacité de l’État de protéger le demandeur parce que ce dernier ne s’est pas déchargé de son fardeau de démontrer le bien-fondé de sa crainte.
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[14] En présence d'une question touchant aux faits établis dans le cadre de l’exercice d’un pouvoir discrétionnaire, la norme de contrôle est celle de la décision raisonnable (Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, [2008] 1 R.C.S. 190, au paragraphe 53). Les conclusions sur la crédibilité sont généralement à l’abri du contrôle judiciaire. Selon la Cour d’appel fédérale dans Aguebor c. Canada (M.E.I.), 160 N.R. 315, au paragraphe 4 :
Il ne fait pas de doute que le tribunal spécialisé qu’est la section du statut de réfugié a pleine compétence pour apprécier la plausibilité d'un témoignage. Qui, en effet, mieux que lui, est en mesure de jauger la crédibilité d'un récit et de tirer les inférences qui s'imposent? Dans la mesure où les inférences que le tribunal tire ne sont pas déraisonnables au point d'attirer notre intervention, ses conclusions sont à l'abri du contrôle judiciaire. . . .
[15] L’avocate du demandeur affirme que ce dernier a attiré l’attention du tribunal sur le fait qu’en raison d’une erreur cléricale, il fallait bien lire « mai » et non pas « mas [sic] » 2007 sur son FRP. Toutefois, la SPR a noté au paragraphe 11 de sa décision :
Le demandeur témoigne ne pas connaître les individus qui l’ont attaqué lors de son agression du 29 mai 2007. Le demandeur n’a pas d’explication pourquoi il a mentionné dans son FRP il a mentionné que la date serait plutôt le 29 mars. . . .
(C’est moi qui souligne.)
[16] Pour cette raison, le demandeur soutient que le tribunal a tiré une conclusion sans tenir compte des faits présentés à l’audience. Or, l’affirmation du demandeur ne peut être vérifiée, la transcription de l’audience devant le tribunal n’ayant pas été déposée.
[17] Quoi qu’il en soit, il y a d’autres motifs pour appuyer la conclusion que le demandeur n’était pas crédible. En effet, le tribunal a également relevé une contradiction entre les allégations du demandeur dans son témoignage et dans son FRP quant à l’intensité de l’attaque qu’il prétend avoir subie. Au surplus, il a noté qu’aucun document ou autre élément de preuve n’avait été déposé pour justifier les allégations du demandeur.
[18] La présomption que le témoignage sous serment d’un requérant est véridique peut toujours être réfutée. Le tribunal ne peut pas exiger des documents corroboratifs pour les prétentions du demandeur, mais il peut soulever l’absence de preuves documentaires pertinentes s’il trouve des contradictions ou des inconsistances dans son témoignage. Ici, le tribunal était justifié de soulever l’absence de preuve, que ce soit un rapport médical attestant des blessures alléguées ou une copie de la plainte faite auprès de la police.
[19] Le demandeur allègue en outre que le tribunal n’a pas observé les principes de justice naturelle ou d’équité procédurale, parce que ses motifs ne sont pas suffisants. Je n’accepte pas cette prétention.
[20] D’abord, le tribunal n’a pas accepté l’argument que le demandeur a une opinion politique imputée. Le tribunal a écrit : « l’analyse du tribunal a été faite selon l’article 97 » et « [il] retient qu’il s’agit d’un cas de criminalité et que le demandeur n’était pas visé personnellement ». Puis le tribunal n’a pas ignoré l’affirmation faite par le demandeur, dans son affidavit, qu’il a été personnellement menacé; le tribunal n’a tout simplement pas cru l’histoire du demandeur. La conclusion d’absence de crédibilité du témoignage du revendicateur peut s’étendre à toutes les prétentions liées à ce témoignage; dans Singh c. Le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration, 2001 CFPI 472, au paragraphe 19, le juge Edmond Blanchard a retenu :
La crédibilité étant à la base d’un témoignage devant la Section du statut, cette Cour a, à maintes reprises, réitéré la position du Juge MacGuigan dans l’arrêt Sheikh c. Canada (M.E.I.), [1990] 3 C.F. 238 (C.A.F.), stipulant qu’une conclusion générale du manque de crédibilité du demandeur peut fort bien s’étendre à tous les éléments de preuve pertinents de son témoignage.
[21] Le tribunal a ainsi rejeté l’allégation du demandeur qu’il était exposé à un risque différent d’autres personnes originaires du Honduras. Le tribunal a aussi retenu l’événement allégué survenu le 29 mai 2007 comme un risque de criminalité généralisée.
[22] J’accepte donc l’argument du défendeur voulant que les motifs fournis par le tribunal, bien que succincts, soient clairs et intelligibles et permettent au demandeur de comprendre pourquoi sa demande d’asile a été rejetée.
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[23] Pour toutes ces raisons, la demande de contrôle judiciaire est rejetée.
JUGEMENT
La demande de contrôle judiciaire de la décision rendue le 5 janvier 2009 par la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié est rejetée.
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : IMM-356-09
INTITULÉ : Selvin Manrique VILLEDA MEJIA c. LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION
LIEU DE L’AUDIENCE : Montréal (Québec)
DATE DE L’AUDIENCE : Le 13 octobre 2009
ET JUGEMENT : Le juge Pinard
DATE DES MOTIFS : Le 29 octobre 2009
COMPARUTIONS :
Me Gisela Barraza POUR LA PARTIE DEMANDERESSE
Me Sylviane Roy POUR LA PARTIE DÉFENDERESSE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Gisela Barraza POUR LA PARTIE DEMANDERESSE
Montréal (Québec)
John H. Sims, c.r. POUR LA PARTIE DÉFENDERESSE
Sous-procureur général du Canada