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Federal Court

 

Cour fédérale


 

Date : 20091027

Dossier : T-210-09

Référence : 2009 CF 1096

Ottawa (Ontario), le 27 octobre 2009

En présence de monsieur le juge Near

 

 

ENTRE :

LORO PIANA S.P.A.

demanderesse

et

 

LE CONSEIL CANADIEN DES INGÉNIEURS (CCI)

défendeur

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Il s’agit d’un appel interjeté en vertu de l’article 56 de la Loi sur les marques de commerce, L.R.C. 1985, ch. T-13, et de l’alinéa 300d) des Règles des Cours fédérales (DORS/98-106) à la suite d’une décision rendue par une agente d’audience (l’agente d’audience) de la Commission des oppositions des marques de commerce le 11 décembre 2008, dans le cadre d’une procédure engagée en vertu de l’article 45 de la Loi sur les marques de commerce (la Loi) en vue de modifier la marque de commerce enregistrée ING. LORO PIANA & C., dont le numéro d’enregistrement est TMA 359,462, en application du paragraphe 45(3) de la Loi.

 

I.          Le contexte

 

[2]               La demanderesse est propriétaire de la marque de commerce enregistrée ING. LORO PIANA & C., dont le numéro d’enregistrement est TMA 359,462 (la marque de commerce). La marque de commerce vise les marchandises suivantes : étoffes, couvre-lits, couvertures, foulards, cache-cols, châles et gants (les marchandises enregistrées). Le 13 juillet 2007, le registraire des marques de commerce a consigné un changement de nom du propriétaire inscrit de la marque de commerce : le nom Ing. Loro Piana & C. S.P.A. a été remplacé par Loro Piana S.P.A.

 

[3]               Le 2 janvier 2007, à la demande du Conseil canadien des ingénieurs (le défendeur), le registraire des marques de commerce a délivré, en vertu du paragraphe 45(1) de la Loi sur les marques de commerce, un avis exigeant qu’Ing. Loro Piana & C. S.P.A., qui était à l’époque le propriétaire inscrit de la marque de commerce ING. LORO PIANA & C., fournisse une preuve indiquant, à l’égard de chacune des marchandises précisées dans l’enregistrement, si la marque de commerce avait été employée au Canada à un moment quelconque au cours des trois ans précédant la date de l’avis, soit entre le 2 janvier 2004 et le 2 janvier 2007 (la période pertinente).

 

[4]               En réponse à l’avis délivré en vertu de l’article 45, la demanderesse a produit un affidavit, accompagné de diverses pièces, de la part de Marco Paolo Baldanza, directeur financier de Loro Piana S.P.A., en date du 9 octobre 2007. Dans son affidavit, M. Baldanza a déclaré que  la marque de commerce avait été employée au Canada au cours de la période pertinente pour les marchandises enregistrées. L’affidavit ajoutait que la demanderesse est spécialisée dans la confection et la vente de tissus de grande qualité et qu’elle conçoit et produit une gamme de vêtements prêt-à-porter et faits sur mesure pour hommes, femmes et enfants. Les marchandises sont fabriquées dans les propres installations du déposant et leur distribution est assurée par un réseau mondial de boutiques, de franchises et de magasins spécialisés que Loro Piana exploite directement.

 

[5]               Était joint à l’affidavit, en tant que pièces, un exemple d’étiquette illustrant la marque de commerce, laquelle est cousue dans les marchandises de l’entreprise, de même qu’une étiquette volante illustrant la marque de commerce et elle aussi fixée aux marchandises. Étaient également joints à l’affidavit des photocopies de factures et un index qui, selon M. Baldanza, montraient les ventes réalisées par le déposant à l’égard des marchandises portant la marque de commerce au Canada au cours de la période pertinente. Il s’agissait là de la preuve dont disposait l’agente d’audience au moment où elle a rendu sa décision.

 

[6]               Par la suite, ni la demanderesse ni le défendeur n’ont soumis des arguments écrits au registraire, ni demandé la tenue d’une audience. Le défendeur a fait savoir au registraire qu’il souhaitait recevoir une décision. L’agente d’audience a rendu une décision écrite le 11 décembre 2008 (la décision).

 

[7]               Le défendeur n’a pas déposé d’avis de comparution et n’a pas pris position dans le cadre de la présente demande.

 

II.         La décision

 

[8]               Dans sa décision écrite, l’agente d’audience a indiqué que l’emploi de la marque de commerce ING. LORO PIANA & C. avait été démontré relativement aux marchandises qualifiées d’étoffes mais pas aux autres marchandises visées par l’enregistrement, à savoir les couvre-lits, couvertures, foulards, cache-cols, châles et gants (les marchandises restantes), et qu’il n’y avait aucune preuve de circonstances spéciales qui justifiaient l’absence d’emploi. L’agente d’audience a donc décidé qu’il convenait de modifier la liste des marchandises enregistrées afin de supprimer les marchandises restantes.

 

[9]               L’agente d’audience a tranché plusieurs points en se fondant sur la preuve qui lui avait été soumise. Premièrement, le texte additionnel qui figurait sur les étiquettes incluses dans les pièces ne serait pas considéré comme faisant partie de la marque de commerce en soi. Deuxièmement, pour ce qui était de l’élément de dessin, un client ordinaire, qui regarderait les étiquettes cousues et les étiquettes volantes du déposant, serait capable de relever plusieurs marques de commerce, soit ING. LORO PIANA & C., le dessin de l’écusson et ING LORO PIANA & C. et le dessin de l’écusson. De plus, l’agente d’audience a conclu que chacune des deux premières marques précisées ressortait suffisamment par rapport à la marque composée pour avoir une identité distinctive. Troisièmement, les marchandises énumérées sur les factures étaient difficiles à discerner car elles étaient énumérées par code de produit plutôt que par description textuelle, et aucune explication  n’indiquait quelles marchandises étaient liées aux codes de produit en particulier.

 

[10]           Au vu de ces constatations, l’agente d’audience a conclu que la preuve produite attestait la vente d’étoffes mais que, sans explication au sujet du type de marchandises qui était lié aux codes de produit restants, il lui était impossible de conclure s’il y avait ou non une preuve de vente relativement aux marchandises restantes.

 

[11]           Je souscris à la conclusion de l’agente d’audience et je la fais mienne pour ce qui est des étoffes et, dans les présents motifs, j’examinerai les marchandises restantes.

 

III.       La norme de contrôle applicable

 

[12]           Aux termes du paragraphe 56(1) de la Loi, un appel de toute décision du registraire des marques de commerce peut être interjeté auprès de la Cour fédérale :

Appel

 

56. (1) Appel de toute décision rendue par le registraire, sous le régime de la présente loi, peut être interjeté à la Cour fédérale dans les deux mois qui suivent la date où le registraire a expédié l’avis de la décision ou dans tel délai supplémentaire accordé par le tribunal, soit avant, soit après l’expiration des deux mois.

Appeal

 

56. (1) An appeal lies to the Federal Court from any decision of the Registrar under this Act within two months from the date on which notice of the decision was dispatched by the Registrar or within such further time as the Court may allow, either before or after the expiration of the two months

 

[13]           Aux termes du paragraphe 56(5) de la Loi, une preuve nouvelle peut être déposée en appel et la Cour fédérale peut exercer toute la discrétion dont le registraire est investi :

Preuve additionnelle

 

56 (5) Lors de l’appel, il peut être apporté une preuve en plus de celle qui a été fournie devant le registraire, et le tribunal peut exercer toute discrétion dont le registraire est investi.

Additional evidence

 

56 (5) On an appeal under subsection (1), evidence in addition to that adduced before the Registrar may be adduced

and the Federal Court may exercise any discretion vested in the Registrar.

 

[14]           En appel, la norme de contrôle à appliquer lorsqu’aucune preuve nouvelle n’est déposée qui aurait influé de façon significative sur les conclusions du registraire ou sur l’exercice de son pouvoir discrétionnaire est la décision raisonnable (voir Mattel Inc. c. 3894207 Canada Inc., [2006] 1 R.C.S. 772, 49 C.P.R. (4th) 321, aux paragraphes 40 et 41, Guido Berlucchi & C.S.r.l. c. Brouillette Kosie Prince, 2007 CF 245, 49 C.P.R. (4th) 321, au paragraphe 23, ainsi que  Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 R.C.S. 190).

 

[15]           Quand, dans le cadre de l’appel, on dépose une preuve additionnelle qui aurait influé de manière significative sur les conclusions de fait du registraire ou sur l’exercice de son pouvoir discrétionnaire, la Cour doit trancher la question de novo en tenant compte de la totalité des éléments de preuve qui lui sont soumis (Shell Canada Limitée c. P.T. Sari Incofood Corporation, 2008 CAF 279, 68 C.P.R. (4th) 390). Pour évaluer l’effet que cette preuve additionnelle aura par rapport à la norme de contrôle, il est nécessaire de déterminer la mesure dans laquelle cette preuve a une importance probante qui s’étend au-delà des éléments dont disposait la Commission (Guido Berlucchi & C.S.r.l., précitée, et Fairweather Ltd. c. Canada (Registraire des marques de commerce), 2006 CF 1248, C.P.R. (4th) 50).

 

[16]           À la Commission des oppositions des marques de commerce, la demanderesse a déposé l’affidavit de M. Baldanza ainsi que les pièces qui y étaient jointes. La demanderesse a déposé des éléments de preuve additionnels dans l’appel interjeté auprès de la Cour, y compris un second affidavit, daté du 24 mars 2009, de M. Baldanza, directeur financier de Loro Piana S.P.A. Dans ce second affidavit, M. Baldanza déclare qu’en plus d’appliquer la marque de commerce à des étoffes, le déposant l’a appliquée aussi à des couvre-lits, couvertures, foulards, cache-cols, châles et gants qui ont été vendus à des clients canadiens entre le 4 août 2004 et le 1er août 2006. Il ajoute que les factures concernent un certain nombre d’articles, dont les marchandises restantes, et que la marque de commerce du déposant a été appliquée aux étiquettes cousues et aux étiquettes volantes fixées à chacune des marchandises mentionnées dans ces pièces. À l’appui de ces dires, M. Baldanza a inclus sept factures ainsi que des étiquettes cousues et des étiquettes volantes représentatives en tant que pièces jointes au second affidavit.

 

[17]           La demanderesse soutient que le second affidavit et les pièces qui y étaient jointes, de pair avec le premier affidavit soumis à l’agente d’audience, confirment que le déposant a employé la marque de commerce au Canada durant la période pertinente à l’égard de chacune des marchandises restantes.

 

[18]           Dans le second affidavit, M. Baldanza déclare aussi que, même si les factures ne font pas expressément référence à des [traduction] « cache-cols », à des [traduction] « couvre-lits » ou à des [traduction] « couvertures », l’entreprise a vendu des [traduction] « étoles » et des [traduction] « jetées », qu’elle considère comme la même chose.

 

[19]           Je suis convaincu que les éléments de preuve nouveaux ont une importance probante à tel point qu’ils auraient influé sur la décision du registraire. La question sera de ce fait examinée de novo.

 

IV.       Les principes généraux liés à l’article 45 de la Loi sur les marques de commerce

 

[20]           L’article 45 de la Loi sur les marques de commerce est conçu pour être une simple procédure sommaire et expéditive destinée à supprimer les marques qui ne sont pas véritablement revendiquées par leur propriétaire comme étant actives. Les procédures engagées en vertu de cet article ne visent pas à remplacer la procédure d’abandon, pas plus qu’à trancher des droits substantiels qui peuvent faire l’objet d’un litige entre les parties.

 

[21]           Le texte de l’article 45 est le suivant :

Le registraire peut exiger une preuve d’emploi

 

45. (1) Le registraire peut, et doit sur demande écrite présentée après trois années à compter de la date de l’enregistrement d’une marque de commerce, par une personne qui verse les droits prescrits, à moins qu’il ne voie une raison valable à l’effet contraire, donner au propriétaire inscrit un avis lui enjoignant de fournir, dans les trois mois, un affidavit ou une déclaration solennelle indiquant, à l’égard de chacune des marchandises ou de chacun des services que spécifie l’enregistrement, si la marque de commerce a été employée au Canada à un moment quelconque au cours des trois ans précédant la date de l’avis et, dans la négative, la date où elle a été ainsi employée en dernier lieu et la raison de son défaut d’emploi depuis cette date.

 

Forme de la preuve

 

(2) Le registraire ne peut recevoir aucune preuve autre que cet affidavit ou cette déclaration solennelle, mais il peut entendre des représentations faites par le propriétaire inscrit de la marque de commerce ou pour celui-ci ou par la personne à la demande de qui l’avis a été donné ou pour celle-ci.

 

Effet du non-usage

 

(3) Lorsqu’il apparaît au registraire, en raison de la preuve qui lui est fournie ou du défaut de fournir une telle preuve, que la marque de commerce, soit à l’égard de la totalité des marchandises ou services spécifiés dans l’enregistrement, soit à l’égard de l’une de ces marchandises ou de l’un de ces services, n’a été employée au Canada à aucun moment au cours des trois ans précédant la date de l’avis et que le défaut d’emploi n’a pas été attribuable à des circonstances spéciales qui le justifient, l’enregistrement de cette marque de commerce est susceptible de radiation ou de modification en conséquence.

 

Avis au propriétaire

 

(4) Lorsque le registraire décide ou non de radier ou de modifier l’enregistrement de la marque de commerce, il notifie sa décision, avec les motifs pertinents, au propriétaire inscrit de la marque de commerce et à la personne à la demande de qui l’avis visé au paragraphe (1) a été donné.

 

 

Mesures à prendre par le registraire

 

(5) Le registraire agit en conformité avec sa décision si aucun appel n’en est interjeté dans le délai prévu par la présente loi ou, si un appel est interjeté, il agit en conformité avec le jugement définitif rendu dans cet appel.

 

Registrar may request evidence of user

 

45. (1) The Registrar may at any time and, at the written request made after three years from the date of the registration of a trademark by any person who pays the prescribed fee shall, unless the Registrar sees good reason to the contrary, give notice to the registered owner of the trademark requiring the registered owner to furnish within three months an affidavit or a statutory declaration showing, with respect to each of the wares or services specified in the registration, whether the trademark was in use in Canada at any time during the three year period immediately preceding the date of the notice and, if not, the date when it was last so in use and the reason for the absence of such use since that date.

 

 

Form of evidence

 

(2) The Registrar shall not receive any evidence other than the affidavit or statutory declaration, but may hear representations made by or on behalf of the registered owner of the trademark or by or on behalf of the person at whose request the notice was given.

 

 

 

Effect of non-use

 

(3) Where, by reason of the evidence furnished to the Registrar or the failure to furnish any evidence, it appears to the Registrar that a trademark, either with respect to all of the wares or services specified in the registration or with respect to any of those wares or services, was not used in Canada at any time during the three year period immediately preceding the date of the notice and that the absence of use has not been due to special circumstances that excuse the absence of use, the registration of the trakemark is liable to be expunged or amended accordingly.

 

 

Notice to owner

 

(4) When the Registrar reaches a decision whether or not the registration of a trademark ought to be expunged or amended, he shall give notice of his decision with the reasons therefore to the registered owner of the trademark and to the person at whose request the notice referred to in subsection (1) was given.

 

Action by Registrar

 

 

(5) The Registrar shall act in accordance with his decision if no appeal therefrom is taken within the time limited by this Act or, if an appeal is taken, shall act in accordance with the final judgment given in the appeal.

 

 

[22]           Dans le cadre d’une procédure engagée en vertu de l’article 45, c’est le propriétaire inscrit qui supporte le fardeau de la preuve. Ce dernier doit établir une preuve prima facie d’emploi au sens de l’article 4 de la Loi sur les marques de commerce, et les doutes quelconques que la preuve peut susciter doivent être tranchés en faveur du propriétaire de la marque de commerce (Fairweather Ltd., précitée, au paragraphe 41). Un affidavit contenant de simples allégations d’emploi qui ne font que suivre le libellé de la loi ne suffit pas. L’affidavit ne doit pas simplement faire état d’un emploi; il doit en faire la preuve en décrivant des faits à partir desquels le registraire ou la Cour peut se faire une opinion ou déduire logiquement qu’il y a eu emploi (voir Guido Berlucchi & C.S.r.l., précitée, aux paragraphes 19 et 20).

 

[23]           Une procédure engagée en vertu de l’article 45 est censée être une mesure simple et expéditive dont l’objet est de supprimer du registre le « bois mort », et non un exercice d’analyse verbale méticuleuse (voir l’analyse du juge Roger Hughes dans la décision Levi Strauss & Co. c. Canada (Registraire des marques de commerce), 2006 CF 654, 51 C.P.R. (4th) 434, aux paragraphes 17 à 21). Lorsque le mot employé pour décrire une marchandise a changé par rapport à l’usage courant mais que l’on a continué d’employer la marque de commerce pour cette marchandise, il est permis de conserver l’emploi du mot désuet.

 

V.        Les arguments invoqués et l’analyse

 

A.         Le pouvoir de rendre la décision datée du 11 décembre 2008

 

[24]           Au départ, la demanderesse a fait valoir que la décision ne paraissait pas avoir été rendue en vertu de la disposition appropriée. Elle était d’avis que l’agente n’avait pas mentionné dans sa décision qu’elle agissait au nom du registraire des marques de commerce ou qu’elle rendait la décision dans l’exercice du pouvoir qui lui était délégué par le registraire des marques de commerce aux termes du paragraphe 63(3) de la Loi sur les marques de commerce.

 

[25]           Ensuite, la Commission a fourni à la demanderesse une copie d’un acte écrit signé par le registraire des marques de commerce en date du 24 janvier 2008, qui autorisait l’agente d’audience à exercer les pouvoirs du registraire aux termes de l’article 63 en vue d’appliquer, notamment, l’article 45 de la Loi. La demanderesse est maintenant d’avis que la délégation de pouvoirs à l’agente d’audience semble appropriée et que la décision paraît donc avoir été rendue pour le compte du registraire des marques de commerce. Il n’est pas nécessaire de ce fait d’examiner cette question.

 

B.         Le second affidavit de M. Baldanza

 

[26]           La demanderesse soutient que le second affidavit de M. Baldanza établit que les marchandises restantes ont été vendues à des clients canadiens en ce qui concerne la marque de commerce entre le 2 janvier 2004 et le 2 janvier 2007. Elle déclare également que ce second affidavit établit que le déposant a appliqué la marque de commerce sur des étiquettes et que ces étiquettes ont elles-mêmes été fixées aux marchandises vendues qui sont indiquées dans les factures photocopiées. Le premier affidavit de M. Baldanza montre le mode d’emploi des étiquettes cousues et des étiquettes volantes, qui sont fixées aux marchandises.

 

[27]           Je signale que la date des factures de vente tombe dans la période pertinente et que ces dernières prouvent que la demanderesse a vendu des marchandises à des entités canadiennes. Par conséquent, cette dernière a fourni une preuve que les marchandises restantes avaient été vendues au Canada au cours de la période pertinente. En tirant cette conclusion, j’ai décidé que, pour ces ventes, les « étoles » étaient des « cache-cols » et que les « couvre-lits » ou les « couvertures » étaient des « jetées » (voir le juge Hughes, dans Levi Strauss & Co., précitée, aux paragraphes 17 à 21).

 

C.        Les écarts par rapport à la forme enregistrée de la marque de commerce

 

[28]           Le critère qui permet de déterminer si une marque de commerce comportant un écart par rapport à l’enregistrement est nettement différente de ce dernier a été énoncé par le juge Pratte dans la décision Registraire des marques de commerce c. Compagnie Internationale pour l’informatique CII Honeywell Bull, [1985] 1 C.F. 406, 4 C.P.R. (3d) 523 (C.A.F.), aux pages 408 et 409 :

Il ne s'agit pas de déterminer si CII a trompé le public quant à l'origine de ses marchandises. Elle ne l'a manifestement pas fait. La seule et véritable question qui se pose consiste à se demander si, en identifiant ses marchandises comme elle l'a fait, CII a employé sa marque de commerce « Bull » . Il faut répondre non à cette question sauf si la marque a été employée d'une façon telle qu'elle n'a pas perdu son identité et qu'elle est demeurée reconnaissable malgré les distinctions existant entre la forme sous laquelle elle a été enregistrée et celle sous laquelle elle a été employée. Le critère pratique qu'il faut appliquer pour résoudre un cas de cette nature consiste à comparer la marque de commerce enregistrée et la marque de commerce employée et à déterminer si les distinctions existant entre ces deux marques sont à ce point minimes qu'un acheteur non averti conclurait, selon toute probabilité, qu'elles identifient toutes deux, malgré leurs différences, des marchandises ayant la même origine.

 

[29]           Je signale également que dans la décision Nightingale Interloc Ltd. c. Prodesign Ltd. (1984), 2 C.P.R. (3d) 535, [1984] C.O.M.C. no 52, l’agent d’audience a décrit deux principes liés à un écart acceptable d’une marque de commerce par rapport à sa forme enregistrée. Le premier de ces principes est l’emploi de la marque en combinaison avec des matières additionnelles. Le second est l’emploi de la marque qui s’écarte légèrement de l’enregistrement initial, mais sans être nettement différent de ce dernier.

 

[30]           Les étiquettes cousues et les étiquettes volantes contiennent des mots additionnels, comme [traduction] « TISSU FABRIQUÉ EN ITALIE » et « Super 120’s ». Je suis d’accord avec l’agente d’audience et la demanderesse que la marque de commerce se distingue des matières additionnelles et qu’on n’aurait pas l’impression que les mots additionnels font partie de la marque de commerce en soi, car ils sont écrits dans des caractères proportionnellement plus petits ainsi que dans des styles différents.

 

[31]           Je suis également d’accord avec l’agente d’audience que le client ordinaire, en regardant les étiquettes cousues et les étiquettes volantes, serait capable de relever plusieurs marques de commerce, comme ING. LORNO PIANA & C., le dessin de l’écusson, et ING. LORO PIANA & C. et le dessin de l’écusson, et que les deux premières de ces marques ressortent suffisamment par rapport à la troisième marque composée pour avoir une identité qui est distinctive de l’ensemble. Par conséquent, la marque de commerce qui est en litige en l’espèce  (TMA 359,462) est distinctive et ressort par rapport aux autres mots et aux autres marques.

 

[32]           Les étiquettes cousues et les étiquettes volantes semblent utiliser une variante de la marque de commerce, présentée en style calligraphique. Il est évident que des modifications prudentes peuvent être apportées sans conséquences fâcheuses dans la mesure où l’on préserve les mêmes traits dominants et où les différences sont à ce point insignifiantes qu’elles ne trompent pas l’acheteur non averti (voir Promafil Canada Ltee c. Munsingwear Inc. (1992), 44 C.P.R. (3d) 59, [1992] A.C.F. no 611 (C.A.F.)). Dans la décision Honey Dew, Ltd. c. Rudd et al, [1929] Ex.C.R. 83, 1 D.L.R. 449, le protonotaire Maclean s’est dit préoccupé par la pratique consistant à s’écarter de la forme précise d’une marque de commerce enregistrée. Il a quand même jugé que, dans cette affaire, la marque en question, qui s’écartait de l’enregistrement sur le plan de la disposition et de la forme des lettres, était acceptable car elle n’était pas nettement différente, personne n’était induit en erreur et l’écart ne pouvait causer aucun préjudice.

 

[33]           Dans le cas présent, le style calligraphique n’est pas nettement différent de la marque enregistrée car les mêmes caractéristiques dominantes, les mots constituant la marque de commerce, sont conservées sans ajout ou soustraction, et les différences sont insignifiantes et n’induiraient pas en erreur un acheteur non averti.


 

JUGEMENT

 

LA COUR ORDONNE :

 

1.                  l’appel est accueilli et la décision datée du 11 décembre 2008 de la Commission des oppositions des marques de commerce au sujet de l’enregistrement de la marque de commerce no TMA 359, 462 est annulée;

 

2.                  l’enregistrement de la marque de commerce no TMA 359, 462 sera maintenu dans le registre sans modification;

 

3.                  aucuns dépens ne seront adjugés.

 

 

« D. G. Near »

Juge

 

Traduction certifiée conforme

David Aubry, LL.B.

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        T-210-09

 

INTITULÉ :                                       LORO PIANA S.P.A. c.

                                                            LE CONSEIL CANADIEN DES INGÉNIEURS

 

 

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 OTTAWA

 

DATE DE L’AUDIENCE :               LE 14 OCTOBRE 2009

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              LE JUGE NEAR

 

DATE DES MOTIFS

ET DU JUGEMENT :                       LE 27 OCTOBRE 2009

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Gary Partington

613-236-9561

 

POUR LA DEMANDERESSE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Gary Partington / Coleen Morrison

Avocats

Ottawa (Ontario)

 

POUR LA DEMANDERESSE

Elizabeth G. Elliot

Macera & Jarzyna LLP

Ottawa (Ontario)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

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